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Sommaire du numéro


REVUE MEDICALE SUISSE 512


DERMATOLOGIE



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ISO 690 Domizio, J., D., Pagnoni, A., Huber, M., Hohl, D., Gilliet, M., Le
microbiote cutané : le poids lourd sort de l’ombre, Rev Med Suisse, 2016/512
(Vol.12), p. 660–664. DOI: 10.53738/REVMED.2016.12.512.0660 URL:
https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2016/revue-medicale-suisse-512/le-microbiote-cutane-le-poids-lourd-sort-de-l-ombre
MLA Domizio, J., D., et al. Le microbiote cutané : le poids lourd sort de
l’ombre, Rev Med Suisse, Vol. 12, no. 512, 2016, pp. 660–664. APA Domizio, J.,
D., Pagnoni, A., Huber, M., Hohl, D., Gilliet, M. (2016), Le microbiote cutané :
le poids lourd sort de l’ombre, Rev Med Suisse, 12, no. 512, 660–664.
https://doi.org/10.53738/REVMED.2016.12.512.0660 NLM Domizio, J., D., et al.Le
microbiote cutané : le poids lourd sort de l’ombre. Rev Med Suisse. 2016; 12
(512): 660–664. DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2016.12.512.0660 Exporter la
citation Zotero (.ris) EndNote (.enw)

dermatologie
30 mars 2016


LE MICROBIOTE CUTANÉ : LE POIDS LOURD SORT DE L’OMBRE

 * Jeremy Di Domizio
 * Alessandra Pagnoni
 * Marcel Huber
 * Daniel Hohl
 * Michel Gilliet

DOI: 10.53738/REVMED.2016.12.512.0660

The skin contains many commensal bacteria. For years, these microbes have been
considered to be exploiters of the human host for nutrients. However, recent
findings indicates that the skin microbiota is also used by the human host to
protect himself against invading pathogens as the commensal bacteria have direct
antimicrobial capacity and provide factors required to mount a protective immune
responses in the skin. While the healthy skin microbiome functions as guardians
of host defense, increased or decreased bacterial composition of the skin
microbiome (called dysbiosis) leads to skin inflammation and disease. Here we
will review the emerging data on the role of distinct types of dysbiosis in the
pathogenesis skin diseases and illustrate how the new understanding of the role
of the skin microbiome has implications in the clinical management of skin
diseases.

RÉSUMÉ

La peau contient de nombreuses bactéries commensales. Depuis des années, on
considère que ces microbes exploitent leur hôte humain pour les nutriments.
Cependant, de récentes études indiquent que le microbiote est utilisé par l’hôte
pour se protéger contre les pathogènes invasifs grâce à l’activité
antimicrobienne directe des commensales et à leur capacité à induire des
réponses immunes protectrices. Alors que la flore normale de la peau constitue
une défense pour l’hôte, une augmentation ou une réduction de la composition
bactérienne (dysbiose) conduit à l’inflammation cutanée et à des maladies. Nous
allons revoir ici le rôle de différentes dysbioses dans la pathogénie de
maladies dermatologiques et comprendre comment moduler le microbiome de la peau
peut avoir des implications dans la prise en charge clinique des maladies
cutanées.


INTRODUCTION

Le microbiote humain est défini comme les groupes de micro-organismes qui vivent
en symbiose avec leur hôte humain et se compose de bactéries, de champignons et
de virus. Le microbiote est présent dans les différentes parties du corps dans
lesquelles un épithélium est en contact avec le monde extérieur : le tractus
digestif (estomac et intestins), la peau, les voies respiratoires (bouche,
pharynx et poumons) et l’appareil urogénital. Les bactéries sont le genre de
microorganismes prédominant dans le corps humain et sont également appelées
commensales ou flore normale pour les distinguer des bactéries pathogènes. Les
bactéries commensales partagent de nombreuses caractéristiques avec les
bactéries pathogènes comme leur capacité à pénétrer l’hôte, à se multiplier et à
se propager. Cependant, une différence-clé est que les commensales trouvent leur
niche naturelle dans l’organisme sans nuire à l’hôte. Au contraire, les
bactéries pathogènes envahissent l’hôte en endommageant les organes par leur
capacité unique à sécréter des toxines, à se multiplier dans les cellules de
l’hôte et à induire une inflammation. Il y a environ 1014 bactéries commensales
qui colonisent notre corps. C’est un nombre considérable si l’on tient compte
que nos cellules humaines sont surpassées en nombre d’un facteur 10.1 Ce ratio a
été cependant réexaminé et recalculé récemment, et se rapproche plutôt d’un
ratio 1 : 1.2

Mais que font toutes ces bactéries commensales dans notre corps ? Sont-elles
uniquement là pour nous exploiter ou tironsnous avantage, en tant qu’hôte, de
cette colonisation ? Quel est leur impact sur notre santé et comment
pouvons-nous les moduler en notre faveur ? Nous allons passer en revue le rôle
du microbiote dans la peau humaine en nous basant sur les nouvelles découvertes
passionnantes, faites ces dernières années.


MICROBIOTE CUTANÉ : QUOI DE NEUF ?

Bien que l’on sache depuis longtemps que la peau est colonisée par des microbes
commensaux, leur identification a été traditionnellement basée sur des méthodes
de culture et de comptage de colonies vivantes. Cette méthode d’identification
des espèces bactériennes est biaisée en faveur des bactéries qui peuvent
facilement pousser. L’avènement de techniques moléculaires, qui permettent le
séquençage du gène codant pour l’ARN ribosomal 16S spécifique des cellules
procaryotes et suffisamment variable pour des analyses phylogénétiques, a révélé
une diversité d’espèces plus importante du microbiote qui vit avec son hôte. En
effet, plus de 1000 espèces bactériennes ont été identifiées qui composent le
microbiote humain.3–5 Alors que le microbiote cutané classique comprend des
bactéries comme Staphylococcus epidermidis, Staphylococcus hominis (bactéries
commensales communes), Streptococcus mitis, Propionibacterium acnes,
Corynebacterium spp., Acinetobacter johnsoni (bactéries commensales fréquentes),
et Staphylococcus warneri (bactéries commensales peu fréquentes), de nouvelles
techniques basées sur l’ARN ribosomal 16S ont révélé que la peau contient plus
de 300 sous-espèces bactériennes commensales.6

Une autre découverte rendue possible par les nouvelles méthodes d’identification
est la variabilité du microbiote entre les différentes zones anatomiques de la
peau : des zones cutanées différentes abritent des communautés bactériennes
différentes. Le niveau de diversification dépend de la température, de
l’humidité et du contenu lipidique de la peau. Trois microenvironnements cutanés
principaux peuvent être définis : les zones grasses (le visage, l’intérieur des
oreilles, l’arrière du cuir chevelu, le haut du torse et le dos), les zones
humides (l’intérieur des narines, les aisselles, entre les doigts, la fosse
cubitale, la fosse poplitée, les plis inguinaux, le sillon interfessier, la
voute plantaire et le nombril) et les zones sèches (les bras, les paumes des
mains et les fesses). En comparant les espèces bactériennes trouvées dans ces
différentes zones cutanées, il a été montré que les propionibactéries
prédominent dans les zones grasses, les corynébactéries et les staphylocoques
sont abondants dans les zones humides, alors qu’une population mixte est
retrouvée dans les zones sèches, parmi lesquelles les β-protéobactéries sont les
plus abondantes.5 Bien que le microbiote de la peau retrouvé dans chaque zone
cutanée semble stable dans le temps pour une personne donnée, les fréquences
relatives de ces espèces bactériennes peuvent varier grandement entre les
individus.5 Cette variabilité interindividuelle du microbiome de la peau soulève
de nombreuses questions sur son acquisition (environnemental, rôle de la
génétique) et sur son rôle dans le développement des maladies cutanées.

Enfin, il est désormais clair que les bactéries commensales sont non seulement
présentes dans l’épiderme, les glandes sébacées et sudoripares, ainsi que les
follicules pileux, mais également dans des sites cutanés, précédemment supposés
stériles, comme le derme et l’hypoderme.7 Ces observations soulèvent de
nombreuses questions, en particulier celle de leur interaction avec le système
immunitaire.


RÔLE DU MICROBIOTE CUTANÉ : DU COMMENSALISME AU MUTUALISME

L’abondance de bactéries dans les intestins et la peau soulève la question de
leur rôle dans le maintien de la santé de l’hôte. Au fil des ans, on a pensé que
les commensales exploitaient l’hôte humain pour leur bénéfice. Des découvertes
plus récentes ont révélé que l’hôte profite en fait du commensalisme pour se
protéger des infections par des microbes pathogènes. En effet, la présence de
bactéries commensales protège contre les bactéries pathogènes via deux
mécanismes (figure 1). D’une part, elles entrent en compétition pour les
nutriments et pour l’espace disponible, ce qui réduit donc le risque que des
bactéries pathogènes puissent proliférer. D’autre part, elles peuvent également
produire des bactériocines, des composés qui peuvent tuer d’autres espèces
bactériennes. Une expérience novatrice effectuée par le groupe de R. Gallo a
montré que des doigts désinfectés pouvaient être facilement contaminés par des
streptocoques du groupe A ou par Staphylococcus epidermidis. Cependant, si les
doigts sont d’abord contaminés par le staphylocoque commensal, une contamination
ultérieure par des streptocoques pathogènes est fortement réduite.8 Il a en
outre identifié le mécanisme comme étant dépendant de la production de la toxine
delta par le staphylocoque qui, en coopération avec l’hôte, tue les
streptocoques.9 D’autres évidences d’un rôle antibactérien des bactéries
commensales viennent de l’observation d’une infectiosité accrue des souris
axéniques ou des souris traitées avec des antibiotiques, ainsi que le taux accru
de colonisation par des pathogènes des patients traités avec des antibiotiques.

FIG 1

Rôle du microbiote normal de la peau

Les bactéries commensales qui composent en partie le microbiote cutané sont
présentes à la surface de la peau, dans l’épiderme et également dans les couches
plus profondes comme le derme. Elles protègent l’hôte contre une colonisation
par des bactéries pathogènes en rentrant en compétition pour les nutriments et
en sécrétant des bactériocines. Elles induisent également l’expression de
l’IL-17 par les lymphocytes T et de peptides antimicrobiens (AMP) par les
kératinocytes, conduisant à la mise en place d’une immunité protectrice contre
le risque d’infection.

Outre son rôle antibactérien direct, le microbiome semble également être central
dans l’éducation du système immunitaire. Cette notion a émergé initialement de
l’analyse du microbiome intestinal, démontré comme requis pour le développement
des tissus lymphoïdes associés au tube digestif et des ganglions lymphatiques
mésentériques.10 Par conséquent, les souris dépourvues de flore intestinale
échouent à monter des réponses immunes appropriées et succombent à des
infections intestinales.11,12 Une autre fonction du microbiote intestinal est
l’induction de lymphocytes T régulateurs qui inhibent l’inflammation excessive
et protègent contre l’autoimmunité. En effet, la monocolonisation du tube
digestif avec Bacteroides fragilis permet l’induction de lymphocytes T
régulateurs qui produisent de l’IL-10, et aussi de réguler les réponses
inflammatoires.13 Le microbiote cutané joue également un rôle dans la formation
des réponses immunes dans la peau pour le contrôle des infections cutanées.14 En
effet, Staphylococcus epidermidis, l’une des bactéries commensales
prépondérantes de la peau, est requis pour l’induction de l’expression d’IL-17,
une cytokine essentielle dans les réponses immunitaires protégeant contre les
bactéries pathogènes invasives et les infections à candida.15 Le microbiote
cutané est aussi central pour l’induction de l’expression de peptides
antimicrobiens dans la peau, qui sont de petits peptides produits par les
kératinocytes et par les cellules immunes infiltrant la peau, pour protéger
contre l’envahissement par des microbes lorsque la barrière cutanée est rompue.
Nous assistons donc à une révolution conceptuelle de la compréhension du rôle du
microbiome cutané. Leur rôle exclusif comme bactéries commensales tirant
avantage de l’organisme hôte a désormais évolué vers le concept de mutualisme
dans lequel les bactéries et l’hôte ont tous les deux leurs bénéfices. L’hôte
exploite le microbiote pour s’offrir une protection efficace contre les
microorganismes envahisseurs (production de bactériocines, induction de peptides
antimicrobiens) et aussi pour façonner la fonction essentielle du système
immunitaire de la peau.


DYSBIOSE CUTANÉE

Etant donné le rôle central du microbiote dans la régulation des réponses
immunes, il n’est pas surprenant que des anomalies (augmentation ou déficience)
de la composition bactérienne du microbiote, appelées dysbioses, puissent
conduire au développement de pathologies inflammatoires (figure 2). Dans le tube
digestif, la dysbiose peut conduire aux maladies inflammatoires chroniques de
l’intestin (MICI), mais également à l’obésité et aux troubles métaboliques. Dans
la maladie de Crohn, la dysbiose conduit à la rupture de tolérance envers les
bactéries commensales de l’intestin entraînant des taux élevés d’anticorps qui
ciblent les microbes intestinaux et ceci corrèle avec la progression de la
maladie. Plusieurs études ont également observé une dysbiose intestinale chez
les patients obèses et chez les patients souffrant de dysfonctionnement
métabolique.16 Les bactéries entériques sont connues pour participer à
l’extraction d’énergie à partir des aliments et l’on pense que des ratios
déséquilibrés en bactéries commensales modifient le stockage des graisses tout
en induisant une légère inflammation. La dysbiose intestinale a même été liée à
des troubles du développement neuronal et au cancer.

FIG 2

Dysbioses et maladies de la peau

L’augmentation ou la réduction de la diversité bactérienne, appelée dysbiose,
favorise l’émergence de bactéries pathogènes et / ou un dérèglement des réponses
immunes qui peuvent être à l’origine du développement de certaines maladies
cutanées comme l’acné, la dermatite atopique, l’hidradénite suppurée ou
peut-être même le psoriasis.

Mais la dysbiose cutanée joue-t-elle un rôle dans la pathogenèse des maladies de
la peau ?


ACNÉ VULGAIRE

L’acné vulgaire est la première maladie de la peau dans laquelle une dysbiose a
été liée à la pathologie. L’acné est caractérisée par la présence de souches de
Propionibacterium acnes qui sécrètent des lipases, des protéases et des facteurs
chimiotactiques pour les neutrophiles, entraînant une inflammation aiguë de
l’unité pilo-sébacée. Alors que P. acnes est l’espèce bactérienne prédominante
dans les zones grasses de la peau, les souches de P. acnes chez les patients
souffrant d’acné sont distinctes de celles retrouvées chez les individus sains.


DERMATITE ATOPIQUE

La dysbiose cutanée dans la dermatite atopique est caractérisée par une
diminution de la diversité bactérienne qui permet la colonisation de la peau par
Staphylococcus aureus.17 S. aureus apparaît comme un facteur pathogène pendant
les poussées inflammatoires de la dermatite atopique. L’origine de la dysbiose
avec présence de S. aureus est multifactorielle : d’abord, des mutations dans le
gène codant pour la filaggrine et une barrière épidermique défectueuse
pourraient fournir une protection diminuée et permettre une colonisation accrue
par S. aureus ; ensuite, la réponse immune biaisée vers Th2 diminue l’expression
des peptides antimicrobiens et assure donc moins de protection contre S. aureus
; enfin, un microbiome déficient avec une protection diminuée contre les
bactéries pathogènes pourrait avoir été acquis tôt au cours de la vie (par
exemple : pendant l’accouchement par césarienne).


HIDRADÉNITE SUPPURÉE

L’hidradénite suppurée est une autre maladie inflammatoire de la peau qui a été
liée à la dysbiose cutanée. En effet, l’analyse du microbiote a révélé un plus
grand nombre de bactéries et un degré de diversité bactérienne plus important
comparée à la peau saine.18 Des preuves pour un rôle pathogénique de cette
dysbiose proviennent du fait qu’un traitement antibiotique prolongé est un
traitement efficace de l’hidradénite suppurée. En outre, une origine infectieuse
est à écarter en regard du caractère chronique/évolutif de la maladie. Les
futures études devront identifier les bactéries à l’origine de cette dysbiose
afin de trouver des traitements plus efficaces.


PSORIASIS

Le psoriasis est considéré classiquement comme une maladie inflammatoire
chronique de la peau qui est difficilement infectée grâce à l’expression accrue
de peptides antimicrobiens. Cependant, des découvertes récentes sur le rôle du
microbiome à induire l’expression de peptides antimicrobiens dans la peau et
l’observation du microbiome cutané jouant un rôle essentiel dans l’induction des
réponses Th17 ont rouvert la question du rôle d’une dysbiose dans la pathogenèse
du psoriasis. De nombreuses études ont observé une augmentation des
β-protéobactéries dans le microbiote des lésions psoriasiques de la peau, mais
la signification de cette dysbiose nécessite davantage d’investigations. En
accord avec un rôle potentiel du microbiome dans le psoriasis, certains auteurs
décrivent une amélioration de la pathologie après antibiothérapie avec des
macrolides ou de l’isoniazide.


IMPLICATIONS CLINIQUES

Le concept de dysbiose et les connaissances sur la fonction du microbiome cutané
ont des implications cliniques importantes. Il faut garder à l’esprit que la
réduction généralisée de la charge bactérienne de la peau (dans le contexte
d’infections bactériennes pathogènes ou d’une dysbiose avec augmentation du
microbiote) conduira à une réduction de la flore microbienne normale avec, par
conséquent, une augmentation du risque d’infections et des poussées
inflammatoires.

Par exemple, dans la dermatite atopique, les traitements antibiotiques ciblant
S. aureus peuvent temporairement améliorer la maladie pendant les poussées.
Cependant, les antiseptiques et antibiotiques topiques ne devraient pas être
utilisés pendant les périodes de rémission en tant que mesure préventive
puisqu’ils perturbent le microbiome et augmentent le risque d’infections et de
poussées sur le long terme. En revanche, les émollients devraient être utilisés
puisqu’il a été démontré qu’ils permettent de réduire la présence de S. aureus
en améliorant la déficience de la barrière cutanée sans pour autant affecter le
microbiote.19

Mais comment peut-on améliorer la dysbiose et restaurer un microbiome cutané
normal ? Les stratégies thérapeutiques pour la dysbiose intestinale incluent
l’administration orale de probiotiques ou la transplantation fécale. Cette
dernière consiste en l’ingestion de selles encapsulées d’un donneur sain
contenant son microbiote intestinal sous forme de pilule donnée aux patients
souffrant d’infections à Clostridium difficile mais aussi à ceux souffrant du
syndrome de l’intestin irritable ou de colite inflammatoire.

L’intervention thérapeutique pour la dysbiose cutanée en est à ses
balbutiements. Très peu d’études ont évalué la possibilité de restaurer la
dysbiose et traiter les maladies de la peau par transfert de microbiote sur les
lésions cutanées. Biedermann et coll. ont traité une cohorte de 25 patients
souffrant de dermatite atopique avec un placebo ou une crème contenant la
bactérie commensale Vitreoscilla filiformis pendant 30 jours.20 Ils ont observé
une diminution significative du score SCORAD et du prurit chez les patients
recevant le traitement actif en comparaison du placebo. Dans des études
parallèles, il a été montré que Vitreoscilla filiformis réduisait également
l’inflammation induite par des allergènes dans un modèle murin de dermatite
atopique21 et induisait la production du peptide antimicrobien β-défensine in
vitro. Ceci apparaît comme une preuve évidente que l’application topique de
microbiote pourrait être utilisée pour restaurer un microbiome cutané sain et
traiter les maladies de la peau associées à une dysbiose.

Une autre approche intéressante pour prévenir la dysbiose cutanée, associée à un
risque accru de dermatite atopique et d’asthme (et même d’obésité), a été tentée
récemment. Le microbiome cutané est normalement acquis pendant la naissance par
le contact de la peau avec la flore vaginale dans le canal génital de la mère.
Les enfants nés par césarienne ne bénéficient généralement pas de cette
exposition et sont donc plus à risque de développer ces maladies. Le groupe de
Clemente a montré que l’exposition de bébés, nés par césarienne, au fluide
vaginal de la mère pouvait restaurer partiellement le microbiote cutané
déficient. Savoir si cette approche a une implication sur le développement de la
dermatite atopique reste à déterminer.

De récentes études ont également suggéré que la dysbiose intestinale pourrait
avoir un impact sur les maladies de la peau. Bien que cette piste de recherche
en soit encore à ses débuts, des rapports ont montré une association entre la
dysbiose intestinale et la dermatite atopique 22 ou encore l’effet bénéfique des
probiotiques oraux sur l’acné.23 En revanche, il reste à déterminer si la
dysbiose cutanée pourrait moduler des maladies systémiques.


CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES FUTURES

Le microbiome cutané a récemment émergé comme composant important de la santé de
notre peau. Par ailleurs, une augmentation ou une déficience du microbiome
cutané (dysbiose) apparaît comme un facteur-clé, impliqué dans certaines
maladies inflammatoires de la peau. Les futures études devront alors identifier
son rôle dans d’autres maladies allant de l’inflammation au cancer et fournir
des stratégies spécifiques pour une intervention thérapeutique. Nous ne devons
pas non plus oublier qu’une petite partie du microbiome humain est constituée de
champignons, de virus et de parasites (par exemple, Demodex folliculorum sur le
visage). Leur étude fait encore face à des défis techniques; cependant, à
l’avenir, la recherche pourrait également découvrir la fonction de ces microbes
pour la santé de la peau et leur rôle possible dans les maladies cutanées. C’est
pourquoi comprendre le rôle du microbiome de la peau dans son intégralité, ainsi
que ses avantages potentiels, revêt une utilité majeure dans la prise de
décisions cliniques.


CONFLIT D’INTÉRÊTS :

Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.


IMPLICATIONS PRATIQUES

▪ Le microbiome de la peau saine protège contre les pathogènes invasifs.
L’élimination thérapeutique du microbiome cutané (par exemple : antibiotiques,
désinfection) favorise alors les infections pathogéniques de la peau

▪ La dermatite atopique est caractérisée par un appauvrissement de la diversité
bactérienne (dysbiose), ce qui favorise les infections par le staphylocoque doré
pathogène. La restauration du microbiome cutané (par exemple par des émollients)
devrait être un but thérapeutique à long terme

▪ La dysbiose avec augmentation de la diversité du microbiote bactérien pourrait
être à la base de la pathogenèse de l’hidradénite suppurée, de l’acné et
potentiellement du psoriasis. Des stratégies thérapeutiques spécifiques pour
restaurer le microbiome devraient être développées pour ces maladies


AUTEURS

JEREMY DI DOMIZIO



ALESSANDRA PAGNONI



MARCEL HUBER



DANIEL HOHL

Service de dermatologie et vénéréologie, CHUV
1011 Lausanne
daniel.hohl@chuv.ch

MICHEL GILLIET

Service de dermatologie et vénéréologie Centre hospitalier universitaire vaudois
Lausanne


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INFORMATION

Titre REVUE MEDICALE SUISSE 512 Éditeur Médecine et Hygiène Thème Dermatologie
TypeRevues ISSN 1660-9379 Durée 12 mois


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Revue médicale suisse
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COMITÉS

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Vogt, Lausanne (Cardiologie) ; Pr P. Vollenweider, Lausanne (Médecine interne
générale) ; Pr G. Waeber, Lausanne (Médecine interne) ; Dr G. Wuerzner, Lausanne
(Hypertension, néphrologie) ; Pr B. Yersin, Lausanne (Médecine d’urgence) ; Dr
G. Zulian, Collonge-Bellerive (Soins palliatifs) 


DERMATOLOGIE


LE MICROBIOTE CUTANÉ : LE POIDS LOURD SORT DE L’OMBRE

 * Jeremy Di Domizio
 * Alessandra Pagnoni
 * Marcel Huber
 * Daniel Hohl
 * Michel Gilliet

 * Introduction
 * Microbiote cutané : quoi de neuf ?
 * Rôle du microbiote cutané : du commensalisme au mutualisme
 * Dysbiose cutanée
 * Implications cliniques
 * Conclusions et perspectives futures

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ISO 690 Domizio, J., D., Pagnoni, A., Huber, M., Hohl, D., Gilliet, M., Le
microbiote cutané : le poids lourd sort de l’ombre, Rev Med Suisse, 2016/512
(Vol.12), p. 660–664. DOI: 10.53738/REVMED.2016.12.512.0660 URL:
https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2016/revue-medicale-suisse-512/le-microbiote-cutane-le-poids-lourd-sort-de-l-ombre
MLA Domizio, J., D., et al. Le microbiote cutané : le poids lourd sort de
l’ombre, Rev Med Suisse, Vol. 12, no. 512, 2016, pp. 660–664. APA Domizio, J.,
D., Pagnoni, A., Huber, M., Hohl, D., Gilliet, M. (2016), Le microbiote cutané :
le poids lourd sort de l’ombre, Rev Med Suisse, 12, no. 512, 660–664.
https://doi.org/10.53738/REVMED.2016.12.512.0660 NLM Domizio, J., D., et al.Le
microbiote cutané : le poids lourd sort de l’ombre. Rev Med Suisse. 2016; 12
(512): 660–664. DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2016.12.512.0660 Exporter la
citation Zotero (.ris) EndNote (.enw)


ABSTRACT

The skin contains many commensal bacteria. For years, these microbes have been
considered to be exploiters of the human host for nutrients. However, recent
findings indicates that the skin microbiota is also used by the human host to
protect himself against invading pathogens as the commensal bacteria have direct
antimicrobial capacity and provide factors required to mount a protective immune
responses in the skin. While the healthy skin microbiome functions as guardians
of host defense, increased or decreased bacterial composition of the skin
microbiome (called dysbiosis) leads to skin inflammation and disease. Here we
will review the emerging data on the role of distinct types of dysbiosis in the
pathogenesis skin diseases and illustrate how the new understanding of the role
of the skin microbiome has implications in the clinical management of skin
diseases.


SOMMAIRE DU NUMÉRO

30 mars 2016


512


DERMATOLOGIE

 * ISSN: 1660-9379
 * DOI: 10.53738/REVMED.2016.12.512


ÉDITORIAL

DERMATOLOGIE : EN ROUTE VERS LA MÉDECINE DE PRÉCISION

 * Michel Gilliet
 * Wolf-Henning Boehncke


DERMATOLOGIE

LA MÉMOIRE DANS LA PEAU : IMPLICATIONS CLINIQUES

 * Olivier Gaide

INDICATIONS OFF-LABEL DES TRAITEMENTS BIOLOGIQUES EN DERMATOLOGIE

 * Begonia Cortes

GRANULOMATOSES CUTANÉES

 * Marie-Astrid Peeters

ROSACÉE : OÙ EN SOMMES-NOUS ?

 * Justine Czernielewski
 * Curdin Conrad

PITYRIASIS RUBRA PILAIRE : UNE DERMATOSE MAL CONNUE

 * Sandrine Quenan

LE MICROBIOTE CUTANÉ : LE POIDS LOURD SORT DE L’OMBRE

 * Jeremy Di Domizio
 * Alessandra Pagnoni
 * Marcel Huber
 * Daniel Hohl
 * Michel Gilliet


AVANCÉE THÉRAPEUTIQUE

CRISPR : SE PRÉPARER À UNE RÉVOLUTION ANNONCÉE (1)

 * Jean-Yves Nau


POINT DE VUE

HOMOSEXUALITÉ ET PROCRÉATION : LE GRAND DANGER D’UN « MANIFESTE » FRANÇAIS

 * Jean-Yves Nau


LU POUR VOUS

QUELLE CIBLE POUR LE CONTRÔLE DE LA TENSION ARTÉRIELLE CHEZ DES PATIENTS À HAUT
RISQUÉ CARDIOVASCULAIRE ?

 * Lionel Carrel
 * Thierry Fumeaux


EN MARGE

MISCELLANÉES THERMALES ET LOMBALGIQUES, DIGESTIVES ET ALCOOLIQUES

 * Jean-Yves Nau


REVUE DE PRESSE

AUGMENTATION DES CANCERS MAIS AUSSI DES CHANCES DE SURVIE

PRÉVENTION DU BURN-OUT : LA STRATÉGIE DE LA POLICLINIQUE DES HUG

 * Sophie Davaris


BLOC-NOTES

« MÉDECIN DE CAMPAGNE », LE FILM ANTI-SÉRIES ?

 * Bertrand Kiefer


BIBLIOGRAPHIE

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LES AUTEURS DE L'ARTICLE

JEREMY DI DOMIZIO



ALESSANDRA PAGNONI



MARCEL HUBER



DANIEL HOHL

Service de dermatologie et vénéréologie, CHUV
1011 Lausanne
daniel.hohl@chuv.ch

MICHEL GILLIET

Service de dermatologie et vénéréologie Centre hospitalier universitaire vaudois
Lausanne




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