lejournal.cnrs.fr Open in urlscan Pro
185.175.5.43  Public Scan

Submitted URL: https://lejournal.cnrs.fr/articles/en-europe-20-ans-dactivisme-extra-parlementaire-de-lextreme-droite-sous-la-loupe-des#na...
Effective URL: https://lejournal.cnrs.fr/articles/en-europe-20-ans-dactivisme-extra-parlementaire-de-lextreme-droite-sous-la-loupe-des
Submission: On July 28 via api from LU — Scanned from FR

Form analysis 2 forms found in the DOM

GET /recherche

<form id="mobile-hf-form" class="inline-block" action="/recherche" method="get" accept-charset="UTF-8">
  <input class="input" type="text" placeholder="Rechercher" id="mobile-search-keywords" name="keywords" value="">
  <button class="submit icon-loop" type="submit" value="Submit"></button>
</form>

GET /recherche

<form id="hf-form" class="inline-block" action="/recherche" method="get" accept-charset="UTF-8">
  <input class="input" type="text" placeholder="Rechercher" id="search-keywords" name="keywords" value="">
  <button class="submit icon-loop" type="submit" value="Submit"></button>
</form>

Text Content

Accéder à la navigation
Accueil


Se connecter
S'inscrire

Thèmes
 * Vivant
 * Matière
 * Numérique
 * Sociétés
 * Terre
 * Univers

Formats
 * Articles
 * Audios
 * Diaporamas
 * Dossiers
 * Infographies
 * Points de vue
 * Vidéos

Donner du sens à la science


SUIVRE

 * Twitter(link is external)
 * Facebook(link is external)
 * Google(link is external)
 * Dailymotion(link is external)
 * RSS

 * Rechercher
 * Se connecter
 * S'inscrire
 * Mon compte
 * Nos blogs

English version Dossier spécial Covid-19
 * Vivant
 * Matière
 * Sociétés
 * Univers
 * Terre
 * Numérique
 * Mes thèmes
   
   PERSONNALISEZ VOTRE NAVIGATION
   
   Sélectionnez vos mots clefs ou thématiques favorites et créez votre rubrique
   personnalisée
   
    * Créer un compte
    * Se connecter
   
   
   
   
   
   Stay
 * Types
    * Articles
    * Audios
    * Diaporamas
    * Dossiers
    * Infographies
    * Points de vue
    * Vidéos
   
   
   
   
   Stay

Haut de page Nos blogs
Partager l'article
(link is external) (link is external)
-A +A

 * Imprimer


SECTIONS

 * Mobilisations conservatrices : intellectuels, mouvements sociaux et État 

 * Aller plus loin
 * Commentaires

Sociétés

VOUS ÊTES ICI

Accueil / Articles / En Europe, 20 ans d'activisme extra-parlementaire de
l’extrême droite sous la loupe des chercheurs


EN EUROPE, 20 ANS D'ACTIVISME EXTRA-PARLEMENTAIRE DE L’EXTRÊME DROITE SOUS LA
LOUPE DES CHERCHEURS

VOUS ÊTES ICI

Accueil / Articles / En Europe, 20 ans d'activisme extra-parlementaire de
l’extrême droite sous la loupe des chercheurs
0 commentaire
Sociétés
sciences politiques
-A +A

 * Imprimer

article


EN EUROPE, 20 ANS D'ACTIVISME EXTRA-PARLEMENTAIRE DE L’EXTRÊME DROITE SOUS LA
LOUPE DES CHERCHEURS

28.06.2024, par
Marina Julienne
En Italie, des membres du mouvement d'extrême droite CasaPound demandent la
fermeture d'une mosquée (Rome, 4 octobre 2017).
Giuseppe Ciccia / NurPhoto / NurPhoto via AFP
Partager
Partager
(link is external) (link is external)
À travers le projet de recherche européen de l’Observatoire des protestations
d’extrême droite en Europe (FARPO), Caterina Froio et Pietro Castelli Gattinara,
chercheurs en sciences politiques, collectent et analysent des données sur
l'activisme extra-parlementaire des partis et mouvements d’extrême droite depuis
2008.

Le projet FARPO (pour Far-Right Protest Observatory) s'appuie sur des données
recueillies par plusieurs projets financés par le Centre de recherche sur
l'extrémisme (C-REX), le programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de
l'Union européenne et la subvention Marie Skłodowska-Curie n° 883620 et la
Fondation nationale des sciences politiques. FARPO comprend deux jeux de données
différentes : le premier (FARPE), 2008-2018, offre une cartographie des
mobilisations d'un échantillon d'acteurs d'extreme droite dans 12 pays
(Autriche, Bulgarie, Estonie, France, Allemagne, Grèce, Hongrie, Italie,
Pologne, Slovaquie, Suède, Royaume-Uni). Le second (CFP), 2008-2021, élargit
l'analyse à la totalité des acteurs d'extreme droite dans 14 pays (Autriche,
Belgique, France, Géorgie, Allemagne, Grèce, Italie, Pays-Bas, Norvège, Pologne,
Slovaquie, Espagne, Suède, Ukraine).  
Pour en savoir plus : https://farpo.eu(link is external)

Quels sont les points communs entre les différents partis d’extrême droite en
Europe ? 
Caterina Froio1 et Pietro Castelli Gattinara2. La recherche comparative souligne
qu’historiquement, ces partis partagent une vision du monde qui combine le
nativisme, l’autoritarisme et le populisme. Cette idéologie est partagée par des
partis qui vont de Vox en Espagne, au PIS (Prawo i Sprawiedliwość, droit et
justice) en Pologne, en passant par le Rassemblement national (RN) en France,
l’AfD (Alternative für Deutschland, Alternative pour l'Allemagne), le PVV
(Partij voor de Vrijheid, le parti pour la liberté) en Hollande, etc. Le
« nativisme », qui combine nationalisme et xénophobie, constitue l’élément
idéologique central pour ces formations. Il est principalement associé aux
préjugés et à l’hostilité envers les immigrants. L’attitude nativiste consiste à
vouloir préserver de toutes menaces extérieures, et plus particulièrement de
l’immigration, une communauté prétendument homogène sur des bases ethniques,
religieuses et/ou culturelles.

Deuxième point commun, l’autoritarisme se caractérise par le respect de l’ordre
public à travers des politiques de répression et l'insistance à suivre les
hiérarchies et les traditions établies. Troisième caractéristique commune à
l’idéologie de ces différents partis d’extrême droite, le populisme renvoie à
une vision duale et manichéenne de la société, opposant un peuple représenté
comme « vertueux » à des élites jugées repliées sur elles-mêmes et
« corrompues » et qui affirme le primat d’une souveraineté du peuple sans
entraves.



Le Premier ministre hongrois Viktor Orban incarne cette droite qui défend les
valeurs traditionnelles de la famille. En Hongrie, pour procéder à un
avortement, un nouveau décret prévoit de faire d'abord écouter à la femme
enceinte le cœur de son fœtus.
Le Premier ministre hongrois Viktor Orban incarne cette droite qui défend les
valeurs traditionnelles de la famille. En Hongrie, pour procéder à un
avortement, un nouveau décret prévoit de faire d'abord écouter à la femme
enceinte le cœur de son fœtus.
GERGELY BESENYEI / AFP
GERGELY BESENYEI / AFP
Partager
Partager
(link is external) (link is external)



Enfin, depuis une dizaine d’années, leur discours s’est également distingué par
une opposition marquée envers ce que ces partis désignent, de manière
péjorative, sous l’appellation de « wokisme3 »,  un courant de pensée qui cible
les injustices et discriminations subies par les minorités ethniques, sexuelles
et religieuses, et que l'extrême droite dénonce en tant qu'« idéologie
étrangère », contraire aux valeurs prétendues de la communauté nationale, ainsi
qu'aux visions traditionnelles de la famille, du genre et du rôle de la religion
dans la société.

Respectent-ils tous les règles du jeu démocratique ?
C. F. et P. C. G. Pas forcément. Les spécialistes de politique comparée
distinguent entre, d’une part, les partis appartenant à la « droite radicale
populiste », qui critiquent la démocratie représentative et s’opposent aux
droits des minorités mais ne cherchent pas à renverser l’ordre constitutionnel
démocratique, du moins ouvertement ; et, d’autre part, des partis de la droite
dite « extrême » qui visent à remplacer la démocratie par un ordre totalitaire
sans dédaigner l’usage de la violence, d’État ou insurrectionnelle, avant ou
après la prise de pouvoir. Dans le premier groupe, nous mettons par exemple le
RN en France, les Fratelli d’Italia, les Démocrates de Suède (SD) ; dans
l’autre, des formations telles que Aube dorée en Grèce ou le parti « Notre
Slovaquie » de Marian Kotleba.



Le 6 janvier 2021, Donald Trump, tout juste battu par Joe Biden aux élections
présidentielles américaines, incite ses partisans à prendre d'assaut le
Capitole, à Washington. Pour « sauver l'Amérique », la foule pille et saccage
les bureaux du siège du Congrès. Une centaine de policiers seront blessés.
Le 6 janvier 2021, Donald Trump, tout juste battu par Joe Biden aux élections
présidentielles américaines, incite ses partisans à prendre d'assaut le
Capitole, à Washington. Pour « sauver l'Amérique », la foule pille et saccage
les bureaux du siège du Congrès. Une centaine de policiers seront blessés.
Mostafa Bassim / Anadolu Agency via AFP
Mostafa Bassim / Anadolu Agency via AFP
Partager
Partager
(link is external) (link is external)



Mais cette distinction commence à perdre sa pertinence, car il y a de plus en
plus d'hybridation entre droite radicale, droite extrême et, dans certains pays,
droite traditionnelle. Les chercheurs préfèrent donc utiliser le terme de « Far
right » (qu’on traduit par « ultradroite », faute de mieux). Un bon exemple de
cette hybridation est Donald Trump qui n’a pas hésité à remettre en cause le
résultat d’une élection démocratique en soutenant l’assaut du Capitole en
janvier 2021.

Il y a de plus en plus d'hybridation entre droite radicale, droite extrême et,
dans certains pays, droite traditionnelle.

En Europe, Viktor Orban, Premier ministre hongrois, a transformé le parti
libéral-conservateur Fidesz en un parti ouvertement nativiste, comme en
témoignent les mots de son leader : « Nous ne voulons pas être une “race mixte”,
qui se mélangerait avec des non-Européens4 ». 

Il est également important de considérer, au sein de l'extrême droite, les
nombreux mouvements extra-parlementaires, qui ne participent pas aux élections
et utilisent parfois la violence pour se faire entendre. En Irlande, en novembre
2023, des émeutes inédites ont éclaté dans le centre de Dublin, où plusieurs
centaines de personnes ont incendié des véhicules, pillé des commerces en
scandant des discours haineux contre les immigrés à la suite d’une attaque au
couteau attribuée, à tort, à un étranger. Les slogans visaient aussi
l’attribution de logements aux étrangers, dans un contexte de forte crise du
logement. En Grèce, les migrants sont régulièrement la cible d’agressions
physiques. Certains de ces mouvements peuvent progressivement se structurer et
s’intégrer dans la compétition électorale, comme ce fut le cas, dans le passé,
de la Ligue du Nord en Italie et du Front national en France, et plus récemment
des Démocrates de Suède ou du Parti populaire conservateur d'Estonie (EKRE).



Au centre-ville de Dublin (Irlande), suite à un fait divers, de violentes
émeutes éclatent contre les étrangers (novembre 2023).
Au centre-ville de Dublin (Irlande), suite à un fait divers, de violentes
émeutes éclatent contre les étrangers (novembre 2023).
Peter MURPHY / AFP
Peter MURPHY / AFP
Partager
Partager
(link is external) (link is external)



L’ultradroite rassemble donc des acteurs divers qui partagent l’aspiration à une
société culturellement homogène. Cette vision du monde est devenue de plus en
plus évidente après les attentats du 11 septembre 2001 à New York et de 2015 en
France, quand le débat dans la compétition politique en Europe s'est
définitivement recentré sur des questions dites « culturelles », notamment
l'immigration, l'asile et l'islam. Dans le discours d'extrême droite, ces
attaques ont été interprétées comme les signes d'un prétendu affrontement global
entre l'islam et l'Occident, ce qui a permis à certaines de ces formations de se
repositionner en tant que défenseurs de la démocratie libérale. Cela implique
d'adopter un libéralisme de façade pour stigmatiser les musulmans et d'autres
minorités issues de l'immigration comme une menace pour les valeurs de la
démocratie libérale, les droits des femmes et la laïcité.

Vous avez constitué une base de données sur l’extrême droite. Pourquoi et que
recense-t-elle ? 
C. F. et P. C. G. L'objectif est de fournir aux chercheurs des données en accès
libre pour explorer des questions cruciales en sciences humaines et sociales :
étudier les mobilisations extra-parlementaires de l'extrême droite permet de
comprendre comment ces formations s'implantent dans la société civile et
contribuent à restructurer le débat et les conflits politiques.

Jusqu'à présent, les études sur l’extrême droite se sont principalement
concentrées sur leurs performances électorales, leur idéologie et les
caractéristiques de leurs électeurs. Cependant, l'activisme extra-parlementaire
de l’extrême droite est aujourd’hui plus visible et significatif que jamais. Par
exemple, le 12 janvier 2015, Dresde a été le théâtre d'un rassemblement sans
précédent de 25 000 personnes organisé par les Patriotische Europäer gegen die
Islamisierung des Abendlandes (Européens patriotes contre l’islamisation de
l'Occident, ou Pegida), plaidant en faveur de lois sur l’immigration plus
strictes. Mais ces manifestations vont au-delà des questions d’immigration et
d’islamophobie, visant également les droits LGBTQI+ et l’avortement. Tel a été
le cas en Pologne en 2017 ou lors de la campagne Vizier op Links (Visez la
gauche) contre les universitaires aux Pays-Bas à partir de 2020, pour ne citer
que quelques exemples des nouveaux domaines extra-électoraux du militantisme
d’extrême droite.



À l'initiative du mouvement d'extrême droite Pegida, 25 000 personnes
manifestent le 12 janvier 2015 contre l'immigration, à Dresde, en Allemagne.
À l'initiative du mouvement d'extrême droite Pegida, 25 000 personnes
manifestent le 12 janvier 2015 contre l'immigration, à Dresde, en Allemagne.
Sean Gallup/Getty Images via AFP
Sean Gallup/Getty Images via AFP
Partager
Partager
(link is external) (link is external)



Il devient de plus en plus évident que l'extrême droite constitue désormais un
mouvement d'opinion cherchant à imposer un discours hégémonique régressif. Cela
se manifeste par une réorientation progressive des débats publics autour du
multiculturalisme, de la citoyenneté, des droits civils, ainsi que de la science
et de la liberté d'expression académique. 

Notre hypothèse est que l'activisme extra-parlementaire des partis politiques ou
des mouvements moins institutionnalisés participe à la constitution de l’extrême
droite en tant que mouvement d’opinion.

Notre hypothèse est que, parallèlement aux manifestations électorales,
l'activisme extra-parlementaire des partis politiques ou des mouvements moins
institutionnalisés participe à la constitution de l’extrême droite en tant que
mouvement d’opinion. Pour obtenir une vision précise de ces mobilisations à une
échelle comparative et dans le temps, nous avons analysé les « événements
protestataires », c’est-à-dire les manifestations collectives et publiques
menées par ces acteurs pour exprimer une critique ou un désaccord, ou pour faire
avancer des revendications par des moyens non institutionnels.

Il nous a fallu dix-sept assistants de recherche et plusieurs années pour
intégrer dans cette base tous les événements survenus entre 2008 et 2021
dans différents pays en Europe, y compris la Géorgie et l’Ukraine. Ces données
ont été recueillies à partir de deux sources principales : les principaux
journaux de chaque pays (par exemple, Le Figaro et Le Monde pour la France) et
les sites web des acteurs collectifs d’extrême droite eux-mêmes. Elles sont
désormais accessibles à tous sur le site de Farpo(link is external).

Le recueil de ces données a conduit à la visualisation de réseaux d’acteurs très
différents, par exemple entre la France et l’Italie... 
C. F. et P. C. G. Les données permettent de visualiser non seulement les
événements initiés par des partis ou mouvements d'extrême droite (comme ceux
organisées par Pegida chaque semaine pendant des mois à Dresde depuis 2014),
mais aussi ceux organisées par d’autres groupes auxquels l’extrême droite
participe avec ou sans invitation. C’est ainsi que des manifestations organisées
par les « gilets jaunes » en France ont été rejointes par des individus
d’extrême droite, et c’est pourquoi elles figurent sur le schéma ci-dessous.

Figure 1. Réseau des mouvements de protestation de l'extrême droite de 2008 à
2021 en France. On voit une nette séparation entre partis politiques et groupes
contestataires (c’est-à-dire acteurs collectifs qui ne participent pas aux
élections).
Figure 1. Réseau des mouvements de protestation de l'extrême droite de 2008 à
2021 en France. On voit une nette séparation entre partis politiques et groupes
contestataires (c’est-à-dire acteurs collectifs qui ne participent pas aux
élections).
Université Libre de Bruxelles/ Farpo.eu
Université Libre de Bruxelles/ Farpo.eu
Partager
Partager
(link is external) (link is external)

La figure 1 montre que l'activisme extra-parlementaire en France est dominé par
des acteurs non institutionnels, avec une stricte séparation entre partis
politiques et groupes protestataires. Parmi les événements répertoriés, 60 %
impliquaient uniquement des mouvements, 19 % des partis politiques et 20 % les
deux types d’acteurs. De plus, seulement 1 % des manifestations sont organisées
conjointement par des partis politiques et des acteurs non institutionnels. En
somme, la France présente une discontinuité notable, ou une compartimentation,
entre extrême droite institutionnelle et extra-parlementaire. Bien que certains
militants de base accèdent parfois à des rôles officiels ou participent aux
listes électorales du FN/RN (comme Philippe Vardon des Identitaires), ces deux
sphères restent plutôt déconnectées.

On voit clairement aussi que le RN est à distance des différents partis et
mouvements contestataires ; ce qui s’explique par la stratégie de Marine Le Pen
de normaliser son parti en essayant de s’éloigner des formations plus
sulfureuses. Enfin, on observe une dimension transnationale, même si l’analyse
des données ne nous permet pas de dire si ce sont les mouvements européens qui
participent à des manifestations organisées par l’extrême droite française, ou
l’inverse.



Figure 2. Réseau des mouvements de protestation de l'extrême droite de 2008 à
2021 en Italie. On voit que les partis politiques et les groupes contestataires
sont totalement imbriqués.
Figure 2. Réseau des mouvements de protestation de l'extrême droite de 2008 à
2021 en Italie. On voit que les partis politiques et les groupes contestataires
sont totalement imbriqués.
Université Libre de Bruxelles/ Farpo.eu
Université Libre de Bruxelles/ Farpo.eu
Partager
Partager
(link is external) (link is external)



L’Italie est un des pays en Europe (avec l’Allemagne) où les événements
protestataires de l’extrême droite sont les plus fréquents. Le réseau italien
(figure 2) a une configuration totalement différente du réseau français.
Mouvements et partis y sont beaucoup plus imbriqués, dans un réseau comprenant
au moins quatre centres qui correspondent à des partis fortement
institutionnalisés (Fratelli d’Italia, Ligue) mais aussi à des groupes
protestataires très radicaux (Forza Nuova, CasaPound Italia).

Même si l’extrême droite est au pouvoir en Italie, les manifestations de rue
continuent...
C. F. et P. C. G. Oui, cette configuration, que l’on trouve également en
Allemagne, montre que contrairement à une idée reçue, ce n’est pas parce qu'une
formation d’extrême droite obtient de « bons » résultats électoraux que
l'activisme extra-parlementaire diminue. Au contraire, en Italie comme en
Allemagne, activisme institutionnel et extra-institutionnel semblent se
renforcer mutuellement. En Allemagne, nous constatons une collaboration étroite
entre le parti AfD et Pegida. Nos analyses montrent la participation d’individus
proches de l’AfD lors des manifestations et d'autres initiatives contre
l'immigration et les politiques d'asile. Or, les liens entre mouvements et
partis ont des conséquences importantes : c'est précisément les liens entre
Pegida et certaines figures clés de l'AfD, développés tout au long de la « crise
des réfugiés », qui ont contribué à endurcir la ligne du parti en matière
d'immigration. Dans plusieurs pays, les frontières entre la politique
institutionnelle de l’extrême droite et l'activisme extra-parlementaire
deviennent ainsi de plus en plus poreuses.

Quels sont les pays les plus contestataires ? 
C. F. et P. C. G. Tous les pays offrent un terreau fertile à l'activisme
extra-parlementaire de l’extrême droite. Mais sur un total de près de
5 000 événements recensés dans la base de données CFP sur la période 2008-2021,
l’Allemagne et l’Italie sont largement en tête, avec respectivement un total de
1 450 et 822 manifestations, contre 350 en France, 252 en Pologne, 172 en
Belgique, par exemple.



Carte des manifestations d'extrême droite en Europe entre 2008 et 2018 (FARPE).
À Rome, par exemple, CasaPound Italia et Forza Nuova ont mené 287 événements
protestataires sur la période.
Carte des manifestations d'extrême droite en Europe entre 2008 et 2018 (FARPE).
À Rome, par exemple, CasaPound Italia et Forza Nuova ont mené 287 événements
protestataires sur la période.
Pietro CASTELLI GATTINARA / FARPO Far-Right Protest Observatory
Pietro CASTELLI GATTINARA / FARPO Far-Right Protest Observatory
Partager
Partager
(link is external) (link is external)



Comment expliquez-vous cette particularité italienne, le pays où l’extrême
droite est la plus présente à la fois dans les urnes et dans la rue ? 
C. F. et P. C. G. En Italie, il existe une forte interconnexion entre la droite
institutionnelle et extra-institutionnelle. Le succès électoral des partis
d'extrême droite s'est appuyé, historiquement, sur un fort activisme de rue,
créant une dynamique de soutien mutuel. Aujourd'hui, l'activisme
extra-parlementaire reste intense et souvent radical, car la force électorale
des partis politiques tels que Fratelli d'Italia et la Ligue légitime et à la
fois protège contre des possibles sanctions.

Y a-t-il une augmentation de l’activisme extra-parlementaire de l’extrême droite
en Europe, et depuis quand ?  
C. F. et P. C. G. En général, on ne constate pas une augmentation régulière de
l'activisme extra-parlementaire de l'extrême droite à l'échelle européenne au
fil du temps. Les tendances progressent de manière épisodique, souvent en
réaction à des événements majeurs internationaux ou nationaux. Par exemple, des
pics de mobilisations ont été observés lors de la crise économique provoquée par
la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, notamment dans les pays les
plus touchés comme l'Italie et la Grèce, ainsi que lors de la crise des
politiques européennes d'asile en 2015, particulièrement en Allemagne. Les
données du projet CFP, qui couvrent une période plus longue, permettront de
montrer un schéma similaire également pour la pandémie de Covid-19, avec une
montée des mobilisations contre les mesures de confinement, mais de courte
durée.



Évolution des manifestations de rue de l'extrême droite en Europe entre 2008 et
2018, avec un zoom sur l'Italie et la France.
Évolution des manifestations de rue de l'extrême droite en Europe entre 2008 et
2018, avec un zoom sur l'Italie et la France.
Pietro CASTELLI GATTINARA / FARPO Far-Right Protest Observatory
Pietro CASTELLI GATTINARA / FARPO Far-Right Protest Observatory
Partager
Partager
(link is external) (link is external)



Quels thèmes sont les plus porteurs lors de ces manifestations ? 
C. F. et P. C. G. Dans tous les pays, comme on pouvait s’y attendre, les
activités extra-parlementaires impliquant des acteurs d’extrême droite se
concentrent sur la question centrale de l’immigration et de l’intégration, en
particulier dans le sillage de la crise des politiques d’asile européen. Mais
dans les pays les plus touchés par la récession de 2008, notamment l’Italie et
la Grèce, la mobilisation se focalise aussi sur les questions économiques et
sociales. 



Diagramme des différents motifs pour lesquels les manifestants d'extrême droite
protestent dans la rue. 
Diagramme des différents motifs pour lesquels les manifestants d'extrême droite
protestent dans la rue. 

 
Pietro CASTELLI GATTINARA / FARPO Far-Right Protest Observatory
Pietro CASTELLI GATTINARA / FARPO Far-Right Protest Observatory
Partager
Partager
(link is external) (link is external)



Ces manifestations sont-elles violentes ?
C. F. et P. C. G. Dans notre base de données, nous distinguons les événements
« démonstratifs » (rassemblements, manifestations), les « confrontations »
(blocages de rue, occupations) ainsi que les événements « violents ». Bien que
moins fréquents que les événements purement démonstratifs, ces derniers
représentent environ 20% des actions répertoriées. Nos résultats remettent donc
en question l'idée selon laquelle les niveaux de violence de l'extrême droite en
Europe occidentale auraient diminué récemment, comme le suggèrent par exemple
les études5  menées par le Centre de recherche sur l’extrémisme de l’université
d’Oslo. Bien que les violences les plus graves (comme les attentats meurtriers)
restent rares et soient principalement le fait d'actes individuels et/ou
spontanés, les données de FARPO montrent que la présence de groupes radicaux et
violents dans l'activisme extra-parlementaire de l'extrême droite reste
significative.



Une nouvelle génération de militants d'extrême droite a vu le jour. Ici, le
mouvement d'extrême droite CasaPound Italia, en Italie, a remplacé la flamme
symbole du parti fasciste par un logo de tortue. L'animal qui porte
littéralement sa « maison » symbolise le droit au logement.
Une nouvelle génération de militants d'extrême droite a vu le jour. Ici, le
mouvement d'extrême droite CasaPound Italia, en Italie, a remplacé la flamme
symbole du parti fasciste par un logo de tortue. L'animal qui porte
littéralement sa « maison » symbolise le droit au logement.
Massimiliano Ferraro / NurPhoto / NurPhoto via AFP
Massimiliano Ferraro / NurPhoto / NurPhoto via AFP
Partager
Partager
(link is external) (link is external)



Voit-on émerger une nouvelle génération de mouvements d’extrême droite ?   
C. F. et P. C. G. Nous observons clairement l’émergence de mouvements qui
révisent leur relation avec les médias d’information. Plutôt que de simplement
critiquer les médias, ces groupes adoptent, comme d’autres acteurs collectifs,
les logiques et les pratiques journalistiques pour promouvoir leurs causes en
cherchant à obtenir une visibilité médiatique. Caterina Froio et Samuel Bouron
ont mené une étude ciblée sur le Bloc identitaire (BI) et CasaPound (CP) Italia.

Ces mouvements ne se limitent pas au domaine politique, mais vont sur des
territoires culturels qui les font apparaître transgressifs et attrayants.

Ces mouvements ne se limitent pas au domaine politique, mais vont sur des
territoires culturels qui les font apparaître transgressifs et attrayants (les
journalistes parlent de « fascisme pop »). Ils investissent fortement les
techniques de communication, ils abandonnent les symboles conventionnels de
l’extrême droite (la flamme tricolore) au profit d’un sanglier (BI) et d’une
tortue (CP), symboles « neutres ».

Ces nouveaux mouvements d’extrême droite mettent en scène des actions
spectaculaires ajustées aux médias grand public, lesquels les couvrent comme des
faits divers. Par exemple en 2004, les Identitaires promeuvent la distribution
d’une soupe au cochon, qui exclut de fait les sans domiciles fixes de confession
musulmane. De même, en 2003, CP s’engage dans l’occupation d’un logement pour
demander « un crédit social » destiné aux familles italiennes, qui exclut de
fait les non-Italiens du quartier chinois de Rome où le bâtiment se situe.

Des alliés ou, à l’inverse, des concurrents politiques peuvent se saisir de
l’opportunité offerte par ce type de mouvements afin d’affirmer leur propre
cadrage. L’on assiste alors à une division du travail de médiatisation complexe
où l’extrême droite ne doit pas à elle seule son entrée en politique et où elle
profite d’une structure médiatique dont elle apprend à tirer profit. ♦

À Lire
En anglais : « When the Far Right Makes the News: Protest Characteristics and
Media Coverage of Far-Right Mobilization in Europe(link is external) », Castelli
Gattinara, P. et Froio, C., Comparative Political Studies, 2024, 57(3): 419-452.
« Entrer en politique par la bande médiatique ?‪ Construction et circulation des
cadrages médiatiques du Bloc identitaire et de Casapound Italia », Samuel Bouron
et Caterina Froio, Question de communication, vol. 1, n° 33, 2018, p. 209-229. 
« Far-right protest mobilisation in Europe: Grievances, opportunities and
resources(link is external) », Castelli Gattinara, P., Froio, C et Pirro ALP,
European Journal of Political Research, vol. 6, n° 4, 2022, p. 1019-1041

À consulter
The PopuList (en anglais) : https://popu-list.org/(link is external)

--------------------------------


MOBILISATIONS CONSERVATRICES : INTELLECTUELS, MOUVEMENTS SOCIAUX ET ÉTAT 

Comment les idées conservatrices circulent-elles d’un pays à l’autre, dans les
milieux partisans, entre intellectuels et politiques, mais aussi dans le débat
public ? Quels sont les facteurs sociaux, matériels, institutionnels et les
contextes qui favorisent ces circulations ? Cela fait plusieurs années que
Valentin Behr, chargé de recherche CNRS au Centre européen de sociologie et de
science politique de la Sorbonne (CESSP, unité CNRS/EHESS/Université Panthéon
Sorbonne), étudie les « mobilisations conservatrices » en Europe. « Je préfère
ce terme à celui d’extrême droite, car mon hypothèse est que nous assistons
aujourd’hui à une recomposition des droites au pluriel, avec un glissement vers
les extrêmes de mouvements et partis de droite dits “traditionnels” ».

Le chercheur lance un nouveau projet, financé par le CNRS,
intitulé « Mobilisations conservatrices : intellectuels, mouvements sociaux et
État ». L’objectif est d’avoir une approche multidisciplinaire de ces
mobilisations conservatrices en Europe et dans le monde, en créant un espace
d’échange entre les spécialistes de l’étude des mouvements sociaux, des partis
politiques, de l’économie politique et de la sociologie des intellectuels et des
idées. Développé en collaboration avec des chercheurs de  l’Académie polonaise
des sciences, l’université de Bath, l’Inserm, l’Université libre de Bruxelles,
la Nord University (Norvège), la Central European University (Autriche),
l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne et l’EHESS, le projet s’articule autour
de trois questions principales : dans quelle mesure les régimes illibéraux en
Hongrie et en Pologne conduisent-ils un processus de construction de l’État
divergeant du modèle libéral-démocratique ? Comment pouvons-nous comprendre
l’historicité et la durée du « tournant illibéral » actuel dans le monde
entier ? Dans quelle mesure s’agit-il d'un phénomène transnational ? Un travail
de terrain préliminaire à la fois en France et en Pologne permettra de tester la
robustesse du cadre conçu pour ce projet qui devrait ensuite se dérouler sur
deux années (2025-2026). ♦

 
  

Notes

 * 1. Enseignante-chercheuse au Centre d'études européennes et de politique
   comparée (CNRS/Sciences Po Paris), co-responsable du projet Farpo.
 * 2. professeur à l’Université libre de Bruxelles(ULB/Cevipol), et chercheur
   associé Marie Sklodowska Curie au Centre d'études européennes et de politique
   comparée (CNRS/Sciences Po Paris). Il dirige le projet Farpo.
 * 3. Le terme anglo américain « woke » (« éveillé ») désigne initialement le
   fait d’être conscient des problèmes liés à la justice sociale et à l’égalité
   raciale. Utilisé notamment dans le monde africain et américain à partir des
   années 1960, il a refait surface à l’époque de la naissance du mouvement
   Black Lives Matter en 2014.
 * 4. Discours à l’université de Baile Tusnad, en Roumanie, 24 juillet 2022.
 * 5. https://www.sv.uio.no/c-rex/english/groups/rtv-dataset/(link is external)

Aller plus loin
0 commentaire


MOTS-CLÉS

Protestations Europe Études Observatoire partis politiques nativisme
autoristarisme populisme élections nationalisme ultradroite xénophobie wokisme
immigration


PARTAGER CET ARTICLE

(link is external)

(link is external)


AUTEUR

Marina Julienne

Marina Julienne est journaliste et réalisatrice.

En savoir plus sur l'auteur


Sur la piste des fossiles raresPrécédent
Les technologies single cell révolutionnent la recherche en biologieSuivant


VOIR AUSSI

Sociétés
Blog
25/07/2024
Chez Sîn-nada et Nuttuptum à Ur en 1850 av. J.-C.
Blog
25/07/2024
L’histoire du peuplement de l’Amérique revue à l’aune de l’...
Article
17/07/2024
Les États dans le viseur du droit international
Blog
09/07/2024
Trio gagnant pour l’innovation
Blog
04/07/2024
Donner à voir les attachements au végétal en ville en Afrique...
sciences politiques
Article
24/06/2019
Patrick Le Galès, penser la ville
Article
12/06/2018
Quel avenir pour l’Europe?
Article
28/02/2017
Présidentielle 2017: dans la tête des électeurs
Point de vue
21/03/2016
Quelles élections pour une meilleure démocratie ?


COMMENTAIRES

0 commentaire
Flux RSS
Pour laisser votre avis sur cet article
Connectez-vous, rejoignez la communauté
du journal CNRS
Se connecter
Créer un compte
 * À propos
 * Newsletters
 * Équipe / crédits
 * Nous contacter
 * Charte d'utilisation
 * Plan du site
 * Données personnelles
 * Mentions légales

NUMÉROS PAPIERS

CNRS Le Journal - juin 2024
n°316
Voir tous les numéros


NOUS SUIVRE

 * Twitter(link is external)
 * Facebook(link is external)
 * Google(link is external)
 * Dailymotion(link is external)


PARTAGER

 * Twitter(link is external)
 * Facebook(link is external)
 * Google(link is external)
 * Email

Faites un don pour la recherche !
© 2024, CNRS
 * Créer un compte
 * Se connecter
 * Mon compte
 * Politique d'accessibilité
 * Gestion des cookies



La gestion des cookies

La politique de gestion des cookies du CNRS est élaborée en adéquation avec sa
mission de recherche scientifique. Ce site vous donne l’information sur les
cookies qu’il utilise et le contrôle de ceux non nécessaires à son
fonctionnement et son amélioration.

Lire la politique de confidentialité
Consentements certifiés par

Non merciJe choisisOK pour moi
Axeptio consent

Plateforme de Gestion du Consentement : Personnalisez vos Options

Notre plateforme vous permet d'adapter et de gérer vos paramètres de
confidentialité, en garantissant la conformité avec les réglementations.
Personnalisez vos préférences pour contrôler la manière dont vos informations
sont manipulées.