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      L'encyclopédie des Sciences

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  Pharmacologie

 
Introduction à la pharmacologie
H. Allain, O. Zekri
    La pharmacologie est la science du médicament visant à leur mise au point
(développement), à l'élucidation de leur mécanisme d'action, à la définition de
leurs conditions d'utilisation ainsi qu'à l'évaluation tant de leur efficacité
(essais cliniques) que de leur sécurité (pharmacovigilance). Une organisation
administrative, une législation ainsi que des systêmes de contrôle caractérisent
cette discipline, aux confins des activités de recherche et de développement de
l'Industrie Pharmaceutique, en dialogue permanent avec la recherche dite
fondamentale.

    La pharmacologie est un préalable indispensable à l'apprentissage de la
thérapeutique. Elle nécessite une adaptation permanente pour passer de données
collectives (pharmacologie des populations, pharmacologie clinique) à la
conduite individuelle, face à un cas ou à la décision d'un monitoring
pharmacocinétique dans une situation spécifique. L'application des données de la
pharmacoépidémiologie à un malade relève de la démarche de l'interprétation des
données statistiques.

    La pharmacologie, toujours mouvante, est une excellente école de formation à
la recherche notamment clinique. Elle concerne tous les médecins, quelque soit
leur style d'exercice. Elle fait, par ailleurs, appel à des techniques
empruntées à de nombreuses autres disciplines (Biochimie, Epidémiologie,
Statistiques ...).

    La pharmacologie doit être approchée d'abord par un apprentissage du
vocabulaire spécifique, des institutions, de la législation et des règles de
base d'utilisation du médicament dans une relation individuelle (prescription).
Une bonne connaissance des effets placebo et nocebo est indispensable avant
toute réflexion sur les molécules actives. Les généralités (qui seront à relire
après avoir abordé la pharmacologie de spécialité), tenteront de décrire les
méthodes officiellement requises pour définir les profils pharmacocinétiques des
produits, pour réaliser (ou participer à) des essais cliniques et pour analyser
les résultats de la pharmacovigilance et de la pharmacoépidémiologie
(méta-analyses). Ces généralités sont immédiatement mises à profit lors des
stages hospitaliers ou en médecine praticienne, permettant d'illustrer la double
équation : Pharmacologie = guide de la thérapeutique = source d'optimisation du
rendement thérapeutique.

    La pharmacologie, constitue un outil de recherche fabuleux, le médicament
étant par sa spécificité d'action, une véritable sonde pour décrypter des
mécanismes intimes de la physiologie. Ceci est parfaitement illustré par la
neuropsychopharmacologie, base de la compréhension des comportements et pourquoi
pas des idées ! Sur le plan fondamental, elle participe à la création de
modèles.

    La pharmacologie a un avenir, le médicament du futur apparaissant comme le
fruit des biotechnologies (thérapie génique) ou comme le résultat final de
progrès de la galénique. La pharmacologie a un coût mais, bien maîtrisée, peut
contribuer à des économies de santé (pharmacoéconomie). Elle est source d'une
importante réflexion Bioéthique  et d'interrogations sur les techniques modernes
de diffusion et de dissémination de l'information (Internet ; à titre d'exemple,
le site européen sur la maladie d'Alzheimer peut être consulté et travaillé :
www.each.be). Elle s'inscrit enfin, dans l'approche de la médecine factuelle
(Evidence-Based Medicine). METHODE
Ce cours de pharmacologie n'est ni exhaustif ni un simple résumé. Il vise à
aider l'étudiant en médecine à se repérer dans le monde du médicament ainsi qu'à
bénéficier de la richesse des informations et des acquis scientifiques sur le
médicament, outil thérapeutique le plus employé à l'heure actuelle.
Ce cours implique des explications orales et surtout un recours aux livres et
aux revues. Les références devraient être systématiquement consultées.
Une importance particulière est apportée à la méthodologie et aux généralités
sur la pharmacologie, base de l'apprentissage de la pharmacologie spécialisée.
L'intérêt d'Internet est d'accèder en "temps réel" à d'autres sources
d'informations et d'enseignement avec la possibilité de confronter à un niveau
européen ses propres acquis.
Le résultat de cet apprentissage est pragmatique optant clairement pour un
maniement optimum des médicaments.
Les données présentées ont été élaborées selon les perspectives précédentes,
correspondant aux principes de la médecine factuelle (evidence based medicine)
et surtout visent à élargir l'esprit de l'étudiant bien au delà de la simple
acquisition d'une technique, par définition toujours dépassée.
L'accès à ce cours en Anglais/Allemand devrait contribuer aux échanges
scientifiques intra-européens.
Le Pharmakon
Pr. Jacqueline Lagrée

Professeur agrégée de Philosophie de l'Université de Rennes 1.
cours mis à jour le 2 décembre 1998

    " Sans doute en va-t-il de même pour la médecine et pour la rhétorique. Dans
l’un et l’autre cas, on doit procéder à l’analyse d’une nature : celle du corps
dans le premier cas et celle de l’âme dans le second, si l’on souhaite ne pas en
rester à la routine et au savoir-faire, mais recourir à l’art pour d’une part
administrer au corps remèdes et nourriture en vue de faire naître en lui santé
et vigueur et pour, d’autre part proposer à l’âme discours et pratiques
conformes aux usages et ainsi lui communiquer la conviction et la vertu que l’on
souhaite ".

    Platon Phèdre, 270b.

    Depuis la réflexion de Platon sur l’ambiguité du médicament to pharmakon, ce
qui signifie quelque chose comme une drogue, à la fois remède et poison, la
philosophie n’a pas cessé d’associer médecine du corps et médecine de l’âme et
de recourir à l’occasion à des métaphores ou à des modèles médicaux. Qui dit
métaphore (le mot qui en grec moderne, signifie transports en commun) désigne le
transfert de sens d’un domaine à un autre : le lion et la force, le laurier et
la victoire. Le modèle, puisque modèle médical il y a en philosophie, renvoie à
une structure qui peut prendre des applications dans des domaines différents :
s’il y a médicament ou thérapie, c’est qu’il y a mal(adie) ; il faut donc en
déchiffrer les symptomes, en découvrir les causes, proposer un régime
(diététique, gymnastique ou exercices), prescrire des médicaments, évaluer un
régime de vie par rapport à une norme (la santé). On peut ainsi construire des
séries parallèles : douleur => analyse de l’infection => remèdes => régime =>
santé ou bien encore colère (passion) => examen de conscience => entraînement à
une juste évaluation des situations et distinction des maux et des indifférents
à éviter => ataraxie.
    C’est ainsi que Marc Aurèle inscrit dans ses Pensées pour moi même (III, 13)
:

    " De même que les médecins ont toujours à leur disposition des instruments
et des fers pour donner des soins dans les cas urgents, de même aie tout
préparés nos principes afin de connaître les choses divines et humaines et
d’agir toujours dans le plus petit détail avec la pensée qu’elles sont liées les
unes aux autres. Car tu ne réussiras dans aucune affaire humaine sans la
rapporter aux choses divines et inversement. "

    Une des forces de la médecine, dans cette longue tradition humaniste qui,
depuis François Rabelais, grand chirurgien et philosophe subtil, caractérise la
médecine française, c’est que la culture littéraire et philosophique y a
toujours nourri la réflexion sur la pratique. Les médecins ont affaire à des
personnes malades qui, pour des raisons manifestes d’efficacité thérapeutique,
se présentent très vite à eux, dans le contexte de l’hopital, comme des corps
morcelés, comme des systèmes d’organes, de vaisseaux, de tissus, de cellules, de
molécules, aujourd’hui retranscrits sur écrans ou sur papier sous formes
d’images, de graphes, au risque de perdre de vue la totalité de la personne
vivante. Or à quoi bon opérer un œsophage et guérir un cancer il y a peu
inguérissable si c’est seulement pour accomplir une prouesse technique ?
Pourquoi restaurer la fonction de nutrition si ce n’est aussi pour nourrir
l’amour de la vie ? L’homme ne vit pas seulement de pain ; il lui faut aussi des
roses, comme disait Marx, et la parole aimante qui donne sens et orientation à
la vie.
    Le modèle médical correspond très adéquatement à la quête du bien vivre qui
est un élément déterminant de la philosophie en général et de la philosophie
antique en particulier. Dans la mesure où la norme du bien consiste à articuler
harmonieusement les différentes facultés, corporelles et spirituelles de
l’homme, la santé, norme incontestable de la pratique médicale — puisque le
thérapeute qui ne la suivrait pas serait au mieux un charlatan, au pire un
empoisonneur mais certainement pas un médecin, — est apparue comme un modèle
explicatif de la norme du bien vivre.
    L’art du chirugien, anatomiste d’abord, a ainsi servi de modèle à Platon
pour penser l’analyse conceptuelle ou le découpage de la définition selon les
articulations naturelles du concept. Analyser, c’est diviser ; la bonne
division, c’est celle qui se fait par membres, par unités organiques elles-mêmes
décomposables ensuite1. Recherchant la nature de l’amour, Socrate dans le
Phèdre, compare sa démarche à celle de l’anatomiste2, qui, partant d’un corps
unique, découpe le membre gauche (antéros, le mauvais amour) pour dégager le
membre droit (l’éros véritable et divin).

    Chez Platon, les vices tels que la discorde, la méchanceté, l’ignorance,
l’injustice sont présentés comme des maladies3 ; ce modèle sera généralisé par
les stoïciens. Si notre vie ne nous satisfait pas, si nous avons plus ou moins
clairement le sentiment que nous ne vivons pas une vie authentique, une vie qui
corresponde à notre nature en son accomplissement, bref si, comme le disent les
religions, nous avons besoin d’être sauvés, ce salut est pensé par la
philosophie antique selon un modèle médical4 où il est question de diagnostic,
de médecin : le philosophe5, de remède6 et d’ordonnance : la loi. On opposera
ainsi ensuite un modèle thérapeutique du salut — ou de la vie bonne — et un
modèle religieux de rachat. Ces deux modèles correspondent à deux conceptions
bien différentes de l’Être et de l’homme, l’une optimiste qui considère que
l’homme, quoiqu’animal malade7, peut guérir par sa nature propre, avec ses
propres forces et l’aide de ses semblables, l’autre pessimiste qui considère
l’homme comme tellement perverti et mauvais qu’il ne peut être rendu à la vie
que par un sauveur externe. Choisir son guide en philosophie ou en théologie est
tout aussi important que bien choisir son médecin :

    Celui qui confie son salut au médecin de sa ville parce que c’est le médecin
de sa ville et non parce qu’il le connaît comme bon médecin, tant mieux si cela
lui réussit, mais c’est bien à la chance et non à sa propre sagesse qu’il devra
rendre grâce. S’il était arrivé que ce fût un mauvais médecin, notre malade
aurait péri par la même crédulité qui l’a guéri. […]  Or nous cherchons ici
quelle est la meilleure de toutes les doctrines de justice et nous avons montré
qu’une telle doctrine est comme une agriculture et une médecine de l’âme; il
n’en faut donc pas douter : celle-là devra être réputée la meilleure qui rend
les âmes les plus justes et guérit le mieux leurs maladies8.

    Que cet apéritif philosophique, que vous pourrez prolonger en lisant le
livre de Pierre Hadot Qu’est ce que la philosophie antique ? (Folio Essais
Gallimard 1995) vous incite donc à prendre sur votre apprentissage et votre
pratique le regard à la fois compétent, fraternel, modeste et ouvert à toutes
les dimensions de l’existence, qui est celui de la sagesse et qui seul donne
sens à cette pratique de rétablissement des conditions du bien vivre qui définit
la norme de la médecine.
Jacqueline Lagrée, Professeur de philosophie, Université de Rennes 1
1. Politique, 287c.
2. C’est-à-dire en allant de un à deux, comme l’anatomiste qui part de l’humérus
pour aboutir au radius et au cubitus, ou bien de la main au pouce (anticheir) et
aux quatre doigts, ou encore du fémur au tibia et péroné.
3. Platon, Phédon, 107-108; Sophiste, 228a-c.
4. Voir le développement de ce thème dans les derniers livres de M.FOUCAULT,
L’usage des plaisirs et Le souci de soi et plus récemment dans les ouvrages de
Jean-Claude LARCHET : Thérapeutique des maladies spirituelles, 2 vol. Paris,
1991 ; Thérapeutique des maladies mentales, Cerf, 1992 ; Théologie de la
maladie, Cerf, 1994.
5. Que Socrate compare aussi à l’accoucheuse, d’où la dénomination de maieutique
attribué à l’art d’accoucher les âmes des pensées dont elles sont grosses et de
juger si ces rejetons sont viables ou non.
6. cf. J. Derrida, La pharmacie de Platon, republié en appendice de l’édition en
G.F. du Phèdre par L.Brisson.
7. Selon la définition de Nietzsche (Généalogie de la Morale, II, 16), elle même
inspirée par Hegel : la maladie de l’homme, c’est la conscience de son
inadéquation à l’universel « Les animaux vivent en paix avec eux-mêmes et avec
les choses qui les entourent mais la nature spirituelle de l’homme suscite
l’ambiguïté et le déchirement dans les contradictions desquels il se débat ».
Esthétique, I, 130.
8. Castellion, De l’art de douter et de croire, d’ignorer et de savoir, p.
41-42. La comparaison est amenée par la question de savoir quelle religion il
faut embrasser et qui sont les meilleurs maîtres.

  Les institutions
Pr. Hervé Allain
Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, avenue du Pr. Léon Bernard, 35043 Rennes Cedex

cours mis à jour le 2 décembre 1998
1 Introduction
2 Rôles
2.1 Les institutions
    

2.2 Le laboratoire de pharmacologie expérimentale et clinique
3 Connexions d'un laboratoire de pharmacologie
4 Conclusion
1 Introduction

Selon notre objectif initial, il importe que l'étudiant en médecine se répère
"spatialement" dans le milieu qu'il côtoie. Le diagramme 1 situe la place de la
Pharmacologie hospitalo-universitaire dans la double hiérarchie de la Santé et
de l'Université. Ce positionnement n'est pas le même dans les différents états
membres de l'Union Européenne. Aux Etats-Unis d'Amérique, la Food and Drug
Administration (FDA ) joue schématiquement le rôle de l'Agence Européenne du
médicament (European Medicine Evaluation Agency, EMEA). L'ensemble des
institutions fonctionne en cascade et en interactions mutuelles.
2 Rôles
2.1 Les institutions

Chaque institution sus-mentionnée assure une mission officielle et des fonctions
complexes et variées. Pour en savoir plus n'hésitez pas à vous rendre sur leur
site respectif.
2.2 Le laboratoire de pharmacologie expérimentale et clinique
2.2.1 Sur le plan hospitalier

3 missions principales sont systématiquement dévolues à l'équipe des
pharmacologues répartis en 3 unités fonctionnelles officielles :
- Pharmacovigilance/Pharmacoépidémiologie : l'objectif est de veiller à la
sécurité des médicaments ainsi qu'à suivre les consommations de médicaments ou
les prescriptions. Cette mission se fait tant au sein de l'hôpital que de la
région proche.
- Pharmacocinétique/monitoring médicamenteux : l'objectif est de contribuer à
l'ajustement individuel des traitements grâce au dosage du médicament et la
détermination des principaux paramètres pharmacocinétiques pour un malade donné
; l'ajustement thérapeutique découle de ces données biologiques et se fait à
l'aide de logiciels d'adaptations thérapeutiques. Les dosages sont réalisés
selon les techniques actuelles de la chimie analytique et de la
pharmacogénétique.
- Méthodologie des essais cliniques : l'objectif est de contribuer à la
recherche clinique au sein de l'hôpital et de la région. Les actions, à titre
d'exemples, sont les suivantes : planifications d'essais, rédactions de
protocoles, consulting méthodologique, réalisation d'essais cliniques,
traitement statistique des données, diffusion de l'information concernant les
grands essais (evidence-based medicine) ...
2.2.2 Sur le plan universitaire

2 missions principales sont systématiquement dévolues à l'équipe des
pharmacologues (dimension universitaire).
- L'enseignement : le contenu (programmes officiels et les sujets de recherche),
les cibles universitaires (médecine, odontologie, pharmacie ...) et non
universitaires (formation médicale continue, associations de malades, scolaires
...) les méthodes (evidence-based medicine, Internet, les publications, ateliers
de travail, adaptation aux multiples cibles, travail sur le vocabulaire et le
jargon ...).
- La recherche : assurément l'activité la plus intense d'un laboratoire
hospitalo-universitaire. En pharmacologie cette dimension dépend des équipes
(pour Rennes voir notre site Université de Rennes I). Schématiquement, deux
volets sont à distinguer : la recherche fondamentale (modèles, génétique,
comportement ...) et la recherche clinique (essais cliniques, méthodologie,
pharmacovigilance ...) principalement centrée sur les maladies
neurodégénératives.
3 Connexions d'un laboratoire de pharmacologie

Par définition la pharmacologie est une discipline médicale transversale,
signifiant donc de multiples interlocuteurs. Nous ne soulignerons que
l'impérieuse nécessité de collaboration avec le monde industriel : c'est
l'Industrie Pharmaceutique qui fabrique les médicaments ; ce sont les "Contracts
Research Organisations" (CRO) qui réalisent le plus et le mieux les essais
préliminaires des médicaments chez l'homme ; ce sont des industriels qui ont en
main la nutraceutique, les produits conseils (OTC, obtenus sans ordonnance) ...
etc.

Ces quelques réflexions expliquent pourquoi l'étudiant de Rennes se doit d'être
informé sur ces dimensions en prenant l'exemple, dans ce cours, de la
nutraceutique et d'une CRO, BIOTRIAL SA située sur le campus universitaire et
véritable centre de recherche appliquée.
4 Conclusion

L'étudiant en médecine, visitant la pharmacologie, doit trouver sa place sans
difficultés, à deux conditions néanmoins :
- s'être repéré dans les institutions ;
- être un véritable étudiant BIBO [voir encadré]. Sa participation active à
l'innovation pharmacologique peut-être réelle.

L'étudiant BIBO en pharmacologie
Le sigle
    
voir les cours sur :
B : Bien éduqué
I : Internaute
B : Bilingue
O : Ouvert d'esprit     éthique ; violence
Internet ; Mémoire
Programme EACH
Cerveau et pensée
Les médicaments orphelins
 
N. Mauduit et S. Schück
 
Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, av du Pr. Léon Bernard 35043 Rennes cedex
 
mis à jour le 25 novembre 1999
1 Introduction  
2 Les maladies rares  
3 Les maladies tropicales  
4 Le statut de médicament orphelin      4.1 Historique
4.2 Maintenant l'Europe
5 Les actions actuelles
6 Références

 
 
1 Introduction
Un médicament orphelin est un produit qui peut être utile au diagnostic, à la
prévention ou au traitement de maladies rares ou bien de maladies tropicales
parasitaires touchant des populations importantes par la taille mais non
solvables. Comme l'industrie pharmaceutique ne pourrait qu'être déficitaire en
commercialisant ces médicaments, sans incitation ni aide, leur recherche et leur
développement sont freinés alors que de nombreux malades, eux même en quelque
sorte orphelins de la santé, espèrent bénéficier d'un traitement.
 
2 Les maladies rares
Une maladie est dite rare (ou orpheline) si son incidence est telle qu'elle
touche une population trop restreinte pour que le développement et la
commercialisation de son traitement dégagent des bénéfices. On comprend donc
bien que le seuil d'incidence retenu pour définir la rareté d'une maladie, en vu
d'instituer un statut légal particulier aux médicaments orphelins, va être
différent suivant les pays concernés (i.e suivant le nombre potentiel de malade)
; ainsi l'incidence retenue aux USA est de 1/1000 (Orphan Drug Act) et en Europe
de 5/10.000 (projet de Loi Européenne sur les médicaments orphelins).

Il existe plus de 5.000 maladies rares recensées à ce jours dont 80% sont des
maladies génétiques. Quelques exemples sont à rappeler : le cancer du sein
familial ; la sclérose en plaque ; le syndrome de Marfan ; l'apnée infantile ;
les myopathies.

Leur nombre est tel que, s'il est vrai que chaque maladie touche très peu de
malades, la population totale concernée est importante et mérite, si ce n'est
par éthique, au moins d'un point de vue de santé publique, l'attention des
pouvoirs politiques et économiques.
 
3 Les maladies tropicales
Six de ces maladies sont désignées par l'Organisation Mondiale de la Santé comme
étant les problèmes les plus graves des pays en voie de développement. Il s'agit
du paludisme, des schistosomiases, des leishmanioses, des filarioses, des
trypanosomiases et de la lèpre.

Ces pathologies touchent des millions de personnes (la mortalité due au
paludisme est estimée entre 1 et 2 millions de morts par an) ; elles sont biens
connues et étudiées depuis longtemps mais peu de traitements ou de prophylaxies
existent à ce jours. En effet elles concernent des populations à très faibles
revenus, de pays ne possédant pas d'industrie pharmaceutique propre et par
conséquent ne sont pas l'objet d'investissement en matière de recherche et
développement de la part des industriels des pays les plus développés.

Il existe bien sûr des aides financières ou techniques mais pour l'instant les
recherches thérapeutiques stagnent ou les traitements efficaces demeurent
économiquement inaccessibles aux pays en voie de développement.
 
4 Le statut de médicament orphelin
4.1 Historique
En 1983 aux USA est promulgué l'Orphan Drug Act (ODA) pour favoriser la
recherche et le développement des produits utilisables dans le traitement des
maladies rares. L'ODA permet à l'OPD (Office of Orphan Products Development) de
délivrer un statut spécifique aux produits répondants aux critères requis :
incidence de la pathologie concernée (moins de 1/1000 sur le territoire des USA)
et/ou coûts de développement et de distribution ne pouvant être amortis sur le
même territoire.

Ce statut permet aux laboratoires pharmaceutiques des avantages comme la prise
en charge des études toxicologiques, un crédit d'impôts de 50% sur le coût des
essais cliniques, un brevet d'exclusivité commerciale de 7 ans, des subventions
pour la recherche préclinique et clinique ou encore une procédure accélérée
d'inscription à la FDA en vu d'obtenir l'autorisation de mise sur le marché
américain du médicament. Ces mesures ont portés leurs fruits puisque à la fin de
l'année 1998, plus de 170 médicaments orphelins ont été mis sur le marché
américain dont 136 depuis l'ODA.

Le Japon à pris comme modèle l'ODA et a depuis 1993 sa propre politique en
matière de médicament orphelin. Ce pays a, en particulier, veillé à assurer un
suivi des produits une fois sur le marché pour éviter les dérives américaines
observées. En effet certains médicaments orphelins américains sont devenus très
rentables (comme l'erythropoïétine, destinée au traitement de l'insuffisance
rénale chronique ) et le Japon s'est donc doté d'une disposition permettant le
retrait de la qualification d'orphelin à un médicament. En 1998, deux autres
pays ont adoptés des lois, tout à fait similaires, sur les médicaments orphelins
: Singapour et l'Australie.
 
4.2 Maintenant l'Europe
En 1994 un rapport rédigé pour l'INSERM par Annie WOLF (Les orphelins de la
santé) présentait un état des lieux de la situation des traitements des maladies
rares et tropicales en France et dans les autres pays de la communauté
européenne. Ce document a été le début d'une réflexion et d'un travail en vue de
faire adopter par le parlement européen un texte de loi présentant des mesures
incitatives auprès des laboratoires pharmaceutiques pour la recherche et le
développement de médicaments orphelins.

A l'échelle nationale il existe déjà en France quelques dispositions légales
permettant l'emploi de traitement pour des maladies "rares" ou "graves". Par
exemple l'ATU (Autorisation Temporaire d'Utilisation) délivrée par l'AFSSAPS
(Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé) permet l'emploi
de traitements pour des maladies "rares" ou "graves" sans AMM (Autorisation de
Mise sur le Marché) (nouvelle rédaction de l'article L 601-2 du code de la santé
publique du 15 Mars 1996). Autre exemple, selon ce même article une AMM peut
être délivrée, sous des conditions précises, à des médicaments d'indications
trop rares pour que le demandeur puisse fournir des renseignements complets sur
leur sécurité d'emploi ou leur efficacité.

Au niveau Européen la directive 91/507/CEE permet l'obtention d'une AMM à des
médicaments remplissant les mêmes conditions que celles décrites dans notre
dernier exemple, donnant ainsi un statut aux médicaments orphelins en Europe.

Donc, à l'heure actuelle, les personnes atteintes de maladies rares en Europe
peuvent bénéficié de traitements mais certains d'entre eux nécessitent
l'application de mesures exceptionnelles qui par ailleurs varient suivant les
pays de la communauté. Ces mesures ne sont pourtant pas suffisantes car,
contrairement aux mesures Américaines par exemple, elles ne sont pas incitatives
pour les industriels et d'autre part elles ne sont pas harmonisées, ce qui
induit des situations d'inégalités devant la maladie au sein même de la
communauté Européenne. C'est pourquoi un projet de règlement Européen sur les
médicaments orphelins, leur donnant un statut plus qu'implicite et favorisant
leur développement, a été proposé et adopté en première lecture par le Parlement
Européen le 9 Mars 1999.

Quelques mesures retenues dans ce règlement peuvent être citées : 1) la
prévalence d'une maladie pour être dénommée "rare" est de 5/10.000 sur le
territoire de l'Union Européenne, 2) l'enregistrement du médicament sera
communautaire, 3) les droits d'enregistrement seront diminués voire supprimés,
une aide technique sera dispensée aux industriels, l'industriel aura 10 ans de
droits exclusifs d'exploitation du médicament.
 
5 Les actions actuelles
Même si les propositions du règlement restent à adopter en seconde lecture,
l'action pour la promotion des médicaments orphelins est déjà entièrement
engagée. La recherche est bien sûr vive dans ce domaine ; il existe ainsi un
institut de recherche sur les maladies rares en Italie, l'institut Mario Negri
et un laboratoire s'est spécialisé dans les médicaments orphelins, le
laboratoire Orphan Europe. L'information aux malades et aux médecins est depuis
longtemps assurées par de nombreuses associations (comme la National
Organization for Rare Disorders ) qui ont aussi joué et jouent encore un grand
rôle dans l'élaboration des projets de lois. Il existe d'ailleurs un site
Internet qui a été réalisé en concertation avec Eurordis, un réseau européen
d'associations de malades, c'est le site Orphanet
(http://orphanet.infobiogen.fr) qui contient des données accessibles à tous sur
les maladies rares et les médicaments orphelins, sur les projets en cours ou
encore sur les associations de malades.
 
6 Références
WOLF A. Les orphelins de la santé. INSERM Edition, Septembre 1994.

BRANDISSOU S. , YAGOUBI N. , HASSELOT N. Les médicaments orphelins : problèmes
de santé publique et enjeux économiques.Therapie. 1996  ; 51 : 647-53.

Anonyme. Médicaments orphelins. L'Europe comble son retard. Revue Prescrire 1998
; 18 (190) : 868.
Pharmacologie de l'Enfant
Pr. E. Autret-Leca
Service de Pharmacologie Clinique
Hôpital Bretonneau, 2 boulevard Tonnellé - 37044 Tours Cedex 01
Tel : 02 47 47 80 29 Fax : 02 47 47 38 26
Adresse e-mail : autret-leca@med.univ-tours.fr
 
         mis à jour le 29 juillet 2000

1 Les particularités pharmacocinétiques
1.1 La résorption
1.2 La distribution
1.3 Le métabolisme
1.4 L'élimination
1.5 En pratique
2 Les particularités pharmacodynamiques
2.1 Un même effet pharmacologique
2.2 Les effets indésirables des médicaments
    

2.3 L'enfant est plus volontiers exposé aux erreurs d'utilisation
3 Règles générales de prescription
3.1 Les médicaments dotés d'une AMM
3.2 Certains médicaments sont réservés à l'adulte
3.3 Certains médicaments sont dépourvus de mention particulière chez l'enfant
4 L'ordonnance

La prescription de médicaments dépourvus d'AMM* spécifique pédiatrique est
estimées à 90% en soins intensifs, 67% à l'hôpital et 22% en pratique de ville.
Cet état de fait s'explique par l'étroitesse du marché pédiatrique et par des
difficultés techniques d'évaluation mais aussi d'application de la loi portant
sur la protection des personnes (recueil du consentement des deux parents en
particulier).

L’enfant est un organisme en développement dont les transformations
physiologiques au cours de la croissance modifient le devenir de nombreux
médicaments dans l’organisme (pharmacocinétique) et la réponse à certains
médicaments (pharmacodynamie).
1 Les particularités pharmacocinétiques en Pédiatrie

Les modifications les plus étudiées sont d'ordre pharmacocinétique. Elles
rendent compte des différences de schéma posologique (dose unitaire rapportée au
poids, espacement des doses, voie d'administration) entre les enfants et les
adultes. Elles portent sur toutes les grandes étapes du devenir des médicaments
dans l'organisme : la résorption, la distribution, le métabolisme et
l'élimination.

1.1 La Résorption

    * Voie orale
      L'hypochlorydrie gastrique et la vitesse de vidange gastrique diminuée
chez le nouveau-né ont peu de conséquences car la résorption des médicaments a
lieu essentiellement au niveau intestinal.
      La vitesse de résorption intestinale réduite chez le nouveau-né laisse
prévoir, pour les médicaments à demi-vie courte, une réduction de la
concentration maximale et un retard du temps de concentration maximale.
      La réduction des acides biliaires pourrait diminuer la résorption de
médicaments liposolubles (vitamines D et E).
      Certaines pathologies (cholestase, résection du grêle, insuffisance
cardiaque, hypo ou hyperthyroïdie) ainsi que la co-administration de médicaments
accélérateurs ou ralentisseurs du transit sont susceptibles de modifier la
résorption des médicaments.

    * Voie rectale
      La résorption des suppositoires est très variable mais est peu influencée
par l'âge. La voie rectale est utile en cas d'intolérance ou de refus d'une
forme orale. La vitesse de résorption est superposable à celle de la voie
intraveineuse pour certaines solutions : diazépam, midazolam.

    * Voie intramusculaire
      La vitesse de résorption des médicaments par voie intramusculaire est
réduite et aléatoire chez le nouveau-né en raison des fluctuations du flux
sanguin musculaire, de la faiblesse de ses masses musculaires et de leur faible
mobilité, en particulier chez le nouveau-né malade. Le caractère douloureux de
l'injection et le risque de blessure du sciatique ou de rétractions musculaires
conduisent à éviter la voie intramusculaire chez le jeune enfant à l'exception
des vaccins pour lesquels cette voie est recommandée.

    * Voie percutanée
      Plusieurs explications sont avancées pour expliquer que la résorption
percutanée est plus importante chez le nouveau-né et le nourrisson que chez
l'adulte. : - rapport élevé entre la surface cutanée et le poids; - augmentation
de l'hydratation de la couche cornée. Cette bonne résorption cutanée des
médicaments est utile dans les maladies dermatologiques, en particulier
infectieuses. En revanche, l'administration percutanée n'est pas ou peu utilisée
dans les affections systémiques. La forte réabsorption cutanée explique des
manifestations cliniques de surdosage après application cutanée de
glucorticoïdes (hypertension intracrânienne, ralentissement de la croissance),
de pansements alcoolisés (coma éthylique), de produits iodés (hypothyroïdie), de
vaseline salicylée, de camphre, d'hexachlorophène, de mercure. A l'origine de
ces intoxications on retrouve souvent des facteurs de risque ou un mésusage,
tels que l'application de trop grande quantité sur une surface corporelle
relativement importante, un pansement occlusif ou une répétition abusive des
applications. Le manque d'information spécifiquement pédiatrique concernant la
posologie de ces médicaments favorise ces erreurs. La prudence incite à limiter
les applications au strict nécessaire et d'éviter les applications sur une peau
lésée.

    * Voie intraveineuse
      Il n'y a pas de particularité liée à cette voie particularités chez
l'enfant. En revanche l'administration par voie intraveineuse pose des problèmes
d'ordre technique : difficulté d'abord chez le nourrisson en raison de son
panicule adipeux, chez le nouveau-né en raison du petit calibre des veines ;
erreurs de dilution en raison des petits volumes à injecter si la forme
pharmaceutique est destinée à l'adulte. Des erreurs de dose ont donné lieu à des
intoxications graves (théophylline, caféine, etc). Enfin, les petits volumes
injectés sont parfois totalement "perdus" dans les volumes morts de tubulures à
l'origine d'inefficacité thérapeutique.

1.2 La distribution

Du fait de l'augmentation du volume de distribution chez l'enfant (eau totale et
extra cellulaire augmentée, compartiment adipeux très réduit chez le nouveau-né)
les doses unitaires rapportées au poids sont plus élevées chez l'enfant que chez
l'adulte. La moindre liaison des médicaments aux protéines chez le nouveau-né et
le nourrisson s'explique par la réduction de la concentration et de l'affinité
de l'albumine, la compétition des acides gras non estérifiés et de la
bilirubinémie (élevée en période néonatale). L'augmentation de la fraction libre
des médicaments qui en résulte se normalise au cours de la première année de vie
pour les quelques médicaments étudiés. La sensibilité accrue des nouveau-nés à
certains médicaments s'expliquerait par l'augmentation de leur fraction libre.
Certains ictères nucléaires s'expliqueraient par un déplacement de la bilirubine
de ses sites de liaison par des médicaments co-prescrits (sulfamides). La
prudence est donc de rigueur en période néonatale en cas de prescription de
médicaments fortement liés à l'albumine : sulfamides, ceftriaxone.

1.3 Le métabolisme

Chez le nouveau-né l'immaturité des réactions de phase I (oxydation, réduction,
hydrolyse) et de phase II (glycuroconjugaison, conjugaison au glutathion,
acétylation, méthylation) est bien documentée. Il existe en particulier chez le
nouveau-né la réduction de la clairance et de la vitesse d'élimination de la
plupart des médicaments métabolisés par le foie : théophylline, caféine,
clonazépam, phénytoïne, paracétamol, atropine. L'immaturité de la
glycuroconjugaison explique les manifestations graves d'intolérance au
chloramphenicol (grey baby syndrom) chez le nouveau-né. En revanche, la
sulfoconjugaison et la conjugaison au glycocolle sont matures à la naissance.
Des voies préférentielles sont également utilisées. Ainsi, chez le nouveau-né,
le diazépam est déméthylé (par hydroxylation ou glycuroconjugaison). L'acide
salicylique se conjugue au glycocolle (et non à l'acide glucuronique), le
paracétamol est sulfoconjugué (et non glycuroconjugué comme chez l'adulte).
Enfin, la théophylline est méthylée en caféine chez le nourrisson mais pas chez
l'adulte. Des inducteurs enzymatiques reçus en fin de grossesse (phénobarbital,
diphénylhydantoïne) peuvent entrainer une vitesse d'élimination plus rapide que
celle attendue chez les nouveau-nés exposés.
La vitesse de maturation des voies métaboliques est variable, parfois tardive à
la puberté (paracétamol, théophylline). Cependant, en général chez le
nourrisson, l'activité métabolique est importante et se traduit par une
clairance plus élevée que chez l'adulte d'ou la nécessité de rapprocher les
doses unitaires après la période néonatale. L'âge de transition entre le statut
d'hypométaboliseur constant du nouveau-né et celui d'hypermétaboliseur est
établi pour quelques médicaments (caféine vers deux mois d'âge post natal).

1.4 L’élimination

Chez le nouveau-né la filtration glomérulaire rapportée à la surface corporelle
est 30% de celle de l'adulte. Elle double pendant la première semaine de vie
pour se normaliser à la fin de la deuxième semaine. La maturation de la fonction
glomérulaire dépend plus de l'âge postnatal gestationnel : à âge postnatal égal
le prématuré se comporte à peu près de la même façon que l'enfant à terme. La
sécrétion tubulaire, diminuée chez le nouveau-né, atteint une valeur adulte au
deuxième mois de vie. La demi-vie d'élimination est très augmentée pendant les
premiers jours de vie.
Cela impose un espacement des doses de médicaments à élimination rénale
importante (aminoglycosides, vancomycine, pénicilline, céphalosporines,
digoxine, furosémide).

2 Les particularités pharmacodynamiques en Pédiatrie

Les phénomènes de maturation expliquent également une efficacité et une
tolérance particulières de certains médicaments destinés à l'enfant.
La tolérance aux médicaments est en général meilleure chez l'enfant que chez
l'adulte (prescriptions, polypathologies et co-prescrptions moins nombreuses).
Certains effets indésirables sont plus particuliers à la pédiatrie.
- La fréquence de prescription et l'insuffisance d'évaluation chez l'enfant
expliquent les malaises associés à la niaprazine, les syndromes atropiniques du
chlorure d'oxybutine, les syndromes extrapyramidaux et les méthémoglobinémies du
métoclopramide, les troubles du rythme cardiaque du cisapride ou du diphémanil.
- La cible, exclusivement pédiatrique, explique la fièvre et la diarrhée avec la
prostaglandine E2, les purpura thrombopéniques avec le ROR.
- Les phénomènes de croissance et de maturation expliquent la sensibilité
particulière des enfants au retard de croissance dû aux corticoïdes; à
l'épaississement des os longs et à l'ossification prématurée des cartilages de
conjugaison suspectés avec les quinolones, les rétinoïdes et certains
macrolides; la dyschromie dentaire des tétracyclines et l'hypertension
intracrânienne de la vitamine A.
On explique encore mal certains effets indésirables plus spécifiques en
pédiatrie (cataracte liée aux corticoïdes, hépatotoxicité de l'acide valproïque,
syndrome de Reye associé à l'aspirine, effets paradoxaux des benzodiazépines).
Les médicaments administrés en fin de grossesse peuvent retentir sur le
nouveau-né. Chez un nouveau-né il faut penser à l'exposition foetale aux
benzodiazépines devant des troubles de succion, des apnées ou une hypotonie
néonatale, aux bêtabloquants devant une hypoglycémie et/ou une bradycardie et
aux anti-inflammatoires non stéroïdiens devant une insuffisance rénale ou une
oligurie néonatale.
L'enfant est plus volontiers exposé aux erreurs d'utilisation des médicaments
pour diverses raisons : la nécessité d'une posologie précise (erreurs de calcul
de posologie essentiellement par voie IV), la rareté des formes galéniques
adaptées à l'enfant (obligeant à déconditionner et reconditionner certains
médicaments pour administrer la posologie adéquate) ce qui représente un risque
d'erreur de dose réellement administrée), les petits volumes à perfuser, la
présence d'un intermédiaire (parents) entre le prescripteur et le patient mais
aussi l'automédication parentale. S'y ajoutent les erreurs associées à la
prescription en général et celles induites par la connaissance insuffisante de
la pharmacologie qui expliquerait 30% des erreurs de prescriptions.

3 Règles générales de prescription

Les particularités pharmacocinétiques pédiatriques imposent une adaptation
posologique et une surveillance des concentrations plasmatiques des médicaments
à index thérapeutique étroit (aminoglycosides, vancomycine, cafeine,
théophylline).
Les posologies sont exprimées en poids ou en surface corporelle. Elles sont
souvent différentes dans les différentes tranches d’âge. Les tranches d’âge
classiquement individualisées sont : les prématurés, les nouveau-nés de moins de
7 jours et de 8 à 30 jours, les nourrissons de 1 mois à 2 ans, les enfants de 2
à 7 ans et de 8 ans à la puberté.
Chez le nouveau-né (naissance - 30 jours), l'absorption et les capacités
d'élimination (hépatique et rénale) sont diminuées et le volume de distribution
augmenté. L'espacement des doses est plus grand. On évitera les médicaments
fortement liés aux proteines plasmatiques qui exposent à l'ictère nucléaire.
Chez le nourrisson - jeune enfant (>1 mois - 2 ans), le métabolisme est accéléré
et le volume de distribution est plus grand, les doses unitaires sont plus
élevées et l'intervalle de dose plus court que chez l’adulte.

La prescription doit obéir à un certain nombre de règles générales qui dépendent
de la situation administrative" du médicament. Il n'existe cependant pas de
liste simple et il faut vérifier au cas par cas dans le dictionnaire Vidal.

3.1 Les médicament dotés d’une AMM pédiatrique

et d’une forme galénique adaptée, doivent être prescrits dans les conditions
recommandées par l'AMM (figurant dans le Résumé des Caractéristiques du
Produit). Dans une même classe pharmacothérapeutique les médicaments dotés d’une
AMM pédiatrique seront choisis en priorité.

3.2 Certains médicaments sont réservés à l’adulte

car dépourvus d'indication, de posologie, de forme galénique pédiatriques, ou
encore dotés d’une contre-indication pédiatrique.

    * Une contre-indication fondée sur un risque réel chez l'enfant ne doit pas
être outrepassée.

    * L’absence de posologie pédiatrique oblige le prescripteur à " choisir " la
posologie communément admise par la communauté scientifique pédiatrique et exige
une surveillance particulière de la tolérance. En l'absence de dose validée par
l’AMM, la dose initialement choisie est extrapolée de la dose adulte (rapportée
au kg de poids ou à la surface corporelle), modulée par le niveau de maturation
théorique, hépatique et rénal en fonction de l’âge de l’enfant. Cette posologie
prendra également en compte les pathologies associées, en particulier
l'insuffisance hépatique ou rénale qui impose de réduire encore les doses et de
les adapter parfois aux mesures des concentrations plasmatiques.

    * L’absence d'indication pédiatrique sous-entend l’absence de preuve
d'efficacité du médicament chez l’enfant. Le prescripteur doit donc pouvoir
justifier l'intérêt clinique "attendu" du médicament à partir de critères
scientifiques (et non seulement d'habitude de prescription).

    * L’absence de forme galénique pédiatrique oblige les pharmaciens
hospitaliers à sortir du cadre légal en déconditionnant des médicaments destinés
à l'adulte afin de reconditionner des unités adaptées à l'enfant ce qui est
source d'erreur plus ou moins facile à maîtriser. Les médicaments destinés à
l'usage parentéral sont parfois utilisés par voie orale en raison d’une plus
grande facilité de fractionnement par rapport aux formes solides. Cette attitude
est très aléatoire en l’absence d’étude de biodisponibilité après administration
par voie orale des formes injectable ou au minimum de la connaissance de la
stabilité de la solution en milieu acide (estomac).

3.3 Certains médicaments sont dépourvus de mention particulière chez l’enfant
(indication, contre-indication, posologie, etc...)

mais ont une indication pouvant correspondre à une pathologie pédiatrique. Si la
posologie est exprimée en mg/kg elle est potentiellement adaptable à l'enfant,
ce d'autant que la forme galénique est fractionnable, ce qui est le cas des
formes liquides (injectables le plus souvent). Si la posologie est fixe et que
la forme galénique ne permet pas un fractionnement (sachet de poudre, gélule,
comprimé non sécable, etc...), le médicament ne doit pas être utilisé chez
l'enfant.

4 L'ordonnance

Le médecin doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté nécessaire. Il
doit veiller à leur compréhension par le malade et/ou ses parents. Il doit
s'efforcer d'obtenir une bonne exécution du traitement.

    *
      La rédaction lisible de l'ordonnance évite la confusion lors de la
délivrance du médicament et permet à la famille d'exécuter le mieux possible la
prescription. L'ordonnance doit comprendre, outre le nom et le prénom de
l'enfant, son âge et son poids.

    *
      L'ordonnance étant un prolongement de la consultation, il faut aussi
savoir l'expliquer à la famille du jeune patient, en essayant de s'adapter à son
niveau de compréhension. La prescription exprime la dose unitaire accompagnée de
l’espacement des doses (10 mg toutes les 8 heures) qui sont plus précis que la
dose quotidienne et le nombre de prises (30 mg/24h en 3 prises). A l'hôpital, un
contrôle de qualité de la transmission et un compte-rendu de l'exécution
devraient être exigés.

    *
      Lorsque la voie IV est choisie en néonatologie, les modalités de dilution
seront précisées, les tubulures (0.3 mm de diamètre) et les seringues seront
adaptées aux volumes à injecter.

Le pharmacien doit vérifier sur la prescription, l’adéquation entre le jeune
patient et la forme galénique, le dosage, la posologie etc... La délivrance des
médicaments hors liste comme de ceux sur prescription médicale doit être
explicitée par le pharmacien à la famille du jeune patient.

Pharmacologie cellulaire
Dr. J.C. Delumeau

Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, avenue du Pr. Léon Bernard, 35043 Rennes Cedex
mis à jour le 2 décembre 1998
 
 

La théorie de l'excitotoxicité et l'implication potentielle des acides aminés
excitateurs dans les processus dégénératifs
Pr. André Nieoullon
Université de la Méditerranée
Laboratoire de Neurobiologie Cellulaire et Fonctionnelle
CNRS 31, Joseph Aiguier 13402 Marseille Cedex 20
 
         mis à jour le 29 juillet 2000

1 Introduction
2 Les acides aminés excitateurs, neurotransmetteurs majeurs du système nerveux
central
3 Les transporteurs des acides aminés excitateurs : hypothèse sur un mécanisme
potentiel de la neurodégénérescence     4 Les récepteurs des acides aminés
excitateurs
5 L’excitotoxicité et ses mécanismes
6 Implications physiopathologiques
7 Conclusions
Résumé
Bibliographie
1 Introduction

Les premières observations sur la neurotoxicité des acides aminés excitateurs
(AAE) remontent à plus de trente ans. De fait, pour étudier un éventuel effet
protecteur du glutamate sur des dégénérescences rétiniennes de caractère
héréditaire, le glutamate de sodium a été administré chez la souris nouveau-née
par voie systémique. Les résultats ont montré à l’inverse que cette injection
provoquait une dégénérescence des cellules de la rétine (Lucas et Newhouse,
1957). Le développement de ces travaux, notamment par le groupe de Olney (Olney,
1969), a montré que, chez ces animaux, les lésions n’étaient pas restreintes à
la rétine mais concernaient de nombreuses structures centrales dont certaines
régions hypothalamiques et les organes circumventriculaires, en fait occupant
une position d’accessibilité par rapport à la barrière hémato-encéphalique. Les
lésions étaient caractérisées par une atteinte cellulaire, semble-t-il
préservant les fibres nerveuses. Comme à la même époque étaient caractérisés les
mécanismes cellulaires de la dépolarisation induite par le glutamate et ses
analogues structuraux, impliquant une augmentation de la conductance sodique
(Hayashi, 1954; Curtis et al., 1959), il était alors proposé une corrélation
entre effets neuro-excitateurs et effets cytotoxiques du glutamate (Olney et
al., 1971). Le concept d’excitotoxicité était dès lors avancé.

Par la suite, ce concept a été largement développé (cf Choi, 1988) et de
nombreux travaux ont suggéré qu’en raison d’une distribution très large des AAE
dans le cerveau, ils pourraient se trouver plus ou moins spécifiquement
impliqués dans des mécanismes de mort neuronales tels qu’ils interviennent dans
de nombreuses affections neurologiques dégénératives ou plus encore dans les
conséquences des accidents vasculaires cérébraux. Ainsi les hypothèses les plus
fréquemment avancées suggèrent-elles l’intervention de tels mécanismes dans la
chorée de Huntington, la sclérose latérale amyotrophique (SLA), voire la maladie
d’Alzheimer et jusqu’à l’épilepsie pour certaines de ses formes. Concernant les
affections de type aigu, les AAE seraient impliqués dans le développement des
lésions consécutives à des hypoxies ou des ischémies cérébrales, des
hypoglycémies ou des oedèmes cérébraux. Enfin, il est même suggéré que ces AAE
pourraient être impliqués de façon causale dans le développement de certains
désordres psychiatriques et notamment certaines formes de schizophrénie ou dans
les mécanismes de la maladie de Parkinson (Mc Geer et Mc Geer, 1976; Olney et
Gubareff, 1978; Jorgensen et Diemer, 1982; Nieoullon et al., 1983; Rothman,
1984; Olney, 1988). Dès lors, l’intérêt pour les systèmes neuronaux utilisant
les AAE est allé croissant dans la communauté scientifique, d’autant qu’il était
affirmé chaque jour un peu plus la contribution de ces neurotransmetteurs à la
plupart, pour ne pas dire l’ensemble, des fonctions cérébrales. L’hypothèse
était alors avancée des conséquences de dysfonctionnements de ces systèmes
neuronaux sur l’activité neuronale (Mayer et Westbrook, 1987) et, partant, que
le blocage de l’activité de ces systèmes neuronaux excitateurs dans les
conditions pathologiques, pourrait, dans une certaine mesure, avoir des effets
neuroprotecteurs.
2 Les acides aminés excitateurs, neurotransmetteurs majeurs du système nerveux
central

Les AAE représentent un groupe d’analogues structuraux du glutamate comprenant
de nombreux membres dont l’aspartate, l’acide cystéique et certains de ses
dérivés, connus pour représenter de puissants excitateurs neuronaux. Le
glutamate est incontestablement l’AAE le mieux caractérisé et son statut de
neurotransmetteur est généralement admis, en dépit de difficultés inhérentes à
l’étude de cette fonction spécifique. De fait, le glutamate, comme les autres
acides aminés, joue un rôle central dans le métabolisme intermédiaire. De plus,
il est aussi synthétisé par le cerveau (cf Fonnum, 1984).

La démonstration que le glutamate est un neurotransmetteur repose sur de
nombreuses expériences de caractère très divers. En particulier, les expériences
de lésion centrale chez l’animal ont montré que les taux tissulaires de
glutamate et surtout son système de transport neuronal spécifique au niveau
synaptique (“ uptake ”) étaient abaissés en rapport avec la dégénérescence de
voies neuronales spécifiques, notamment cortico-sous-corticales (Divac et al.,
1977); ce système de transport, comme on le précisera ultérieurement,
représentant le principal mécanisme d’inactivation synaptique du glutamate dans
les terminaisons qui l’ont libéré ou plus vraisemblablement dans les cellules
gliales environnantes. Plus récemment, les études ont été aussi centrées sur
l’approche des mécanismes de la libération de ce neurotransmetteur, tant in
vitro qu’in vivo, notamment par le développement des techniques de microdialyse
intracérébrale. Les résultats de ces expériences concourent tous à montrer que
le glutamate est effectivement impliqué dans la signalisation intercellulaire,
en agissant sur des récepteurs membranaires spécifiques.  
3 Les transporteurs des acides aminés excitateurs : hypothèse sur un mécanisme
potentiel de la neurodégénérescence

C’est principalement grâce aux techniques immunocytochimiques et plus récemment
d’hybridation in situ que ces transporteurs ont pu être étudiés, après leur
caractérisation biochimique et pharmacologique il y a déjà plus de vingt ans (cf
Danbolt, 1994).

Bien qu’il ait été fait état initialement de la présence d’un système de
transport de “ basse affinité ”, c’est surtout l’existence d’un système à “
haute affinité ” (constante d’affinité de l’ordre de 1 à 20 mM) qui retient
l’attention des auteurs. Ce processus est dépendant de la concentration de
sodium extracellulaire et présente une spécificité relative vis à vis du
glutamate puisqu’il transporte également l’aspartate et les autres AAE. Cette
particularité a permis notamment le développement d’antagonistes compétitifs du
transport de glutamate (cf Barks et Silverstein, 1994) comme le PDC
(L-trans-pyrrolidine-2,4-dicarboxylate) qui représente un outil majeur pour
étudier les caractéristiques cellulaires de ce système de transport. Les études
de biologie moléculaire ont ensuite révélé la même année chez les rongeurs
l’existence de 3 sous-types de transporteurs des AAE, nommés respectivement GLT1
(Pines et al., 1992), GLAST (Storck et al., 1992) et EAAC1 (Kanai et Hediger,
1992). Ces études ont abouti au clonage chez l’homme de 5 sous-types de
transporteurs, homologues pour partie des précédents, nommés EAAT1 (GLAST),
EAAT2 (GLT1), EAAT3 (EAAC1) EAAT4 et EAAT5 (Arriza et al., 1994; 1997; Fairman
et al., 1995), et présentant jusqu’à 65% d’homologie entre eux et 90%
d’’homologie entre les équivalents humains et clonés chez les rongeurs (Tableau
I). Les études de biologie structurale suggèrent que ces transporteurs
appartiennent à une même famille de protéines ayant en commun dix segments
transmembranaires (cf Vandenberg, 1998). Les mécanismes du transport ne sont pas
connus définitivement (cf Takahashi et al., 1997), l’entrée de glutamate dans la
cellule s’accompagnant d’un co-transport de sodium et peut-être d’une sortie de
potassium (cf Kanai et al., 1993). Dès lors, il apparait que le transport est
électrogénique en générant une charge positive à l’intérieur de la cellule, les
apports d’énergie nécessaires étant fournis par les gradients de sodium et
potassium maintenus par les pompes ATPasiques Na/K. De façon intéressante, on
note qu’un déficit énergétique membranaire, tel qu’on peut en rencontrer dans
certains états pathologiques, aurait pour effet d’inverser le fonctionnement des
transporteurs d’AAE (Madl et Burgesser, 1993). Ainsi, lors d’une ischémie
cérébrale par exemple, peut-on envisager qu’il existe un excès de glutamate
extracellulaire au niveau synaptique, conduisant à un processus de
neurodégénérescence par nécrose au moins (Budd, 1998), suite à un fonctionnement
inversé des transporteurs de glutamate consécutif à une inhibition de l’ATPase
Na/K (Rossi et al., 2000). L’origine de ce glutamate cytotoxique serait à la
fois neuronale et gliale, à partir des astrocytes et ceci pourrait être
accompagné d’une véritable “ redistribution ” cellulaire des transporteurs. Par
exemple a t-il été montré que, suite à une ischémie expérimentale chez le
porcelet, EAAT2, dont la localisation est essentiellement astrocytaire dans les
conditions physiologiques, est à même de faire l’objet d’une expression
neuronale beaucoup plus importante au niveau striatal (Martin et al., 1997); des
résultats similaires étant rapportés pour EAAT1 dans un autre modèle d’ischémie
(Yan et al., 1998). Un certain nombre de travaux récents montrent enfin que les
transporteurs de glutamate, au moins pour certains d’entre eux, pourraient en
plus se comporter comme des canaux chlore, le passage passif du chlore, inverse
du sens de celui du glutamate, étant entretenu par le glutamate lui-même.

Les études de l’expression tissulaire des transporteurs font apparaître une
large distribution, les transporteurs des 3 principaux sous-types étant présents
dans de nombreuses régions cérébrales. EAAT3 est réparti de façon plutôt
homogène, avec toutefois une prédominance au niveau cortical et de l’hippocampe,
entre autres structures où il est représenté (Rothstein et al., 1994), alors que
EAAT2 est représenté de façon plus marquée dans le cerveau antérieur (cortex
cérébral, striatum, hippocampe) et au niveau du tronc cérébral (Lhere et al.,
1995). Au niveau cellulaire, il est considéré que EAAT1 et EAAT2 ont une
localisation plutôt gliale, alors que EAAT3 serait plutôt neuronal (Rothstein et
al., 1994; Veraz-Faircloth et al., 1996), mais cette question est débattue
actuellement (cf Conti et al., 1998). Quant à EAAT5, il n’a été identifié que
dans la rétine, et EAAT4 serait principalement localisé au niveau des cellules
de Purkinje.

De façon paradoxale, par rapport aux hypothèses initiales sur l’inactivation
synaptique des AAE par “ uptake ” dans les terminaisons nerveuses qui libèrent
le neurotransmetteur, il apparaît que l’inactivation synaptique du glutamate
serait plutôt liée à des mécanismes faisant intervenir les astrocytes
environnant les terminaisons nerveuses, plutôt que les terminaisons elles-mêmes
par un mécanisme présynaptique (cf Nakamura et al., 1994). Mais cette position
reste là encore discutée (Gundersen et al., 1996).

L’une des idées les plus actuelles sur les systèmes de transport est l’hypothèse
de la régulation de la vitesse du transport par différents mécanismes
cellulaires ou moléculaires qui contribueraient à avoir un effet gradué du
glutamate sur ses récepteurs, au niveau postsynaptique. Dans ce contexte, la
signalisation intercellulaire au niveau des synapses à AAE dépendrait non
seulement de la quantité de neurotransmetteur libérée, mais aussi de son
élimination synaptique plus ou moins rapide. Cette hypothèse est centrale, d’une
part parce que les récepteurs des AAE sont susceptibles de “ désensibilisation ”
rapide et donc nécessitent l’élimination rapide du neurotransmetteur pour
préserver l’efficacité de la neurotransmission, d’autre part et surtout, parce
que, dans le contexte de l’excitotoxicité, une action prolongée au niveau des
récepteurs est à même de provoquer des lésions cellulaires.  Parmi les
possibilités de contrôle de l’efficacité de l’élimination synaptique du
glutamate par “ uptake ”, il est envisagé une régulation par des récepteurs
dopaminergiques, cholinergiques ou encore glutamatergiques, au travers de
mécanismes qui restent à préciser (Kerkerian et Nieoullon, 1983; Bloc et al.,
1995; Gegelashvili et al., 1997), ou encore de processus impliquant des
messagers diffusibles de type acide arachidonique ou NO (Volterra et al., 1992;
Pogun et al., 1994; Zerangue et al., 1995) qui viendraient agir de façon
complémentaire par rapport à des régulations de l’expression génique ou
impliquant des processus post-traductionnels (Ginsberg et al., 1995; 1996).
Considérant que le NO est formé en grande quantité dans les conditions
ischémiantes, il est ainsi possible d’imaginer par exemple que ce mécanisme
contribue également à réduire l’inactivation synaptique par inhibition du
transport du glutamate et, partant, renforce l’excitotoxicité. Au niveau
cellulaire, l’AMPc jouerait un rôle majeur dans la régulation de l’activité des
transporteurs qui portent sur leurs séquences des sites consensus de
phosphorylation. A ce jour, aucune phosphorylation directe des transporteurs de
glutamate a été mise en évidence, mais il existe des éléments suggèrant
qu’indirectement le transport des AAE est altéré par activation de la protéine
kinase A (Lortet et al., 1999). De fait, la stimulation de cette protéine kinase
provoque une augmentation des taux des ARNm codant pour EAAT1 et EAAT2
(Gegelashvili et al., 1996; Eng et al., 1997). Toutefois, si elle augmente le
transport des AAE par EAAT2, elle réduit à l’inverse celui qui est assuré par
EAAT1 (Casado et al., 1993; Conradt et Stoffel, 1997). Il est enfin notable que
les transporteurs des AAE présentent des sites d’oxydo-réduction qui les rendent
sensibles aux oxydants et réducteurs endogènes. Ce mécanisme pourrait rendre
sensible le transport du glutamate aux radicaux libres formés dans les
conditions pathologiques, l’oxydation étant associée à une forte réduction de
l’activité de capture à partir des trois principaux transporteurs (Trotti et
al., 1997). Dès lors, tous ces mécanismes concourent à faire des transporteurs
des AAE une cible d’intérêt majeur pour toutes les recherches sur la
neuroprotection dans le cadre de processus de cytotoxicité aigue ou associés au
développement des maladies neurodégénératives. De plus, ces mécanismes
pourraient également être d’intérêt pour rendre compte de processus de mort
neuronale physiologiques, notamment pendant le développement et l’ontogenèse.  
 
4 Les récepteurs des acides aminés excitateurs

Les études biochimiques et pharmacologiques ont montré que les AAE excerçaient
leurs effets cellulaires par au moins 4 classes de récepteurs. Sur la base de
l’action cellulaire préférentielle de 3 agonistes, la classification initiale a
permis de distinguer les “ récepteurs NMDA ” des “ récepteurs non-NMDA ”,
eux-mêmes reconnus comme “ récepteurs quisqualate ” et “ récepteurs kainate ”.
Ces récepteurs sont de type récepteurs-canaux, dénommés encore ionotropiques,
couplés à des changements de conductance ionique dépendants de la présence du
ligand. Par la suite, des récepteurs couplés aux protéines G ont également été
identifiés, faisant intervenir la phospholipase C ou l’adénylate cyclase et
leurs second messagers respectifs dans l’action cellulaire des AAE (Sladeczek et
al., 1985; cf Watkins et Collingridge, 1994). Comme le quisqualate a une
certaine affinité pour les récepteurs couplés aux protéines G, la nomenclature
distingue aujourd’hui les récepteurs ionotropiques non-NMDA en “ récepteurs
kainate ” et “ récepteurs AMPA ” qui est un autre agoniste des AAE n’interférant
pas avec les sites NMDA, kainate ou métabotropiques (Tableau II).

Au-delà des données pharmacologiques, celles plus récentes de la biologie
moléculaire rendent plus complexe encore la notion de diversité des récepteurs
des AAE. Aujourd’hui, les gènes de plus de 20 sous-unités protéiques ou
protéines susceptibles de former des récepteurs ont été clonés, dont 4 pour les
récepteurs AMPA (gluR 1 à 4), 5 pour les récepteurs kainate (gluR 5 à 7; ka 1 et
ka 2, et 5 pour les récepteurs NMDA (nmdaR 1, nmdaR 2A à nmdaR 2D); la base
structurale des récepteurs ionotropiques étant un polymère associant 5 de ces
sous-unités. En ce qui concerne les récepteurs couplés aux protéines G, au moins
7 sous-types ont été caractérisés par leur structure primaire et leur système de
transduction du signal.

Les données de l’hybridation in situ permettent d’avoir une bonne idée de
l’expression différentielle de ces récepteurs au niveau des différentes régions
cérébrales. Ainsi les récepteurs AMPA paraissent-ils particulièrement exprimés
au niveau du cortex cérébral, de l’hippocampe, du striatum et du cervelet, même
si une expression plus basse est constatée dans l’ensemble ou à peu près des
structures nerveuses. En ce qui concerne les récepteurs kainate, les mêmes
régions sont à peu près concernées, plus peut-être l’amygdale. Mais certains
sous-types kainate font l’objet d’une distribution très large, comme ka 1 et ka
2. De même, nmdaR 1 et nmdaR 2A sont très largement distribués, alors que nmdaR
2B, nmdaR 2C ou nmdaR 2D font l’objet d’une distribution plus restreinte. Anfin,
les récepteurs couplés aux protéines G (mGluR) sont particulièrement exprimés au
niveau de l’hippocampe, du cervelet ou encore du cortex cérébral et du striatum.

Au-delà d’une pharmacologie complexe mais permettant aujourdhui d’agir plus ou
moins sélectivement sur l’une ou l’autre classe de ces récepteurs soit pour les
stimuler, soit pour bloquer, les données de l’anatomie fonctionnelle illustrent
la diversité et la multiplicité des systèmes neuronaux susceptibles d’utiliser
les AAE comme neurotransmetteurs. Cette représentation massive implique
l’intervention du glutamate ou de l’un de ses analogues dans la plupart, voire
l’ensemble des fonctions cérébrales, que ce soit dans le domaine sensorimoteur,
limbique, cognitif ou encore des régulations neurovégétatives ou
neuroendocriniennes. Au niveau cellulaire, la stimulation des récepteurs
ionotropiques est principalement suivie d’une augmentation des conductances
calciques (Murphy et al., 1987) et d’une activation de la phospholipase C qui
augmente également indirectement les taux de calcium ionisé intracellulaires.
Les récepteurs couplés aux protéines G influencent aussi la production d’AMPc et
celle de GMPc, notamment pendant le développement mais aussi chez l’adulte, au
niveau du cervelet (Carter et al., 1987).

Sur le plan de l’implication des AAE dans les processus d’apprentissage et de
mémorisation, les études portent depuis de très nombreuses années sur la
potentialisation à long terme (LTP) au niveau cellulaire, en particulier au
niveau de l’hippocampe. Les antagonistes des récepteurs NMDA (APV,
phencyclidines, MK801) ont la propriété de bloquer la LTP (cf Collingridge et
Bliss, 1987), mais ils provoquent également des effets globaux sur la
mémorisation et l’apprentissage. Ainsi, à titre d’exemple, l’injection
intracérébrale d’APV a-t-elle été montrée comme diminuant les performances
mnésiques dans le labyrinthe aquatique (Morris et al., 1986).

Au cours du développement cérébral, les récepteurs NMDA paraissent également
jouer un rôle fondamental comme l’ont montré les travaux sur la mise en place
des voie visuelles. Par exemple, la plasticité des connexions binoculaires chez
le chaton peut être supprimée par une injection d’APV (Kleinschmidt et al.,
1986); de même en ce qui concerne les voies olfactives (cf Cotman et Iversen,
1987). Au niveau cellulaire, pendant la différenciation, l’activation des
récepteurs NMDA facilite la survie des cellules granulaires du cervelet en
culture; les anti-NMDA bloquant cet effet trophique (Balazs et al., 1988). A
faible dose, les AAE facilitent la croissance de cellules pyramidales de
l’hippocampe en culture, alors qu’à doses plus importantes où pourraient
intervenir des effets cytotoxiques, ces acides aminés induiraient une régression
et une simplification de l’arbre dendritique de ces neurones (Mattson et al.,
1988; cf Lipton et Kater, 1989). Récemment, il a été montré que la stimulation
des récepteurs des AAE aurait un effet inhibiteur sur la neurogenèse secondaire
au niveau de l’hippocampe du rat adulte, le blocage des récepteurs NMDA
stimulant au contraire la production des neurones granulaires (Cameron et al.,
1995). En ce qui concerne les processus moteurs, de nombreux travaux illustrent
l’action relativement spécifique des récepteurs NMDA sur la locomotion chez la
lamproie (cf Grillner, 1987). Chez les mammifères, l’administration des
antagonistes NMDA a des effets stimulants impliquant notamment des processus
moteurs, cognitifs et limbiques du cerveau antérieur et en particulier les
noyaux gris centraux (cf Amalric et al., 1994), alors que la stimulation des
récepteurs métabotropiques dans les structures limbiques a un effet similaire
(Attarian et Amalric, 1997). De façon intéressante, on note que chez l’homme les
phencyclidines, antagonistes non compétitifs des récepteurs NMDA, provoquent
dans certains cas et à faible dose des effets euphorisants, une ataxie et une
amnésie partielle. Elles provoquent à plus forte dose l’anesthésie dissociative
caractérisée par une analgésie complète, avec hypertonie, hypertension et
nystagmus et, au réveil, des effets psychomimétiques avec hallucinations et
distorsions dans la sphère perceptive.  
5 L’excitotoxicité et ses mécanismes

Depuis les premiers travaux chez la souris et le rat nouveau-né démontrant la
vulnérabilité des régions cérébrales placées hors barrière hémato-encéphalique
lors d’une administration de glutamate de sodium (cf Olney, 1988), il a été
établi que les agents neurotoxiques aux propriétés excitatrices développaient
plus généralement des effets similaires. Le pouvoir cytotoxique a ainsi été mis
en relation avec la capacité à dépolariser les neurones. Dans ce contexte, les
données de la littéraure montrent que l’acide kainique (kainate) représente
l’agent le plus efficace, suivi, par ordre d’activité décroissante, du
quisqualate, de l’iboténate, du NMDA, de l’acide homocystéique, de l’aspartate
et du glutamate. La cytotoxicité pourrait dès lors être mise en rapport avec les
différents sous-types de récepteurs aux AAE, de type ionotropique.
L’administration de ces agents cytotoxiques est dailleurs fréquemment utilisée
comme outil pour créer des lésions localisées du système nerveux, par injection
locale.

In vitro, les AAE présentent également des effets cytotoxiques, que ce soit sur
des rétines embryonnaires de poulet, des coupes de cerveau ou des cellules en
culture. Ces effets sont produits tant par le NMDA que le quisqualate ou le
quinolinate (cf Kim et Choi, 1987). Sur les coupes de cerveau, les AAE
provoquent notamment la dégénérescence des cellules granulaires de l’hippocampe
(Garthwaite et Garthwaite, 1986), la toxicité étant antagonisée par le MK801,
les phencyclidines et autres antagonistes des récepteurs NMDA (Choi et al.,
1988; Rondouin et al., 1988). Comme in vivo, les récepteurs de type non-NMDA
paraissent également contribuer aux effets cytotoxiques. Ainsi l’AMPA et le
kainate ont des effets cytotoxiques sur les cultures cellulaires (Frandsen et
Schousboe, 1987) alors que le CNQX et le DNQX, deux antagonistes de ces
récepteurs non-NMDA, bloquent la toxicité du glutamate qui continue à s’exprimer
en présence d’APV (Frandsen et al., 1989). On note que les agonistes des
récepteurs morphiniques (morphine, codéine, méthadone) auraient également des
propriétés neuroprotectrices vis à vis des effets cytotoxiques du NMDA, mais pas
vis à vis de ceux du quisqualate ou du kainate; cet effet étant toutefois
indépendant de l’action de ces agents sur les récepteurs morphiniques comme le
suggère leur manque de sensibilité à la naloxone.

L’analyse du rôle des AAE dans les effets cytotoxiques de l’ischémie cérébrale
utilise des modèles expérimentaux très divers chez la gerboise ou le jeune rat,
par occlusion transitoire unilatérale ou bilatérale des carotides, cette
manipulation étant suivie de lésions cérébrales très caractéristiques, notamment
au niveau de la couche CA1 de l’hippocampe (Levine et Payan, 1966). Ces lésions
sont réduites par prétraitement au MK801, aux phencyclidines ou d’autres
anti-glutamate comme le riluzole (cf Stutzmann et Doble, 1994). L’effet de
l’ischémie passerait par un excès de glutamate extracellulaire comme le montre
l’effet protecteur de la lésion préalable des afférences glutamatergiques à
l’hippocampe (Wieloch et al., 1985). Dans les modèles in vitro, les antagonistes
des récepteurs des AAE présentent également des effets protecteurs vis à vis de
l’anoxie expérimentale, renforçant l’idée de l’implication de ces
neurotransmetteurs (Weiss et al., 1986).

L’ensemble de ces données renforce l’idée que, chez l’homme, lors d’accidents
vasculaires cérébraux, d’arrêt cardiaque ou encore d’asphyxie néonatale par
exemple, les lésions irréversibles du système nerveux sont produites, au moins
en partie, par les AAE. D’autres types de lésions, en particulier celles
consécutives à des hypoglycémies, pourraient avoir la même origine, les effets
d’hypoglycémies expérimentales chez l’animal étant bloqués par les antagonistes
des récepteurs NMDA (Wieloch et al., 1985). De même, les lésions de caractère
traumatique paraissent s’accompagner d’une augmentation de la libération ou des
concentrations extracellulaires de glutamate, les effets étant là aussi réduits
par les antagonistes NMDA (Faden et al., 1989).

Au niveau cellulaire, l’anoxie s’acompagne d’une forte augmentation des taux
extracellulaires de glutamate résultant d’une mobilisation du compartiment
métabolique peut-être, mais aussi d’un “ relargage ” à partir des neurones et
sans doute des astrocytes. Il est intéressant de noter que cet état s’accompagne
d’une forte réduction du transport des AAE au niveau neuronal et glial
(Benveniste et al., 1984; Hagberg et al., 1985; Bradford et al., 1987). Le
résultat est une augmentation considérable des taux de glutamate extracellulaire
provoquant une activation prolongée des récepteurs. Au-delà de la relation
existant entre l’excitotoxicité et le pouvoir dépolarisant des AAE, les données
de la littérature suggèrent que les mécanismes de l’excitotoxicité présentent
deux composantes : l’une, rapide, intervenant immédiatement lors de
l’administration de l’agent cytotoxique ou lorsque les AAE stimulent massivement
et brutalement les récepteurs, serait indépendante du calcium et dépendante des
ions sodium et peut-être du chlore et résulterait en une entrée d’eau dans la
cellule qui serait détruite par “ swelling ” (gonflement); l’autre, plus lente,
ferait intervenir les ions calcium (Choi, 1987). Dans ce cas, l’excitotoxicité
serait liée à de trop fortes augmentations de la concentration de calcium ionisé
intracellulaire qui activerait une cascade de réactions enzymatiques impliquant
des caspases et une production accrue de radicaux libres qui détruiraient, in
fine, la cellule nerveuse. Compte tenu du caractère voltage-dépendant de
l’activation des récepteurs NMDA, il est alors envisagé que l’action cytotoxique
des AAE implique initialement une stimulation des récepteurs ionotropiques
AMPA/kainate qui induirait une dépolarisation à l’origine de l’activation
secondaire des récepteurs NMDA et, partant, de l’entrée massive de calcium. Dans
ces conditions, la capacité de la cellule à réguler son taux de calcium
intracellulaire serait un élément critique du déterminisme de la mort
cellulaire.

Ces données font ainsi apparaître que la vitesse d’élimination synaptique des
AAE constitue objectivement l’un des éléments essentiels de l’excitotoxicité.
Au-delà des processus liés à une activation supranormale de la libération de ces
neurotransmetteurs par des mécanismes présynaptiques qui, en tout état de cause,
ne seraient semble-t-il pas suffisants pour “ saturer ” les synapses, c’est donc
bien le mécanisme de l’élimination synaptique de ces AAE par transport actif
dans les neurones et surtout les astrocytes qui apparait comme le point critique
de l’excitotoxicité. Dès lors, toute altération de ces transports, par exemple
par déficit énergétique dans les conditions aigues ou peut-être de façon
constitutive par défaut d’un processus transcriptionnel ou traductionnel, voire
par des atteintes des processus de régulation post-traductionnels, peut
logiquement se traduire par un défaut d’élimination des AAE de la synapse et,
par voie de conséquence, être à l’origine d’un processus excitotoxique.  
6 Implications physiopathologiques

L’ensemble des données reportées ci-dessus est à l’origine d’un certain nombre
d’hypothèses physiopathologiques impliquant les AAE. Dans le cas des lésions de
type aigue intervenant dans les processus ischémiants, les AVC ou encore
certaines formes d’hypoglycémie, les mécanismes ont été bien décrits et de
nombreuses recherches ont été conduites pour tenter de développer une
neuroprotection en rapport avec l’effet cytotoxique des AAE. Il faut cependant
reconnaître qu’en dépit des espoirs initiaux, les résultats des travaux
utilisant des anti-NMDA et notamment le MK801 comme neuroprotecteur, sont
aujourd’hui quelque peu décevants. Les données les plus récentes sont en faveur
de l’implication d’un déficit de transport des AAE (cf Trotti et al., 1996;
Gegelashvili et Schousboe, 1997) par défaut de l’énergétique membranaire liée à
une déplétion plus ou moins importante en ATP lors des ischémies, notamment. Ces
défauts de l’énergétique membranaire seraient à l’origine de l’inversion du sens
de fonctionnement des transporteurs par modification probable des gradients de
sodium et potassium (cf Santos et al., 1996).

En ce qui concerne les maladies neurodégénératives, par contre, ces hypothèses
sont très actuelles et un certain nombre de travaux cliniques semblent montrer
par exemple les effets protecteurs du riluzole qui ralentit statistiquement
l’évolution de la sclérose latérale amyotrophique (SLA) chez certains patients
(Wokke, 1996). C’est le groupe de Rothstein qui a apporté de nombreuses données
en faveur de l’implication d’un déficit du transport des AAE au niveau
cellulaire, dans la SLA. L’utilisation de synaptosomes issus de patients a
permis initialement de montrer l’existence au niveau spinal de réductions plus
ou moins sélectives de “ l’uptake ” de glutamate (Rothstein et al., 1992) qui
pourraient être mises en rapport avec des réductions chez les patients du nombre
de site de capture (Shaw et al., 1994). Ces hypothèses ont été corroborées par
l’utilisation d’anticoprs anti-transporteurs ayant montré par la suite de fortes
réductions de EAAT2 au niveau spinal et au niveau du cortex moteur chez les
patients présentants une SLA sporadique (Rothstein et al., 1995) alors que le
taux d’expression de EAAT2 ne parait pas altéré (Bristol et Rothstein, 1996).
Les travaux ultérieurs de ce groupe ont suggéré des altérations de l’épissage
des ARNm codant pour EAAT2 (Lin et al., 1998) impliquant le processus d’épissage
lui-même, sans mutation du gène (Aoki et al., 1998; Meyer et al., 1998).
L’implication sélective de EAAT2 a été précisée in vitro par des études
utilisant des oligonucléotides antisens pour bloquer spécifiquement l’expression
des différents sous-types de transporteur (Rothstein et al., 1996). Les
résultats montrent que l’altération de chacun des transporteurs glial, EAAT1 et
EAAT2, se traduit par une sensibilité accrue des cultures de motoneurones à la
mort cellulaire, alors que l’altération de EAAT3 est sans effet notable, ce qui
a mis en exergue la contribution de l’environnement glial et de ses
transporteurs de glutamate aux mécanismes de protection des neurones in vivo.

Cette démarche a été utilisée également in vivo. Des oligonucléotides antisens
ont été administrés par voie intracérébroventriculaire chez le rat, mais avec un
succès relatif. Ainsi, l’altération de l’expression de EAAT1 ou EAAT2 se
traduit-elle par des déficits moteurs sans toutefois de lésion massive au niveau
du système nerveux central, alors que le blocage de l’expression de EAAT3 parait
se traduire par une propension des animaux à développer des crises d’épilepsie
en rapport avec les résultats d’expériences d’inactivation du gène de EAAT3 chez
la souris montrant des crises d’épilepsie associées à des lésions hippocampiques
(Tanaka et al., 1997) et peut-être à des baisses d’expression de cette protéine
chez certains patients épileptiques (Mathern et al., 1999).

De telles hypothèses sur l’implication des AAE dans le développement de la
chorée de Huntington sont également avancées, notamment parce qu’il a été
démontré de longue date que l’administration intrastriatale de glutamate ou de
certains de ses analogues a des effets cytotoxiques (Mc Geer et Mc Geer, 1976)
tout en préservant relativement certaines catégories neuronales comme c’est le
cas dans la maladie humaine (Boegman et Parent, 1988). Dans ce cadre là, nous
avons développé un programme de recherche au laboratoire montrant que l’infusion
progressive in vivo d’un inhibiteur de transport de glutamate, le PDC, au niveau
du striatum du rat provoque un processus neurodégénératif (Lievens et al.,
1999), suggèrant l’implication possible d’un déficit de transport des AAE dans
le développement de la maladie. Ces hypothèses sont corroborées ici par des
données récentes montrant une réduction des transcrits EAAT2 chez des patients
atteints de chorée de Huntington, alors même que le striatum de ces patients
présente une astrocytose (Arzberger et al., 1997).

Ce type d’hypothèse pourrait être étendu à d’autres pathologies
neurodégénératives et notamment à la maladie d’Alzheimer, considérant que la
protéine b-amyloïde inhibe le transport des AAE in vitro (Harris et al., 1996),
peut-être par l’intervention de radicaux libres. Toutefois, les études de
transport à partir de synaptosomes n’ont pas révélé, pour le moment,
d’altération significative du transport de glutamate dans la maladie d’Alzheimer
(Rothstein et al., 1992; Samuel et al., 1994).   
7 Conclusions

 L’ensemble des données rapportées ici souligne le rôle potentiel des AAE dans
la genèse de certains troubles neurologiques, voire psychiatriques bien que ce
point n’ait pas été développé.  Un excès d’activité des systèmes neuronaux
utilisant les AAE pourrait notamment être à l’origine ou impliqué dans les
mécanismes de maladies neurodégénératives comme les SLA, alors qu’un
dysfonctionnement de ces systèmes neuronaux pourrait se traduire par des
troubles moteurs ou cognitifs, en particulier dans le domaine de la mémorisation
et de l’apprentissage. Mais l’excitotoxicité reste aujourd’hui encore une
hypothèse de travail et l’implication des AAE et notamment des transporteurs
dans la genèse de ces troubles, reste difficile à mettre en évidence, sauf
peut-être dans le cas des troubles de caractère aigu et plus spécifiquement dans
l’ischémie cérébrale. Les données de la littérature mettent ainsi l’accent sur
la possibilité de mettre en ouvre des stratégies de neuroprotection en agissant
pour bloquer l’action cytotoxique des AAE. Ces stratégies s’avèrent utiles,
voire très efficaces, dans les modèles expérimentaux. Toutefois, la réalité de
leur efficacité chez les patients reste à démontrer, même si les travaux sur les
transporteurs suggèrent, à l’évidence, que ces systèmes de transports jouent un
rôle critique dans les processus dégénératifs. Ils représentent alors une cible
essentielle à considérer dans le cadre d’actions thérapeutiques futures visant à
renforcer leur efficacité, soit en agissant pharmacologiquement, soit même en
imaginant que les avancées de la thérapie génique puissent nous permettre
d’envisager la transfection de ces transporteurs pour renforcer l’élimination
synaptique du glutamate.
Résumé

L’hypothèse de l’implication des acides aminés neuroexcitateurs (AAE),
neurotransmetteurs majeurs du système nerveux central, dans plusieurs maladies
neurodégénératives n’est pas récente mais les données actuelles tendent à la
valider, notamment dans le cadre de la chorée de Huntington et des SLA. Notre
approche de cette théorie met l’accent sur l’idée que l’un des facteurs en cause
pourrait être un défaut d’élimination synaptique de ces neurotransmetteurs par
altération des processus de capture cellulaire à haute affinité. La
caractérisation récente de plusieurs sous-types de transporteurs gliaux et
neuronaux a permis de préciser les modalités des régulations complexes de ces
transports, notamment sous l’effet d’autres neurotransmetteurs. Ces études
alliées à des recherches très fondamentales sur les ancètres de ces
transporteurs au plan phylogénétique pourraient dès lors permettre de renforcer
les idées du groupe de Rothstein aux USA qui suggère que, dans certaines formes
de SLA tout au moins, il pourrait y avoir un déficit d’expression ou de fonction
de l’un de ces transporteurs. Dès lors, l’élimination synaptique des AAE
représenterait bien une phase critique du fonctionnement cérébral. Si l’on admet
en plus que les AAE contribuent très vraisemblablement aux lésions résultant des
AVC ou des processus ischémiques, il est alors concevable que ces
neurotransmeteurs constituent une cible de choix pour l’approche de stratégies
de neuroprotection visant à ralentir le développement des processus
neurodégénératifs.  
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Les récepteurs aux opiacés
Pr. Hervé Allain, Dr Stéphane Schück, Dr Elizabeth Polard,
Olivier Tribut, François Duchêne, Gwendal Galesne
Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, av du Pr. Léon Bernard 35043 Rennes cedex
 
         mis à jour le 27 août 1999
1 Introduction
2 Les récepteurs m
2.1 Généralités
2.2 Les sous-types m1 et m2
2.3 Un m3 ?
3 Les récepteurs d
3.1 Généralités
3.2 Les sous-types d1 et d2
3.3Les sous-types dcx et dncx
4 Les récepteurs k
4.1 Généralités
4.2 Les sous-types k1, k2 et k3
4.3 Les sous-sous-types k
5 L'ORL1
6 Les ligands endogènes     6.1 Généralités
6.2 Les affinités
6.3 Les endomorphines
7 Les mécanismes effecteurs
7.1 Généralités
7.2 Dans le détail
7.3 Le syndrome de sevrage
8 La pharmacologie des récepteurs aux opiacés
8.1 La morphine
8.2 Les agonistes des récepteurs m
8.3 Les agonistes des récepteurs k
8.4 Les agonistes des récepteurs d
8.5 Les agonistes des ORL1
8.6 La notion d'agoniste partiel
Liens
1 Introduction

Le pavot, papaver somniferum est utilisé depuis l'antiquité pour soulager la
douleur ou calmer. L'opium en a été extrait ; son activité analgésique est
essentiellement dûe à l'un de ses alcaloïdes constitutifs, la morphine, isolée
en 1803 par SERTURNER. De nombreuses substances ont été synthétisées
chimiquement et ressemblent soit par leur structure soit par leur activité, à la
morphine ; on les regroupe sous le terme de substances opiacées (ou opioïdes).
La morphine et les opiacés agissent sur des récepteurs spécifiques dont trois
sont classiques, clonés et séquencés, les récepteurs m (Mu), d (Delta) et k
(Kappa). Ces récepteurs, couplés aux protéines G sensibles à la toxine
pertussis, partagent une même structure générale : une région extra-cellulaire
possèdant un N-terminal, sept domaines transmembranaires, une région
intracellulaire possèdant un C-terminal (Figure 2). Pour chacun de ces 3 types
de récepteurs, il a été démontré l'existence de plusieurs sous-types. Plus
récemment un nouveau type de récepteur a été identifié et appelé
récepteur-orphelin aux opiacés, ORL1 (opioid receptor-like). D'autres récepteurs
existent quoique moins bien caractérisés : e (epsilon), l (lambda), i (iota) et
z(dzêta). Les récepteurs s (sigma) (Tableau I) ne sont plus considérés
aujourd'hui comme récepteurs aux opiacés. Rappelons que la découverte d'un
récepteur (endogène) à la morphine (exogène) avait, à l'époque, conduit à la
recherche de substances endogènes "morphine-like" (endomorphine) et à la
découverte de pentapeptides endogènes, les enképhalines (Tyr-gly-gly-phe-met et
Tyr-gly-gly-phe-leu). Les principaux ligands spécifiques des grandes classes de
récepteurs aux opiacés apparaissent dans le Tableau II. La réceptologie des
opiacés est indispensable à connaître aujourd’hui pour aborder la pharmacologie
de la douleur, de l’addiction, des hallucinations et du plaisir.  
2 Les récepteurs m
2.1 Généralités
Le gène MOR-1 code pour une forme unique du récepteur m. Il présente 50 à 70 %
d'homologie avec les gènes codant pour les récepteurs d (DOR-1), k (KOR-1) et
ORL1. Chez la souris knock-out en MOR-1, la morphine perd sa propriété
analgésique. De même en l'absence de gène MOR-1 la morphine n'exerce plus
d'effet de renforcement et n'induit plus de dépendance physique.
2.2 Les sous-types m1 et m2
Il existe deux sous-types de récepteurs m les m1 et les m2 . Tous les
radioligands spécifiques obéissent à une liaison biphasique, évoquant deux sites
de liaison. La Naloxazone et la Naloxonazine abolissent le binding m1. In vivo,
la Naloxazone bloque sélectivement l'analgésie morphinique mais n'antagonise pas
la dépression respiratoire ni la dépendance physique.
2.3 Un m3 ?
Un troisième sous-type est suspecté sur la base d'agonistes qui sont des
analogues de la morphine substitués en position 6 : morphine-6b-glucuronide,
héroïne, 6 acétyl-morphine (absence d'analgésie croisée avec la morphine ;
action chez la souris CXBX). Le 3 méthoxynaltrexone antagonise ces agonistes de
manière spécifique. L'héroïne et la morphine-6b-glucuronide sont analgésiantes
(contrairement à la morphine) chez la souris knocked-out au niveau de l'exon-1
du gène MOR-1. Par contre une modification au niveau de l'exon-2 les rend
inactifs.  
3 Les récepteurs d
3.1 Généralités
Le gène DOR-1 est le seul gène cloné à ce jour, codant pour le récepteur d. Sur
la base d'études pharmacologiques in vivo et in vitro plusieurs sous-types de
récepteurs d doivent exister.
3.2 Les sous-types d1 et d2
Les récepteurs d1 admettent comme antagonistes le BNTX et le DALCE et comme
agonistes le DPDPE et le DADLE.
Les récepteurs d2 admettent comme antagonistes le Naltriben et le 5'NTII
(naltrindole 5'-isothiocyanate) et comme agonistes le Deltorphine II et le
DSLET. In vivo, l’analgésie induite par ces deux sous-types de récepteurs d peut
être antagonisée spécifiquement par divers bloqueurs de canaux potassiques. Les
propriétés pharmacologiques du récepteur cloné à partir du gène DOR-1
correspondent au sous-type d2. On attend de savoir si chez la souris «
knocked-out » en DOR-1, l’analgésie peut encore être induite par les agonistes
sélectifs des récepteurs d1 ou d2.
3.3 Les sous-types dcx et dncx
A partir d’études d’agonisme/antagonisme, il est apparu qu’un sous-type de
récepteur d , les sous-types dcx, était complexé aux récepteurs m (et
probablement aussi aux récepteurs k). A l’inverse les récepteurs dncx ne sont
pas associés au complexe du récepteur opiacé.
4 Les récepteurs k
4.1 Généralités
La classification des récepteurs k provient essentiellement d’études de binding
notamment à partir de cerveau de cobaye, riche en sites k (recours au ligand
marqué 3H-éthylkétocyclazocine ou EKC). La fonction et l’effet pharmacologique
des sous-types de récepteurs k ne sont pas clairs, en grande partie du fait de
l’absence pour le moment d’antagonistes spécifiques des divers sous-types de
récepteurs.
4.2 Les sous-types k1, k2 et k3
Le site k1 de haute affinité, prédominant dans le cerveau de cobaye est
sélectivement marqué par le U-69 593. Le site k2 prédominant dans le cerveau de
rat est sélectivement marqué par le bremazocine. Le sous-type k3 , insensible au
U 50-488 est marqué par le aloxone-benzoyl hydrazone, et rend compte de l’effet
antinociceptif de la nalorphine. L’UPHIT est un antagoniste spécifique des
récepteurs k1 ; le WIN 44. 441 est un antagoniste spécifique des récepteurs k2 .
4.3 Les sous-sous-types k
Les études de binding démontrent l’existence de sous-sous types de récepteurs k.
Les k1, par exemple, sont différenciés en k1a (marqué par l’a-néo-endorphine) et
k1b (ces derniers sont marqués par la dynorphine B).
De même, le site k2b possède une haute affinité pour la b-endorphine et le
DADLE.  
5 L’ORL1
Des hexapeptides issus d’une librairie de chimie combinatoire présentent une
haute affinité et une sélectivité pour ces récepteurs appelés ORL1. Deux
agonistes sont classiques, des heptadecapeptides, la nociceptine et l’orphanine
FQ. Par contre, pour le moment aucun antagoniste spécifique n’est à notre
disposition. Peut-être que le Ac-RYYRIK-NH2 est l’antagoniste attendu des ORL1.
 
6 Les ligands endogènes
6.1 Généralités
Depuis la découverte des enképhalines (et de leur biochimie dont les
enképhalinases, enzymes de catabolisme) de nombreux ligands endogènes vis-à-vis
des récepteurs sus-mentionnés ont été mis en évidence (Tableau III). Ces
peptides opioïdes endogènes dérivent tous de quatre précurseurs : la
pro-opio-melanocortine, la pro-nociceptine/orphanine FQ. Sur le plan de la
génétique de l’évolution, tous ces précurseurs doivent provenir d’un ancêtre
commun. En dehors de la Nociceptine/orphanine FQ, tous ces peptides possèdent la
même terminaison : tyr-gly-gly-phe(met/leu).
6.2 Les affinités
Aucun de ces peptides ne se lie de manière spécifique à un type ou à un
sous-type de récepteurs aux opiacés. La b-endorphine est équi-affine pour les m
et les d ; k et Leu-Enképhaline présentent de fortes affinités pour les d et
aucune pour les k. La dynorphine A et la dynorphine B ont une forte affinité
pour les k mais peuvent se lier également aux m et aux d. Plusieurs peptides
sont extraits de la peau d’amphibiens, notamment la dermorphine (m-sélectif ) et
la deltorphine II (d-sélectif).
6.3 Les endomorphines
Les endomorphines 1 et 2 (tétrapeptides) n’ont pas pour l’instant de précurseur
identifié. Ils sont sélectifs des récepteurs m. L’endomorphine 2 est présente
dans certaines régions du cerveau (colocalisée avec les récepteurs m) ainsi que
dans la corne postérieure de la moëlle.  
7 Les mécanismes effecteurs
7.1 Généralités
Les réponses cellulaires évoquées par la stimulation (rôle des agonistes) des
récepteurs aux opiacés sont diverses et nombreuses (Tableau IV). La
particularité des récepteurs aux opiacés est qu’ils appartiennent tous à la
superfamille des récepteurs couplés au système Gi/Go. Globalement tous ces
récepteurs décrits précedemment partagent des mécanismes effecteurs communs.
7.2 Dans le détail

 
Sur le plan fonctionnel, la plupart des récepteurs aux opiacés sont localisés
sur les terminaisons synaptiques de nombreux systèmes à neurotransmission. La
stimulation aigüe ou chronique de ces récepteurs, module le relargage de ces
neurotransmetteurs. Par ailleurs, des grandes voies opioïdes ont été décrites au
sein du système nerveux central (Figure 3) pouvant rendre compte du rôle des
opiacés dans la physiologie du cerveau et de la moëlle épinière. En
pharmacologie, l’intrication des voies opioïdes avec d’autres grands circuits
identifiés à neurotransmission ouvre la voie à des approches thérapeutiques
intéressantes notamment, en terme de potentialisation d’analgésie.
Un bon exemple réside dans la substance grise périaqueducale, voie opioïde
inhibitrice descendante vers la moëlle épinière. Les opiacés en fait,
désinhibent ces voies descendantes en inhibant le relargage spontané du GABA des
interneurones. Cette inhibition du relargage du GABA est dûe à une activation de
la conductance de canaux potassiques voltage-dépendants et sensible à la
dendrotoxine. Cette activation de la conductance est elle même liée à
l’activation de la phospholipase A2 (PLA2) et subséquemment du métabolisme de
l’acide arachidonique vers la voie de la 12’-lipo oxygénase. Ce mécanisme, à
titre d’exemple, explique totalement la synergie d’action de la morphine et des
anti-inflammatoires non stéroïdiens.
7.3 Le syndrome de sevrage
L’étape fondamentale du syndrome de sevrage décrit lors de l’arrêt brutal des
opiacés, semble être un rebond d’activité de l’adénylcyclase, phénomène associé
notamment dans le nucleus accumbens septi à une augmentation brutale du
relargage du GABA lors de l’arrêt de l’administration de l’opiacé. Ces
phènomènes de sevrage sont en effet complètement reproduits par la FORSKOLIN,
activateur direct de l’adényl-cyclase et sont inhibés par les inhibiteurs de la
protéine kinase A. Ces mécanismes viennent se substituer aux anciennes théories
fondées sur des modifications de sensibilité des récepteurs aux opiacés, lors de
traitements chroniques. Les explications actuelles précédentes s'articulent avec
les modifications de l'expression génique constatée à long terme
(adényl-cyclase, calcium intracellulaire, CREB).  
8 La pharmacologie des récepteurs aux opiacés
8.1 La morphine
Très clairement la pharmacologie des récepteurs aux opiacés est issue d'une
bonne connaissance des propriétés pharmacodynamiques de la morphine (Tableau V)
très vite classées par le thérapeute en effets bénéfiques (analgésie, inhibition
de la motricité intestinale et des secrétions) et effets indésirables
(dépression respiratoire, effet sur l'humeur, dysphorie, dépendance physique,
tolérance). Les premiers pas ont été de développer des analogues structuraux du
noyau 4,5-époxy-méthylmorphinane, telles la codéine et la thébaïne. Au 19ème
siècle un analogue diacétylé de la morphine a été synthétisé, l'héroïne, vite
reconnue comme prioritairement psychodysleptique.
8.2 Les agonistes des récepteurs m
De nombreux produits, essentiellement utilisés pour leurs propriétés
analgésiantes et/ou anesthésiantes, ont été obtenues en simplifiant
progressivement les structures chimiques. Tous ces produits présentent une forte
affinité pour le(s) récepteur(s) m. La Figure 3 illustre cette évolution
chimique des époxymorphinanes (Nalorphine, Nalbuphine) aux morphinanes
(Levorphanol), aux benzomorphanes (Pentazocine, Ketazocine) jusqu'aux
phénylpiperidines incluant la péthidine et les 4 anilino-pipéridines (Fentanyl).
La simplification ultime de la structure morphinique a conduit à la classe
chimique des méthadones, incluant la méthadone elle-même et le d-propoxyphène
(classé dans le palier II des antalgiques de l'OMS). Les dérivés synthétiques de
la thébaïne ont abouti à deux antagonistes des récepteurs m, la naloxone
(NarcanÔ) et la naltrexone et à un agoniste 1000 fois plus puissant que la
morphine, l' Etorphine. Tous ces agonistes sont aujourd'hui classés en
pharmacologie clinique en fonction de leur puissance relative analgésiante (par
rapport à la morphine), leur degré d'induction de dépression respiratoire et
leur pouvoir psychomimétique ou psychodysleptique (Tableau VI).
8.3 Les agonistes des récepteurs k
Les dérivés 6,7-benzomorphanes telle la kétazocine et analogues se sont révélés
à la fois antalgiques et sélectifs récepteurs k. Ces produits, hélas, ne
pouvaient se substituer à la morphine chez les animaux dépendants. Des produits
synthétiques, sans aucun lien structurel avec la morphine, semblent être de
puissants analgésiques mais quoique sélectifs des récepteurs k , ne sont pas
dénués d'effets sédatifs ou dysphoriques [U-50.488 ; Spiradoline ; Enadoline ;
Niravoline]. Pour cette raison des agonistes k ne franchissant pas la barrière
hémoencéphalique sont en développement comme futurs antalgiques périphériques
[Asimadoline]. Ces agonistes sélectifs permettent de mieux comprendre les
propriétés spécifiquement en rapport avec les récepteurs k : effet
neurocytoprotecteur (modèle d'ischémie cérébrale) ; effet diurétique (diminution
de l'osmolalité de l'urine).
8.4 Les agonistes des récepteurs d
Il est admis que la stimulation sélective des récepteurs d induit une analgésie.
L'idée poursuivie est d'obtenir un effet pur sur la douleur. Plusieurs produits
de synthèse, non peptidiques, sont à l'étude : SB 213 698 ; TAN 67 ; BW 373U86,
SNC 80.
8.5 Les agonistes des ORL1
La recherche s'oriente vers l'obtention de composés non peptidiques, toujours
dans une optique d'antalgie. La stimulation des ORL1 conduit également à une
modification des contrôles moteurs (intérêt en Neurologie ?).
8.6 La notion d'agonistes partiels

De nombreux agonistes, notamment des récepteurs m se sont révélés être des
agonistes partiels. Cette notion pharmacologique, en grande partie issue des
travaux de binding et d'électrophysiologie conduit à des implications
thérapeutiques importantes (Tableau VII).
Liens

    *
      Structures 3D de neuropeptides
    *
      Chimie des analgésiques opioïdes
    *
      Liste des ligands aux récepteurs
       


Les récepteurs au cannabis
Pr. Hervé Allain, Dr Stéphane Schück, Dr Elizabeth Polard,
Olivier Tribut, François Duchêne, Gwendal Galesne
Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, av du Pr. Léon Bernard 35043 Rennes cedex
 
         mis à jour le 3 septembre 1999
1 Introduction
2 Les récepteurs cannabinoïdes
3 Les ligands endogènes
3.1 L'anandamide
3.2 Le 2 arachidonyl - glycérol (2AG)
3.3 Métabolisme     4 La pharmacologie des récepteurs au cannabis
4.1 Les agonistes
4.2 Les antagonistes
4.3 La notion d'agoniste inverse
5 Les mécanismes effecteurs
Références
1 Introduction

La plante Cannabis sativa est utilisée depuis plus de 4 000 ans pour traiter
divers signes ou maladies : la migraine, l’épilepsie, le glaucome, la douleur,
les crampes musculaires. De cette plante a pu être extrait le Cannabis ou
marijuana, utilisé de manière illicite. Le composé principal du cannabis est le
D-9-tétrahydrocannabinol (D9-THC) (Figure 1). Cette substance agit sur des
récepteurs spécifiques (les récepteurs cannabinoïdes) dont deux ont été clonés
et séquencés, les CB1 (principalement représentés dans le système nerveux
central) et les CB2 (principalement situés sur le système immunitaire
périphérique). La découverte de récepteurs (endogènes) au cannabis (exogène) a
conduit à l'identification de composés lipidiques endogènes qui se lient
sélectivement sur ces récepteurs cannabinoïdes, tant dans le cerveau que dans
les tissus périphériques. Ces ligands, agonistes des récepteurs, sont appelés
les endocannabinoïdes. La réceptologie du cannabis est indispensable à connaître
aujourd’hui pour aborder la pharmacologie de la dépendance de l'addiction et du
plaisir et surtout entrouvrir des chemins peu classiques en
neuropsychopharmacologie.  
2 Les récepteurs cannabinoïdes
C'est la synthèse d’un ligand moins lipophile que le D9-THC, très sélectif et de
haute affinité pour les sites au cannabis, le CP 55940, qui a permis la
découverte de deux types de récepteurs cannabinoïdes, le CB1 et le CB2.

Le CB1 a été cloné et séquencé chez le rat, la souris et l’être humain ; ce
récepteur appartient à la famille des récepteurs couplés à la famille des
protéines G, présentant des boucles transmembranaires (Figure 2). Le CB2, cloné
plus tardivement chez l'homme et la souris présente une faible homologie de
séquence d'acides aminés avec le CB1 (44%) sauf au niveau des séquences
transmembranaires (68 %). Des souris Knocked-Out en CB1 et CB2 ont été obtenues,
expériences laissant présager l'existence d'autres types de récepteurs
cannabinoïdes.

La distribution des CB1 dans le cerveau humain correspond aux structures
anatomiques impliquées dans les effets principaux du cannabis sur la mémoire,
les perceptions sensorielles et les contrôles moteurs soit l'hippocampe, le
cortex associatif, le cervelet et les ganglions de la base. L’absence de CB1
dans le thalamus, le tronc cérébral et la moëlle épinière expliquerait que
l'abus de marijuana ne s'accompagne pas de risques vis à vis des fonctions
vitales ou végétatives. Les CB1 existent également en dehors du système nerveux
central : testicules, intestin grêle, vessie, vas-déferens, musculature lisse
des vaisseaux cérébraux ainsi que sur les terminaisons nerveuses pré-synaptiques
du système orthosympathique.
La distribution des CB2 est essentiellement périphérique en dehors des cellules
microgliales du rat : les cellules de l'immunité (monocytes, lymphocytes B et
T...) les amygdales, la rate.
3 Les ligands endogènes
3.1 L'anandamide
Le premier agoniste endogène des récepteurs cannabinoïdes est l'anandamide
(ananda en Sanskrit signifie la béatitude) correspondant à l'acide arachidonique
lié à l'éthanolamine par une liaison amide. Ce composé endogène existe en grande
quantité dans le cerveau mais également dans le testicule et la rate.
L'anandamide déplace le binding des agonistes cannabinoïdes des CB1 et CB2, se
comporte en inhibiteur de l'activation de l’adénylcyclase, inhibe les courants
calciques des canaux N et stimule la mobilisation (indépendante des récepteurs)
de l’acide arachidonique et du calcium. Ce composé endogène, quoique faiblement
affine pour les récepteurs, mime les effets du D9-THC : hypothermie, analgésie,
hypomotricité et catalepsie. Le R(+)-Méthanandamide (M186) est plus affine et
plus résistant à l’hydrolyse par les aminopeptidases.  
3.2 Le 2 arachidonyl-Glycérol (2 AG)
Le 2 AG est un autre endocannabinoïde identifié dans le cerveau. Il est
également peu affine pour les CB1 et les CB2, mais ses concentrations cérébrales
sont 200 fois plus importantes que celles de l'anandamide. Il est relargué lors
d’une stimulation par la ionomycine (ionophore calcium) via probablement la
stimulation de la phospholipase C.
Toute une série d’autres acides gras éthanolamides possédant une chaine
carbonée, sont des candidats potentiels dans cette famille de ligands endogènes
; ils pourraient déboucher sur la mise en évidence de nouveaux sites récepteurs
(exemple du récepteur périphérique palmitoyl-éthanolamide).  
3.3 Métabolisme
a) La synthèse de l’anandamide se fait à partir d’un précurseur phospholipidique
hydrolysée par la phospholipase D. En présence d’un excès de calcium, l’acyl
transférase conduit au N-arachidonyl phosphatidyl éthanolamide.
b) Le catabolisme enzymatique (aminohydrolase) et une recapture contribuent à la
dégradation rapide des ligands endogènes des récepteurs aux cannabis. L’enzyme
de dégradation (qui admet également comme substrat un facteur  inducteur de
sommeil, l’oléamide) est appelée la "Fatty Acid Amide Hydrolase" ou FAAH. Des
inhibiteurs de cette FAAH ont été développés. L’enzyme se trouve dans le
cytoplasme des neurones ce qui signifie que le catabolisme enzymatique implique
au préalable, une diffusion ou une recapture. La recapture de l’anandamide est
sélective, saturable et dépendant de mécanismes sodiques et énergétiques. Un
inhibiteur du transporteur (non clairement identifié) de l’anandamide a été
développé, l’AM 404.  
4 La pharmacologie des récepteurs au cannabis
4.1 Les agonistes
Plusieurs agonistes non spécifiques ont été synthétisés, notamment des analogues
de la structure tétrahydropyrane du D9-THC : HU 210, Nabilone ; d’autres
agonistes sont éloignés de la structure des cannabinoïdes : CP 55 940, WIN 55
212-2, Levonantradol. Des agonistes des CB2 sont en cours de développement : JWH
015, 1-déoxy HU 210 ou le dérivé indole de l’indomethacine, le morpholinylamide.
 
4.2 Les antagonistes
Plusieurs antagonistes sélectifs des CB1 ont été synthétisés : SR 141716A, AM
630, LY 320 135. Un puissant antagoniste sélectif des CB2, existe : le SR
144528.
4.3 La notion d'agoniste inverse
L’ AM 630 et le SR 1417 6A spécifique des CB1 ont des propriétés agonistes
inverses ; ceci laisse suggérer que l’activité spontanée de ce récepteur est
très élevée, la liaison avec les ligands atténuant cette activité
"physiologique".  
5 Les mécanismes effecteurs

Les CB1 et CB2 diffèrent notablement dans leur couplage aux mécanismes de
transduction, même si tous deux inhibent l’adényl-cyclase via les protéines G
(Famille Gi/Go) sensibles à la toxine pertussis.
L’activation des CB1 bloque les canaux calciques de type N, P et Q et active les
canaux potassiques. C’est le blocage des canaux calciques de type N qui rend
compte de l’effet inhibiteur du cannabis sur des systèmes identifiés de
neurotransmetteurs : inhibition du relargage de l’acétylcholine dans
l’hippocampe, de la noradrénaline dans l’hippocampe, cortex, cervelet et au
niveau des terminaisons nerveuses périphériques, inhibition de la transmission
glutamatergique dans l’hippocampe.
L’activation par les CB1 et les CB2 des protéines Gi/Go explique l’inhibition de
l’accumulation d’AMP cyclique dans les cellules cibles. Cette inhibition de la
messagerie AMP cyclique, en cascade, rend compte de la diminution de la synthèse
d'oxyde nitrique (NO) par les substances cannabinoïdes (répression du gène NO
synthase) ainsi que l’atténuation des fonctions immunitaires (CB2). D’autres
phénomènes intracellulaires sont liés à une modulation directe des sous-unités
beta et delta des protéines G. C’est le cas, par exemple, de l’activation par
les agonistes cannabinoïdes des mitogen activated protein (MAP) Kinases. Cette
activation des MAPKinases conduit, en cascade, à l’activation de facteurs de
transcription (Facteur Krox 24) et de l’activité tant des facteurs Fos (C-fos
;D-Fos B) que du binding de l’AP1 à l’ADN (site du gène des GluR2). Cette
cascade de réactions est un exemple supplémentaire de l’impact d’une substance
exogène (ici le cannabis) sur l’expression génique et donc une explication des
modifications retardées et à long-terme survenant dans le cerveau après
administration d’une substance exogène (plasticité cérébrale, dépendance,
transformation d’une réponse aiguë en une adaptation structurale à long-terme,
mémoire...) La dépendance induite par le cannabis et la marijuana s’explique
tant par l’inhibition de l’adénylcyclase que par l’induction du D-FosB.
Références :  

   1. HIROI et al. PNAS 1997 ; 94 : 10 397-10402
   2. CHEN et al. Mol pharmacol 1998 ; 54 : 495-503.  


Les récepteurs nicotiniques
Jacques Le Houezec
Conseiller scientifique, Phamacia & Upjohn
jlehouezec@ifrance.com
 
mis à jour le 3 mai 2000
1 Introduction
2 La nicotine
3 Les récepteurs nicotiniques
4 La pharmacologie de la nicotine
4.1 Absorption     

4.2 Distribution
4.3 Métabolisme
5 Mécanismes d'action
6 Effets positifs
Références
1 Introduction

Au cours des siècles l'utilisation du tabac s'est répandue dans la  plupart des
sociétés dans lesquelles il a été introduit. Son introduction en Europe après
que Christophe Colomb ait découvert l'Amérique est somme toute assez récente. En
Amérique du Sud, l'utilisation du tabac est profondément ancrée dans la culture
indienne. Le tabac y est utilisé depuis les temps précolombiens à des fins
magico-religieuses, médicinales et récréatives. La méthode d'administration la
plus communément utilisée par les Indiens Sud Américains est le tabac  fumé,
mais la prise (nasale), la chique et l'ingestion par boisson sont aussi
couramment employées. Ces deux dernières étant probablement les plus anciennes
méthodes utilisées.  D'autres méthodes incluent le léchage (muqueuse buccale),
et l'administration rectale, percutanée et oculaire.
L'utilisation rituelle du tabac dans la religion Chamanique pourrait être aussi
ancienne que les origines de l'horticulture, soit environ huit mille ans. Les
Indiens découvrirent les vertus du tabac (nicotine) pour délivrer les greniers à
grains (insecticide) et le corps humain (vermifuge) de l'invasion des insectes.
Projeté au plan métaphysique, le tabac est utilisé pour délivrer les gens du
"démon pathogène". L'utilisation rituelle du tabac cherchait à atteindre
l'intoxication aiguë par la nicotine, aboutissant aux états catatoniques des
Chamans, représentant une mort symbolique. Les effets de larges doses de
nicotine sur le système nerveux central et autonome donnaient l'impression d'une
mort progressive du Chaman, qui miraculeusement revenait à la vie après quelques
heures.  
2 La nicotine
La nicotine est le principal alcaloïde du tabac, représentant 90 à 95% du
contenu total en alcaloïdes. La nicotine ne représente que moins de 10% du poids
sec de la plante. Les alcaloïdes sont synthétisés dans les racines puis sont
transportés dans les feuilles selon un gradient de concentration. La nicotine
est plus concentrée dans les feuilles du sommet de la plante que dans les
feuilles basses. Il y a des différences de contenu en alcaloïdes selon les
variétés de plants de tabac. Le mélange de différentes variétés est d'ailleurs
un moyen de contrôler le contenu en nicotine des produits tabagiques. Le contenu
en alcaloïdes dépend aussi de la façon dont le tabac est traité après la
récolte. Les tabacs blonds utilisés dans les cigarettes, est séché par un flux
d'air chaud dans des conditions hygrométriques contrôlées (flue-curing). Un tel
traitement produit une fumée de tabac acide (pH 5-6). Les tabac bruns, utilisés
dans les cigarettes européennes ou pour les tabacs à pipe ou à cigare, sont
séchés au soleil ou à l'air libre (air-curing) après avoir subi une
fermentation, dont le rôle est de baisser le contenu en alcaloïdes,
naturellement plus élevé dans les tabacs bruns que dans les tabacs blonds. Ce
traitement rend la fumée plus alcaline (pH 6-7 pour les cigarettes, pH 8 pour le
tabac à pipe ou à cigare).

La nicotine est une amine tertiaire composée d'un cycle pyridinique et d'un
cycle pyrrolidinique. Le stéréoisomère naturel est la l-nicotine, qui est
pharmacologiquement de 5 à 100 fois plus actif (suivant le type d'activité
spécifique) que le d-isomère. Ce dernier est présent en faible quantité dans la
fumée de tabac (jusqu'à 10% du contenu en nicotine de la fumée), mais est absent
du tabac lui-même, indiquant qu'une racémisation partielle se produit lors de la
combustion. La nicotine est une base faible, volatile et sans couleur (pKa=
7.9), qui acquiert une couleur brune et une odeur caractéristique de tabac au
contact de l'air. Dans les conditions de pression atmosphérique normales, le
point de fusion de la nicotine est à 246°C, elle se volatilise donc dans le cône
de combustion de tabac (800°C). La nicotine de la fumée inhalée est en
suspension dans des gouttes de goudrons (0.3-0.5 µm) et fait ainsi partie de ce
que l'on nomme la phase particulaire de la fumée de tabac. Après un certain
temps, comme dans le cas de la fumée libérée dans l'environnement, la nicotine
quitte la phase particulaire et devient un constituant de la phase gazeuse. La
nicotine sous forme de base libre est absorbée très facilement à travers les
membranes à cause de sa lipophilie.
En dehors de la nicotine il y a de nombreux alcaloïdes du tabac présentant une
parenté structurelle avec elle, qui pourraient avoir une importance
pharmacologique non négligeable. Ces alcaloïdes mineurs représentent 8 à 12% du
contenu total en alcaloïdes. Le tabac commercialisé est principalement produit à
partir de Nicotiana tabacum. Dans certaines variétés de tabac, les
concentrations de nornicotine (N. tomentosa) ou d'anabasine (N. glauca) sont
plus élevées que les concentrations de nicotine. La nornicotine et l'anabasine
ont des propriétés pharmacologiques qualitativement similaires à celles de la
nicotine. De plus, certains de ces alcaloïdes mineurs pourraient influencer les
effets de la nicotine. Il n'y a pas eu encore d'études sur les effets
pharmacologiques des alcaloïdes mineurs du tabac chez l'Homme.  
3 Les récepteurs nicotiniques
Les récepteurs nicotiniques sont avant tout des récepteurs cholinergiques (ACh).
Langley, à la fin du siècle dernier, a utilisé un certain nombre d'alcaloïdes,
dont la nicotine, pour étudier le système nerveux. Le concept de récepteur est
d'ailleurs issu d'une expérience de Langley dans laquelle il utilisa la nicotine
afin de stimuler un muscle privé de son innervation. En 1914, Dale développa le
concept de deux sites d'action différent pour l'acétylcholine, nommés
muscarinique et nicotinique, basé sur les sélectivités respectives de ces sites
envers la muscarine (alcaloïde extrait de l'amanite tue-mouches, musca en latin)
ou la nicotine.

Les récepteurs à la nicotine font partie de la famille des récepteurs-canaux. 
Le récepteur nicotinique est constitué de 5 sous-unités protéiques
transmembranaires. Le récepteur nicotinique de la jonction neuromusculaire est
l'un des récepteurs les mieux connu; ses sous-unités protéiques sont de 4 types
différents (alpha, beta, delta, gamma; dans les proportions 2/1/1/1). Les
récepteurs centraux sont constitués seulement de sous-unités alpha et beta.
Lorsque l'acétylcholine, ou la nicotine, se lient au récepteur (sur les 2
sous-unités alpha), celui-ci change de conformation, ce qui ouvre le canal
ionique et laisse entrer le sodium à l'intérieur de la cellule, provoquant la
dépolarisation de la membrane. Plus récemment, on a aussi découvert que ces
récepteurs étaient perméables au calcium (Ca2+), facilitant la libération de
certains neurotransmetteurs pour lesquels la nicotine jouerait le rôle de
modulateur.  
4 La pharmacologie de la nicotine
La forme active de la nicotine est un ion positif dont la charge se situe sur
l'azote du cycle pyrrolidinique. Cette forme active ressemble à l'acétylcholine
quant à l'espace séparant les charges positives et négatives. L'acétylcholine
est une molécule flexible qui peut à la fois se lier aux récepteurs nicotinique
et muscarinique. La molécule de nicotine est moins flexible et ne peut se lier
au récepteur muscarinique. La nicotine et la muscarine sont donc des agonistes
spécifiques d'un seul type de récepteurs cholinergiques, d'où les nom de
récepteurs nicotiniques ou muscariniques qui caractérisent les deux sous-classes
de récepteurs cholinergiques.
4.1 Absorption

L'absorption de la nicotine à travers les membranes cellulaires est dépendante
du pH. En milieu acide, la nicotine est sous forme ionisée et ne passe pas
facilement les membranes. A pH physiologique (pH=7,4), environ 31% de la
nicotine est sous forme non-ionisée et traverse très facilement et rapidement
les membranes.
La façon dont le tabac est traité après récolte et utilisé peut produire des
différences considérables quant à la rapidité et l'importance de l'absorption de
la nicotine. Les utilisations rituelles (magico-religieuses) telles que la
chique, le léchage, l'absorption par la boisson, ou l'administration rectale de
dérivés du tabac, reposent sur une absorption gastro-intestinale de la nicotine.
La nicotine est rapidement absorbée à travers les muqueuses à cause de la
finesse de leur épithélium et de leur abondante irrigation sanguine. La nicotine
déglutie est absorbée au niveau de l'intestin grêle. Après absorption par le
système porte, la nicotine subit le métabolisme hépatique présystèmique, de
sorte que sa biodisponibilité est relativement faible (30-40%). Ainsi, les voies
buccale (muqueuse) et rectale sont des voies plus efficaces d'administration car
elles évitent l'effet de premier passage hépatique.

Le pH de la fumée de tabac blond (flue-cured), trouvé dans la majorité des
cigarettes consommées actuellement, est acide. Contrastant avec d'autres
produits tabagiers comme le tabac à chiquer, à priser, à pipe ou à cigare, cette
fumée ne permet qu'une faible absorption buccale, même si elle est retenue plus
longtemps dans la bouche. L'inhalation est donc nécessaire pour permettre à la
nicotine d'être absorbée par l'énorme surface de l'épithélium alvéolaire. Dans
les poumons, la nicotine est rapidement absorbée par la circulation systémique.
Cette absorption est facilitée car le flux sanguin des capillaires pulmonaires
est élevé, représentant le passage de la totalité du volume sanguin chaque
minute. La nicotinémie augmente rapidement lors de la consommation d'une
cigarette, et atteint un pic plasmatique à la fin de celle-ci. Ainsi, la
nicotine absorbée par la fumée de tabac se distribue rapidement dans divers
organes, dont le cerveau.

Le comportement tabagique est complexe, et les fumeurs peuvent contrôler très
précisément la dose qu'ils s'administrent bouffée par bouffée. Cette dose de
nicotine est dépendante de l'intensité, la durée et le nombre des bouffées, de
la profondeur de l'inhalation, et du degré de dilution de la fumée avec l'air
inspiré. A cause de la complexité de ce procédé d'administration, il est
impossible de prédire la dose de nicotine absorbée à partir du contenu en
nicotine du tabac. Dans une étude, la dispersion de la dose absorbée par des
sujets expérimentaux a été de 0.4 à 1.6 mg par cigarette, et n'était pas corrélé
au taux de nicotine des cigarettes fumées.
4.2 Distribution

Fumer est un mode unique d'administration car l'entrée dans la circulation se
fait directement par le système veineux pulmonaire plutôt que par la circulation
systémique ou portale. Basé sur les données physiologiques, la nicotine atteint
le cerveau en 9 à 19 secondes, plus rapidement qu'après une injection
intraveineuse. La nicotine est ensuite amplement et rapidement distribuée dans
l'ensemble du corps avec un volume de distribution à l'équilibre de l'ordre de
180 litres (2.6 L/Kg).
Une simulation des concentrations en nicotine dans différents organes après
absorption pulmonaire a été réalisée à partir de données obtenues chez le Lapin.
Les concentrations artérielles et cérébrales augmentent très rapidement après
l'exposition pulmonaire puis déclinent sur une période de 20 à 30 minutes alors
que la nicotine se redistribue dans d'autres tissus, en particulier les muscles
squelettiques. Dans les toutes premières minutes, la concentration est beaucoup
plus élevée dans le sang artériel que dans le sang veineux. Cette différence a
été observée à la fois chez le lapin, après injection intraveineuse rapide, et
chez l'Homme, après consommation de cigarette. Par la suite, les concentrations
veineuses décroissent plus lentement, reflétant la redistribution à partir des
tissus corporels et la vitesse d'élimination. Le rapport des concentrations
cérébrale/veineuse est le plus élevé à la fin de la période d'exposition, puis
décroît progressivement dès que la phase d'élimination entre en jeu.
L'importance de ce déséquilibre entre ces concentrations est discuté
parallèlement aux effets pharmacologiques dans le paragraphe sur la
pharmacodynamie.
Au contraire de l'inhalation, l'absorption par la voie orale produit une
augmentation graduelle de la concentration cérébrale avec des rapports de
concentrations cérébrale/veineuse et artérielle/veineuse plus faibles.
4.3 Métabolisme

La nicotine est métabolisée principalement dans le foie, mais aussi un peu au
niveau des poumons et des reins. L'excrétion rénale de nicotine non transformée
dépend du pH et du flux urinaires, et représente habituellement 5 à 10% de
l'élimination totale. La demi-vie d'élimination de la nicotine est d'environ 2
heures, mais présente une grande variabilité interindividuelle. Les métabolites
primaires de la nicotine sont la cotinine et le N'-oxyde de nicotine. La
cotinine est le produit d'une oxydation hépatique par des cytochromes P-450.
Elle est ensuite elle-même métabolisée, sauf pour environ 17% qui sont excrétés
inchangés dans l'urine. La trans-3'-hydroxycotinine est le métabolite majeur de
la cotinine. Le N-oxyde de cotinine et la 5'-hydroxycotinine ont aussi été
identifiés dans l'urine humaine. La demi-vie de la cotinine étant plus longue
(environ 16 heures), elle est souvent utilisée comme marqueur biologique de la
consommation de nicotine, en particulier pour vérifier l'abstinence tabagique
d'un fumeur en sevrage. La trans-3'-hydroxycotinine, dont la concentration
urinaire est 2 à 3 fois plus élevée que celle de la cotinine, pourrait aussi
être un marqueur de choix lorsqu'une méthode d'analyse de routine sera
disponible. Cependant, comme l'utilisation de nicotine est de plus en plus
fréquente dans le traitement du sevrage tabagique (gomme ou timbre), les
marqueurs de la nicotine ne sont plus d'une grande utilité pour attester de
l'abstinence tabagique. La mise au point d'un dosage de routine pour des
alcaloïdes mineurs tels que l'anabasine ou l'anatabine, qui sont présents dans
le tabac mais pas dans les préparations pharmaceutiques de nicotine, devraient
grandement améliorer cette situation.

La connaissance de la demi-vie d'élimination d'une substance pharmacologique est
utile pour prédire la quantité accumulée dans l'organisme au cours d'une
administration répétée et le profil de son élimination lors de l'arrêt de
l'administration. Avec une demi-vie d'élimination de l'ordre de 2 heures, la
nicotinémie augmente régulièrement sur une période de consommation de 6 à 8
heures (3 à 4 demi-vies) et persiste à un niveau significatif pendant environ la
même durée après l'arrêt. Ainsi, la consommation de cigarette expose le fumeur à
des concentrations pharmacologiquement actives 24h/24. Cependant, une tolérance
s'installe graduellement au cours de la journée envers de nombreuses actions de
la nicotine. L'abstinence nocturne permet d'éliminer une très grande partie de
la nicotine accumulée et une resensibilisation envers ses effets.  
5 Mécanismes d'action
Certaines propriétés des récepteurs nicotiniques pourraient rendre compte de
certains aspects de la dépendance au tabac. Ces propriétés sont liées au
phénomène de tolérance. La règle normale en pharmacologie des récepteurs, est
qu'une exposition chronique à un agoniste (molécule qui se fixe sur le récepteur
et mime l'effet du neurotransmetteur) produit une "down-regulation" (diminution
du nombre de récepteurs), alors qu'une exposition chronique à un antagoniste
(molécule qui se fixe sur le récepteur et empêche l'action du neurotransmetteur)
produit l'effet inverse, une "up-regulation". Le récepteur à la nicotine
présente l'effet inverse. Il subit une "up-regulation" en présence de nicotine,
son agoniste, car il semble que lorsque la nicotine se lie au récepteur, il
change de configuration et devient incapable d'être stimulé de nouveau pendant
un certain temps. Ce phénomène est connu sous le nom de désensibilisation.
Cependant, le lien entre la désensibilisation et l'augmentation du nombre de
récepteurs n'a pas encore été clairement établi. En effet, une injection unique
de nicotine, qui produit certainement une désensibilisation, est sans effet sur
le nombre de récepteurs.

D'une certaine façon, ces propriétés observées sur les récepteurs peuvent être
mis en parallèle avec les phénomènes de tolérance qui jouent certainement un
rôle important dans la dépendance. La tolérance est habituellement définie comme
un état dans lequel, après une répétition des doses, une dose donnée d'une
substance pharmacologique produit un effet moindre qu'après les premières doses.
Deux types de tolérance s'observent dans le cas du tabagisme:
- une tolérance aiguë, qui se développe en quelques minutes tant chez le fumeur
que chez le non-fumeur. Chez le fumeur, la tolérance aiguë se développe au cours
de la journée parallèlement à l'élévation de la nicotinémie ; on l'observe par
exemple pour la fréquence cardiaque. Pendant la nuit, à cause de la demi-vie
relativement courte de la nicotine (2 heures), la nicotinémie décroît
rapidement, ainsi que la tolérance, et très peu de nicotine est présente dans le
sang du fumeur lorsqu'il se lève le matin;
- une tolérance chronique, due à la consommation répétée quotidiennement, qui
est encore mal connue.
6 Les effets positifs de la nicotine
Cette partie sera développée ultérieurement (à suivre!).

 
Références

Le Houezec J.: Psychopharmacologie de la nicotine: Effets affectifs et cognitifs
de la nicotine sous-tendant la dépendance tabagique. In: Nicotine et troubles
neuropsychiatriques. H.-J. Aubin (Ed). Masson, Paris, 1997, pp.3-32.

Le Houezec J.: Le point sur... la dépendance à la nicotine. Actualités
Innovations-Médecine, N°25, Décembre 1995.

Le Houezec J.: Le point sur... la substitution nicotinique. Actualités
Innovations-Médecine, N°53, Octobre 1998.

Le Houezec J.: Nicotine: abused substance and therapeutic agent. J Psychiatry
Neurosci, 1998, 23(2):95-108.

Le Houezec J.: Pharmacokinetics and pharmacodynamics of nicotine related to
psychopharmacological basis of nicotine dependence. In: Caffeine, social
drinking and nicotine. Separate and combined effects on cognition and the brain.
J. Snel (Ed), Harwood, Amsterdam, 1998, 3-19.

Pus d'infos et de références sur : http://j-lehouezec.ifrance.com/j-lehouezec/

Les récepteurs à la sérotonine
Gilles Fillion1 et Hervé Allain2
1 Unité de Pharmacologie Neuro-Immuno-Endocrinienne
Institut Pasteur, 28 rue du Docteur Roux, 75724 Paris Cedex 15
2 Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, av du Pr. Léon Bernard 35043 Rennes cedex
 
                                                                        mis à
jour le 1er décembre 1999
1 Introduction générale
1.1 Historique
1.2 Neuroanatomie
2 Récepteurs à la sérotonine
2.1 Généralités
2.2 Famille des récepteurs 5HT1     2.3 Famille des récepteurs 5HT2
2.4 Famille des récepteurs 5HT3
2.5 Famille des récepteurs 5HT4
2.6 Famille des récepteurs 5HT5
2.7 Famille des récepteurs 5HT6
2.8 Famille des récepteurs 5HT7
1 Introduction générale
1.1 Historique
La présence d'un facteur vasotonique dans le sang était pressentie dès le début
du siècle, mais c'est en 1935 qu'Erspamer (Erspamer et Vialli, 1935) montre
l'existence d'une substance capable de contracter les muscles lisses; le fait
qu'il l'ait trouvée dans les cellules chromaffines de l'intestin l'amène à
l'appeler " entéramine ". En 1948, le groupe de Rapport (Rapport et al., 1948)
isole un tel facteur à partir du sérum du sang et l'appelle en conséquence "
sérotonine ",

l'année suivante, Rapport détermine la structure du composé commun comme étant
la 5-hydroxytryptamine (5HT). En 1953, Twerog et Page démontrent que cette amine
est aussi un neurotransmetteur du cerveau des mammifères. Woolley (1963) préente
l'hypothèse que cette amine peut être impliquée dans certaines maladies
mentales. Cette hypothèse sera précisée ensuite, notamment par Coppen en 1969
proposant que la sérotonine joue un rôle dans la dépression. Les 30 dernières
années ont vu une multiplication impressionnante du nombre des travaux
expérimentaux et observations cliniques démontrant l'implication de la 5HT non
seulement dans la dépression mais aussi l'anxiété, la conduite suicidaire, les
désordres alimentaires, le trouble obsessionnel compulsif et l'alcoolisme. En
parallèle, il était aussi montré que la 5HT exerçait un rôle important dans
nombre de fonctions physiologiques telles que le sommeil, l'appétit, le rythme
circadien, la régulation de l'humeur, les fonctions cognitives et le
développement du cerveau.  
1.2 Neuroanatomie
Le système sérotonergique cérébral a été décrit notamment par Tork (1990) et par
Jacobs et Azmitia (1992). Il est avant tout caractérisé par sa centralisation
très marquée puisque tous les corps cellulaires neuronaux sont centralisés dans
le raphé, une région du tronc cérébral, où ils sont regroupés dans 5-6 noyaux;
ces neurones se projettent dans pratiquement tout l'ensemble du cerveau à partir
de 2 noyaux majeurs (raphé dorsal et raphé médian). Les fibres à axone fin et
ramifié, très variqueuses (fibres D), les plus nombreuses, et d'autres à axone
épais, moins ramifiées et moins variqueuses (fibres M). La présence de ces très
nombreuses varicosités (équivalents de terminaisons neuronales) confère au
système sérotonergique une capacité extrêmement importante d'interaction avec
les autres neurones ; ainsi, cette organisation structurale lui permet de jouer
son rôle de neuromodulateur et favorise sa participation efficace dans la
régulation de l'homéostasie du cerveau.  
2 Récepteurs à la sérotonine
2.1 Généralités
La libération de la 5HT par les neurones sérotonergiques lors de leur activation
conduit à modifier l'activité des neurones-cibles en utilisant la médiation de
récepteurs spécialisés, ensembles protéiques complexes qui reconnaissent
spécifiquement la structure chimique de la 5HT et dont l'activation entraîne la
stimulation (ou l'inhibition) d'un système fonctionnel produisant une série de
signaux, les seconds messagers, ions ou composés chimiques particuliers, parmi
lesquels l'adénosine monophosphate cyclique (c.AMP), le phosphate d'inositol
(ip3), le diacylglycerol etc...

Deux types principaux de récepteurs sont mis en oeuvre dans le fonctionnement du
système sérotonergique: d'une part les récepteurs de type GPCR (récepteur couplé
à des protéines G) qui modulent les activités cellulaires via la production d'un
second messager et un récepteur de type canal ionique (5HT3) qui dépolarise
rapidement la cellule en permettant le passage des cations. La découverte des 14
sous-types différents de récepteurs sérotonergiques s'est déroulée en 2 phases :
la première, très "pharmacologique" était étroitement dépendante de l'existence
de composés reconnaissant spécifiquement l'un de ces récepteurs, par exemple le
8-OH-DPAT (Hjorth et al., 1982) a permis l'identification et la caractérisation
des récepteurs 5HT1A, la seconde phase a été très liée au développement de la
biologie moléculaire permettant de caractériser directement par homologie de
séquence les gènes responsables de la production des divers récepteurs. Cette
dernière approche a ainsi permis de cloner les gènes responsables de la synthèse
de protéines réceptrices avant que l'on dispose de composés reconnaissant
spécifiquement ces récepteurs et avant même que l'on connaisse leur fonction. Ce
développement dans l'étude des récepteurs a été à l'origine de progrès
fulgurants dans la connaissance du système sérotonergique.

Les récepteurs sérotonergiques sont classés en 7 familles principales 5HT1, à
5HT7 dont certaines contiennent divers sous-types. Diverses revues ont déjà été
consacrées aux récepteurs 5HT (Zifa et Fillion, 1992 ; Peroutka, 1993,1994 ;
Hoyer, 1994 ; Hoyer et Martin, 1997).

Les récepteurs sérotonergiques de type GPCR ont été groupés selon leur séquence
en un schéma permettant de déduire les relations existant entre chacun de ces
récepteurs et le pourcentage de divergence qui existent entre eux (Gerhardt et
al., 1997). Ils sont tous construits sur le modèle de la bactériorhodepsin d'une
protéine monocaténaire à 7 parties transmembranaires réunies par des boucles
intra et extracellulaires; la 3ème boucle intracellulaire paraissant jouer un
rôle essentiel dans le couplage avec la G.protéine correspondante.  
2.2 Famille des récepteurs 5HT1
2.2.1 Récepteurs 5HT1A
L'étude des récepteurs 5HT1A a bénéficié de la mise en évidence précoce d'un
outil sélectif 8-OH-DPAT (Hjorth et al., 1982) qui a été ensuite radiomarqué
permettant ainsi l'identification de ce récepteur (Hamon et al., 1983). Le
clonage du gène responsable de la production de ce récepteur chez l'homme a été
réalisé dès 1987 (Kobilka et al., 1987). Aussi, cette caractérisation précoce
a-t-elle permis un nombre élevé de travaux qui se poursuivent de nos jours.

En effet, les récepteurs 5HT1A ont un intérêt particulier puisqu'ils sont à la
fois des autorécepteurs localisés sur les corps cellulaires sérotonergiques où
leur rôle est essentiellement inhibiteur de l'activité électrique de ces
neurones et donc permettent la réduction de la libération du neurotransmetteur ;
ils sont aussi des récepteurs postsynaptiques présents sur les corps cellulaires
de neurones nonsérotonergiques où ils ont des effets fonctionnels qui, en
particulier, affectent le comportement.

Ces récepteurs sont donc présents dans la région du raphé (autorécepteurs) et
dans de nombreuses autres régions, notamment le systéme limbique. Les systèmes
de transduction sont préférentiellement liés à l'activation de protéines Gi/Go
qui inhIbent l'activité adénylcyclasique préalablement stimulée par la
forskoline mais sont aussi impliqués dans l'ouverture de canaux potassium.

Les outils pharmacologiques correspondent à des ligands agonistes
(8-hydroxy-2-(dipropyl-amino-tetraline) et agonistes partiels (buspirone,
ipsapirone, BMY 7378, NAN 190) et un effort particulier est fait pour trouver
des antagonistes " silencieux ". En effet, l'une des questions des plus
importantes posées par les récepteurs 5HT1A est l'existence parallèle des
autorécepteurs du raphé qui régulent l'activité sérotonergique en inhibant le "
firing " des neurones à 5HT et celle des récepteurs postsynaptiques qui
transmettent l'activité sérotonergique. Le rôle physiologique de ces deux types
de récepteur n'est pas identique, mais il n'est pas encore totalement élucidé
bien que de nombreuses recherches aient été réalisées qui examinaient les effets
comportementaux d'agonistes 5HT1A aprés déplétion de la 5HT par lésion
neurotoxique ou inhibition de synthèse ou encore par injections locales
d'agonistes 5HT1A dans le raphé ou d'autres régions ; d'autres approches ont
impliqué l'utilisation de souris transgéniques chez lesquelles le gène du
récepteur 5HT1A a été invalidé (souris 5HT1A K.O.). Il apparaît maintenant que
des produits nouveaux ont un profil pharmacologique très intéressant puisqu'ils
peuvent sélectivement être antagoniste au niveau des récepteurs 5HT1A
postsynaptiques alors qu'ils sont agonistes à celui des récepteurs
présynaptiques (MDL 73005EF, SDZ 216.525). D'autres produits sont antagonistes
silencieux à ces deux niveaux ((+) WAY 100135, WAY 100635, LY 206130) et
constituent des outils de recherche importants mais aussi des molécules à
potentialité thérapeutique intéressante. En effet, dans la mesure où le système
sérotonergique apparaît jouer un rôle important dans la thérapeutique
antidépressive, il semble que le blocage sélectif des autorécepteurs 5HT1A
puisse faciliter l'effet thérapeutique des SSRIs ainsi qu'il a été proposé par
Blier et de Montiguy. Divers résultats d'essais précliniques et cliniques sont
en faveur de cette hypothèse (Perez et al., 1997) mais ces essais ont utilisé le
pindolol qui n'est pas un outil sélectif 1A et on doit attendre l'utilisation
d'antagonistes 1A sélectifs pour conclure de façon convaincante sur les
propriétés antidépressives de ces produits. Un rôle potentiel des antagonistes
5HT1A est proposé dans la maladie d'Alzheimer via leur propriété de faciliter la
transmission glutamatergique dont on sait le rôle dans les performances
cognitives. Par contre, l'hypothèse d'un rôle potentiel de telles molécules dans
l'anxiété ne paraît pas devoir être soutenue plus longtemps.  
2.2.2 Récepteurs 5HT1B
Ces récepteurs périphériques et centraux sont localisés sur les terminaisons
neuronales soit sérotonergiques (auto récepteurs) soit non-sérotonergiques
(hétérorécepteurs). Dans tous les cas, leur stimulation conduit à une inhibition
de la libération du neurotransmetteur via un mécanisme qui vraisemblablement
implique une protéine Gi inhibant l'activité adénylcyclasique.

La situation complexe issue des analyses pharmacologiques a été clarifiée par
les études moléculaires montrant l'existence du récepteur 5HT1B chez l'homme
(h5HTlB) et chez le rat (r5HTlB) de séquence trés similaire mais dont la
différence d'un seul aminescide de la région transmembranaire VII (thréonine 355
chez l'homme, modifiée en asparagine 351 chez le rat) explique une grande
différence de sensibilité pharmacologique (qui avait initialement conduit à
caractériser ces récepteurs comme des entités différentes appelées 5HT1B chez le
rat et 5HT1D chez l'homme). En outre, un autre récepteur (5HT1D) a été
caractérisé par sa séquence significativement différente de celle des 5HT1B (60%
d'identité) mais sa pharmacologie similaire à celle des h5HT1B avait
initialement conduit à ne pas distinguer ces 2 types de récepteurs.

Les récepteurs 5HT1B sont impliqués au niveau périphérique dans la contraction
des artères et dans le fonctionnement des cellules immunocompétentes ; au niveau
cérébral, ils paraissent jouer un rôle dans l'auxiété, les désordres moteurs,
l'appétit, l'activité sexuelle et le comportement d'agressivité/impulsivité. Ils
seraient en outre mis en jeu dans le stress et la dépendance aux substances
donnant lieu à abus incluant l'alcool. L'obtention de souris dont le gène du
récepteur 5HT1B a été invalidé (animaux m5HT1B KO) permet d'étudier ce rôle
(Saudou et al., 1994).

Il a été montré ainsi que les souris 5HT1B KO sont en général plus agressives
que le phénotype sauvage et que ces animaux ont une plus grande motivation à
s'autoadministrer de la cocaïne, souggérant ainsi une interaction du système 5HT
avec les mécanismes depaminergiques de la récompense. Des polymorphismes du
récepteur 5HT1B ont été proposés être associés à des personnalités antisociales
et à l'alcoolisme (Lappalainen et al., 1998).

La recherche industrielle de ligands agonistes et antagonistes 5HT1B est
actuellement active recherchant des composés à visce thérapeutique dans le
domaine de l'anxiété, de la dépression, du TOC et de divers autres désordres
psychiatriques.

Un intérêt tout particulier des agonistes 5HT1B réside dans le fait que les
récepteurs de type 5HT, sont responsables de la quasi totalité de l'effet
vasoconstricteur sérotonergique sur les vaisseaux périphériques et
intracrâniaux. Aussi, le sumatriptan, le premier agoniste sélectif 5HT1B dont
l'effet antimigraineux est puissant a-t-il suscité une très vive recherche
industrielle dans ce domaine (zolmitriptan, eletriptan, avitriptan, naratriptan,
alniditian). Le passage de telles substances au niveau central pourrait
potentialiser encore leur effet antimIgraineux par une activité inhibitrice au
niveau du nerf trigemminal; mais en outre, les agonistes et les antagonistes
pourraient jouer un rôle dans certaines maladies psychiatriques (trouble
obsessionnel compulsif, autisme).

Récemment, le premier modulateur allostérique endogène d'un GPCR a été isolé et
caractérisé pour le récepteur 5HT1B. Il s'agit d'un tétrapoptide
(Leu-SerAla-Leu) qui possède toutes les caractéristiques d'un neurotransmetteur
dont le rôle est de désensibiliser le récepteur 5HT1B (Massot et al., 1997). La
libération locale de ce peptide permet donc de réguler la libération de 5HT (via
les autorécepteurs) et d'autres neurotransmetteurs (via les hétérorécepteurs)
selon les régions cérébrales (Bentué-Ferrer et al., 1999). Ce mécanisme confère
à un neurone sérotonergique unique la capacité de moduler de façon
différentielle mais synchrone, des activités fonctionnelles localisées dans des
régions différentes. Un tel mécanisme permet l'adaptation de la réponse du
cerveau à un stimulus particulier et la diversif cation de la réponse à divers
stimuli. Le développement d'outils thérapeutiques innevants est attendu à partir
de ce mécanisme.  
2.2.3 Récepteurs 5HT1D
Comme les récepteurs 5HT1B, les récepteurs 5HT1D sont impliqués dans bon nombre
de fonctions et de pathologies (anxiété, dépression, migraine, désordres
moteurs) mais il est encore diffcile de savoir à quel type de récepteur revient
telle ou telle de ces fontions. En effet, le développement de substances
sélectives pour l'un ou pour l'autre de ces récepteurs est encore limité mais
donne lieu à une recherche industrielle active. L'implication des récepteurs
5HT1D dans les contractions vasculaires cérébrales et (ou) coronariennes est un
sujet d'étude important dans le mécanisme d'action des antimigraineux.
2.2.4 Récepteurs 5HT1E et 5HT1F
Ces récepteurs identifiés par des approches de blologie moléculaire sont
présents dans le cerveau et inhibent l'activité adénylylcyclase mais leur rôle
fonctionnel n'est pas encore élucidé.
2.3 Famille des récepteurs 5HT2
Elle est constituée de 3 sous-types 5HT2A, 2B et 2C. Ces derniers avaient été
initialement classifiés comme 5HT,C car ils possédaient une affinité
relativement élevée pour la 5HT; les récepteurs 5HT2B avaient été initialement
appelés 5HT2F ayant été trouvés dans le fundus gastrique de rat.

Ces récepteurs sont préférentiellement couplés à la stimulation de la
phospholipase C, donnant lieu à une augmentation des inositols triphosphates et
du diacylglycérol via des protéines Gq/11. Les IP3 libèrent le Ca++
intracellulaire, le diacylglycérol active la protéine kinase C. Mais il a été
montré aussi que les récepteurs 5HT2C par exemple pouvaient en outre réguler
l'activité cyclasique et aussi augmenter la production de cGMP. Depuis 40 ans,
on sait que les récepteurs 5HT2 sont impliqués dans les effets hallacinatoires
du LSD, sans que l'on ait encore complètement élacidé en détail le mécanisme
correspondant.  
2.3.1 Récepteurs 5HT2A
Ces récepteurs sont impliqués au niveau central et périphérique. Ils contrôlent
la contraction des muscles lisses, I'agrégation plaquettaire mais aussi la
libération d'autres neurotransmetteurs ou neurohormones et sont impliqués dans
l'activité sexuelle, le sommeil, I'activité motrice et divers désordres
psychiatriques dont les hallucinations, la schizophrénie, l'anxiété et la
dépression. Leur rôle dans le mécanisme d'action des nouveaux antipsychotiques
apparaît important.

Leur pharmacologie est caractérisée par un profil kétanserine > spiperone >
ritanserine > mesuleraine > 5HT. Ces récepteurs se désensibilisent de façon peu
efficace (50 % d'internalisation après 5 à 30 minutes d'exposition à un
agoniste).

Il est important de noter que les antagonistes 5HT2A pourraient jouer un rôle
important dans le traitement de la schizophrénie. En effet, les antipsychotiques
"atypiques" sont distingués des antipsychotiques "typiques" par le fait qu'ils
contrôlent les symptômes positifs de la maladie (hallacinations, désorganisation
de la pensce) à des doses qui en général ne produisent pas de symptômes
extrapyramidaux (EPS). Ces produits " atypiques " correspondent le plus souvent
à des composés qui possèdent une activité antidepaminergique D2, mais aussi une
activité anti 5HT2A (clozapine, olanzapine, quetiapine, risperidone). Une
recherche clinique trés active est consacrée à l'étude de la participation des
récepteurs 5HT2 dans les mécanismes d'action des antipsychotiques aussi bien
dans leur efficacité sur la pathologie que leurs propriétés à produire moins
d'EPS que les antipsychotiques typiques.
2.3.2 Récepteurs 5HT2B
La présence de ces récepteurs au niveau périphérique a été reconnue depuis
longtemps mais elle a longtemps été niée au niveau cérébral puisque les rats
n'en possèdent apparemment pas. Cependant, chez l'homme, des mRNA 5HT2B ont été
mis en évidence qui laissent penser à un rôle dans les fonctions cognitives.

Le profil pharmacologique est basé sur ritansérine > 5HT > yohimbine >
ketanserine ? spiperone.  
2.3.3 Récepteurs 5HT2c
Leur expression est maximale dans le plexus choroïde où ils jouent un rôle dans
les échanges entre le cerveau et le liquide céphalorachidien. Cependant, ces
récepteurs sont aussi, à un moindre degré, présents dans le cerveau où ils sont
associés au contrôle de l'appétit et de l'activité motrice .

Leur profil pharmacologique correspond à ritanserine > methysergide > mianserine
> 5HT > ketanserine > mCPP > spiperone.

Leur affinité élevée pour un grand nombre d'antipsychotiques laisse penser
qu'ils pourraient jouer un rôle dans le mécanisme d'action de ces substances.

Ces récepteurs sont l'objet de mécanisme de régulation post-transcriptionel
(Buras et al., 1997) altérant les propriétés de codage protélque par les
transcrits ARN conduisant à 6 isoformes du récepteur dont les activités peuvent
être différentes et les sensibilités pharmacologiques diverses.
2.4 Famille des récepteurs 5HT3
Ces récepteurs constituent la seule exception sérotonergique puisque tous les
autres récepteurs 5HT sont des GPCR (récepteurs couplés aux protéines G) et que
les récepteurs 5HT3 sont des récepteurs canaux permettant la translocation de
Na+, K+ et Ca++ et autres cations. Il a été initialement décrit par Gaddam
(1957) comme le " récepteur M ".

La structure moléculaire de ce récepteur a été établie comme trés similaire à
celle des autres récepteurs canaux (nicotinique, GABAA, glycine). Il s'agit d'un
récepteur constitué de 5 sous-unités, probablement un homopentamère, comprenant
2 isoformes (court et long selon la taille de la longue boucle intracellulaire)
.

Ces récepteurs sont présents chez l'homme dans de nombreuses régions du cerveau
(Morales et al., 1996) et dans la moelle épinière (cornes dorsale et ventrale).
De nombreux antagonistes sélectifs des récepteurs 5HT3 existent parmi lesquels
tropisetron (ICS 205-930), bemesetron, ondansetron et granisetron. Les agonistes
sont beaucoup moins nombreux et utilisés surtout pour examiner les propriétés
physiologiques de ces récepteurs. (SR 57227A, phényl-biguanides).

Les récepteurs 5HT3 sont rapidement désensibilisés vraisemblablement en suivant
le même mécanisme que les récepteurs nicotiniques. Il est intéressant de noter
que ces récepteurs possèdent également des sites modulateurs allostériques dont
l'occupation interfère avec les états transitionnels du récepteur et donc ses
états d'activité/désensibilisation. Parmi ces modulateurs, on note : la
phosphorylation de certains sites, qui accélère la désensibilisation, l'alcool
et certains anesthésiques qui, au contraire, potentialisent les effets des
agonistes et les ions divalents qui selon les concentrations ont des effets
opposés.

L'implication très nette des récepteurs 5HT3 dans le vemissement a permis de
développer un très important intérêt dans les thérapies anticancéreuses en
développant des produits (antagonistes 5HT3) qui permettent le contrôle du
vomissement chez des patients recevant un traitement cytotoxique ou une
radiothérapie. Il est à noter que ces produits ne sont pas efffcaces dans le mal
des transports.

Un effet analgésique a été obtenu dans certaines indications impliquant
l'activation de terminaisons afférentes cutances; l'efficacité paraît moins
importante mais existante pour des douleurs viscérales.

L'observation selon laquelle l'hyperactivité induite par stimulation
dopaminergique mésolimbique était bloquée par les anti 5HT3 (ondansetron) chez
le rat a suggéré une interaction entre les récepteurs 5HT3 et le système
dopaminergique et par la suite, un rôle potentiel de ces produits dans la
schizophrénie. Les essais cliniques conduits jusqu'à maintenant n'ont pas été en
faveur de cette hypothèse.

Enfin, l'utilisation des antagonistes 5HT3 dans la dépendance à certaines
drogues et à l'alcool a recueilli certains résultats encourageants (Doty et al.,
1994).
2.5 Famille des récepteurs 5HT4
La connaissance des gènes codant les récepteurs de cette famille a permis
d'identifier 2 sous-types selon la longueur des isoformes notamment de la chaîne
C terminale. La forme courte (5HT4S) est essentiellement exprimoe dans le
striatum et la forme longue (5HT4L) apparaît exprimée dans tout le cerveau. Ces
récepteurs sont présents dans le tissu périphérique (cœur, vessie, surrénales et
tractus digestif).

Le système de second messagers associé est préférentiellement celui de
l'activation de l'adénylcyclase via un couplage avec des protéines Gs.

Le profil pharmacologique des deux isoformes implique: cisapride > 5HT >
renzapride > 5-methoxytryptamine > zacopride > a methyl 5HT > 5CT.

La présence des récepteurs 5HT4 dans l'intestin et en particulier dans le gros
intestin plaide en faveur d'un rôle potentiel des antagonistes 5HT4 dans les
pathologies intestinales (en particulier IBS) où ils apparaitraient pouvoir
jouer un rôle nouveau et efffcace par rapport aux traitements existants. Leur
rôle potentiel dans le traitement des désordres urinaires (incontinence) semble
très prometteur.

Au niveau central, le fait que la stimulation des récepteurs 5HT4 ait indiqué
une facilitation des performances cognitives chez l'animal surtout au niveau des
capacités mnésiques, laisse espérer un effet facilitateur de l'acquisition
mnésique chez l'homme bien que ces effets chez l'homme ne soient pas encore
décrits par exemple après administration de cisapride. La présence de nombreux
récepteurs 5HT4 périphériques correspond aussi au fait que des effets
secondaires (achytmies, diarrhées) soient survenus après administration
d'agonistes 5HT4. Cependant, les observations qui montrent que les agonistes
5HT4 augmentent la libération d'ACh dans le cortex soutiennent l'hypothése d'un
rôle potentiel de ces substances dans l'amélioration des performances
cognitives.

Des propriétés anxiolytiques des antagonistes 5HT4 ont été proposées (Silvestre
et al., 1996, Kennett et al., 1997) mais restent à établir chez l'homme. Il
n'est pas non plus exclu que ces récepteurs puissent jouer un rôle dans la
modulation de la douleur (Ghelardini et al., 1996). La mise à disposition des
laboratoires de recherche de nouveaux ligands 5HT4 permettra de préciser et
développer ces aspects.
2.6 Famille des récepteurs 5HT5
Ces récepteurs ont été clonés et correspondent à deux sous-types A et B. Ils
apparaissent de type GPCR mais le manque de ligand spécifique n'a pas permis
jusqu'à présent d'explorer très avant leur fonction.  
2.7 Famille des récepteurs 5HT6
Egalement découverts par une approche de biologie moléculaire, ces récepteurs
ont une relativement faible homologie de séquence avec les autres récepteurs
sérotonergiques (36-41 % identité). Ils sont aussi des GPCR couplés
préférentiellement à Gs activant l'adénylylcyclase.

Ces récepteurs sont présents dans de nombreuses régions cérébrales et ce de
façon quasi exclusive puisque les mRNA correspondants n'ont pas été trouvés en
périphérie.

Leur pharmacologie est relativement originale dans la mesure où ils ne
reconnaissent aucun ligand spécifique des autres récepteurs (8-OH-DPAT, NAN 190,
CGS 12066 B, mesulergine, ketanserine, bemesetron, DAU 6885). Par contre, ils
reconnaissent avec une affinité élevée bon nombre d'antipsychotiques de type
typique (chlorprothixène, chlorpromazine, amoxapine, thioridazine, lexapine,
clothiapine, fluphenazine, perphenezine) ou atypique (clezapine, zotopine,
olanzapine, rilapine, fluperlapine). Pourtant, ce site ne paraît pas essentiel
dans l'effet de ces neuroleptiques puisque les antipsychotiques, classiques
dapaminergiques (halopéridol, spipérone, MDL 100907) ne sont pas reconnus de
façon significative par ces récepteurs.

Le manque de ligand spécifique ne permet pas encore de proposer réellement un
rôle fonctionnel pour ces récepteurs. Cependant, le développement d'anticorps
spécifiques ou d'outil antisens devrait permettre d'explorer ces propriétés
(Hamon et al., 1999). Ces récepteurs pourraient représenter des cibles
importantes pour des traitements psychiatriques, d'autant plus que les effets
secondaires périphériques seraient vraisemblablement très réduits dus à
l'absence de récepteurs 5HT6 dans les tissus périphériques.  
2.8 Famille des récepteurs 5HT7
Ces récepteurs ont été aussi mis en évidence par des approches moléculaires
permettant de cloner le gène correspondant. Il apparaît très ancien, précédant
dans l'évolution l'apparition des récepteurs muscariniques et dopaminergiques
(Peroutka et Howell, 1994).

Ces récepteurs sont préférentiellement couplés à une Gs stimulant l'activité de
l'adénylate cyclase comme les récepteurs 5HT4 et 5HT6, mais ils en sont très
différents puisque leur identité de séquence est inférieure à 40 %. Le récepteur
5HT6 est marqué par la [3H]5HT, la [3H]5CT et le [125I]LSD. Son profil
pharmacologique est caractérisé par une affinité élevée pour les agonistes
indoliques et pour certains antagonistes tels méthiethepine, mesulergine et
methysergide. Il a aussi une affnité notable pour clozapine, pimozide et
loxapine.

Ces récepteurs sont présents dans le tissu périphérique et au niveau du cerveau.
L'implication du contrôle de diverses fonctions physiologiques est encore mal
connue car les ligands spécifiques sont encore peu nombreux. Il apparait que ces
récepteurs sont mis en jeu dans les effets relexants sérotonergiques sur des
fibres lisses préalablement contractées (veine fémorale, jugulaire, artère
utérine humaine et aussi les muscles lisses intestinaux).

Au niveau central la distribution des récepteurs dans le système limbique
suggère un rôle potentiel dans les désordres neuropsychiatriques impliquant le
système 5HT.

L'utilisation de ligands spécifiques et d'outils de biologie moléculaire
permettant de contrôler spécifiquement l'activité de ces récepteurs est en
pleine expansion.
Mélatonine et récepteurs mélatoninergiques


P. Delagrange

Institut de Recherches Internationales SERVIER (I.R.I.S.)

mis à jour le 7 janvier 2000

 



 
1. Introduction     2.3. Récepteurs MT2
1.1. Synthèse de la mélatonine     2.4. Sites MT3
1.2. Régulation de la synthèse de mélatonine     2.5 Sites nucléaires
2. Récepteurs mélatoninergiques      3. Conclusion
2.1. Historique      Références
2.2. Récepteurs mt1     

 
 
 
1. Introduction
La mélatonine (5-methoxy N-acétyltrytamine) a été isolée par Lerner en 1958 à
partir d'extraits de glandes pinéales. A cette date, la seule activité reconnue
pour la mélatonine était sa capacité d'agrégation pigmentaire chez le Xénope,
raison pour laquelle cette espèce sera choisie pour cloner le premier récepteur
mélatoninergique.
1.1. Synthèse de la mélatonine


La mélatonine est une neurohormone synthétisée pendant la période nocturne à
partir de la sérotonine dans la glande pinéale ou épiphyse. La sérotonine,
synthétisée dans les pinéalocytes, est acétylée par
l'arylalkylamine-N-acétyltransférase (AA-NAT) pour donner la N-acétylsérotonine.
Cette dernière est ensuite méthylée par l'hydroxyindole-O-méthyltransférase
(HIOMT) pour donner la mélatonine (cf schéma). Ces deux enzymes, toutes deux
spécifiques de cette voie de synthèse, présentent des profils d'activité
différents.
L'AA-NAT est l'enzyme limitante : elle est soumise à de nombreux mécanismes de
régulation transcriptionnelle et/ou post-transcriptionnelle en fonction de
l'espèce considérée permettant à l'enzyme d'être active seulement pendant la
période d'obscurité. L'activité de la AA-NAT est fortement régulée par
l'alternance lumière/obscurité contrairement à l'HIOMT qui présente une activité
constitutive tout au long du cycle nycthémère. Chez le rat, une exposition à un
flash lumineux pendant la période d'obscurité entraîne une inhibition dans les
15 minutes de l'activité de la AA-NAT. Il en est de même chez l'homme.
1.2. Régulation de la synthèse de mélatonine


Les informations lumineuses qui régulent l'activité de la AA-NAT parviennent à
la glande pinéale par une voie polysynaptique. Chez les mammifères, les
photorécepteurs de la rétine convertissent la lumière en signaux électriques qui
sont transmis aux noyaux suprachiasmatiques principalement via le faisceau
rétinohypothalamique. Les noyaux suprachiasmatiques constituent l'horloge
interne de l'organisme des mammifères. Les informations lumineuses sont ensuite
transmises via le noyau paraventriculaire du thalamus au ganglion cervical
supérieur puis dans les fibres noradrénergiques sympathiques post-ganglionnaires
à la glande pinéale.
La synthèse de mélatonine est par conséquent principalement contrôlée par la
noradrénaline qui va stimuler pendant la période nocturne les récepteurs
adrénergiques b1 présents sur les pinéalocytes. Cette stimulation des récepteurs
b1 entraîne une augmentation des taux d'AMPc dans les pinéalocytes puis une
augmentation de l'activité de la AA-NAT.
Le rythme de mélatonine est donc directement contrôlé par la photopériode et la
durée de la synthèse est positivement corrélée à celle de la période
d'obscurité. La mélatonine secrétée dans la circulation sanguine transmettra à
toutes structures centrales ou périphériques, exprimant des récepteurs ou sites
mélatoninergiques, cette information sur la photopériode, permettant ainsi à
l'animal une adaptation physiologique aux alternances jour/nuit ou aux saisons.
Chez l'homme comme chez l'animal, les taux plasmatiques nocturnes de mélatonine
varient entre 30 et 200 pg/ml avec un pic dans la seconde partie de la nuit. Les
profils plasmatiques de mélatonine sont différents d'un individu à l'autre mais
stable pour un même sujet.
 
 

Mélatonine, synthèse et régulation

 



2. Récepteurs mélatoninergiques
2.1. Historique
Les premiers sites de liaison à la mélatonine ont été mis en évidence en 1984
grâce à la synthèse d'un radioligand, la 2-[125 I] -iodo-mélatonine qui est
toujours utilisée à ce jour dans la majorité des études de déplacement.
Ce ligand a permis de mettre en évidence deux catégories de sites de liaisons
appelés ML1 et ML2 qui présentaient respectivement une haute (pM) et une faible
(nM) affinité pour la 2-iodo-mélatonine. Le site ML1 avait été caractérisé comme
étant couplé à une protéine G car sensible au GTP. Le site ML2 n'était lui pas
sensible aux analogues du GTP.
C'est en 1994 que le groupe de Reppert a cloné le premier récepteur
mélatoninergique par la technique de clonage par expression à partir de
mélanophores de Xénope immortalisés. Deux autres récepteurs, cette fois humains,
furent clonés la même année par le même groupe. Ces trois récepteurs
correspondant aux sites ML1 furent appelés Mel1A et Mel1B pour les récepteurs
humains et Mel1C pour le récepteur de Xénope.
D'un point de vue moléculaire, c'est trois sous-types réceptoriels appartiennent
à la famille des récepteurs à sept segments transmembranaires couplés aux
protéines G et présentent une homologie de séquence de 60 %. Ces trois
récepteurs présentent une même particularité : dans la deuxième boucle
intracellulaire, une séquence d'acides aminés (NRY) commune à tous les
récepteurs couplés aux protéines G est remplacée par la séquence DRY et dans le
septième segment transmembranaire, une séquence NAXXY est remplacée par NPXXY.
Ces deux particularités font que ces trois sous-types réceptoriels
mélatoninergiques peuvent être considérés comme une sous-famille dans cette
famille des récepteurs couplés aux protéines G.
C'est en 1998 que le comité de Nomenclature de l'Union Internationale de
Pharmacologie (IUPHAR) a approuvé une nouvelle nomenclature : mt1 pour le Mel1A,
MT2 pour le Mel1B. Le Mel1C, qui n'a pour l'instant pas été mis en évidence chez
les mammifères, reste appelé Mel1C. Le site ML2, qui n'a pas encore été cloné, a
été nommé MT3. L'abréviation utilisée pour la mélatonine sera MLT. C'est
désormais cette nouvelle nomenclature officielle qui doit être utilisée.
2.2. Récepteurs mt1
Les récepteurs mt1 ont été intégralement clonés chez l'homme, le mouton, la
souris, le hamster et partiellement chez le rat. Le système de transduction des
récepteurs mt1 est principalement lié à une inhibition de l'adényl-cyclase via
une protéine Gi. Une autre voie parallèle impliquant toujours une protéine Gi
potentialise l'activation de la phospholipase C (Godsen et Reppert, 1997).
La distribution tissulaire des récepteurs mt1 a été réalisée par des techniques
d'hybridation in situ et de PCR (Polymerase Chain Reaction) mais aussi pour ce
récepteur par immunocytochimie grâce à la synthèse d'un anticorps de ce
récepteur.
Des études de polymorphismes ont été réalisées pour les récepteurs mt1 humain et
de mouton. Un certain nombre de mutations affectant au plus un acide aminé ont
été reportées sans modifications majeures sur l'activité de ce récepteur, tout
au moins en ce qui concerne l'affinité pour la mélatonine.
Chez l'homme, au niveau central, les récepteurs mt1 sont présents dans les
noyaux suprachiasmatiques, la pars tuberalis de l'hypophyse, le noyau
paraventriculaire du thalamus, le cortex cerebelleux, l'hippocampe et le cortex
(pariétal, occipital, temporal et frontal). Chez la souris C3H/HeN, la
distribution tissulaire est comparable à celle de l'homme.
Au niveau périphérique chez l'homme, les récepteurs mt1 ont été observés dans le
rein par immunocytochimie. Chez le rat, les récepteurs mt1 sont présents au
niveau de l'artère caudale.
Le nombre de récepteurs mt1 mais aussi MT2, exprimés dans les structures
mentionnées ci-dessus, est de l'ordre de la fento-mole par milligramme de
protéines, donc très faible comparé à d'autres types réceptoriels. Cette faible
densité ne facilite pas, voire ne permet pas dans certains tissus, la mise en
évidence des récepteurs mt1, même en utilisant des techniques très sensibles de
biologie moléculaire. Ainsi, certaines structures répondent à la mélatonine bien
qu'aucun site mélatoninergique n'ait été détecté. Ceci explique aussi peut-être
le fait qu'un certain nombre de sites mélatoninergiques observés par
autoradiographie n'aient pas été identifiés comme mt1 ou MT2 à moins qu'il
s'agisse, pour certains, d'autres sous-types réceptoriels non encore
caractérisés.
# Le rôle physiologique des récepteurs mt1 n'a pas encore clairement été établi.
Trois modèles fonctionnels sont actuellement utilisés dans lesquels la
mélatonine est active via les récepteurs mt1 : sur artère caudale de rat isolée,
la mélatonine potentialise la vasoconstriction induite par stimulation
électrique ou par la noradrénaline,
# sur culture primaire de cellules de pars tuberalis de mouton, la mélatonine
inhibe la production d'AMPc induite par une stimulation à la Forskoline,
# sur coupe de noyaux suprachiasmatiques de souris, la mélatonine inhibe
l'activité neuronale spontanée.

Une lignée de souris n'exprimant plus le récepteur mt1 (KO) a été obtenue. La
mélatonine chez ces souris n'inhibe plus l'activité neuronale spontanée.
Il n'existe à ce jour aucun ligand sélectif décrit des récepteurs mt1 vis à vis
des MT2.
La 2-[125 I] -iodomélatonine (Kd » 30 pM) et la [3H] -melatonine (Kd = 129 pM)
sont les seuls radioligands utilisés. Les principaux agonistes non sélectifs
utilisés dans les études pharmacologiques sont la 2-iodomélatonine, le S 20098,
la 6-chloromélatonine, le GR 196429. Les antagonistes non sélectifs des deux
sous-types mt1 et MT2 sont le luzindole, le
S 20928 et le S 22153.
2.3. Récepteurs MT2
Les récepteurs MT2 ont été clonés intégralement chez l'homme et la souris et
partiellement chez le rat. Chez le mouton et le hamster, le MT2 ne serait pas
exprimé.
Comme pour les récepteurs mt1, le système de transduction des récepteurs MT2 est
principalement lié à une inhibition de l'adényl-cyclase via une protéine Gi. Une
autre voie qui modulerait les taux de GMPc a récemment été décrite.
La distribution tissulaire des récepteurs MT2 n'a fait l'objet que de quelques
études. Chez l'homme et la souris, le récepteur MT2 est exprimé dans la rétine
et l'hippocampe et probablement dans d'autres structures centrales non
identifiées, comme le suggère le signal obtenu sur l'ensemble du cerveau humain.
Un seul modèle physiologique impliquant les récepteurs MT2 a été décrit. Il
s'agit de l'inhibition par la mélatonine de la libération de dopamine dans la
rétine de lapin.
Les récepteurs MT2 pourraient aussi médier l'activité de synchronisation de la
mélatonine sur le noyau suprachiasmatique, l'horloge interne de l'organisme. En
effet, sur coupes de noyau suprachiasmatique de souris KO mt1, la mélatonine
n'inhibe plus l'activité spontanée des neurones du SCN mais elle conserve sa
capacité d'avancer le rythme circadien d'activité neuronale. De plus, des études
in vivo réalisées chez la souris ont montré que l'avance de phase du rythme
circadien d'activité locomotrice par la mélatonine pouvait être antagonisée par
un antagoniste sélectif des récepteurs MT2, le 4-P-PDOT.
Contrairement au récepteur mt1, il existe des ligands sélectifs MT2 décrits
comme antagonistes : 4-P-PDOT, 4-P-ADOT, GR 128107, 5-méthoxyluzindole
(Dubocovich et al, 1997). Ces composés présentent un ratio de sélectivité
mt1/MT2 de 100 à 360. Il n'existe pas d'agonistes sélectifs MT2 et c'est par
conséquent les agonistes non sélectifs utilisés pour les récepteurs mt1 qui sont
étudiés sur MT2.
2.4. Sites MT3
Le site de liaison mélatoninergique MT3 n'a pas encore été purifié et cloné,
raison pour laquelle il figure en caractères italiques dans la Nomenclature
IUPHAR.
Il présente des caractéristiques différentes des récepteurs mt1 et MT2. En
particulier, les études de déplacement sont réalisées à la température de 4°C
probablement en raison des constantes de cinétiques d'association et de
dissociation très rapides du ligand.
Le site MT3 n'est pas couplé à une protéine G et sa voie de transduction
passerait par une augmentation de la dégradation des phospoinositides.
Contrairement aux récepteurs mt1 et MT2 il existe un radioligand sélectif la
2-[125 I] iodo-MCA-NAT qui a permis de rechercher le site dans différentes
structures.
Chez le hamster, le site MT3 a été mis en évidence au niveau central dans
l'hippocampe, l'hypothalamus, le thalamus, le cortex frontal et au niveau
périphérique dans le rein, le foie, l'intestin et le poumon. Le site MT3 a aussi
été mis en évidence dans le cerveau de différentes espèces comme la souris, le
rat ou le lapin. Le nombre de sites MT3 est comme pour les récepteurs mt1 et MT2
très faible (de l'ordre de la fentomole/mg de protéines).
Le profil pharmacologique de ce site est différent de celui des récepteurs mt1
et MT2. En effet, ce site présente une affinité 100 fois plus faible pour la
mélatonine (Ki » 60 nM) et une bonne affinité pour N-acétyl-sérotonine (Ki » 30
nM) et la prazosine (Ki » 7 nM) tandis que la sérotonine et des ligands
adrénergiques ne se lient pas à ce site.
Seul le MCA-NAT a été décrit comme sélectif des sites MT3 par rapport aux
récepteurs mélatoninergiques mt1 et MT2 ainsi que vis à vis de nombreux autres
récepteurs (sérotoninergiques, adrénergiques …).
2.5. Sites nucléaires
Des sites de liaison à la mélatonine ont été décrits sur des membranes
nucléaires de foie (Hazlerigg et al, 1996) et sur les récepteurs rétinoïques
RZRb . Les résultats obtenus sur les récepteurs rétinoïques sont très
controversés, n'ayant pu être reproduits.
La mélatonine est une molécule très lipophyle et par conséquent l'hypothèse de
récepteurs mélatoninergiques nucléaires et/ou cytosoliques est probable.
 
3. Conclusion
Contrairement à d'autres familles de récepteurs, il est encore impossible
aujourd'hui de lier une fonction physiologique ou un comportement à un récepteur
spécifique et par conséquent une indication thérapeutique.

En ce qui concerne la mélatonine, les études cliniques ont confirmé les
propriétés chronobiotiques de la mélatonine observées dans différents modèles
animaux. Par contre, toutes les autres indications thérapeutiques évoquées pour
la mélatonine, (activité antitumorale, anti-ischémique) nécessitent une
confirmation par des études contrôlées.

La découverte de nouveaux ligands mélatoninergiques sélectifs des différents
récepteurs mélatoninergiques devraient permettre au cours des prochaines années
de caractériser la fonction physiologique de chacun d'entre eux et de nouvelles
indications thérapeutiques comme dans le cas de la sérotonine et des ligands
sélectifs de ses sous-types réceptoriels.
 
Références :
# Delagrange P. Guardiola-Lemaître B. Melatonin, its receptors and relationships
with biological rhythms disorders. Clin. Neuropharmacol. 1997 ; 20 : 482-510.
# Dubocovich M.L. Melatonin receptors : are there multiple subtypes ? Trends
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# Dubocovich M.L., Masana M.I., Jacob S., Sauri. D.M. Melatonin receptor
antagonists that differentiate between the human Mel1a and Mel1b recombinant
subtypes are used to asses the pharmacological profile of the rabbit retina ML1
presynaptic heteroreceptor Naunyn-Schmiederberg's Arch Pharmacol 1997 ; 355 :
365-75.
# Dubocovich M.L., Cardinali D.P. Guardiola-Lemaire B., Hagan R.M., Krause D.N.,
Sugden D., Vanhoutte P.M., Yocca F.D. Melatonin receptors. The IUPHAR Compendium
of Receptor Characterization and Classification IUPHAR Media, London 1998 ;
186-93.
# Mahle C.D., Watson A.J. Melatonin receptors : potential targets for central
nervous system disorders. Exp Opin Invest Drugs 1997 ; 6 (4) : 399-406.
# Molinari E.J., North P.C. Dubocovich M.L. 2 [125 I]
Iodo-5-methoxycarbonylamino-N-acetyltryptamine : a selective radioligand for the
characterization of melatonin ML2 binding sites. Eur J Pharmacol 1996 ; 301 :
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# Morgan P.J., Barret P., Howell H.E., Helliwell R. Melatonin receptors :
localization, molecular pharmacology and physiological significance. Neurochem
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# Pevet P. Melatonine et rythmes biologiques. Therapie 1998 ; 53 : 411-20.
# Reiter R.J. Pineal melatonin : cell biology of its synthesis and of its
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# Reppert S.M., Weaver D.R., Ebisawa T. Cloning and characterization of a
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# Reppert S.M., Godson C., Mahle C.D., Weaver D.R., Slaugenhaupt S.A., Gusella
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human retina and brain : the Mel1b melatonin receptor. Proc Natl Acad Sci USA
1995 ; 92 : 8734-8.
# Vanecek J. Cellular mechanisms of melatonin action. Physiol Rev 1998 ; 78 :
687-721.

La pharmacodépendance
Données chez l'animal et implications pour l'homme
Pr. Hervé Simon
Université Victor Segalen Bordeaux 2. CNRS UMR 5541
Laboratoire de Neuropsychobiologie des Désadaptations.
146, rue Léo-Saignat. 33076 Bordeaux Cedex
 
mis à jour le 23 mai 2000
1 Introduction
2 La drogue comme renforcement
3 Le substrat biologique du renforcement ou la dopamine comme baromètre de
l'humeur
3.1 Les psychostimulants
3.2 Les opiacés
3.3 Les autres substances toxicomanogènes et les renforcements naturels
4 Les facteurs modifiant les effets du renforcement ou les dimensions
temporelle, extracorporelle et corporelle     

4.1 L'expérience passée
4.2 Le contexte
4.3 L'individu
5 L’autoadministration de drogues : un modèle de consommation, de toxicomanie ou
de psychopathologie ? ou l'animal modèle et l'homme à problèmes
6 Conclusion
7 Bibliographie
1 Introduction

Chez l'homme, le terme de pharmacodépendance continue à être utilisé dans des
sens très différents. Il désigne par exemple soit une dépendance physique ou une
altération neuronale (adaptation) qui se manifeste par le phénomène de tolérance
ou par l'apparition d'un syndrôme de sevrage lors de l'arrêt de la prise de
drogue, soit un syndrome comportemental marqué par la recherche et la prise
compulsive de drogue au détriment d'autres activités. Ces différentes acceptions
du terme de pharmacodépendance ne vont pas sans un certain nombre de confusions
sémantiques et conceptuelles. Il est clair cependant que la dépendance physique
est la conséquence et non la cause de la consommation abusive et prolongée de
certaines drogues. C’est pourquoi il est fondamental de faire la distinction
entre dépendance et conduites de dépendance.

Mieux comprendre les mécanismes qui président aux comportements de prise de
drogues représente un enjeu d'une importance considérable qui va bien au-delà de
la seule toxicomanie. Avram GOLDSTEIN (1989), l'un des pionniers de la recherche
sur les opiacés endogènes et leurs récepteurs dans le cerveau, écrit : "The key
questions about addiction, in my opinion, have little to do with tolerance or
physical dependence. They concern the drug-seeking behavior itself".

Ce sont quelques uns des aspects de la recherche et de la prise de drogue qui
seront abordés chez l'animal. On dégagera les intérêts et les limites de ce
modèle animal dans le cadre de l’étude de la pharmacodépendance humaine.
2 La drogue comme renforcement

Pendant longtemps, on a pensé que la consommation de drogues était un
comportement spécifiquement humain. Pourtant, l’existence de grives saoûles
après ingurgitation de raisins fermentés à la fin de l’automne est d’observation
courante dans les régions de vignobles. Les éthologistes ont décrit des
phénomènes semblables chez de nombreuses espèces animales (Siegel, 1979). En
laboratoire, c'est au début des années 1960 que des chercheurs américains ont
montré, d'abord chez le singe (Clark, Schuster et Brady, 1961) puis chez le rat
(Week, 1962), que l'animal était capable de s'autoadministrer par la voie
intraveineuse certaines substances toxicomanogènes chez l'homme.

Dans le cadre conceptuel du conditionnement opérant, on considère que tout
comportement est contrôlé par ses conséquences. La drogue, en augmentant la
fréquence de la réponse qui permet de l'obtenir, a des propriétés renforçantes.
Dans la procédure la plus simple d'autoadministration intraveineuse, l'appui sur
un levier (ou l'introduction du museau du rat dans un orifice pratiqué sur l'une
des parois de la cage d'expérience) est suivi de l'injection d'une faible
quantité de drogue dans le système veineux de l'animal. Il est très important de
pouvoir comparer ces réponses à celles éffectuées sur un deuxième levier (ou
dirigées vers un deuxième orifice) ne permettant pas d'obtenir l'administration
du produit étudié. Ainsi, il est possible d'étudier spécifiquement la prise de
drogue en écartant l'intervention éventuelle de facteurs non-spécifiques.

L'autoadministration peut être étudiée soit en situation d'acquisition de la
réponse comportementale, c'est à dire lors du développement de la prise de
drogue, soit en situation de rétention, après stabilisation de la réponse
comportementale. Le comportement de l'animal est étudié, dans un cas, dès les
premiers contacts avec la drogue et, dans l'autre, après l'administration de
quantités importantes de drogue. Comme on le verra plus loin, la différence
entre ces deux protocoles d'études a des conséquences importantes sur le plan
théorique.

L'utilisation de la méthode d'autoadministration par la voie intraveineuse (et
également par la voie orale) a permis de montrer que l'animal est capable de
s'autoadministrer la plupart des drogues toxicomanogènes chez l'homme. Les
exceptions sont relativement peu nombreuses ; elles concernent notamment les
hallucinogènes tels que le LSD et la mescaline qui ne sont pas autoadministrés
par l'animal. Ici, il est important de noter que les drogues toxicomanogènes
sont définies en fonction de leurs propriétés renforçantes et non de leurs
effets subjectifs ou hédoniques.

D'une manière générale, il est admis que l'autoadministration d'une substance
chez l'animal constitue un bon index de prédiction de ses potentialités
toxicomanogènes chez l'homme. De plus, chaque catégorie de drogues induit un
rythme d'autoadministration propre et il a été montré pour l'héroïne et l'alcool
que ce rythme ne différait pas sensiblement chez le singe et chez l'homme
(Griffiths, Bigelow et Heningfield, 1980). Il ne suffit pas, cependant, qu'une
substance soit autoadministrée pour qu'elle puisse être considérée comme une
substance toxicomanogène. Il faut pouvoir estimer quel "effort" le sujet est
prêt à fournir pour l'obtenir. Grâce à l'utilisation d'un programme de
renforcement progressif, il est possible, chez l'animal, d'évaluer la puissance
de l'effet renforçant d'une substance et de la comparer à d'autres substances ou
à d'autres agents renforçants naturels. Le programme de renforcement progressif
permet à l'animal d'obtenir la drogue, d'abord après chaque réponse
comportementale (appui sur un levier ou visite d'un trou) puis après 2, 4, 8, 16
réponses. Ce nombre de réponses nécessaires est ainsi augmenté jusqu'à l'arrêt
du comportement d'autoadministration, qualifié de point de rupture. Ce nombre
maximum d'appuis, au-delà duquel l'autoadministration s'arrête, permet de
mesurer la motivation de l'animal pour une drogue en particulier. Il a été ainsi
montré que le singe est capable d'effectuer 12 800 appuis sur un levier pour
obtenir une seule dose de morphine ou de cocaïne et 6 400 pour une dose d'alcool
(Yanagita, 1972). Ces chiffres permettent d'apprécier l'importance du contrôle
que ces substances exercent sur le comportement.

Les propriétés renforçantes d'une substance dépendent non seulement de sa nature
chimique mais également de la dose utilisée. Une fonction dose-effet peut être
classiquement mise en évidence avec le comportement d'autoadministration.
Généralement, le nombre de réponses comportementales suit une courbe en U
inversé avec l'augmentation des doses (Balster, et Lukas, 1985 ; Harrigan et
Downs, 1978 ; Griffiths , Brady et Bradford, 1979). L'administration d'un
antagoniste de la drogue autoadministrée entraine un déplacement de la courbe
dose-effet vers la droite ce qui, à certaines doses, se traduit par une
augmentation du nombre des réponses comportementales. L'animal augmente le
nombre d'autoadministrations probablement pour compenser l'atténuation de
l'effet renforçant dûe à l'antagoniste. Ce phénomène est qualitativement
semblable à celui provoqué par la diminution de la quantité de drogue à chaque
autoadministration (Koob, Vaccarino, Amalric et Bloom, 1987).

Comparativement à d'autres approches permettant également d'étudier les
propriétés renforçantes des drogues, l'autoadministration présente l'avantage
considérable de permettre à l'animal de choisir et de contrôler l'administration
de la drogue. Selon que le renforcement est choisi par l'animal ou imposé par
l'expérimentateur, ses effets peuvent être différents ou même opposés. Certaines
expériences, portant sur l'autostimulation électrique intracranienne chez le
rat, sont exemplaires à cet égard. Dans un premier temps l'animal, par
l'intermédiaire d'appuis sur un levier, s'autostimule librement à partir d'une
électrode implantée dans la région de l'hypothalamus latéral. Les paramètres de
cette autostimulation ainsi que leur fréquence sont enregistrés et sont, dans un
deuxième temps, imposés au même animal. Ces stimulations qui étaient appétitives
deviennent aversives (Steiner, Beer et Shaffer, 1969). De la même façon, le
syndrome de dépendance après l'arrêt de l'administration de morphine est
beaucoup plus faible chez les rats qui reçoivent passivement la morphine en
comparaison de ceux qui ont la possibilité de se l'autoadministrer (Siegel,
1988). Les deux groupes d'animaux ont cependant reçu le même nombre d'injections
et selon le même rythme. Il a été également montré que les effets neurochimiques
de la morphine étaient beaucoup plus importants quand elle était autoadministrée
que lorsqu'elle était reçue passivement par l'animal (Smith, Co, Freeman, Sands
et Lane, 1980).

Enfin, une série de travaux d’électrophysiologie a permis de montrer que
l’activité neuronale dans l’accumbens présente un certain nombre de
caractéristiques, non seulement propres à l’autoadministration de drogues, mais
également à certaines phases de l’autoadministration (Carelli and Deadwyler,
1994, 1996 ; Carelli, King, Hampson and Deadwyler, 1993 ; Peoples and West,
1996). La cocaïne, selon qu’elle est autoadministrée (choisie) par l’animal ou
injectée (imposée) par l’expérimentateur a des effets différents ou pas d’effet.

Ces données sont malheureusement trop souvent ignorées dans les nombreuses
études sur la dépendance physique qui reposent, pour la plupart, sur
l'administration imposée de drogue.  
3 Le substrat biologique du renforcement ou la dopamine comme baromètre de
l'humeur

Il est hautement improbable que la nature ait développé dans le cerveau des
systèmes anatomiques pour l'autoadministration des drogues. Il faut sans doute
considérer que l'autoadministration correspond à l'activation artificielle de
systèmes de renforcements dont le rôle est fondamental dans la régulation de
l'adaptation comportementale. L'identification de ces circuits neuronaux est
donc très importante ; elle a progressé de façon considérable au cours de ces
dernières années.
3.1 Les psychostimulants

Les études neuropharmacologiques ont permis d'attribuer un rôle très important
aux systèmes dopaminergiques centraux dans les effets renforçants des
psychostimulants. La cocaïne et l'amphétamine bloquent la recapture des
catécholamines, avec pour résultat une augmentation de la transmission
dopaminergique et noradrénergique. Il faut remarquer que la libération de
dopamine dans le noyau accumbens est plus importante lorsque la cocaïne est
autoadministrée par l’animal que lorsqu’elle est administrée par
l’expérimentateur (Di Ciano, Coury, Depoortere, Egilmez, Lane, Emmett-Oglesby,
Leliane, Phillips and Blaha, 1995).

Des résultats déjà anciens, obtenus avec l'autoadministration de
psychostimulants, ont montré que l'augmentation de la transmission
dopaminergique centrale était à l'origine des effets renforçants de la cocaïne
et de l'amphétamine. De faibles doses d'antagonistes des récepteurs
dopaminergiques augmentent l'autoadministration - ce qui indique une diminution
des effets renforçants (voir précédemment) - et de fortes doses suppriment
complètement l'autoadministration (De Wit et Wise, 1977 ; Yokel et Wise, 1975).
En comparaison, les antagonistes des récepteurs noradrénergiques ont peu
d'effets sur l'autoadministration de psychostimulants (De Wit et Wise, 1977 ;
Yokel et Wise, 1976). Un autre argument en faveur de l'implication des systèmes
dopaminergiques dans les effets renforçants des psychostimulants concerne le
fait que des agonistes directs des récepteurs dopaminergiques tels que
l'apomorphine, le piribedil, la bromocriptine, sont autoadministrés par l'animal
(Yokel, 1987).

Le site neuronal des effets renforçants des psychostimulants a été déterminé par
l'étude, soit de lésions spécifiques des neurones catécholaminergiques à la
6-hydroxydopamine, soit de l'autoadministration de psychostimulants directement
dans certaines structures cérébrales. Ainsi, la lésion des terminaisons
dopaminergiques dans le noyau accumbens (Corcoran, Lyness et Roberts, 1977 ;
Fibiger, Friedle et Moore, 1979) ou des corps cellulaires dopaminergiques dans
l'aire tegmentale ventrale (Roberts et Koob, 1982) diminuent considérablement
l'autoadministration de psychostimulants alors que la lésion des neurones
noradrénergiques n'a pas d'effet (Roberts, Corcoran et Fibiger, 1977). Par
ailleurs, l'amphétamine est directement autoadministrée dans le noyau accumbens
(Hoebel, Monaco, Hernandez, Aulisi, Stanley et Lenard, 1983). Ces effets peuvent
être attribués à une augmentation de la transmission dopaminergique puisqu'il a
été montré que le rat s'autoadministre également la dopamine directement dans le
noyau accumbens (Dworkin, Goeders et Smith, 1985). Quant à la cocaïne, elle peut
être directement autoadministrée au niveau des terminaisons dopaminergiques dans
le cortex frontal, mais semble-t-il, pas dans le noyau accumbens (Goeders et
Smith, 1983).
3.2 Les opiacés

La morphine ou l’héroïne, administrées par l’expérimentateur ou autoadministrées
par l’animal, augmentent la libération de dopamine dans le noyau accumbens (Di
Chiara et Imperato, 1986 ; Wise, Leone, Rivest et Leeb, 1995). C'est Broekkamp
et ses collaborateurs qui ont été les premiers à suggérer que les neurones
dopaminergiques, localisés dans l'aire tegmentale ventrale, pourraient
constituer le site des effets renforçants des opiacés (Broekkamp, Van Den
Bogaard, Heynen, Ross, Cools et Van Rossum, 1976). Des antagonistes opiacés
injectés directement dans l'aire tegmentale, au niveau des corps cellulaires
dopaminergiques, et dans le noyau accumbens, au niveau des terminaisons
dopaminergiques, entraînent une augmentation de l'autoadministration d'héroïne
(Britt et Wise, 1983 ; Vaccarino, Bloom et Koob, 1985) ce qui est interprété
comme une diminution des effets renforçants de l'héroïne (voir précédemment). Il
apparaît toutefois que le noyau accumbens soit une structure plus sensible aux
effets des antagonistes opiacés (Vaccarino, Bloom et Koob, 1985).

La lésion 6-hydroxydopamine des neurones dopaminergiques dans l'aire tegmentale
ventrale (Bozarth et Wise, 1986) et dans le noyau accumbens (Smith, Guerin, Co,
Barr et Lane, 1985) entraîne une diminution des effets renforçants de l'héroïne
ou de la morphine étudiée par le comportement d'autoadministration. Ces derniers
résultats prêtent à discussion puisqu'ils n'ont pas été retrouvés par le groupe
de G. Koob (Pettit, Ettenberg, Bloom et Koob, 1984) qui a montré que la lésion
6-hydroxydopamine dans l'accumbens, supprime l'autoadministration de cocaïne,
mais pas celle d'héroïne. Il faut cependant ajouter que lorsque les effets
renforçants de l'héroïne sont évalués par une autre méthode que
l'autoadministration (la préférence de place conditionnée), ils sont clairement
supprimés par la lésion des terminaisons dopaminergiques de l'accumbens
(Spyraki, Fibiger et Phillips, 1983).

Même si tous les résultats ne sont pas totalement concordants, il semble que les
effets renforçants des opiacés 1) s'exercent au niveau de deux structures cibles
importantes : l'aire tegmentale ventrale et le noyau accumbens et 2) dépendent,
au moins en partie, de l'activité des neurones dopaminergiques mésolimbiques qui
connectent ces deux structures (Bozarth, 1986 ; Bozarth et Wise, 1986). Le rat
s'autoadministre directement dans l'aire tegmentale ventrale, la morphine
(Bozarth et Wise, 1981), le fentanyl (Van Ree et De Wied, 1980) et diverses
amphétamines (Devine et Wise, 1990). Ces résultats sont à rapprocher du fait que
les opiacés, injectés dans l'aire tegmentale ventrale, augmentent l'activité
électrique des neurones dopaminergiques (Matthews et German, 1984) et la
libération de dopamine dans le noyau accumbens (Di Chiara et Imperato, 1986 ;
Spanagel, Herz et Shippenberg, 1991). De plus Bozarth et Wise (1986) ont montré
que la morphine, injectée dans l'aire tegmentale ventrale, avait le même effet
(diminution) sur l'autoadministration d'héroïne et de cocaïne. Ces données
suggèrent que l'héroïne et la cocaïne ont des effets renforçants qui s'exercent
par la mise en jeu d'un substrat neuronal commun.  
3.3 Les autres substances toxicomanogènes et les renforcements naturels

Les psychostimulants et les opiacés ne sont pas les seules substances
toxicomanogènes dont les effets renforçants semblent dépendre de l'activité
dopaminergique mésolimbique. L'alcool augmente l'activité électrique des corps
cellulaires dopaminergiques de l'aire tegmentale ventrale (Brodie, Shefner et
Dumwiddie, 1990) et stimule la libération de dopamine dans l'accumbens (Di
Chiara et Imperato, 1988 ; Yoshimoto, Mc Bride, Lumeng et Li, 1991). La nicotine
produit également une augmentation de l'activité électrique des neurones
dopaminergiques de l'aire tegmentale ventrale (Mereu, Yoon, Boi, Gessa, Naes et
Westfall, 1987) et de la libération de dopamine dans l'accumbens (Brazell,
Mitchell, Joseph et Gray, 1990 ; Di Chiara et Imperato, 1988 ; Rowell, Carr et
Garner, 1987). De plus, les antagonistes dopaminergiques (Corrigall et Coen,
1991) et la lésion des terminaisons dopaminergiques dans l'accumbens (Corrigall,
Franklin, Coen et Clarke, 1992 ; Singer, Wallace, et Hall, 1982) réduisent
l'autoadministration de nicotine.

Le tetrahydrocannabinol, composé actif du cannabis, augmente également la
libération de dopamine dans l'accumbens (Chen, Paredes, Li, Smith, Lowinson et
Gardner, 1990). Un rôle pour les neurones dopaminergiques mésolimbiques a été
également proposé pour les effets renforçants du diazepam (Spyraki et Fibiger,
1988), et la phencyclidine s'est révélée avoir des effets inhibiteurs sur la
recapture de la dopamine (Gerhardt, Pang et Rose, 1987), donc potentialisateur
de la transmission dopaminergique.

Dans la mesure où on peut considérer que les drogues agissent sur des systèmes
neuronaux qui sont aussi la cible des effets renforçants des stimuli naturels,
il est intéressant de constater que la consommation de nourriture (Hernandez et
Hoebel, 1988 ; Yoshida, Yokoo, Mizoguchi, Kawahara, Tsuda, Nishikawa et Tanaka,
1992) et l’acte sexuel (Pfaus, Damsma, Nomikos, Wenkstern, Blaka, Phillips et
Fibiger, 1990) augmente la libération de dopamine dans l'accumbens. Lorsqu’une
nourriture plus ou moins appétissante est offerte, c’est la nourriture la plus
appétissante qui augmente le plus la libération de dopamine (Mortel and Tantino,
1995).

Enfin, non seulement les neurones dopaminergiques sont activés par différents
types de drogues et renforcements naturels mais des travaux récents font état, à
l'inverse, d'une diminution de libération de dopamine au cours du sevrage par la
cocaïne (Parsons, Smith et Justice, 1991) la morphine (Diana, Pistis, Muntoni et
Gessa, 1995 ; Acquas et Di Chiara, 1992 ; Pothos, Rada, Mark et Hoebel, 1991) et
l'alcool (Rossetti, Melis, Carboni, Diana et Gessa, 1992) et la nicotine (Fung,
Schmid, Anderson and Lan, 1996). De plus, en rétablissant la transmission
dopaminergique dans l’accumbens, soit indirectement par l’administration
périphérique d’un agoniste a 2 adrénergique, la clonidine (Pothos, Rada, Mark et
Hoebel, 1991), soit directement par l’application " in situ " d’un agoniste des
récepteurs dopaminergiques D2 (Harris et Aston-Jones, 1994), le syndrome de
sevrage à la morphine est fortement atténué.

Très généralement, le niveau de l’activité dopaminergique dans l’accumbens
semble être un index de l’état euphorique ou dysphorique-anhédonique du sujet
(voir aussi Koob, Wall et Bloom, 1989). Cela ne signifie pas pour autant que la
seule activité dopaminergique dans l’accumbens soit à l’origine de la prise de
drogues. Un " baromêtre " ne fait pas le temps, et ces neurones ne sont pas les
seuls à intervenir. Pour ne considérer que les seuls neurones dopaminergiques,
il est clair qu’il existe une balance fonctionnelle entre cette voie
dopaminergique sous-corticale et celle aboutissant au cortex préfrontal (Simon
et Le Moal, 1988 ; Tassin, Hervé, Vezina, Trovero, Blanc, Glowinski, 1991). Nous
avons montré qu’une situation expérimentale, telle que la privation de contacts
sociaux (Blanc, Hervé, Simon, Lisoprawski, Glowinski et Tassin, 1980), ou une
intervention chirurgicale, telle que la lésion des neurones dopaminergiques
méso-amygdaliens (Deminière, Taghzouti, Tassin, Le Moal et Simon, 1988) ou celle
des neurones du raphé médian (Hervé, Simon, Blanc, Le Moal, Glowinski et Tassin,
1981) débouchent chaque fois sur une prise de drogues augmentée. De plus, il a
été montré récemmment (Bassarco, Tanda et Di Chiara, 1995) que la libération de
dopamine dans le cortex préfrontal était augmentée lors du sevrage à la morphine
; autrement dit, présentait une activité opposée à celle observée dans le noyau
accumbens.
4 Les facteurs modifiant les effets du renforcement ou les dimensions
temporelle, extracorporelle et corporelle

La connaissance de la nature chimique d'une substance ne suffit pas pour prédire
ses effets sur le comportement. La même substance peut renforcer certaines
réponses comportementales (autoadministration) et en supprimer d'autres
(aversion conditionnée). La variabilité de tels effets n'est pas unique au
domaine pharmacologique. L'exemple, sans doute le plus spectaculaire, est celui
du choc électrique qui, dans certaines conditions, est autoadministré par les
animaux (Morse et Keller, 1977). Les effets du renforcement provoqué par les
drogues sont considérablement influencés par l'histoire du sujet ou le contexte
dans lequel la drogue est administrée, et par le sujet lui-même.  
4.1 L'expérience passée

L'histoire du sujet comme déterminant de l'effet d'un certain nombre de
substances toxicomanogènes a été admirablement montré par Barrett et ses
collaborateurs. Des singes sont testés au cours de trois types de situations
successives : 1) l'appui sur un levier qui permet d'obtenir un renforcement
alimentaire est puni par un choc électrique survenant tous les 30 appuis.
Classiquement, dans ce type de situation, le nombre d'appuis est faible. 2)
l'appui sur ce même levier permet, cette fois, de repousser dans le temps la
survenue du même choc électrique. 3) les animaux sont replacés dans la situation
1. Les effets de l'injection d'amphétamine sont évalués sur le comportement des
animaux au cours de la phase 1 et 3 de l'expérience. Alors que l'amphétamine n'a
aucun effet lors de la phase 1, elle augmente le nombre de réponses en phase 3,
c'est à dire lorsque les animaux sont placés exactement dans la même situation,
mais avec une expérience comportementale différente (Barrett, 1977).

Barrett et Stanley (1983) ont également montré que l'histoire de l'animal peut
inverser les effets comportementaux de la morphine. Des singes sont d'abord
placés dans une situation d'évitement du choc électrique (la réponse
comportementale consiste à tirer une chaîne pour différer la survenue du choc)
puis dans une deuxième situation où les appuis sur un levier entraînent
l'application d'un choc électrique et enfin, ces mêmes animaux sont à nouveau
testés dans la situation de départ. La morphine qui diminue la fréquence de
réponses au cours de la première phase de l'expérience, l' augmente lorsque les
animaux sont retestés dans la même situation. La morphine peut donc avoir des
effets opposés selon la nature de l'expérience comportementale vécue. Les effets
du chlordiazépoxide sont également modifiés en fonction de l'expérience du sujet
(Barrett et Witkin, 1986).

L'histoire individuelle a un effet direct sur l'autoadministration des drogues.
Des stress répétés entrainent une augmentation de l'autoadministration d'alcool
chez le singe (Clarke et Polish, 1960) et d'amphétamine chez le rat adulte
(Piazza, Deminière, Le Moal, et Simon, 1990). Une facilitation de la prise de
drogue a également été mise en évidence à la suite de stress précoces pratiqués
pendant la période prénatale du rat. Des stress pratiqués chez la mère, en
période de gestation, ont entraîné un développement rapide de
l'autoadministration d'amphétamine, testée à l'âge adulte chez les petits de ces
mères stressées (Deminière, Piazza, Guegan, Abrous, Maccari, Le Moal et Simon,
1992). Les conditions de vie au cours du développement et à l'âge adulte ont
aussi une grande importance. Des jeunes singes, élevés en groupe mais sans aucun
contacts avec les adultes, consomment de grandes quantités d'alcool (Higley,
Hasert, Suomi et Linnoiha, 1991). La privation de communications sociales chez
le rat favorise le développement de l'autoadministraion intraveineuse de cocaïne
et d'héroïne (Bozarth, Murray et Wise, 1989 ; Schenk, Lacelle, Gorman et Annit,
1987). Sans aborder les effets du stress sur les différents systèmes de
neurotransmission dans le cerveau, on peut remarquer que le stress et les
drogues agissent en partie sur les mêmes systèmes (notamment le système
dopaminergique).

Enfin, l'expérience de l'autoadministration d'une substance augmente l'intensité
d'autoadministration d'une autre substance ou même sa probabilité
d'autoadministration. Il a été montré chez le singe que, dans certaines
conditions expérimentales, l'autoadministration de D 9 - tetrahydrocannabinol ne
peut se développer que si préalablement les animaux se sont autoadministrés de
la phencyclidine (Pickens, Thompson et Muchow, 1973).
4.2 Le contexte

Les circonstances dans lesquelles une drogue est prise apparaissent comme aussi
importantes que ses propriétés pharmacologiques. Certains programmes de
renforcement alimentaire (distribution automatique et espacées dans le temps de
petites quantités de nourriture) chez le rat affamé provoquent l'apparition de
comportements surajoutés ou de déplacement (polydipsie, agressivité) qualifiés
d'excessifs et de compulsifs (Falk, 1961). Il a été montré que ce contexte
environnemental augmente chez le rat la probabilité et l'intensité de
l'autoadministration de nicotine, alcool, D 9 - tetrahydrocannabinol, diazepam,
cocaïne et héroïne (Sanger, 1986 ; Singer, Oei et Wallace, 1982).

Grâce à plusieurs expériences remarquables, il a été montré chez le singe et le
rat, que l'environnement qui était associé aux effets de l'autoadministration de
morphine ou du syndrome d'abstinence à la morphine, avait une influence très
grande sur le comportement ultérieur. Une forte lumière associée au syndrome
d'abstinence à la morphine (provoqué par l'injection d'un antagoniste, la
nalorphine) a ensuite la capacité, seule, de produire un syndrome d'abstinence
chez le singe (Goldberg, Woods et Shuster, 1969). La reprise de
l'autoadministration de morphine chez le rat (rechute) après plusieurs jours
sans drogue est plus rapide dans l'environnement où l'autoadministration s'est
développée la première fois (Thompson et Ostlund, 1965). Les résultats de cette
expérience déjà ancienne rappelent fortement les données obtenues chez l’homme
par Robins et collaborateurs (Robins, Helzer et Davis, 1975). Parmi les anciens
combattants américains du Viet-Nam, très peu avaient rechuté dans la toxicomanie
après leur retour au pays, en comparaison de ceux vivant depuis toujours dans le
même contexte environnemental.  
4.3 L'individu
" Ask not what disease the person has but rather what person the disease has "
**

Il est banal de considérer que l'effet d'une substance dépend du substrat sur
lequel elle s'exerce ; cependant la prise en compte des différences
individuelles de réponse aux drogues est peu fréquente chez l'animal. D'une
manière générale, dans les domaines de la neurobiologie et psychobiologie
animales, les différences individuelles sont plutôt considérées comme une source
de problèmes que de richesse. Pourtant, ces différences existent et la question
que l'on doit se poser est de savoir pourquoi la même substance à des effets
suffisamment forts sur certains sujets pour entraîner une autoadministration
très intense et des effets faibles ou même aversifs sur d'autres. Cette question
a été abordée dans notre laboratoire à partir de l'étude du développement de
l'autoadministration intraveineuse d'amphétamine chez le rat.

La réponse de l'animal à la drogue a été analysée dès les premiers contacts avec
celle-ci et pour des doses de produit très faible à chaque injection (10 mg).
Seule cette procédure permet de révéler des différences individuelles ; ce qui
n'est pas le cas de la grande majorité des études qui portent sur l'analyse de
l'autoadministration en situation de rétention, c'est à dire après de nombreuses
et longues séances quotidiennes et donc après administration d'importantes
quantités de drogues. Dans les conditions expérimentales de la rétention, seuls
les animaux qui développent l'autoadministration sont conservés et parmi ceux
qui sont conservés, les différences individuelles sont gommées.

Nous avons montré que la prise de drogue est extrêmement variable d'un animal à
l'autre : certains sujets étant de très gros consommateurs, d'autres de petits
consommateurs occasionnels et d'autres encore pouvant être condisérés comme
"résistants" à la consommation d'amphétamine (Piazza, Deminière, Le Moal et
Simon, 1989). Cette prédisposition plus ou moins grande à la prise d'amphétamine
a pu être mise en relation avec certains traits comportementaux et biologiques
(neuroendocriniens et neurochimiques), (Dellu, Piazza, Mayo et Simon, 1996).

Sur le plan comportemental, des différences de réactivité locomotrice ont été
mises en évidence chez les rats exposés à un environnement nouveau. Les animaux
les plus réactifs, qualifiés d'animaux "high-responders" (HR), se sont révélés
être les animaux les plus gros consommateurs d'amphétamine alors que les animaux
les moins réactifs, les "low-responders" (LR), étaient indifférents à la drogue
ou seulement de faibles consommateurs (Piazza, Deminière, Le Moal et Simon,
1989). Des travaux complémentaires ont montré que les animaux HR n'étaient pas
simplement hyperréactifs à la nouveauté mais recherchaient la nouveauté, la
diversité et même un environnement relativement aversif (Dellu, Mayo, Piazza, Le
Moal et Simon, 1993). Ces données ne sont pas sans rappeler certains aspects du
trait "recherche de sensations" décrit chez l'homme pour la première fois par
Zuckerman (1987, 1991). De plus, chez l'animal comme chez l'homme, ces
caractéristiques comportementales disparaissent au cours du vieillissement
(Dellu, Piazza, Mayo, Le Moal et Simon, 1996). Chez l’animal, une revue récente
de la littérature (Bardo, Donohew and Harrington, 1996) souligne la parenté
entre recherche de nouveauté et recherche de drogue et met en avant le rôle du
système mésolimbique dans les deux phénomènes. Chez l’homme, il a été rapporté
que la recherche de sensations fortes constituait le trait de personnalité le
plus puissant pour prédire l’utilisation et l’abus de diverses drogues. Une
étude réalisée à partir de 201 toxicomanes aux opiacés et 133 de leurs frères ou
soeurs a montré l’existence d’une corrélation entre le degré de recherche de
sensations et le début de la prise de drogue et le développement d’une addiction
(Kosten, Ball et Rounsaville, 1994). Enfin, deux études menées chez deux groupes
ethniques différents, ont montré une asociation entre le polymorphisme (exon
III) du gène du récepteur dopaminergique D4 et le trait de recherche de
nouveauté (Benjamin, Greenberg, Murphy, Lin, Patterson and Hamer, 1996 ;
Ebstein, Novick, Umansky, Priel, Osker, Blaine, Bennet, Nemanov, Katz and
Belmaker, 1996).

La caractérisation des animaux HR et LR a été effectuée sur le plan
neuroendocrinien à travers l'étude du fonctionnement de l'axe corticotrope
puisque cet axe est activé lors de l'exposition à la nouveauté. Les résultats
obtenus montrent qu'une différence comportementale de réactivité à la nouveauté
s'accompagne d'une différence de réactivité de l'axe corticotrope.
Comparativement aux rats LR, les animaux HR, en réponse à l'exposition à un
milieu nouveau (le même que pour la mesure de la réactivité comportementale),
présentent une sécrétion de corticostérone identique en amplitude mais plus
longue (Piazza, Maccari, Deminière, Le Moal, Mormède et Simon, 1991). Il existe
une corrélation positive entre la réactivité comportementale, la réactivité de
l'axe corticotrope et l'intensité de l'autoadministration d'amphétamine. Il
apparaît même qu'il y a plus qu'une corrélation entre sécrétion de
corticostérone et autoadministration d'amphétamine puisque l'injection de
corticostérone à des animaux résistants à l'autoadministraion (animaux LR)
déclenche la prise de drogue (Piazza, Maccari, Deminière, Le Moal, Mormède et
Simon, 1991).

Le statut neurochimique des animaux prédisposés ou non à la prise de drogue a
été examiné. Ce sont les neurones dopaminergiques qui ont fait l'objet de
l'étude en raison de leur implication dans les processus de renforcement (voir
précédemment). Les analyses biochimiques ont été effectuées en conditions de
base sur des animaux HR et LR sélectionnés à partir de la réactivité
comportementale à la nouveauté. Comparativement aux rats LR, les animaux HR
(prédisposés à l'autoadministration d'amphétamine) présentent une activité
dopaminergique, mesurée post-mortem par le rapport DOPAC/DA, plus élevée dans le
noyau accumbens et plus faible dans le cortex préfrontal (Piazza, Rougé-Pont,
Deminière, Kharouby, Le Moal et Simon, 1991). Il a été également montré que,
lors de l'application d'un stress à l'animal, les concentrations
extracellulaires de dopamine, mesurées in vivo par microdialyse dans
l'accumbens, sont plus grandes chez les rats HR, prédisposés à
l'autoadministration d'amphétamine (Rougé-Pont, Piazza, Kharouby, Le Moal et
Simon, 1993).

L'origine de ces différences individuelles chez des rats, issus de la même
souche, mais non consanguins, n'a pas été explorée. Comme cela a été montré pour
ces animaux et largement décrit ici pour l'autoadministration de drogues en
général, les facteurs historiques et environnementaux peuvent jouer un rôle ; ce
qui n'exclut nullement une participation génétique.

L’origine génétique des différences individuelles de consommation de drogue chez
l’animal a surtout été étudié pour l’alcool. Certaines souches consanguines de
rats (Loewis v.s. Fischer 344) ou de souris (C 57 Bl/6 vs. DBA/2 et BALB/c) ont
une propension plus grande que d’autres à consommer de l’alcool (George, Ritz
and Elmer, 1991). A partir de souches non consanguines de rats et après de
multiples sélections successives, on a pu aboutir à des lignées recherchant ou
évitant l’alcool (UChA vs. UChB au Chili , AA vs. ANA en Finlande ; P vs. NP et
HAD vs. LAD aux USA et sP vs. sNP en Sardaigne) (pour revue voir Li, Lumeng and
Doolitle, 1993). Ces travaux convergent pour mettre en évidence l’influence des
neurones dopaminergiques dans la consommation d’alcool et montrent notamment une
hyperactivité des neurones dopaminergiques aboutissant à l’accumbens chez les
animaux qui préfèrent l’alcool (Weiss, Hurd, Urigerstedt, Markon, Plotsky and
Koob, 1992 ; Weiss, Lorang, Bloom and Koob, 1993).

Dans une population de singes verts de Saint-Kitts (île des Caraïbes), 15%
environ des individus sont de gros consommateurs d’alcool. Par rapport aux
animaux non consommateurs, ils présentent une altération de la densité du
transporteur de la dopamine dans le noyau accumbens et le striatum (Mask,
Staley, Doepel, Young, Ervin and Palmour, 1996). La densité du transporteur est
augmenté chez ces sujets en l’absence de consommation d’alcool et après le
sevrage d’une période prolongée de consommation. En période de prises régulières
d’alcool, elle est abaissée.
5 L’autoadministration de drogues : un modèle de consommation, de toxicomanie ou
de psychopathologie ? ou l'animal modèle et l'homme à problèmes

L’autoadministration de drogues chez l’animal dépend, comme chez l’homme, d’un
grand nombre de facteurs qui interagissent entre eux : la nature de la drogue,
le contexte, l’histoire du sujet et le sujet lui-même. C’est dire la richesse du
modèle animal et c’est souligner en même temps qu’une meilleure connaissance des
seuls effets moléculaires et cellulaires d’une substance n’aboutira pas à une
meilleure compréhension du phénomène de prise de drogue. D’une part, le même
animal peut s’autoadministrer plusieurs drogues (alcool, substances opiacées,
cocaïne) appartenant à des classes pharmacologiques différentes (George, 1993) ;
l’intensité de cette prise de drogue étant corrélée à l’intensité de la prise de
renforçateurs naturels (Gathan, Labounty, Wyvel and Carroll, 1996 ; Gosnell,
Lane, Bell and Krahn, 1995)et d’autre part, la même drogue n’est pas
autoadministrée par tous les animaux. On peut formuler les mêmes remarques chez
l’homme car la monotoxicomanie est rarement la règle et, heureusement, tous les
individus ne sont pas toxicomanes.

L’une des caractéristiques essentielles des conduites de dépendance chez l’homme
est la perte de contrôle (voir DSM-III R et ICD 10). Quand on sait l’importance
du cortex préfrontal dans la capacité à différer un renforcement et le contrôle
de l’impulsivité, il est raisonnable de suggérer que l’hypodopaminergie frontale
des animaux HR puisse jouer un rôle. Une des limitations de la quasi-totalité
des travaux sur l’autoadministration de drogue, c’est de ne pas permettre
d’évaluer cette notion de perte de contrôle. Il y a, cependant, une exception :
c’est le modèle développé par Wolffgramm (Wolffgramm, 1991 ; Wolffgramm et
Heynes, 1995). Il consiste à permettre un accès libre à la drogue pendant
pratiquement toute la durée de vie de l’animal. Contrairement à la
quasi-totalité des travaux qui ne prennent en compte que l’aspect quantitatif
(pharmacologique) de la prise de drogue, il permet l’étude d’un éventuel
changement qualitatif sous l’influence de facteurs internes ou externes ;
autrement dit, il permet de distinguer entre prise de drogue contrôlée
(consommation) et non contrôlée (addiction). L’utilisation de ce modèle a permis
de montrer que l’administration forcée de drogues, bien qu’entraînant une
dépendance physique n’est pas suivie d’addiction. Cette distinction va dans le
sens des études menées chez l’homme par Rounsaville et collaborateurs (Carroll
et al., 1994 ; Rounsaville et al., 1986 ; 1993) puisque ces auteurs montrent que
les signes de tolérance et de sevrage ne sont pas indispensables pour
caractériser l’addiction à différentes classes de drogues aussi bien en termes
de validité que de fidélité (voir aussi le DSM IV).

Sur la base des données précédentes, il apparaît que l’autoadministration de
drogues chez l’animal, constitue un modèle intéressant pour l’amélioration de
nos connaissances sur la toxicomanie humaine. Est-ce à dire que le modèle animal
de toxicomanie échappe aux critiques formulées pour les autres modèles animaux
de psychopathologie humaine (voir Le Moal et Jouvent, 1992) ? D’une manière
générale, il y a quelque chose de paradoxal dans la démarche conceptuelle qui
semble à l’origine d’un certain nombre de modèles animaux de psychopathologie.
Le but clairement avoué est de recueillir des données chez l’animal afin de
réduire notre ignorance sur les désordres du psychisme humain. Or, à partir
d’une pathologie humaine mal définie, d’une nosographie incertaine, comment
peut-on imaginer mettre en place une modélisation qui ne le soit pas ? et
comment à partir d’une modélisation obscure, peut-on rendre plus claire cette
psychopathologie ? La nosographie psychiatrique classique a été quelque peu
ébranlée au cours de ces dernières années (Akiskal, 1986 ; Kendell, 1975 ; Van
Praag, 1987 ; 1993). Van Praag a proposé d’utiliser le terme d’approche
fonctionnelle/dimensionnelle pour l’opposer à l’approche catégorielle
classiquement utilisée. Cette approche transnosographique, centrée sur l’étude
des symptômes, présente un certain nombre d’avantages comme par exemple, dans le
cadre des recherches en génétique, de permettre de s’appuyer sur un phénotype
plus convaincant que celui dérivé de l’approche syndromique/diagnostique et,
dans le cadre des études chez l’animal, de fournir des données plus accessibles
à la modélisation (Costello, 1992 ; Ginsburg, Werik, Escobar, Kugelmass, Treanor
and Wendtland, 1996).

Incontestablement, l’isomorphisme est grand entre l’autoadministration de drogue
chez l’animal et chez l’homme. Le modèle animal de prise de drogue est sans
doute plus exploitable que les autres modèles animaux de psychopathologie, en
grande partie parce que ce n’est pas un modèle de psychopathologie mais un
modèle symptomatique.

La mise en évidence de l’autoadministration de drogues chez l’animal a amené à
conclure que les drogues contrôlent le comportement en agissant sur un substrat
biologique " normal " et par conséquent, une psychopathologie préexistante ne
devait pas être envisagée dans le phénomène de prise de drogue. Cependant, ce
raisonnement ne prend pas en compte le fait que certains animaux ne
s’autoadministrent pas la drogue et présentent un substrat biologique différent
de ceux qui développent l’autoadministration. C’est cette différence (innée
et/ou acquise) de substrat biologique qui est révélée et amplifiée par les
effets extrêmement puissants de la drogue.

Dans l’interaction entre le sujet et la drogue, l’attention des biologistes a
surtout été dirigée (et continue de l’être) sur l’objet de la toxicomanie (la
molécule). C’est dans cette ligne de pensée que s’est développé le mythe de la
cure de sevrage, chez l’homme, capable de résoudre les problèmes du toxicomane.
Pas plus que le contact avec la drogue ne suffit à définir la toxicomanie,
l’absence de prise de drogue est insuffisante pour considérer que le syndrome de
dépendance a disparu.

La toxicomanie ne peut pas se réduire à un problème de pharmacologie, ou encore,
être assimilée à une maladie de type infectieux. C’est pourtant l’objet d’une
confusion fréquente dans les recherches biologiques où l’accent est surtout mis
sur la réponse à la drogue et les conséquences (la symptômatologie) ; un peu
comme si la seringue véhiculait de la même façon le SIDA et la toxicomanie. Il
semble plus heuristique de s’intéresser au sujet qui prend la drogue et au
pourquoi de cette recherche (étiologie). L’essentiel repose plus sur le sujet
toxicomane et le processus addictif que sur la molécule, autrement dit, l’objet
de l’addiction.

La pharmacodépendance n’est pas une maladie ; elle ne traduit que l’un des
symptomes d’une maladie ou plutôt d’un processus. Comme le souligne Van Praag
(1993) : " ¨Psychiatric symptoms are the behavioral expression of a
psychological dysfunction, not the dysfunction itself ". Le processus addictif
peut trouver à s’exprimer différemment selon les périodes et les circonstances
et, en particulier, par d’autres conduites que celles liées à la prise d’une
molécule toxicomanogène. La drogue n’est qu’un des éléments de l’environnement.
Chez l’homme, certaines conduites alimentaires (boulimie), sexuelles, ou
activités pathologiques apparemment très variées (jeu, achats, activités à
risque ...) peuvent être considérées comme des toxicomanies sans drogue (Orford,
1985 ; Venisse, 1991). Comme il y a une communauté de substrat neuronal entre
l’action de diverses drogues, il est possible qu’il y ait une communauté de
processus impliqués dans l’autoadministration de ces substances. L’une des
limitations triviales de l’autoadministration de drogues chez l’animal de
laboratoire réside dans le fait que celui-ci ne peut pas " s’exprimer "
autrement qu’en prenant de la drogue * . Ce qu’il y a de particulièrement
intéressant, c’est de savoir ce que fait l’animal quand on lui offre d’autres
possiblités. Nous avons montré que les animaux qui recherchent la drogue (les
rats HR) sont également ceux qui sont le plus sensibles à un renforcement
alimentaire (Dellu, Piazza, Mayo, Le Moal et Simon, 1996). Ce sont également les
mêmes rats qui s’autoadministrent l’amphétamine et qui développent un
comportement de polydipsie (Piazza, Mittleman, Deminière, Le Moal et Simon,
1993). La polydipsie fait partie des activités de déplacement ou de substitution
qui sont généralement interprétées comme représentants des réponses d’ajustement
à une situation conflictuelle ou à une situation de frustration. La nature des
activités de déplacement peut se définir comme un recours à l’agir. Elle dépend
de la nature de l’environnement et peut se traduire, selon les situations, par
de la polydipsie, de l’agressivité, de l’hyperactivité motrice ou d’autres
comportements plus ou moins compulsifs.

Les arguments avancés ci-dessus trouvent un support dans des travaux anciens de
l’équipe de Valenstein aux USA (Valenstein, Cox et Kakolewski, 1969). Il a été
montré que les comportements déclenchés par la stimulation électrique de
l’hypothalamus latéral (et qualifiés de " stimulus-bound- behaviors " pouvaient
être très variés et dépendaient en fait de la présence d’une cible dans
l’environnement. L’intérêt des travaux menés par cette équipe ne s’arrête pas là
puisqu’ils ont montré que cette activation comportementale canalisée par
l’environnement, d’une part, était reliée à l’activité des neurones
dopaminergiques et, d’autre part, n’était pas présente chez tous les individus
(Mittleman et Valenstein, 1984). Les individus qui manifestent la plus forte
activation comportementale sont ceux qui sont les plus sensibles à l’amphétamine
et sont également ceux qui développent le comportement de polydipsie le plus
intense. La similitude est frappante entre le comportement de ces animaux et
celui des animaux HR précédemment décrits.  
6 Conclusion

En conclusion, il apparaît que le sujet pharmaco-dépendant exprime un manque qui
se situe en amont du manque pharmacologique. Le défi consiste à comprendre la
nature de cette carence qui se traduit par des " appétits excessifs " et à
caractériser les désordres biologiques correspondants. Il va largement au delà
du seul problème de l’addiction puisqu’il concerne l’étude des interactions
entre une grande variété de facteurs complexes (génétiques, psychobiologiques,
environnementaux, sociaux ...) et des mécanismes impliqués dans le contrôle du
comportement par le cerveau et en retour du cerveau par le comportement.  
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        PHARMACODEPENDANCE

        Stéphane SCHUCK, Hervé ALLAIN, Nicolas MAUDUIT,
        Elisabeth POLARD

        Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
        Université de Rennes I

        Mise à jour le 25 janvier 2000

    I - INTRODUCTION     V - LA THESE SEROTONINERGIQUE
    II - JUSTIFICATION DE L'APPROCHE PHARMACOLOGIQUE     VI - L'EXPRESSION
GENIQUE
    III - NEUROANATOMIE DE LA PHARMACODEPENDANCE     VII - LA BIOLOGIE DE LA
COGNITION
    IV - LA THESE DOPAMINERGIQUE     VIII - CONCLUSION

    I - INTRODUCTION

    La pharmacodépendance sera définie comme un état de besoin d'un (ou de
plusieurs) médicament(s) ou de substance(s) pour fonctionner dans les limites de
la normale. Cet état s'accompagne le plus souvent de tolérance (épuisement de
l'effet avec le temps ; nécessité d'augmenter les posologies pour obtenir le
même effet) et de signes de sevrage (physiques, comportementaux, psychiatriques)
en cas de manque ou d'arrêt brutal de la consommation. L'addiction se
caractérise par une perte totale du contrôle de la consommation de médicaments
ou de substances.
    La consommation de substances (analogie avec les études de compliance) chez
l'homme est un comportement reposant sur des mécanismes multiples et associés :
biologiques,sociaux, culturels et politiques. Ces mécanismes sont à prendre en
compte simultanément lors de toute tentative de compréhension du développement
de la pharmacodépendance ou lors de la prise en charge thérapeutique.
    Les données de la recherche en sociologie et en épidémiologie ont pu pointer
quelques facteurs de risque (fig. 1) : âge (adolescence) ; habitude de
consommation dans la famille ; comorbidité avec des pathologies psychiatriques
nombreuses ; degré d'accessibilité aux substances en question (et donc
législation) ; niveau social ; environnement (guerre ; stress ...). Les études
de pharmacoépidémiologie relatives à la pharmacodépendance sont rares et
complexes pour plusieurs (au moins 9) raisons : 1) la plupart des substances
consommées n'ont pas le statut de médicament ; 2) la définition du caractère
illicite ou licite varie d'un pays à l'autre et avec le temps (périodes de
prohibition) ; 3) les consommations portent rarement sur un seul produit ; 4)
une progression hiérarchique est usuelle pour un consommateur donné : tabac,
alcool, produits inhalés, marijuana, psychostimulants, opiacés ; 5) dans le
temps les noms des substances employées sur le terrain ne correspondent pas aux
nomenclatures chimiques ou pharmacologiques (noms de rue ou street names)
[Tableau I] ; 6) l'absence de contrôle de la qualité des substances consommées
ainsi que des quantités exactes auto-administrées exclut toute approche PK/PD
(pharmacocinétique/pharmacodynamie) ; 7) les voies d'administration n'obéissent
pas à la réglementation de la galénique et peuvent générer des pathologies
indépendantes du produit lui-même (seringue) ; le rôle de la génétique et de la
transmissibilité d'une propension à consommer relève de techniques
populationnelles rarement utilisées ; 9) les modèles animaux appréhendent
difficilement la psychopathologie, la sociopathie, l'éducation au recours au
médicament et l'historicité, typiquement humaines. En conséquence, l'approche
pharmacologique du problème de la pharmacodépendance et de la drogue, au sens
large, peut être d'une quelconque utilité. Ceci, quoique restrictif n'exclut
aucunement les autres approches, tout aussi valides et utiles voire
complémentaires.
     

    II - JUSTIFICATION DE L'APPROCHE PHARMACOLOGIQUE

    1. GENERALITES

    Des mécanismes biologiques siégeant dans le système nerveux central (SNC)
sont à la base des états de pharmacodépendance. La liste des produits [Tableau
II] les plus fréquemment incriminés dans la pharmacodépendance démontre
effectivement que leur impact sur le SNC est majeur. Rechercher un dénominateur
commun neurobiologique n'est pas illusoire, même si, comme pour toute substance
administrée à l'homme, des effets extra-SNC risquent d'apparaître, qualifiés
alors d'effets indésirables (EI). Contrairement à la démarche usuelle en
pharmacologie (c'est le chercheur qui impose son effet pharmacodynamique !),
dans le cas de la pharmacodépendance, il importe d'interroger le consommateur
sur le pourquoi et sur l'effet recherché (stimulation, sédation, plaisir, oubli,
rêve et hallucination ...) et, de là, remonter à la source explicative. Cela
relève de techniques habituelles en pharmacoépidémiologie (le maître du jeu est
le consommateur et non le prescripteur). L'analyse des effets pharmacodynamiques
des médicaments et des substances consommés de manière illicite révèle que ce
sont toujours des effets psychotropes qui sont recherchés (différence avec le
dopage).

    2. LE CONDITIONNEMENT

    La plupart des substances inductrices de dépendance (excepté le LSD et le
delta-9-tetrahydrocannabinol) sont des renforçateurs de comportement ; l'effet
induit par la drogue (ou même certains aliments) peut être conditionné (stimulus
inconditionnel) selon le modèle de Pavlov (chien/nourriture/sonnette ou
lumière). Selon les théories comportementales, l'autoadministration répond à
plusieurs mécanismes :
    - la drogue renforce des réflexes (stimulus/réponse) habituellement modulés
par le degré de motivation.
    - l'approvisionnement en drogue peut être le but d'une action fondée sur la
connaissance (et donc la mémorisation) de l'effet du produit ; la recherche de
l'effet peut se justifier par un état affectif donné.
    - la substance recherchée peut moduler les effets d'autres renforçateurs :
potentialisation des effets de renforçateurs sexuels ou sociaux ; atténuation
des effets des renforçateurs aversifs.
    - l'effet en lui-même (pharmacodynamie) peut être considéré comme le
renforçateur : amélioration des performances de mémoire, accentuation des
phénomènes attentionnels, modification des perceptions et des messages
sensoriels (hallucinogènes, atténuation d'un symptôme(anxiété, angoisse ...).
    Il importe toutefois de noter que cette action de renforcement d'un
comportement n'est pas une propriété pharmacologique immuable de la substance en
question mais qu'elle est intimement liée au contexte (comportemental). La
drogue se différencie des renforçateurs naturels (eau, nourriture) dans la
mesure où elle n'est pas nécessaire au maintien des grandes fonctions vitales ;
au contraire, les substances autoconsommées usurpent les mécanismes centraux des
renforçateurs naturels et empêchent ces derniers d'exercer leur contrôle et leur
régulation physiologique des comportements.

    3. LES TECHNIQUES DE RECHERCHE

    L'analyse biochimique et comportementale du phénomène de pharmacodépendance
fait appel à de nombreux modèles animaux, dont beaucoup sont issus des travaux
de Pavlov sur le conditionnement.
    Dans les études de discrimination de substances l'animal apprend à choisir
une substance parmi d'autres dans le but d'obtenir une récompense (reward). Un
autre modèle consiste à associer à chaque substance un environnement spécifique
; l'animal choisira le lieu ou se trouve le produit "qui lui plaît le plus".
D'autres techniques reposent sur l'auto-stimulation via des électrodes
implantées dans les "zones de récompense" (reward areas), essentiellement l'aire
du tegmentum ventral (VTA) qui projette jusqu'à un noyau du système limbique, le
nucleus accumbens septi (NAS) ; les substances addictives abaissent le seuil de
l'auto-stimulation. Dans les études d'auto-administration, l'animal s'injecte ou
ingère lui-même la substance ; différents schémas de renforcement sont utilisés
(exemples : le renforçateur suit le nombre donné de réponse ou alors il suit une
réponse après une période de temps donnée). Ces techniques permettent de bien
analyser les deux phases du comportement de recherche de drogue : l'acquisition
et la maintenance. Ce type d'études réalisées chez l'animal permet de
pronostiquer quelle molécule ou substance risque d'être toxicomanogène chez
l'homme (c'est l'addiction liability). Schématiquement les animaux (rongeurs,
primates) s'auto-administrent la plupart des drogues faisant l'objet d'abus chez
l'homme piacés, nicotine, amphétamine, cocaïne, benzodiazépines, phéncyclidine.
A l'inverse, ils ne s'auto-administrent pas d'hallucinogènes (LSD). Chez
l'homme, en pharmacologie clinique, la recherche du "drug-liking" est
systématique lors des phases précoces de développement des médicaments et repose
en règle sur des échelles (exemple : l'échelle ARCI). Lors des phases III une
période de sevrage en double insu est préconisée pour détecter d'éventuels
symptomes de sevrage qui alors viendraient signer un risque potentiel de
dépendance.

    III - NEUROANATOMIE DE LA PHARMACODEPENDANCE

    Sans viser l'exhaustivité, il est important pour aller plus à fond dans la
neurochimie de la dépendance de rappeler les structures et circuits anatomiques
du cerveau qui interviennent dans les processus de récompense (la reward). Dès
1954, Olds et Milner avaient observé chez le rat, que la stimulation électrique
de certaines zones anatomiques du cerveau (septum) était un renforçateur positif
: les rats pressaient les leviers de commande de la stimulation électrique, de
manière répétée et continue (auto-stimulation).
    Il est admis aujourd'hui qu'il existe un circuit anatomique de récompense,
correspondant au système mésocorticolimbique (largement dopaminergique). Les
neurones se situent dans le tronc cérébral (regroupés selon la nomenclature en
neurones A 10), au niveau de l'aire du tegmentum ventral (VTA) et projettent via
le faisceau médian (medial forebrain bundle) vers des noyaux du système limbique
(NAS, tubercules olfactifs, amygdales, septum) et le cortex frontal (fig. 2).
D'autres connexions, prolongent le circuit, telles la projection du NAS sur la
substance innominée et le pallidum ventral (SI/PV) qui à son tour projette sur
le thalamus median et le cortex frontal. Ce circuit et les connexions ne sont
pas le propre des drogues mais sous-tendent toute récompense (ou recherche de)
associée à l'alimentation, la boisson et la sexualité.
    L'ensemble de ces boucles fonctionnement grâce à l'intervention des
neurotransmetteurs et tout spécialement la dopamine, les opioïdes et le GABA.
L'ensemble des étapes anatomiques vient enrichir et colorer le stimulus de
départ (amygdales et émotion ; hippocampe et mémoire ; noyau gris centraux et
motricité ou persévération). C'est
    Ces récepteurs dopaminergiques en particulier les D2 sont mis en cause, au
sein du circuit de récompense à tel point que le gène codant pour les D2 fait
l'objet de recherche dans les familles "consommatrices" de substance. Par
ailleurs, le transporteur présynaptique de la dopamine (qui assure la recapture)
est bloqué par la cocaïne, l'amphétamine et le méthylphénidate tout
particulièrement au sein même du NAS. Les études sur animaux knocked-out (KO) en
transporteur et en D2 viennent à l'appui de ce mécanisme (on a pu démontrer que
les souris KO en D2 ne consommaient plus d'alcool et n'extériorisaient plus les
effets positifs et renforçateurs de la morphine). Récemment une équipe française
a démontré que les récepteurs D3 du NAS étaient spécifiquement impliqués dans la
dépendance à la cocaïne ; un antagoniste de ces D3 supprime à la fois les effets
et le développement de la dépendance. Presque toutes les drogues quoiqu'agissant
primitivement sur d'autres récepteurs (nicotiniques, GABAergiques ...) voient
converger leur effet neurochimique final sur ces récepteurs dopaminergiques du
NAS, source théorique du traitement médicamenteux de la pharmacodépendance.
L'impact très sélectif sur des sous-unités moléculaires des récepteurs commence
à être connu (voir le GABA-A récepteur).

    V - LA THESE SEROTONINERGIQUE

    Cette thèse sérotoninergique des états de dépendance est beaucoup moins bien
assurée, en grande partie en raison de la complexité même des systèmes
sérotoninergiques : multiples récepteurs ; interactions fonctionnelles entre ces
récepteurs ; équilibre fonctionnel entre système sérotoninergique et autres
systèmes à neuromédiation ..
    La cocaïne possède une forte affinité pour le transporteur présynaptique de
la sérotonine (5 HT), site d'impact des antidépresseurs inhibiteurs de la
recapture de la 5 HT (IRS). De même les souris KO en récepteur 5HT1B deviennent
plus facilement consommatrices de cocaïne, l'inverse étant obtenu par
administration d'agonistes 5HT1B   . Les consommateurs chroniques d'amphétamine
présentent une diminution massive de la 5 HT dans le cortex orbito-frontal ;
chez les utilisateurs d'ecstasy la liaison au transporteur de la 5HT est altérée
(études en TEP-Scan).

    VI - L'EXPRESSION GENIQUE

    Comme pour d'autres chapitres de la pharmacologie (voire la mémoire ; la
neurocytoprotection ; la messagerie calcique ...), l'impact des substances
prêtant à dépendance ne s'arrête pas au récepteur membranaire mais concerne
toutes les étapes neurochimiques (en cascade) qui conduisent in fine à
l'expression ou à la répression génique. La synthèse de nouvelles protéines
voire la modification des structures synaptiques expliquent aujourd'hui en
grande partie les effets à long terme de nombreux médicaments du SNC et doivent
donc être envisagés ici.
    Une exposition chronique aux opiacés, à la cocaïne et à l'éthanol augmente
l'activité de l'adénylcyclase et la protéine kinase AMPcyclique-dépendante et
parallèlement diminue les concentrations des protéines de liaison du
guanine-nucléotide inhibiteur (Gi) ; ces marqueurs signent immanquablement de
profondes modifications de la transcription génique, ici, au niveau du NAS.
Certains facteurs de transcription tels la protéine CREB, le c-fos et le c-jun
sont profondément modifiés après exposition chronique à des substances
toxicomanogènes (morphine, nicotine, cocaïne ...). Le rôle joué par ces
modifications dans la pharmacodépendance est difficile à déterminer même si, par
exemple, la suppression du gène c-fos chez la souris KO altère la réponse à la
cocaïne ; de même les souris KO en  5HT1B (voir supra) voient leurs antigènes
apparentés à fos modifiés alors qu'il n'y a en aucune exposition aux drogues.
Pour terminer il faut rappeler que certains produits (exemple des opiacés et la
voie Fas) agissent en déclenchant la voie des gènes tueurs réputés conduire à
l'apoptose (la "mort  cellulaire programmée", la "chute des feuilles à
l'automne" !).
    Ce chapitre, en plein développement, à le mérite de mettre en exergue les
effets moléculaires concommittants de la pharmacodépendance et surtout de
comprendre, à travers l'expression génique, le pourquoi des modifications
anatomiques, histologiques et fonctionnelles survenant dans le cerveau du
consommateur chronique de substances. Ces modifications des signaux
intracellulaires font le lien avec la pharmacologie moléculaire de la cognition.

    VII - LA BIOLOGIE DE LA COGNITION

    L'impact des médicaments sur les différentes composantes de la cognition et
des fonctions intellectuelles chez l'homme est au premier plan de la
neuropsychopharmacologie contemporaine. On dénomme cette approche, la
pharmacologie de la cognition, ce qui implique la reconnaissance d'une biologie
de ces processus cognitifs (synapses, récepteurs, circuits à neurotransmetteurs,
facteurs de transcription, expression génique). Ces éléments neurobiologiques
interviennent dans des processus aussi variés que la mémorisation,
l'apprentissage, les fonctions exécutives, l'attention etc ... S'il est logique
et réel que la plupart des substances toxicomanogènes perturbent les processus
précédents du fait de leur impact neurochimique bien identifié (carte cognitive
des drogues), il convient d'envisager l'hypothèse selon laquelle
pharmacodépendance et addiction découlent d'adaptations et de modifications
graduelles de la cognition après exposition chronique à une substance.
    Le comportement "compulsif" de recherche de drogue (Drug-seeking), à titre
d'exemple, est puissamment associé à des indices (clues) environnementaux,
véritables stimuli conditionnés, prédicteurs de la possibilité de disposer de la
drogue (et donc des effets hédoniques associés) ainsi que des effets aversifs du
sevrage (qu'il faut par anticipation éviter par "automédication"). Ce processus
cognitif s'appelle l'apprentissage associatif, le drogué mettant en connexion
des indices spécifiques (lieu, odeur, personnes, seringue ...) avec des états
induits par la drogue. Les bases neuroanatomiques et neurochimiques sont connues
et recoupent les circuits de la mémoire (dont l'hippocampe) et des émotions
(dont les amygdales et le NAS). Fait important, ce phénomène est inscrit en
mémoire (avec traduction neurochimique) et met des années à disparaître ; toute
réapparition d'un indice (donc en l'absence de substances) réactive le système
de la mémoire (modèle de la LTP) ; le comportement addictif est inscrit et
déconnecté (en temps) de l'effet originel (pharmacodynamie) de la substance qui
en est à l'origine.
    Dans la même lignée, l'explication des rechutes chez un consommateur sevré
relève de trois causes : 1) une nouvelle administration de la substance ; 2) une
exposition à un stimulus conditionné ; 3) un stress. Ces trois causes
aboutissent à des décharges de dopamine dans le NAS et à une réactivation des
circuits de mémoire et de récompense.
    Le dernier exemple permet d'envisager les bases biologiques qui sous-tendent
l'auto-contrôle (le self-control), phénomène perturbé chez le consommateur usuel
de substances : impulsivité ; capacité à prendre une décision ou à procéder à un
choix ; prise de risque. Ces fonctions ou ces désordres (perte de
l'auto-contrôle) mettent en jeu le cortex frontal et le striatum et des systèmes
à neurotransmission bien connus (dopamine, 5 HT, glutamate). De nombreuses
substances toxicomanogènes perturbent la fonctionnalité de ces circuits et donne
libre cours à cette perte de contrôle (dont celui de la consommation de
substances) caractéristique du sujet pharmacodépendant. Ces quelques exemples
démontrent les liens étroits existant entre les états de pharmaco-dépendance et
les processus de mémorisation (même des habiletés et des automatismes, c'est la
mémoire procédurale) dont on connaît aujourd'hui les bases biologiques et
moléculaires.

    VIII - CONCLUSION

    - Le descriptif des bases biologiques de la pharmacodépendance de
l'addiction et des comportements addictifs représente une première étape pour en
envisager, dans un deuxième temps, la prévention et le traitement.
    - Sur un plan scolaire, ce chapitre ne peut-être abordé sans une lecture
préalable de la pharmacologie des substances évoquées précédemment (effet sur la
cognition, effets comportementaux, impact réceptologique, effets indésirables
neuropsychiatriques et généraux ...).
    - La démarche adoptée tout au long de ce chapitre non seulement laisse
entrevoir de nombreuses zones d'ombre et d'incertitudes, mais encore tente de
rapprocher des perspectives thérapeutiques en apparence divergentes.
     
     

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Biologie et pharmacologie des comportements violents
Pr. Hervé Allain
Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, av du Pr. Léon Bernard 35043 Rennes cedex
 
mis à jour le 20 septembre 2000
Résumé
Abstract
1 Introduction
2 La neuroanatomie
3 La neurochimie
3.1 Les neurotransmetteurs
    3.2 Autres déterminants biologiques de la violence
4 La pharmacologie
4.1 La méthodologie
4.2 Les substances préconisées
5 Conclusion
6 Références

Remerciements :
Ce travail n'a pu être réalisé que grâce à la documentation et aux commentaires
du Pr KARLI que nous tenons à remercier profondément.
Résumé
Biologie et pharmacologie des comportements violents

Les comportements de violence vis à vis d'autrui et de soi-même représentent une
variété très large de situations environnementales psychologiques ou
étiopathéniques. Il est utile, malgré l'hétérogénéïté du concept de réfléchir
sur les déterminants biologiques de ces concepts élargis à l'agressivité, au
suicide ou à l'acte délictueux. Chez l'animal il est admis que les systèmes
mésencéphalodiencéphaliques de récompense et d'aversion constituent le
déterminant anatomique élémentaire de ces phénomènes. Chez l'homme des
dysfonctionnements multisites sont à envisager avec la participation des lobes
frontaux et corticaux. Sur le plan neurochimique, presque tous les
neurotransmetteurs sont incriminés avec en premier chef les amines et la
sérotonine, l'hyposérotoninergie étant une des bases biologiques de
l'agressivité,l'impulsivité et la tendance suicidaire. La pharmacologie de la
violence est limitée par des questions d'ordre méthodologique ; en aigu les
neuroleptiques restent toujours conseillés ; en préventif les sérotoninergiques
sont en cours d'évaluation.

Mots-clés : violence-agressivité-impulsivité-suicide-biologie-pharmacologie

 
Abstract
Biology and pharmacology of violent behaviour

Violent behaviour (self aggression or towards another person) represents a wide
spectrum of environnemental, psychological or etiological situations. In spite
of the heterogeneity of these concepts, it is useful to analyse the potential
biological markers of aggression, suicide or violent acts. In animal, both
reward and aversive mesencephalodiencephalic systems are the main anatomical
systems involved in aggressivity. In human, multisites dysfunctions must be
considered, mainly frontal and temporal lobes. The neurochemistry of violence is
dominated by neurotransmitters and mainly biogenic amines and serotonin ;
hyposerotoninergy appears as the basis of impulsivity and suicidal pulsion. The
pharmacology of violence is limited by methodological problems, in acute
situations neuroleptics are the drugs of choice ; in a preventive view, the
serotoninergic drugs are under evaluation.

Keys-words : Violence - Aggressivity - Impulsivity - Suicide - Biology -
Pharmacology

 
1 Introduction

La neurobiologie des comportements violents de l'agressivité et du suicide a
fait l'objet d'une littérature immense et de quelques synthèses récentes qu'il
apparaît illusoire de recopier. Rappelons d'emblée que des équipes entières ont
consacré des années de recherche sur ce thème dont l'équipe du Professeur P.
Karli, de Strabourg qui, en termes accessibles, a présenté sa démarche, ses
interrogations et sa vision du problème dans au moins deux ouvrages, "l'Homme
Agressif" (1987) et "le Cerveau et la Liberté" (1995). Pour reprendre
précisément P. Karli, l'objet d'une telle réflexion, chez l'homme, n'est pas de
décrire schématiquement un substrat nerveux de l'agression, mais plutôt
d'analyser les facteurs et les processus qui contribuent à déterminer la façon
dont l'individu perçoit et interprète une situation donnée et la façon dont il
s'efforce de maîtriser sa relation personnelle à cette situation ; ceci implique
un choix de stratégie qui semble appropriée à l'individu en situation. Cette
démarche d'inspiration biologique autorise des confrontations plus fructueuses
avec la psychologie génétique, la psychologie sociale voire la psychodynamie
qu'une neurobiologie à la recherche de marqueurs ou d'index figés [VOLAVKA,
1995] de comportements violents. Pour les auteurs les plus féconds et les plus
stimulants, les comportements de violence et d'agression (vis à vis d'autrui ou
de soi-même) doivent être considérés comme un moyen d'action ou une stratégie
comportementale qui permet de s'approprier "quelque chose" (plaisir) ou au
contraire de finir "quelque chose" pour mettre un terme à une expérience
affective déplaisante. Selon les espèces et selon les situations, ce "quelque
chose" peut être très varié allant d'un besoin biologique élémentaire à une
interaction sociale voire à une activité de l'inconscient. Il est indéniable que
l'organisation même du cerveau et sa physiologie interviennent, certes de
manière complexe, au moins dans l'expression de la violence et qu'en ce sens,
une réflexion sur la neurobiologie de ces comportements est nécessaire même à
des fins utilitaires, préventives et thérapeutiques (pharmacologie de la
violence). La difficulté de l'entreprise est de centrer la réflexion qui risque
de s'égarer dans des champs voisins, neurophilosophiques (EDELMAN, 1992),
neuropsychologiques (DAMASIO, 1995) ou plus spécifiques tels la biologie du
plaisir (VINCENT, 1986), des mécanismes cognitifs, de prise de décision, de
l'émotion ou du stress (LEDOUX et HIRST, 1986). D'emblée et plus que jamais sur
un tel sujet, il conviendra d'insister sur le danger d'extrapoler trop
rapidement à l'homme les données obtenues chez l'animal et cela, pour les mêmes
raisons qui conduiraient à assimiler cerveau et pensée. Néanmoins sur un double
plan, pragmatique et méthodologique, il est également très clair que toute
expérience ou acquis d'ordre scientifique méritent d'être entrepris initialement
sur les modèles les plus simples.  
2 La neuroanatomie

Certaines structures du système nerveux central (SNC) interviennent de manière
cruciale dans les comportements violents. Ces structures ont été identifiées à
la suite d'expérience, soit de lésions sélectives soit de stimulations sur
différentes espèces animales. A chaque fois, il importerait de préciser la
situation ou le modèle de comportement violent ou agressif déclenché ou inhibé.

Schématiquement, c'est au niveau mésencéphalodiencéphalique que les
comportements assurant les besoins biologiques élémentaires et la défense de
l'intégrité physique sont élaborés. Deux grands systèmes neuronaux orientent
ainsi l'attitude fondamentale de l'individu et son comportement observable : le
système d'appétence et de récompense (il s'étend du tegmentum mésencéphalique à
travers l'hypothalamus latéral en projetant sur diverses structures
télencéphaliques) et un système d'aversion et de défense (système médian
péri-ventriculaire). Chez l'animal il est donc admis que les composantes
anatomiques essentielles du substratum nerveux de l'agression se résument à
l'aire hypothalamique latérale, à l'hypothalamus médian et à la substance grise
péri-aqueducale. Le rôle joué par ces structures anatomiques dans le
déclenchement d'une stratégie comportementale est intimement corrélé au niveau
individuel de réactivité émotionnelle ; or il existe une "anatomie de l'émotion"
qui implique en priorité le septum (une lésion septale induit une
hyperréactitivité émotionnelle et accroît l'agression interspécifique) et le
complexe nucléaire amygdalien. L'exemple de l'amygdale serait intéressant à
détailler (MOYER, 1968) car les différents types de noyaux de cette structure
anatomique sous-tendent des comportements différents : la stimulation du noyau
central induit peur et fuite, la lésion du même noyau conduisant à une
irritabilité et une tendance à l'agression ; la stimulation du noyau médian
conduit à l'agression et l'irritabilité mais sans réaction de fuite. D'autres
régions, pour des raisons moins claires (vraisemblablement de connexions
fonctionnelles avec les structures précédentes) peuvent déclencher des réactions
d'agression, notamment chez le singe (l'hippocampe rostral, le thalamus, les
lobes frontaux, le colliculus supérieur, la tête du noyau caudé ...).

Il a été démontré pour conclure qu'une lésion bilatérale de la région médiane de
l'amygdale abolit l'effet préventif d'une familiarisation préalable. Les lésions
du septum chez le rat, accentuent la réaction émotionnelle de l'animal et
facilite les réactions agressives induites par des chocs électriques douloureux
ou bien lorsque le rat se trouve confronté, pour la première fois à l'intrusion
d'une souris dans la cage (mise en jeu de la néophobie).
Chez l'homme les structures qui semblent impliquées dans ces comportements
violents sont plus nombreuses et font appel à d'autres concepts liés précisément
à la nature humaine (interprétation et symbolisation des expériences vécues,
sens des évènements, culture, mémoire...). Des difficultés nouvelles
apparaissent liées aux modalités des études (en général recours à des méthodes
indirectes et atraumatiques) et surtout à la frontière entre personnalité
violente et l'acte de violence. Les confrontations anatomopathologiques sont ou
rares ou de portée limitée. Malgré tout, la littérature (MOYER, 1976) insiste
sur les dysfonctionnements au sein du système limbique : lobes temporaux, lobes
frontaux, thalamus, hypothalamus, septum. Les auteurs mettent néanmoins l'accent
sur le fait que les liens existant entre une lésion focalisée dans ces
structures et un comportement violent sont moins fréquents ou clairs qu'on n'a
tendance à l'admettre et que parfois le spectaculaire l'a emporté (exemple de
Charles Whitman, assassin en série du Texas qui, à l'autopsie, était porteur
d'une tumeur du lobe temporal). La neuroimagerie apporte aujourd'hui des données
nouvelles (EEG, potentiels évoqués, PET scan). Ainsi les 4 malades de VOLKOW et
TANCREDI (1987) arrêtés pour comportement violent présentaient des anomalies au
PET-scan, localisées dans le cortex temporal gauche (flux sanguin, consommation
de glucose) ou pour, deux d'entr'eux au niveau des lobes frontaux ; fait
important, ces anomalies n'étaient pas nécessairement associées à des
modifications tant de l'EEG que du scanner crânien ; il est bien sûr, enfin,
illusoire de corréler les anomalies détectées avec l'objet du délit, ici viol,
attaque à main armée, pyromanie !

L'implication du lobe frontal est aujourd'hui d'actualité en particulier la
région orbito-médiane qui, lorsque lésée, induit une impulsivité et une activité
inappropriée déconnectée de ses conséquences. Beaucoup de travaux explorant par
des moyens paracliniques le cerveau de sujets violents plaident en faveur de
cette localisation frontale (c'est le cas des 22 tueurs rapportés par RAINE en
1993). Ces deux structures (temporale et frontale) sont les plus fréquemment
mises en avant chez l'humain violent ou meurtrier, même si la tendance actuelle
est d'associer aux comportements violents des dysfonctionnements multisites.
Cette dernière remarque est capitale car peut être rapprochée de situations à
risques (confusion, épilepsie, hallucinations) ou de facteurs prédisposant ou
corrélés à la violence (niveau intellectuel bas, traumatismes crâniens,
perturbations diffuses de l'EEG, inadaptation scolaire, incapacité à
attendre...). Les lésions neurochirurgicales visant à supprimer les conduites
violentes sont ciblées sur l'amygdale, le thalamus ou l'hypothalamus ; le bilan
de ces interventions est loin d'être clair (VALENSTEIN, 1980).  
3 La neurochimie

Des anomalies neurochimiques ont été décrites dans le cerveau de sujets violents
ou de suicidés. Ces anomalies sont à la base d'application pharmacologique et
thérapeutique ; elles ont été souvent exploitées sur un plan médico-légal voire
politique (GIBBS, 1995).  
3.1 Les neurotransmetteurs
3.1.1 L'acide gamma-amino-butyrique (GABA)

La transmission GABA-ergique atténue l'état aversif induit par une stimulation
naturelle ou expérimentale. Une injection locale dans le système
périventriculaire d'un agoniste du GABA accentue les réponses d'approche vers le
stimulus naturel et facilite les comportements offensifs dans des situations
d'interaction sociale. A l'inverse, un antagoniste du GABA accentue les
comportements de retrait et de fuite en réponse à une stimulation (comportements
de défense). Nous retrouverons ce système à neurotransmission dans le chapitre
des substances pouvant déclencher soit des comportements violents soit des
actions dites de désinhibition (benzodiazépines [BZD], alcool) toutes substances
activant la transmission GABAergique. La flumazénil antagoniste des récepteurs
aux BZD, antagonise les effets agressogènes de l'alcool.  
3.1.2 Les systèmes opioïdes

Les systèmes opioïdes constituent le second grand système modulateur du système
périventriculaire, agissant en balance avec le système GABAergique. Les
antagonistes des récepteurs opioïdes schématiquement augmentent les
comportements agressifs. A l'inverse les peptides opioïdes (les enképhalines,
tableau I) et la morphine sont considérés comme des substances antiagressives.
Les phénomènes agressifs décrits lors des sevrages aux opiacés mettent en jeu
d'autres systèmes à neurotransmissions, précisément modulés par les récepteurs
opiacés (exemple des systèmes dopaminergiques). De même un lien formel a été
établi entre la consommation de drogues (dont les opiacés) et la criminalité.  
3.1.3 Les amines biogènes

L'activation noradrénergique facilite l'agressivité chez l'animal. Précisément
une telle activation survient dans tout stress et peut perdurer. Ces résultats
ont conduit certains auteurs à préconiser le recours aux bêta-bloqueurs chez les
sujets agressifs.

La dopamine, de même, augmente les comportements agressifs. L'amphétamine qui
stimule la transmission dopaminergique diminue l'agressivité chez la souris
spontanément agressive mais l'augmente chez les animaux non agressifs. Les doses
sont importantes à considérer, les faibles doses induisant un comportement
défensif. L'agressivité notée chez des consommateurs de cocaïne (inhibiteur du
transporteur présynaptique de la dopamine) peut conduire à des accès de violence
ou d'agressivité. A l'inverse, les neuroleptiques exercent une action
antiagressives, peut-être de manière indirecte en induisant une sédation et une
chute de l'activité locomotrice. Notons qu'en recourant à la technique de
microdialyse, il a été démontré une augmentation très nette de la dopamine, du
DOPAC et de l'HVA dans le nucleus accumbens lors de stress sociaux ; cette
réactivité dopaminergique n'a pas la même intensité lors du stress lié à la
nouveauté.  
3.1.4 La sérotonine

Ce neurotransmetteur semble aujourd'hui jouer un rôle prédominant dans
l'impulsivité et l'agressivité. Tant chez l'homme que chez l'animal, les
nombreuses études démontrent schématiquement que la sérotonine (5 HT) inhibe
l'agression (OLIVIER et coll, 1995). Malgré tout le sujet est complexe, le tonus
sérotoninergique dépendant du type de situations expérimentales étudiées et
surtout de la structure cérébrale analysée (balance entre la 5 HT hypothalamique
et la 5 HT limbique). Encore plus à l'ordre du jour, la question du rôle de tels
ou tels sous-types de récepteurs 5 HT dans le déclenchement ou l'inhibition des
comportements agressifs est en cours d'élucidation (un tableau résumé de la
situation est retrouvé dans la publication d'OLIVIER et coll). La discussion
avait été stimulée par le travail de SAUDOU et coll (1994) qui chez des souris
mutantes (suppression du récepteur 5 HT1B) avaient démontré le rôle de ce type
de récepteur post-synaptique dans l'inhibition du comportement agressif. On
comprend que c'est l'orientation pharmacologique actuelle des substances dites
"séréniques" supposées calmer l'impulsivité par stimulation de ces récepteurs 5
HT1B. Des arguments indirects nombreux plaident en ce sens dont le travail de
BANDECCHI (1994) qui en situation éthologique a montré chez le cheval que la
fluoxétine (augmentant les concentrations de 5 HT au sein du SNC) et par
comparaison à deux autres antidépresseurs (Amineptine, Desipramine) induisait un
comportement de cohésion sociale avec diminution des conduites agressives.
La sérotonine enfin est au centre des débats sur l'impulsivité et les conduites
suicidaires (LECRUBIER, 1988 ; TRASKMAN-BENDZ et coll, 1992). Schématiquement
encore, une hyposérotoninergie est corrélée au risque suicidaire et à
l'agressivité/impulsivité.  
3.2 Autres déterminants biologiques de la violence
3.2.1 L'insuline

L'hypoglycémie peut induire, parmi d'autres symptômes de l'irritabilité et de
l'agressivité, et en ce sens, intervient souvent dans les affaires
médico-légales. Dans quelques publications non systématiquement répliquées
l'hypoglycémie et l'hyperinsulinémie sont corrélées à des comportements de
violence et d'agression.  
3.2.2 La testostérone

Les androgènes sont incriminés, chez l'animal, dans l'agression ou dans la
potentialisation des effets délétères comportementaux de l'alcool. Une revue
complète sur le sujet peut être consultée dans ARCHER (1991) en rappelant que,
chez l'homme, le constat répété d'une corrélation entre des actes de violence et
les taux circulants de testostérone est bien argumenté, en notant au passage
qu'il n'y a pas de différence selon le type de violence notamment dans le
domaine sexuel. Ces données ont conduit à préconiser les antiandrogènes chez les
sujets les plus violents.  
3.2.3 L'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (AHHS)

Chez le primate, l'AHHS intervient dans les statuts hiérarchiques et les notions
de dominance. Des taux élevés d'ACTH ont été notés chez le singe rhésus
agressif. Le problème posé est de savoir si ce déterminant biologique est le
reflet ou non de stress déclencheur de comportements violents.  
3.2.4 La génétique

Sujet brûlant et hautement idéologique (cf les théories de Lysenko), les
influences génétiques ont fait l'objet de nombreux rapports passionnés. D'emblée
il faut rappeler que le début des études de la génétique dans ce domaine
correspondait au mouvement eugénique des années 1960, affirmant que les "traits
criminels" étaient transmissibles et que les violents possédaient un chromosome
Y supplémentaire et donc un capital génétique "mâle" en excès.En fait il a été
démontré que les hommes XYY n'étaient pas plus agressifs ! Par contre au sein
d'une famille Hollandaise, une mutation du gène codant pour la monoamine-oxydase
A a pu être corrélée à un comportement agressif chez les sujets de sexe masculin
de cette famille (BRUNNER et coll, 1993). Dans la même lignée et tout à fait en
lien avec la théorie sérotoninergique, un polymorphisme de la tryptophane
hydroxylase a pu être mis en rapport avec des conduites violentes (NIELSEN,
1995). Les études de jumeaux et d'adoptions (MEDNICK, 1984) plaident également
en faveur d'un facteur congénital et peut être génétique dans la probabilité de
conduite criminelle, tout en sachant que de multiples facteurs interviennent
dans ces études (VALZELLI, 1991). Sur un plan fondamental, la recherche de
marqueurs génétiques de "traits psychologiques" commencent à voir le jour,
notamment dans le domaine de l'émotivité (FLINT et coll 1995).  
4 La pharmacologie
4.1 La méthodologie

Le scientifique et le thérapeute doivent aujourd'hui s'appuyer sur des essais
cliniques pour préconiser un traitement considéré comme efficace. Précisément,
dans le cas présent, toute une série de difficultés surgissent, rendant compte
du caractère souvent anecdotique ou non contrôlé des thérapeutiques proposées.
Nous ne ferons que citer certaines de ces difficultés : la multiplicité des
causes organiques dans lesquelles les comportements de violence ou d'impulsivité
ont été décrits (Tableau II), la difficulté de classification des personnalités
correspondant aux "patients difficiles en psychiatrie", la relative rareté des
épisodes de violence pour un individu donné ainsi que leur caractère
imprévisible, le rôle prépondérant des "situations" et donc de l'environnement
(à titre d'exemple il est requis un minimum de 4 évènements violents par mois
comme critère d'inclusion dans un essai de substances antiagressives), le manque
de coopération de ces malades dans le cadre de protocoles stricts, les
conditions d'obtention du consentement éclairé et les réserves habituelles des
comités d'éthique vis à vis de ce type de recherche appliqué (voir l'article du
Monde relatif au traitement par antiandrogènes des délinquants sexuels), les
interactions pharmacologiques classiques, beaucoup de substances (Tableau III)
étant en elle-mêmes considérées comme possiblement génératrices d'impulsivité,
d'agressivité voire de violence grave. Par ailleurs, les échelles standards
d'évaluation des comportements violents ne sont apparues que dans les années
1980 dont l'"Overt Agression Scale" (SILVER, YUDOFSKY, 1991), en notant d'emblée
qu'aux différentes "étiologies" de la violence devraient correspondre des outils
adaptés (penser ici à la comorbidité telle impulsivité/colère et dépression).  
4.2 Les substances préconisées

Ce chapitre volontairement abrégé nécessiterait un long développement tenant
compte des posologies, des conditions et des situations dans lesquelles l'essai
s'est déroulé, l'objectif préventif ou curatif, l'effet à long terme, etc.... Ce
qui apparaît en première lecture c'est que les médicaments utilisés s'inspirent
des éléments biologiques préalablement rappelés et qu'ils se caractérisent pour
la plupart par leur propriété sédative. Les neuroleptiques (NL) ont été les plus
utilisés notamment en situation d'urgence, aussi bien les NL typiques
(Halopéridol) que les atypiques (Clozapine). Les benzodiazépines (BZD) sont peu
à peu abandonnées en raison des réactions paradoxales déjà évoquées et de la
possibilité d'induire des états de dépendance et de surconsommation dans ces
populations à risque. Les anticonvulsivants (la Carbamazépine) apparaissent
comme des molécules théoriquement de choix, mais les résultats sont mitigés. Il
en est de même du lithium et des bêta-bloqueurs dans des situations très
variées. La buspirone, agoniste 5 HT1a s'est révélée efficace en cas
d'agressivité post-traumatique ou les sujets mentalement retardés. La trazodone
a apporté des résultats intéressants dans les troubles comportementaux des
patients déments. Les antiandrogènes (l'acétate de Medroxyprogestérone ou MPA)
diminuent les déviances sexuelles et ont été utilisés avec succès dans les cas
d'épilepsie temporale. Aujourd'hui le débat est centré sur la sérotonine et tout
particulièrement les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la
sérotonine. Ces produits répondent à l'objectif d'augmenter le tonus
sérotoninergique du SNC et ainsi de diminuer l'impulsivité et la propension de
passer à l'acte (dont l'acte suicidaire) (HANTOUCHE et coll, 1995 ; BOURGEOIS,
1991). L'idée d'évaluer l'intérêt d'associations de médicaments paraît
judicieuse mais, hélas, pour l'instant en est restée à un stade d'empirisme. A
nouveau pour l'ensemble de ces produits, il conviendra d'insister sur les
interrogations persistantes de la bioéthique vis à vis de ce type
d'expérimentation humaine (THOMPSON, 1994), en particulier chez l'enfant.
(Rappelons que la dernière revue pour adolescent, Today in English [1996], vient
de consacrer un article sur le crime chez les jeunes, ponctué de chiffres assez
traumatisants !).  
5 Conclusion

Des avancées ont été clairement réalisées dans l'approfondissement de
déterminants biologiques associés aux comportements violents. L'importance du
social et du psychodynamique dans ces comportements ne facilite pas la recherche
clinique et thérapeutique prisonnière de ses canons méthodologiques. La
possibilité d'atténuer par le médicament au moins les situations de crise et
d'agir préventivement dans les populations à risque semble se dessiner. Pour le
pharmacologue le symétrique d'une telle discussion (exemple la biologie de la
paix et de la sérénité !) mériterait d'être entrepris.  
6 Références

1 KARLI P.
L'homme agressif.
Odile Jacob 1987.

2 KARLI P.
Le cerveau et la liberté.
Odile Jacob 1995.

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Odile Jacob 1995.

6 VINCENT J.D.
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30 ANONYME
Youth crime : stop the killing
Today in English 1996 ; 69 : 4-9.

Médicament et messagerie calcique
Pr. Hervé Allain

Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, avenue du Pr. Léon Bernard, 35043 Rennes Cedex
mis à jour le 2 décembre 1998
1 Introduction
2 Rôle du calcium neuronal
3 Modes d'entrée du calcium dans la cellule
3.1 Les faits
3.2 L'influx à partir des espaces extracellulaires
3.3 Le relargage à partir du stockage
4 Activation des seconds messagers
4.1 Les faits
4.2 Les protéines kinases CaM-dépendantes
4.3 Les adényl-cyclases Ca-M dépendantes     5 Signaux calciques dans le noyau
5.1 Les faits
5.2 L'activation des CaM-kinases nucléaires
5.3 La transmission des CaM-kinases cytosoliques
5.4 L'activation calcique de la voie Ras
6 L'impact sur l'expression génique
6.1 Les faits
6.2 Calcium et IEG
7 Conclusion
8 Références
1 Introduction

Beaucoup de médicaments, notamment du système nerveux central (SNC), agissent en
modifiant l'homéostasie calcique.
Il apparaît important aujourd'hui de décrire à nouveau le cheminement des
signaux calciques depuis la membrane cytoplasmique jusqu'au gène.
Les cascades de réactions intracellulaires rendent compte de l'action des
médicaments à court terme mais aussi à long terme.
L'impact du calcium lui-même, ou de composés liés au calcium (activés en
cascade) sur le génome représente l'effet majeur de la plupart des substances
psychotropes et neurotropes.
Beaucoup d'étapes de ces réactions en cascade peuvent être modifiées par le
médicament, un neurotransmetteur, un facteur neurotrophique, un stimulus de
l'environnement (ex : l'apprentissage). La réponse finale dépend du circuit (ou
des étapes) suivi(s) par le calcium (messagerie calcique).
2 Rôle du calcium neuronal

Le calcium représente un élément clé en physiologie du SNC. Il intervient dans
les phénomènes suivants :
- La survie neuronale (et l'inverse l'apoptose).
- La croissance neuronale et le développement des arborisations.
- La modification de l'efficacité et de la puissance synaptique.
- La mémoire (long term potentiation [LTP] et long term depression [LTD]).
- La médiation des réponses adaptatives (plasticité neuronale).
- Les ondes et les oscillations calciques intracellulaires (épilepsie).
3 Modes d'entrée du calcium dans la cellule
3.1 Les faits

Une concentration fixe de 100 nM de calcium libre intracellulaire est maintenue
grâce à des pompes membranaires (adénosine - triphosphatases) qui maintiennent
un gradient de concentration entre leurs réservoirs, l'espace extracellulaire
d'une part, le stock calcique du reticulum endoplasmique (RE) d'autre part
(concentration de 2 mM). Le calcium libre provient donc soit de l'espace
extracellulaire (via les canaux calciques) soit des sites de stockage interne.
Une régulation spatiale et temporelle conditionne ces mouvements calciques.
3.2 L'influx à partir des espaces extracellulaires
3.2.1 Les canaux calciques
Les canaux calciques voltage-dépendants (VSCC) (voir cours pharmacologie des
canaux calciques).
Les récepteurs au glutamate de type NMDA (ligands et voltage dépendants).
Les canaux calciques couplés au récepteurs suivants : acétylcholine, glutamate
(AMPA ; Kaïnate), 5 HT3.
3.2.2 Les sous-types de VSCC

N et P impliqués dans le relargage des neurotransmetteurs (NT).
L, concentrés à la base des dendrites apicaux impliqués dans le relargage des NT
et dans la régulation du calcium au niveau post-synaptique.
3.3 Le relargage à partir du stockage
3.3.1 Il existe deux pools de stockage dans le RE et deux mécanismes de
relargage du calcium :

- Le premier est lié au binding de IP3 sur son récepteur situé sur le RE.
L'héparine est un antagoniste des récepteurs IP3.
IP3 est généré par les facteurs de croissance et les NT agissant sur des
récepteurs couplés à des protéines G.
- Le second mécanisme correspond à un relargage dépendant du calcium lui-même et
régulé par l'activation du récepteur à la Ryanodine [Ryan-R]. Le Ryan-R comprend
une cible pour un immuno-suppresseur le FK506. Le nucléotide cyclique ADP-ribose
(c ADPR) est un activateur du Ryan-R, la caféine un agoniste et le dantrolène
(médicament antispastique) un antagoniste.
3.3.2 Les SERCA (Sarcoplasmic - Endoplasmic - reticulum Calcium - ATPases)

Sont des pompes calciques localisées sur les sites de stockages et qui
permettent une séquestration du calcium cytoplasmatique (Antagonistes : BHQ ;
Thapsigargin).
4 Activation des seconds messagers
4.1 Les faits

Dès que le calcium est libéré dans le cytosol, il se lie à une petite protéine
la calmoduline.
Le couple Calcium/Calmoduline (CaM) se lie à des enzymes et en module
l'activité.
Ces enzymes modulées par la CaM sont des protéines kinases (CaM-Kinases), des
phosphatases et des adénylate cyclases.
4.2 Les protéines kinases CaM-dépendantes

Il existe 5 types de protéines kinases CaM-dépendantes (ce sont les Ca
M-kinases).
A titre d'exemple, les substrats de la CaM-kinase II sont la synapsine I
(vésicule synaptique), la MAP-2 (micro-tubules).
Les souris mutantes (knocked-out) déficitaires en sous-unité alpha de la
CaM-Kinase II présentent des déficits de l'apprentissage spatial.
4.3 Les adényl-cyclases CaM-dépendantes

Il en existe plusieurs types, qui modifient les taux d'AMP cyclique.
Le type I, sensible au calcium (I-AC) est localisé dans l'hippocampe et le
cortex. Cette enzyme est activée par les ionophores calcium, le calcium lui-même
et les récepteurs couplés à la protéine Gs.
La mouche Drosophile RUTABAGA mutante, n'a plus de CaM-dépendante adényl-cyclase
et présente des déficits d'apprentissage. Les souris mutantes en I-AC présentent
des troubles de l'apprentissage spatial.
5 Signaux calciques dans le noyau
5.1 Les faits

Les signaux calciques se propagent à l'intérieur du noyau des cellules. Ils y
exerceront des effets sur l'expression génique. Cette action finale expliquera
les énumérations des chapitres I et II de ce cours.
L'arrivée des signaux calciques dans le noyau, se fait par deux voies :
pénétration directe du calcium cytosolique ; translocation dans le noyau des
molécules cibles activées dans le cytoplasme (ex : CaM-Kinases).
5.2 L'activation des CaM-kinases nucléaires

Le calcium peut agir sur des molécules effectrices localisées dans le noyau. Ces
molécules sont des isoformes de la CaM-Kinase II et de la CaM-Kinase IV.
Ces enzymes sont activées lorsque le calcium se lie à la calmoduline nucléaire.
Ces kinases nucléaires phosphorylent des facteurs de transcription qui régulent
des gènes calcium sensibles.
5.3 La transmission des CaM-kinases cytosoliques
Les CaM-kinases cytosoliques (chapitre 4.2) peuvent pénétrer dans le noyau par
translocation et agir sur des facteurs de transcription.
5.4 L'activation calcique de la voie Ras

La voie Ras est activée par le calcium intracellulaire ; elle transmet en
cascade des signaux extracellulaires jusqu'au génome. Cette voie est bien connue
pour les récepteurs tyrosine-kinases (TKr).
Les L-VSCC (chapitre 3.2) et les récepteurs au glutamate de type NMDA activent
ainsi la MAP dans l'hippocampe et le cortex (MAP = Mitogen Activated Protein).
L'activation de la MAP est importante : 1) la MAP kinase (ou ERK) des dendrites
médie les évènements qui accompagnent les changements locaux du calcium ; 2) les
substrats de cette enzyme sont les protéines TAU [voir maladie d'Alzheimer] et
la MAP2 qui conditionnent la morphologie du neurone ; c'est une étape vers le
gène, par activation des facteurs de transcription c-Myc et Eck-1.
6 L'impact sur l'expression génique
6.1 Les faits

Les signaux calciques modifient la transcription génique via des facteurs de
transcription.
Les gènes cibles sont classés en 2 groupes selon leur cinétique d’activation et
leur fonction cellulaire :
- les gènes rapidement inductibles ou immediate-early genes (IEG), sans synthèse
de nouvelle protéine pour leur transcription encodant des facteurs de
transcription (ex c-Fos et c-Jun) qui régulent des vagues d’expression génique
(Les IEG sont activés par les neurotrophines).
- les gènes à réponse différée (DRG) induits lentement et nécessitant la
synthèse des nouvelles protéines pour leur expression. Les protéines encodées
par les DRG agissent à l’intérieur de la cellule.
6.2 Calcium et IEG

6.2.1 L’élément de réponse au Calcium (CaRE) situé sur le gène est identique au
CRE (qui est le somatostatine cAMP response element). En effet à la fois le
c-Fos CaRE et le consensus CRE induisent une réponse au Calcium lorsque placés
dans la région régulatrice d’un gène hétérologue.

6.2.2 Les facteurs de transcription capables de médier une réponse Calcium font
partie de la famille bZIP : CREB, ATF-1, CREM, c-Jun ; ils sont liés, quoique à
distance, au C/EBPb. L’activation du CREB en réponse à une élévation de l’AMPc
ou du Calcium est régulée par une phosphorylation inductible de l’acide aminé
Ser 133 (site régulateur positif). La phosphorylation peut-être provoquée par la
CaM kinase IV et les isoformes de la CaM-kinase II.

6.2.3 L’activation des VSCC stimule la transcription d’un CaRE. Par contre
l’activation NMDA induit un c-Fos et d’autres IEG ; ce phénomène nécessite la
présence d’un autre élément de réponse au Calcium, le SRE ou sérum réponse
element qui se lie aux facteurs SRF et Elk-1.

6.2.4 Notons que la phosphorylation du CREB sur Ser142 inhibe le pouvoir
d’activation de la transcription de ce CREB.
7 Conclusion

L’évolution des signaux calciques dans les cellules et les neurones en
particulier explique : 1) les réponses au médicament ; 2) certaines pathologies
(épilepsie [oscillations] ; vieillissement) ; 3) l’apoptose et la mort
cellulaire ; 4) les bases biochimiques de la mémorisation et de l’apprentissage
; 5) la régulation des molécules d’adhésion cellulaire (base de la communication
cellulaire et du développement). Les réponses finales dépendent de la voie
d'entrée du Calcium. Sur un plan neurophilosophique on saisit que des stimuli
externes puissent modifier le gène neuronal et la morphologie synaptique.
8 Références

1) A. GHOSH, M.E. GREENBERG
Calcium signaling in neurons : molecular mechanisms and cellular consequences
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2) P. B. SIMPSON, R.A. J. CHALLISS, S.R. NAHORSKI
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3) I. PRIGOGINE
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Nouvelle Bibliothèque Scientifique. Flammarion. Paris 1994. 126 pages.

4) L. SARGENT-JONES
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Tr. Neurosc 1996 ; 19 : 68-72.

5) Y. KOUTALOS, K. W. YAU
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6) T. JONESON, M.A. WHITE, M.H. WIGLER, D. BAR-SAGI
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8) J.W. PUTNEY
Calcium signaling : up, down, up, down ... What's the point ?
Science 1998 ; 279 : 191-192.
 
9) T. ABEL, K.C. MARTIN, D. BARTSCH, E.R. KANDEL
Memory suppressor genes : inhibitory constraints on the storage of long-term
memory
Science 1998 ; 279 : 338-341.

Pharmacologie du placebo
Dr. Patrick Lemoine

Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, avenue du Pr. Léon Bernard, 35043 Rennes Cedex
mis à jour le 2 décembre 1998

1 Définitions
2 Champ d'action
3 Facteurs influençant l'effet placebo
4 Efficacité du placebo
    5 Pharmacocinétique du placebo
6 Effets indésirables
7 Bibliographie
1 Définitions

Le placebo est une substance inerte délivrée dans un contexte thérapeutique.
Le placebo est une substance généralement commercialisée dont, soit l'efficacité
n'est pas démontrée scientifiquement (homéopathie, certaines substances
phytothérapiques acides aminés, antiasthéniants etc ...), soit l'indication ne
correspond pas à l'indication officielle (vitamine C efficace dans le scorbut
mais probablement pas dans la grippe).
L'effet placebo est l'écart positif constaté entre le résultat thérapeutique
observé et l'effet thérapeutique prévisible en fonction des données strictes de
la pharmacologie.
L'effet nocebo est l'écart négatif constaté entre le résultat thérapeutique
observé et l'effet thérapeutique prévisible en fonction des données strictes de
la pharmacologie.
2 Champ d'action

Le placebo est efficace chez l'animal domestique (conditionnement, modification
de la relation maître-animal), le sujet sain (15 à 25 % des sujets ressentent
"un effet" dont la moitié dans le sens d'une amélioration, l'autre moitié sans
aggravation), l'enfant et même le nourrisson.
La plupart des maladies ont été étudiées du point de vue du placebo et de ses
effets (plus ou moins marqués selon la nature de la maladie et de la relation
médecin-malade). Les plus fréquemment citées sont : la douleur (fonctionnelle,
algie cancéreuse, post-opératoire, migraine), l'insomnie mais aussi l'anxiété,
la dépression, le trouble panique, le syndrome prémenstruel, le rhume de foins,
la toux, la tuberculose et même la croissance tumorale cancéreuse ...
Le placebo agit, bien entendu, sur les signes subjectifs, mais est également
mesurable sur certains paramètres objectifs : acidité gastrique, diamètre
pupillaire, niveau de lipoprotéines, de globules blancs (éosinophiles,
lymphocytes), électrolytes, corticoïdes, glucose, cholestérolémie, tension
artérielle ... Contrairement à une idée répandue, ce n'est pas parce qu'un signe
est mesurable qu'il est inaccessible à une action d'ordre psychologique. Ce
n'est pas non plus parce qu'un traitement est d'ordre psychologique qu'il n'est
pas relayé par des mécanismes biologiques.
3 Facteurs influençant l'effet placebo

L'objet placebo : cette notion recouvre les caractéristiques physico-chimiques
de ce qui est prescrit par un médecin en tant que leurre de médicament. Un grand
nombre de paramètres font varier son efficacité dans de grandes proportions
(nom, couleur, taille, forme, goût, prix, nouveauté, délivrance sur ordonnance
...).
Le médecin : personnalité, charisme, attention portée, compassion, croyances,
présentation du placebo, rituel médical, notoriété, titres, compétence, durée et
prix de la consultation, durée de la liste d'attente etc ... sont les principaux
facteurs de placebo-induction. Il n'existe pas de profil type de médecin
placebo-inducteur.
Le patient : conformisme, souffrance et attente sont les principaux facteurs de
placebo-sensibilité. Il n'existe pas de profil type de patient
placebo-répondeur. La réponse au placebo n'est pas liée au quotient intellectuel
(QI) ni aux facteurs psychopathologiques (névrose).
La maladie : plus la charge psychosomatique des symptômes est grande et plus
l'attente générée par la souffrance est forte, plus grandes seront les chances
de placebo-réponse.
La qualité de la relation médecin-malade semble le facteur le plus propre à
majorer (ou minorer) l'effet placebo.
4 Efficacité du placebo

L'efficacité moyenne du placebo est difficile à évaluer globalement, tant sont
nombreuses les variables. Pour la plupart des auteurs, elle se situerait en
moyenne autour de 30 %. Cette donnée statistique n'a en fait guère de
signification puisqu'elle varie en fonction d'énormément de facteurs et
notamment en fonction du symptôme cible. De plus, 35 à 40 % des prescriptions en
médecine concernent en fait des placebos impurs. Pour Beecher qui a regroupé 15
publications, l'effet placebo serait manifeste dans 35 % des cas. C'est dans la
douleur non provoquée expérimentalement que les chiffres sont le mieux établis.
Ces chiffres dépendent de la conception que l'on a de l'effet du placebo :
- du point de vue du pharmacologue qui tend par vocation à retenir
essentiellement les données issues d'études bien contrôlées et qui, autant que
possible, cherche à isoler un seul paramètre, les chiffres seront sensiblement
plus faibles car obtenus dans des situations artificielles où le sujet de
l'expérience qui sait plus ou moins que c'est l'effet placebo qui est recherché,
aura souvent tendance à le minimiser (pour ne pas perdre la face). Le
double-aveugle qui est fait pour différencier deux traitements administrés dans
des conditions identiques, ne permet pas d'évaluer l'effet placebo lié aux
conditions de la recherche. De plus, un double aveugle ne peut être comparé qu'à
un autre double aveugle et les résultats de la recherche pharmacologique ne
peuvent en aucun cas être extrapolés à une pratique clinique "normale".
- Du point de vue du clinicien qui prend en compte, de façon pragmatique, tout
ce qui peut modifier l'action "normale" d'un médicament en dehors des situations
expérimentales, il est probable que l'effet placebo atteint aisément, voire
dépasse largement ces chiffres.
5 Pharmacocinétique du placebo

Voies d'administration : par ordre décroissant d'efficacité, le placebo peut
être utilisé sous forme d'injection intra-veineuse, intramusculaire de
comprimés, du suppositoires. Les gouttes seraient particulièrement intéressantes
car, en obligeant le malade à les compter minutieusement, elles augmentent sa
participation et son attention au traitement.

Latence d'action : le placebo agit en général plus rapidement que le médicament
actif. Cette donnée est particulièrement nette dans la douleur ainsi que la
dépression où les traitements classiques requièrent en principe deux à trois
semaines. Il n'est pas rare de voir certains sujets, et pas forcément des
moindrement déprimés, réagir positivement en un ou deux jours.

Pic d'activité : le moment d'activité maximale serait également plus précoce.
Dans la douleur, l'effet du placebo d'aspirine serait à son apogée au bout d'une
heure, celui de l'aspirine au bout de deux heures.

Durée d'action : le placebo serait actif en moyenne pendant deux semaines,
notamment dans la douleur ; ce chiffre peut toutefois varier énormément.
La réponse au placebo, à long terme (40 semaines), fut étudiée au sein d'un
groupe de sujets dits "paniqueurs". Au bout de 40 semaines, 42 % des 60 patients
sous placebo n'avaient plus d'attaques de panique et 38 % étaient nettement
améliorés. Parmi les placebo-répondeurs, 27 % présentaient une réduction de 82 %
de leur niveau général d'angoisse. L'auteur a essayé de différencier
cliniquement les sujets bons répondeurs au placebo de ceux qui lui résistaient
et n'a rien trouvé de particulièrement marquant. Les bons répondeurs
s'amélioraient en une semaine, continuaient à aller de mieux en mieux tout au
long des 40 semaines de traitement puis de sevrage progressif. Enfin, un mois
après la cessation des visites, ils continuaient à aller bien.

Relation dose-effet : en cas de résultat insuffisant, il suffit parfois
d'augmenter le nombre de comprimés de placebos pour en voir augmenter l'effet.
Par exemple, un syndrome anxio-dépressif sera mieux amélioré par 4 comprimés que
par 2. Certains exemples sont restés célèbres ; ainsi celui de cet homme traité
avec succès par un placebo pour son hypertension artérielle, mais qui s'est vu
obligé de supprimer le comprimé du soir qui le rendait trop tendu". Une autre
malade, hypertendue soignée de la même façon, voit son poids augmenter. La
posologie est réduite de moitié et passe de 4 à 2 comprimés. Son poids se
stabilise. L'effet du placebo peut être cumulatif mais tend à s'épuiser au bout
d'un certain temps. Son effet peut potentialiser celui des médicaments actifs ou
des autres méthodes comme la psychothérapie. Il peut s'avérer parfois utile
d'intercaler des placebos dans une séquence thérapeutique, lorsque l'on veut
réduire la posologie d'un médicament toxique ou potentiellement addictif.
6 Effets indésirables

Dépendance : certains cas de toxicomanie au placebo ont été décrits, comparables
à ceux de la morphine, avec des signes de manque, bien que d'intensité nettement
plus légère.

Effets indésirables : les placebos amènent des effets latéraux, voire des effets
négatifs. Ce phénomène a été regroupé sous le nom d'effet nocebo.

Dans une étude portant sur la claudication intermittente, 37 % des sujets
traités par placebo ont éprouvé des effets indésirables. Dans un grand nombre
d'études concernant les benzodiazépines, effectuées en double aveugle contre
placebo, les effets négatifs sont aussi fréquents dans le groupe placebo que
dans le groupe traitement actif.
A partir du regroupement de différentes expérimentations (groupes contrôles),
les effets nocebo ont pu être énumérés. Sont retrouvés dans l'ordre de fréquence
décroissante : somnolence : 24,7 % ; fatigue : 17,2 % ; troubles gastriques et
intestinaux : 16 % ; difficultés de concentration : 13,2 % ; céphalées : 11,6 %
; bouffées de chaleur : 11,4 % ; tremblements : 11 %. Il s'agit ici d'un tableau
général et il est bien probable que les effets dépendent du type de placebo
administré, de la personnalité du patient et des symptômes cibles : s'il s'agit
d'un placebo d'antidépresseur, les effets indésirables seront certainement
différents de ceux d'un placebo d'antalgique ; du fait de l'effet attendu et de
la contamination par le médicament de référence ou déjà reçu. Ainsi, un patient
déprimé sous placebo mais qui s'attend à recevoir un antidépresseur, à partir du
moment où il l'a déjà reçu ou connaît quelqu'un qui a reçu un imipraminique,
présentera plus volontiers, une somnolence, une constipation et une bouche
sèche.
Dans une étude de la néphénisine prescrite contre placebo, chez des anxieux, 10
à 20 % des sujets ont été aggravés, qu'ils aient reçu la néphénisine ou le
placebo. 3 sujets sous placebo subirent un effet indésirable grave : érythème
maculo-papuleux diffus qui disparut à l'arrêt du traitement, intolérance vagale
(nausée, hypotension, sueurs) et un oedème angio-neurotique.
Des cas encore plus sérieux d'effets indésirables ont été signalés : pertes de
connaissance, nausées, dermatose, urticaire, perte auditive ou visuelle,
diarrhée, vomissements, hallucinations, crampes etc ... Un patient,
immédiatement après avoir pris un placebo, devint aveugle, vertigineux, nauséeux
et se sentit "engourdi autour de la bouche". Il est évidemment difficile, à
travers tous ces exemples, de ne pas évoquer certaines formes de manifestations
hystériques...
7 Bibliographie

1) LACHAUX B, LEMOINE P
Placebo, un médicament qui cherche la vérité
Médsi/Mc Graw Hill édit., Paris, 1988, 148 pages.

2) LEMOINE P
Le mystère du placebo.
Editions Odile Jacob, Paris, 1996, 238 pages.

3) ROSENZWEIG P, BROHIER S, ZIPFELA
The placebo effect in healthy volunteers : influence of experimental conditions
on physiological parameters during phase I studies.
Br J Clin Pharmacol 1995 ; 39 : 657-664.

4) ALLAIN H, MARTINET JP, LIEURY A
L'effet placebo : une aide à la décision thérapeutique
Rev Neuropsychiatr Ouest 1990 ; 103 : 23-33.

Recherche clinique
Pr. Hervé Allain

Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, avenue du Pr. Léon Bernard, 35043 Rennes Cedex
mis à jour le 3 décembre 1998
1 Introduction
2 Intérêt des essais cliniques
3 Types d'essais cliniques
3.1 Selon l'objectif
3.2 Selon la loi
3.3 Selon les molécules en évaluation     

3.4 Selon le lieu d'expérimentation
3.5 Selon la chronologie du développement
4 Terminologie
5 Conclusion
6 Bibliographie  
1 Introduction

La recherche clinique est une activité médicale visant à améliorer la
connaissance soit d'une maladie soit d'une thérapeutique. La recherche clinique
concerne l'être humain. En pharmacologie, la recherche clinique est dominée par
les études du médicament administré à l'homme, dans le cadre des essais
cliniques (clinical trials ou évaluations cliniques).
Chronologiquement, les essais cliniques se déroulent après les études dites de
pharmacologie expérimentale, qui se déroulent en laboratoire (stades
précliniques). Les études chez l'homme obéissent à une technique (méthodologie
des essais cliniques), à une législation (exemple de la loi Française dite
Huriet-Sérusclat du 20 décembre 1988) et à une éthique. Ces études peuvent se
dérouler soit en médecine de ville, soit dans les centres hospitaliers soit dans
des structures de recherche agrées publiques ou privées (les Contract Research
Organizations, ou CRO ; l'Industrie).
2 Intérêt des essais cliniques

1 - Heuristique. Etape dans le progrès scientifique.
2 - L'AMM. Obligation d'essais cliniques pour obtenir l'Autorisation de Mise sur
le Marché d'un médicament dans une indication donnée.
3 - L'Evidence-Based-Medicine. Obligation aujourd'hui d'enseigner la
thérapeutique médicamenteuse sur la base des résultats des essais cliniques.
4 - L'information. La qualité et la véracité d'une information sur l'efficacité
ou la sécurité des médicaments dépendent essentiellement de la méthodologie
employée pour obtenir la preuve.
5 - Lutte contre "l'orphelinat". Certains médicaments au marché étroit (maladies
rares) ne seront probablement jamais évalués (orphan drugs).
3 Types d'essais cliniques
3.1 Selon l'objectif

- Etablissement d'une courbe effet/dose ;
- Définition du profil d'activité ;
- Etude purement pharmacocinétique ;
- Interaction médicament et/ou alimentation ;
- Comparaison d'effet de deux ou plusieurs produits.
3.2 Selon la loi

- Etude sans bénéfice direct pour le sujet (l'objet de l'étude est, stricto
sensu, le médicament) ;
- Etude avec bénéfice direct pour le sujet (le sujet inclus dans un essai a une
probabilité d'en tirer un avantage thérapeutique).
3.3 Selon les molécules en évaluation

Il est intuitif que selon la molécule à l'étude (anti-asthmatique,
anti-infectieux, anticancéreux, anti-stroke ...) le protocole des études sera
différent et adapté.
4. Selon le lieu d'expérimentation

Le lieu d'expérimentation est conditionné par l'objectif. Aujourd'hui la plupart
des essais visant à montrer la supériorité d'un nouveau médicament par rapport à
l'existant (médicament de référence) se déroulent en multicentrique (impliquant
plusieurs sites européens). Le lieu d'expérimentation implique des conditions de
réalisation adaptées. Notons qu'aujourd'hui des essais internationaux peuvent
être effectués grâce à Internet.
5. Selon la chronologie du développement

Les phases de développement d'un médicament nouveau chez l'homme, obéissent
schématiquement à trois périodes (Tableau I).
Phase I
    Recherche de toxicité     Administration unique
Doses répétées     Faible taille d'échantillon
Durée brève     Volontaire sain (VS)
Centre spécialisé (agrément)
Etude sans bénéfice direct     Premières admnistrations à l'homme
 
Phase II     Recherche d’activité (PD)
Recherche de doses
Pharmacocinétique (PK)
Modélisation PK/PD
Interactions (médicament ; alimentation)
Pharmacogénétique      Administrations répétées     Faible taille d'échantillon
Durée brève      IIa : VS (jeune ; âgé)
IIb : malade
Centre spécialisé
Etude sans bénéfice direct (IIa)     Définition des propriétés PK et PD du
produit
Validation des critères intermédiaires
Phase III     Essai comparatif
thérapeutique     Comparaison d’1 ou 2  posologies versus placebo ou produit de
référence     Grands échantillons
Durée longue     Malades
Mono ou multicentrique     Preuve d’efficacité et/ou de supériorité du produit
Vérification statistique de l’hypothèse
Phase IV
&
Post-AMM     Nouvelle indication - Pharmacoépidémiologie Pharmacovigilance -
Etude physiopharmacologique - Pharmacoéconomie                        

tableau I : Types d'essai selon la chronologie du développement
4 Terminologie

Toute discipline, même en médecine, possède son propre language et sa
terminologie. Si l'internaute a des difficultés de vocabulaire, qu'il n'hésite
pas à appeler www.each.be (chapitre Substances Counselling / Glossary). Pour le
livresque, les termes suivants sont détaillés dans l'article (en langue
Française) de Allain H et coll (Angéiologie 1997 ; 49 : 69-78) : placebo ;
double-insu ; contrôle ; plan expérimental ; randomisation ; stratification ;
sortie-d'essai ; critère d'évaluation ; analyse des données.
Fait important, chaque mot et chaque terme correspond à une étape de toute
analyse critique d'un essai clinique publié ou objet d'information. Des listes
"d'analyse critique des essais cliniques" sont ainsi régulièrement publiées,
véritables guide de lecture des essais cliniques (Tableau II).

. Objectif :
    - unique ; simple
. La population étudiée :     - critères d’inclusion ; critères de non inclusion
- calcul de la taille des échantillons
. Stratification      
. Randomisation      
. Homogénéïté des groupes à l'inclusion      
. Double insu     
. Valeur de la différence escomptée (D)      
. Technique statistique projetée      
. Critère principal d'évaluation      
. Les médicaments :     - Vérifier les posologies
- La logique du placebo
- Médicaments associés ou tolérés
. Les sorties d'essai      
. L’éthique      
. Les effets adverses:      - Recueil ; déclaration
. L’analyse des données      
. Les résultats     
. La discussion :     - En rapport réel avec l’étude
- Généralisation possible des résultats
- Plausibilité des résultats par rapport au degré actuel de la connaissance

tableau II : Critères d'analyse d'un essai clinique
5 Conclusion

- L'essai clinique est aujourd'hui la seule méthode objective pour se forger une
opinion sur l'efficacité et la sécurité d'un médicament.
- L'essai clinique est la seule manière de "voir l'invisible" c'est à dire de
prouver l'efficacité de produits non visible "à l'oeil nu dans une relation
individuelle médecin-malade" (vaccination ; substance cytoprotectrice ;
prévention ; ralentissement d'une maladie évolutive ...).
- L'essai clinique illustre le paradoxe méthodologique : le dégré d'enthousiasme
vis à vis du traitement (cf charlatanisme, médecines parallèles ...) est
inversement proportionnel à la validité de l'essai.
- L'essai clinique s'apprend en y participant très tôt dans sa carrière de
médecin.
- L'essai clinique, comme toute construction humaine, n'échappe pas à la
critique [Tableau III], ce qui explique l'envolée actuelle de la recherche
méthodologique, contribuant éventuellement à découvrir des alternatives à
l'essai clinique précedemment décrit.
1. Le diagnostic : le droit à ne pas savoir
2. Le conseil génétique (formes familiales ; apolipoprotéines)
3. L’essai de médicament
4. L’institutionalisation
5. Les soins palliatifs
6. Les décisions de fin de vie
7. Le consentement éclairé
8. Les psychotropes pour le bénéfice de la famille et de l’environnement
9. Le poids de la maladie pour les proches
10. Fonctions neuropsychologiques et notion de personne

tableau III : 10 questions d'ordre éthique à propos de la maladie d'Alzheimer
6 Bibliographie

[1] SPRIET A, DUPIN-SPRIET T, SIMON P
Méthodologie des essais cliniques des médicaments.
3ème édition. KARGER 1993

[2] SPRIET A, DUPIN-SPRIET T
Bonne pratique des essais cliniques des médicaments.
2ème édition. KARGER 1996

[3] ALLAIN H, MILON D, REYMANN JM
Doit-on encore justifier l'essai clinique des médicaments ?
La Vie Médicale 1985 ; 28 : 1337-1339

[4] SKRABANECK P, Mc CORMICK J
Idées folles, Idées fausses en Médecine.
Odile Jacob (Paris) 1992

[5] QUETEL Cl
Le mal de Naples. Histoire de la syphilis.
Médecine et Histoire. SEGHERS (Paris) 1986

[6] ALLAIN H, MILON D, VAN DEN DRIESSCHE J
Le praticien et les essais cliniques.
Ouest Médical 1985 ; 38 : 571-574

[7] POYNARD T
Evaluation de la qualité méthodologique des essais thérapeutiques randomisés.
La Presse Médicale 1988 ; 71 : 315-318

[8] FUNCK-BRETANO Ch
Fonctionnement d'un centre de recherche clinique aux USA.
La Lettre du Pharmacologue 1989 ; 3 : 42-45
 
[9] SILVERMAN WA
Human experimentation. A guided step into the unknown.
Oxford medical publications. Oxford University press. Oxford UK, 1985

[10] ALLAIN H
La notion de personne dans la recherche biomédicale : application à la
pharmacologie.
Neuro-Psy 1996 ; 11 : 164-173

[11] ALLAIN H, MENARD G
La politique des génériques.
In : la maîtrise des dépenses de santé en Europe et en Amérique du Nord. Etienne
Douat éd. LCF éditions. Bordeaux 1996 ; 271-272 et 301-304

[12] GODLEE F
Mon traitement est-il le meilleur. Cochrane collaboration.
Courrier international/The Economist Publications 1996 ; 47-50

[13] BIRD M
System overload. Excess information is clogging the pipes of commerce and making
people ill.
Time 1996 ; 9 - Décembre 38-39.

[14] LEES AJ
On behalf of the Parkinson's Disease Research group of the United Kingdom
Comparison of therapeutic effects and mortality data of levodopa combined with
selegiline in patients with early mild Parkinson's disease.
Br Med J 1995 ; 311 : 1602-1607

[15] EDELMAN B
Experimentation sur l'homme : une loi sacrificielle.
La Recherche 1993 ; 22 : 1056-1063

[16] HARDY E
Factors often not considered before starting a multicenter trial.
Clin. Pharmacol. Ther. 1996 ; 8 : 121-123

[17] HAIAT R, LEROY G
Les grands essais cliniques en thérapeutique cardiovasculaire.
Editions Frison-Roche 1996

[18] EDELSTEIN R
Lexique français-anglais des termes usuels dans les essais cliniques.
La Lettre du Pharmacologue 1987 ; 1 : 67-68, 91-101, 103-104 et 166-167

[19] SAHAI H, KHURSHID A
Formulas and tables for the determination of sample sizes and power in clinical
trials for testing differences in proportions for the matched pair design : a
review
Fund Clin Pharmacol 1996 ; 10 : 554-563

[20] ROZENZWEIG P, BROHIER S, ZIPFEL A
The placebo effect in healthy volunteers : influence of experimental conditions
on physiological parameters during phase I studies.
Br J Clin Pharmacol 1995 ; 39 : 657-664

[21] GLAUDIN V, SMITH WT, FERGUSON JM, DUBOFF EA, ROSENTHAL MH, MEE-LEE D
Discriminating placebo and drug in generalized anxiety disorder trials : single
vs multiple clinical raters.
Psychopharmacol Bull 1994 ; 30 : 175-178

[22] ALLAIN H, MARTINET JP, LIEURY A
L'effet placebo : une aide à la décision thérapeutique.
Rev Neuropsychiatr Ouest 1990 ; 103 : 23-333

[23] ALLAIN H, BELIER A, LABLACHE-COMBIER B
Prévention secondaire des pathologies athérothrombotiques : à quelle dose
prescrire l'aspirine ?
La Lettre du Pharmacologue 1993 ; 7 : 35-38

[24] PEREC G

[25] SPILKER B, SCHOENFELDER J
Presentation of clinical data.
Raven Press, New-York 1990

[26] NORRBY SR
Clinical trials of antibiotics : need for better investigators.
Int J Antimicrobial Agents 1993 ; 3 : 139-143

[27] NOWAK R
Clinical trial monitoring : hit or miss ?
Science 1994 ; 264 : 1534-1541

[28] ENSERINK M
Fraud and ethics charges hit stroke drug trial.
Science 1996 ; 274 : 2004-2005

[29] HOLLISTER LE, LASAGNA L
The year book of drug therapy.
Year book medical publishers, Inc 1988

[30] Palmarès des Médicaments 1996
Prescrire 1997 ; 167 : 2-33

[31] MITTELMAN MS, FERRIS SH, SMULMAN E, STEINBERG G, LEVIN B
A family intervention to delay nursing home placement of patients with Alzheimer
disease.
JAMA 1996 ; 276 : 1725-1731

[32] KNOPMAN D, SCHNEIDER L, DAVIS K
Long term tacrine (CognexR) treatment : effects on nursing home placement and
mortality.
Neurology 1996 ; 47 : 166-177

[33] CAPRIE Steering Committe
A randomised, blinded trial of clopidrogel versus aspirin in patients at risk of
ischaemic events.
Lancet 1996 ; 348 : 1329-1339

[34] HERMANN WN, STEPHAN K, GAEDE K, APECECHE H
A multicenter randomized double-blind study on the efficacy and safety of
nicergoline in patients with multi-infarct dementia.
Dementia and Geriatric Cognitive Disorders 1997 ; 8 : 9-17

[35] BELLISSANT E, DENOLLE T, SINNASSAMY P et coll
Systemic and regional hemodynamic and biological effects of a new k-opioid
agonist, niravoline, in healthy volunteers.
JPET 1996 ; 278 : 232-242

[36] PATAT A, LE COZ F, DUBRUC C et coll
Pharmacodynamics and pharmacokinetics of two dose regimens of befloxatone, a new
reversible and selective monoamine oxidase inhibitor, at steady state in healthy
volunteers.
J Clin Pharmacol 1996 ; 36 : 216-229

[37] LIEURY A, GERMAIN R, MENARD G, GANDON JM, ALLAIN H
Etude de corrélations entre autoestimation de la mémoire, test psychométrique
(SM9) et test de la mémoire de la vie quotidienne.
Thérapie 1996 ; 51 : 131-138

[38] GRUNBAUM A
Les fondements de la psychanalyse.
PUF 1996

[39] KENNARD ML, FELDMAN H, YAMADA T, JEFFERIES WA
Serum levels of the iron binding protein p 97 are elevated in Alzheimer's
disease.
Nature Medicine 1996 ; 2

[40] PAHOR M, GURALNIK JM, FURBERG CD, HAVLIK RJ
Risk of gastro-intestinal haemorrhage with calcium antagonists in hypertensive
persons over 67 years old.
Lancet 1996 ; 347 : 1061-1065

[41] STENGERS I
La guerre des Sciences, Tome I. Cosmopolitiques
La Découverte (Paris) 1996

[42] ALLAIN H, BENTUE-FERRER D, SCHUCK S, ZEKRI O
Méthodologie de l'évaluation des médicaments : principes et généralités.
Angéiologie 1997 ; 49 : 69-78.

Méthode et Statistiques en Médecine
Stéphane Schück

Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, avenue du Pr. Léon Bernard, 35043 Rennes Cedex
mis à jour le 4 décembre 1998

    La méthodologie et les statistiques sont devenus incontournables en
médecine. A la lecture de la littérature médicale, l'étudiant peut se rendre
compte de lui-même du poids croissant des termes et des analyses statistiques.

    Au terme de son cursus, l'étudiant peut se sentir désemparé par le
formalisme mathématique et la rigueur du raisonnement statistique. Cependant,
pour ceux qui s'engagent sur la voie de la recherche comme pour ceux désireux de
comprendre et de se repérer dans le flot des publications (voir à ce sujet le
cours sur l'EBM), il est capital de pouvoir appréhender les grandes lignes de ce
qui est devenu une spécialité à part entière. Aujourd'hui, l'avènement, encore
insoupçonnable il y a 15 ans, des micro-ordinateurs nous permet de nous
affranchir du fardeau calculatoire et de manipuler des méthodologies
statistiques de plus en plus complexes. Cependant, le choix des méthodes, la
discussion des résultats resteront toujours du ressort de l'humain.
L'identification claire d'une problématique de recherche, sa traduction en
hypothèse, le choix de la méthode, l'analyse des résultats sont autant de
domaines ou la rigueur méthodologique est nécessaire, sous peine de perte de
temps, ou pire de résultats faux. La pharmacologie, du fait de l'importance de
ses missions, entretient des relations étroites avec la méthodologie et les
statistiques.

    Il ne saurait être question ici de fournir un cours complet de méthodologie
de la recherche clinique, mais de présenter à partir d’un exemple les grandes
lignes du raisonnement statistique. Une approche du nombre de sujets nécessaire
à un essai thérapeutique est également présentée. L'étudiant désireux de
s'initier trouvera dans les références la liste des principaux ouvrages rédigés
en langue Française.
1 Exemple d'un raisonnement statistique à partir d’une comparaison de
pourcentage

Un essai comparatif a testé un nouveau médicament A versus placebo. 2 groupes
ont été constitués :
- groupe 1 : 100 personnes ayant reçu le médicament A, 20 guérisons observées ;
- groupe 2 : 100 personnes ayant reçu un placebo, 7 guérisons observées.

La question posée est de savoir si l'on obtient plus de guérison avec le
médicament A qu'avec le placebo. Il faut donc comparer 20 % à 7 %.
L'observation simple de ces résultats est évidemment en faveur du médicament A
mais l'évolution naturelle de la maladie, ou le hasard, ont pu biaiser ces
résultats. Le test statistique va nous dire si la différence que l'on observe
entre les 2 groupes est indépendante du hasard (les fluctuations
d’échantillonnage) ou statistiquement significative. La 1ère étape est de
caractériser la variable qui nous intéresse. Ici, c'est une variable qualitative
puisqu'elle "qualifie" un état (guérison ou pas de guérison). Le test a employer
est ici le chi-deux de Pearson.

La 2ème étape est de transformer la question posée en un système d'hypothèse. En
effet, les tests statistiques s'appliquent à des hypothèses que l'on va accepter
ou rejeter. Deux types d'hypothèses sont à poser systématiquement dès que l'on
emploie des tests statistiques :
- L'hypothèse nulle (ou Ho) : c'est toujours l'hypothèse d'égalité. Dans notre
exemple, l'hypothèse, l'hypothèse nulle est : il y a autant de guérison dans le
groupe 1 que dans le groupe 2.
- L'hypothèse alternative (ou H1) : ce n'est jamais une hypothèse d'égalité.
Dans notre exemple, l'hypothèse alternative est : "il y a plus de guérison dans
le groupe 1 que dans le groupe 2".
C'est le résultat du test qui va nous aider à choisir l'une de ces deux
hypothèses. Si le test est significatif, l'hypothèse nulle est rejetée,
l'hypothèse alternative acceptée. Un test non significatif conduit à ne pas
pouvoir rejeter l'hypothèse nulle.
Dans notre exemple, nous pouvons dresser le tableau de contingence suivant :
      
Groupe 1
    
Groupe 2
    
Total
Guéri
    
20
    
7
    
27
Non guéri
    
80
    
93
    
173
Total
    
100
    
100
    
200

Afin de calculer le chi-deux, nous devons calculer les effectifs théoriques,
tels qu'ils seraient sous l'hypothèse nulle. Pour chaque case du tableau,
l'effectif théorique Ci est donnée par : Total ligne x Total colonne / Total
Général.
Soit pour la 1ère case : 27 x 100/200. Le tableau suivant donne les effectifs
théoriques (autant de guéri dans le groupe 1 que le groupe 2).
      
Groupe 1
    
Groupe 2
    
Total
Guéri
    
13,5
    
13,5
    
27
Non guéri
    
86,5
    
86,5
    
173
Total
    
100
    
100
    
200

Il existe des conditions d'application pour pratiquement tous les tests
statistiques. Pour pouvoir appliquer le chi-deux, il faut que tous les effectifs
théoriques soient > à 5.
Il ne reste plus qu'à former le chi-deux selon sa formule :
X2 = e (Oi - Ci)2
        Ci

avec Oi = effectifs observés

Soit ici : (20 - 13,5) 2 + (7 -13,5) 2 + (80 - 86,5) 2 + (93 - 86,5) 2 = 7, 23
13,5                 13,5               86,5                 86,5      

On compare cette valeur à la valeur d'une table de chi-deux au risque 5 % et au
degré de liberté 1 (le degré de liberté est donné par (ligne -1) x (colonne - 1)
soit ici (2 - 1) x (2 - 1) = 1).
La valeur trouvée est supérieure à la valeur de la table (3,84). Le test est
donc significatif l'hypothèse nulle est rejetée, l'hypothèse alternative
acceptée.
Nous venons de démontrer que le médicament A donne statistiquement plus de
guérison que le placebo.
2 Le calcul du nombre de sujets nécessaires

Une étape fondamentale lors de la mise au point d'un protocole, concernant
notamment un essai thérapeutique est le calcul du nombre de sujets nécessaires à
l'étude.
Pourquoi doit-on calculer le nombre de sujets nécessaires ?

Tout d'abord pour des raisons de faisabilité de l'étude. Disposer du nombre de
sujet permettra de prévoir l'inclusion : un centre sera-t-il suffisant ? Faut-il
prévoir de réaliser l'étude avec plusieurs centres (étude multicentrique) ?
Par ailleurs, le nombre de sujet garantie à l'étude une puissance statistique
donnée.
De quels éléments doit-on disposer pour calculer le NSN ?

- d'un critère principal de jugement et d'un seul !
- de la variance du critère principal ;
- des risques de 1ère et de 2nd espèce (ce sont les risques a et b) ;
- du caractère uni ou bilatéral du test que l'on appliquera : dans un test
bilatéral, on ne préjuge pas du sens de la différence entre les 2 traitements.
On répond à la question A est-il différent de B ? Dans un test uni latéral, on
préjuge du sens de la différence, par exemple, A est-il supérieur à B ?
- de la différence minimale, cliniquement intéressante, du critère principal,
que l'on souhaite mettre en évidence.

Ces différents éléments sont liés par des formules, en fonction du caractère
apparié ou non des groupes ou de la comparaison souhaitée (moyennes,
pourcentage).
3 Bibliographie

. Schwartz D.
Méthodes statistiques à l'usage des médecines et des biologistes.
4ème édition. Flammarion 1995.

. Bouvenot G, Vray M.
Essais cliniques, théorie, pratique et critique.
Flammarion 1994.

. Fallissard B
Comprendre et utiliser les statistiques dans les sciences de la vie.
Masson 1996.

Effets indésirables des médicaments
Pr. Hervé Allain

Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, avenue du Pr. Léon Bernard, 35043 Rennes Cedex
mis à jour le 7 décembre 1998
1 Introduction
2 Techniques de détection des effets indésirables
3 Types d'effets indésirables
3.1 Les effets de type A
3.2 Les effets de type B
    

3.3 Les effets indésirables non dûs au médicament
4 Conduite à tenir devant un EI
5 La bibliographie...
6 Conclusion
7 Bibliographie
1 Introduction

Les effets indésirables (EI) sont les réactions ou réponses néfastes et non
souhaitées survenant chez l'homme lors d'une prise de médicament à dose
recommandée dans un but prophylactique, diagnostique ou thérapeutique.
Les EI représentent la grande majorité de la iatrogénie (pathologie induite par
le médecin).
Les EI chiffrés constituent le dénominateur du rapport bénéfice/risque qui
caractérise chaque thérapeutique ; ces EI guident la politique sécuritaire qui
s'assigne de réduire voire d'annihiler les risques au sein des populations (la
science du danger et du risque est la cyndinique).
La pharmacovigilance est le chapitre de la pharmacologie dévolu à la sécurité
médicamenteuse (veille, surveillance, déclaration, alerte ...).
2 Techniques de détection des effets indésirables

Les essais cliniques. Le chapitre des EI potentiellement induits par une
molécule en développement est tout aussi important que la recherche de
l'efficacité.
La pharmacoépidémiologie. Le suivi d'une population bien sélectionnée exposée à
un médicament permet de détecter des EI voire de mettre en évidence des risques,
en situation pragmatique.
Les suivis de cohortes. De manière systématique il est possible de suivre tous
les sujets d'une région (ou d'un pays, ou d'une collectivité) exposés à un
traitement.
Les études dites de surveillance post-marketing, véritables phases IV. Elles
consistent à suivre tous les malades traités par un médicament nouveau qui vient
d'être commercialisé.
Les enquêtes de pharmacovigilance. En général, en raison d'une suspicion et à
l'initiative de l'Agence du Médicament, des enquêtes intensives vont recenser et
analyser tous les cas suspects qui sont à la base de la suspicion.
La notification spontanée. C'est la déclaration obligatoire de toute suspicion
ou de tout accident, auprès du centre de pharmacovigilance le plus proche. Ce
dernier enregistrera cette notification, l'analysera, la mettra "en forme", la
discutera au niveau national, l'incluera dans la base de données nationale de
pharmacovigilance. La notification spontanée est à la base du fonctionnement de
la pharmacovigilance.
3 Types d'effets indésirables
3.1 Les effets de type A
3.1.1 Définition

Ces effets ne sont que la traduction d'une ou plusieurs propriétés
pharmacologiques du produit. Ils sont en relation avec la dose et la quantité du
produit au niveau du tissu cible. Ces effets sont d'incidence et de morbidité
élevés, mais de mortalité faible.
3.1.2 Exemples :

- Réponse thérapeutique excessive : hypoglycémie des antidiabétiques,
hypotension des antihypertenseurs, sédation des benzodiazépines ...
- Action sur un tissu autre que la cible principale recherchée en thérapeutique
: ulcération gastrique et anti-inflammatoires ; ostéoporose et glucocorticoïdes
...
- Exarcerbation de l'une des nombreuses propriétés pharmacologiques d'une même
molécule (effet latéral) : effet anticholinergique des antihistaminiques de type
H1, action promotiline (accélération du transit intestinal) d'un antibiotique,
l'érythromycine ; effet dysphorique de la morphine ...
3.1.3 Mécanismes :

- Pharmaceutiques : produit périmé, altéré ; modifications des paramètres de
libération du produit.
- Pharmacocinétiques : en général, c'est la raison la plus fréquente de ces EI
de type A. Toute modification de l'une des étapes pharmacocinétiques (devenir du
médicament dans l'organisme) conduit, in fine, à des modifications de
concentration du produit au niveau des tissus, sites d'action. Ces modifications
sont souvent génétiques (pharmacogénétiques, par exemple des enzymes cytochrome
P450 au niveau hépatique) ou liées à la maladie elle-même (insuffisances
rénales, hépatiques ...). Insistons enfin, sur la toxicité potentielle, non plus
de la molécule mère (le produit administré) mais d'un métabolite (exemple de
l'hépatotoxicité d'un métabolite du paracétamol).
- Pharmacodynamiques. Cette fois c'est la cible elle-même du médicament (ou
d'autres zones d'action du médicament) qui se trouve dans une situation de
sensibilité anormale (hypo ou hypersensibilité des récepteurs). Cette situation
peut-être constitutionnelle (hyperfonctionnement parasympathique), lié à l'âge
ou à la maladie elle-même.
3.2 Les effets de type B
3.2.1 Définitions

Ces effets qualifiés de bizarres correspondent à des réactions, inattendues et
inexplicables par des propriétés pharmacologiques du produit. Ces accidents ne
dépendent pas de la posologie, sont d'incidence et de morbidité faibles (d'où
l'absence de détection lors des phases de développement clinique) et sont
associés à une forte mortalité.
3.2.2 Exemples

Les exemples classiques sont très nombreux : hyperthermie maligne des
anesthésiques généraux, porphyrie aigüe, hépatotoxicité de l'halothane,
accidents allergiques et anaphylactiques, glaucome et glucocorticoïdes (notons
que la recherche pharmacologique aboutit parfois à faire passer un EI de type B
à un EI de type A ! ).
3.2.3 Mécanismes

- Pharmaceutiques : décomposition de principes actifs ; excipients (ex : les
sulfites) ; présence d'un contaminant (ex : le tryptophane).
- Pharmacodynamiques : des différences qualitatives peuvent exister, d'origine
immunologique ou génétique. L'exemple de l'hémolyse chez les déficients en
glucose-6-phosphate déshydrogénase est classique, au même titre que les
porphyries aigües induites par les médicaments. Le chapitre des accidents
immunoallergiques est complexe et sera traité à part. De même, il importerait de
développer ici le vaste problème des effets tératogènes.
3.3 Les effets indésirables non dûs au médicament

Nous devons rappeler (même si cela apparaît paradoxal) que si l'on observe une
population ou des individus strictement non exposés au moindre médicament, toute
une série d'évènements ou de "notifications" de type EI sera systématiquement
notée. Ces effets sont par exemple : fatigue, congestion nasale, céphalées,
douleur musulaire, difficulté de concentration etc ... C'est le "bruit de fond"
de toute étude contrôlée (effets dits nocebo) ou le témoignage médicalisé de la
qualité de vie d'une population. Pour un médecin, il faudra néanmoins évoquer
alors la possibilité d'EI induits par l'alimentation et les boissons.
Aliment - Boisson
    
Effet Indésirable
    
  Molécule en cause
Moules contaminées par une algue  
(Nitschia Pungens)     Neurodégénérescence     Acide domoïque
Asperges     Urines nauséabondes     
Fromages fermentés     Hypertension aigüe     Tyramine
Noix de Cycade      Syndrome de l'Ile de Guam     Bêta-N-méthylamino-L-alanine
(BMAA)
Farine de seigle (contaminée par un champignon : l'ergot de seigle)   
 Vasoconstriction , gangrène     Alcaloïdes
Cuisine chinoise      Syndrome du restaurant     Soja, aspartate, glutamate
Ail (cuit)     Malaise digestif,      
Bière     Céphalées, malaise     Sulfites
Café ; Coca-Cola      Troubles du rythme veille/sommeil. Irritabilité ;
inconfort digestif     Xanthines
Réglisse     Hypertension artérielle     Acide glycyrrhizinique
Ketchup     Obésité     Sucres
Jus de pamplemouse      Surdosage de médicaments associés (ex : IEC,
oestrogènes)(inhibiteur enzymatique du cyt P450, CYP3A4)      Narengénine

tableau : Alimentation / Boissons et risque d'effets indésirables
4 Conduite à tenir devant un effet indésirable

1. Quel que soit le lieu d'exercice du médecin et quelle que soit la gravité de
cet EI, il importera d'agir en urgence pour éliminer tout diagnostic autre que
médicamenteux et bien sûr corriger s'il le faut la symptomatologie accidentelle.

2. Immédiatement, le cas doit être déclaré au centre de Pharmacovigilance le
plus proche (les numéros de téléphone et de fax sont dans le Vidal).

3. Avec l'aide des pharmacovigiles un dossier de pharmacovigilance sera établi
insistant sur le degré de gravité et le dégré de lien existant entre l'évènement
notifié et la thérapeutique suspectée (imputabilité).

4. Rappelons simplement qu'un évènement grave (qui alors implique une
déclaration immédiate) correspond à : un décès, un accident menaçant la vie ou
responsable d'une hospitalisation ou de son prolongement, un surdosage, un
cancer ou une anomalie congénitale.

5. L'imputabilité est quant à elle, l'analyse au cas par cas, du lien de
causalité entre la prise d'un médicament et la survenue d'un EI (analyse
individuelle pour une notification donnée). En France, au moins, il existe une
méthode officielle d'imputabilité qui a un mérite immense, celui d'homogénéiser
toutes les observations. Cette méthode combine des critères sémiologiques (S) et
des critères chronologiques (C) classés chacun de 0 à 4 selon le degré de
plausibilité du critère. Ces deux critères C et S donnent, selon des tableaux de
décision, le score final d'imputabilité intrinsèque I, comportant 5 possibilités
de I0 à I4. En terme littéraire, on concluera alors que le rôle du médicament
dans l'apparition de l'EI est exclu (I0), douteux, plausible, vraisemblable et
très vraisemblable (I4).
5 La bibliographie...

L'étudiant en médecine devra dans un premier temps consulter le chapitre effets
indésirables du dictionnaire Vidal.
L'étudiant en stage en pharmacovigilance aura accès à un vaste bibliographie
spécialisée dans le domaine avec des voies d'entrée soit par l'accident lui-même
(ex : syndrome de Lyell) soit par le médicament lui-même (ex :
anti-inflammatoires non stéroïdiens).
Notons que la bibliographie est côtée et renseigne sur l'imputabilité
extrinsèque. B0 : effet tout à fait nouveau, jamais publié et justifiant une
publication à B3 : effet notoire du médicament bien décrit dans des livres
précisés.
6 Conclusion

L'EI doit être évité.
La pharmacovigilance ne se résume nullement à l'analyse bibliographique.
La détection et l'analyse des risques des médicaments constituent une pierre
angulaire de la politique sécuritaire vis à vis des populations.
7 Bibliographie

C. BENICHOU
Guide pratique de pharmacovigilance.
2ème édition. Détecter et prévenir les effets indésirables des médicaments.
Editions Pradel (Paris) 1992.

H. ALLAIN, S. SCHÜCK, O. ZEKRI
Les effets indésirables des médicaments.
Angéiologie 1997 ; 49 : 54-64.

H. ALLAIN, S. SCHÜCK, O. ZEKRI
La pharmacovigilance et la pharmacoépidémiologie.
Angéiologie 1997 ; 49 : 71-85.


Interactions médicamenteuses
Pr. Hervé Allain

Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, avenue du Pr. Léon Bernard, 35043 Rennes Cedex
mis à jour le 7 décembre 1998
1 Question
2 Les faits
2.1 L'épidémiologie
2.2 Les conséquences
2.3 Les méthodes d'étude     3 Les mécanismes des interactions
3.1 Interactions de nature pharmacocinétique
3.2 Interactions de nature pharmacodynamique
4 Bibliographie
1 Question

La pharmacologie renseigne généralement sur l'effet d'un médicament, isolé.
En pratique thérapeutique il est fréquent qu'un même malade consomme plusieurs
médicaments différents.
Le chapitre des interactions médicamenteuses vise donc à étudier ces situations
d'associations médicamenteuses.
La justification de ce chapitre s'explique par le fait que lorsque deux ou
plusieurs médicaments sont prescrits simultanément à un même malade, leurs
effets peuvent être modifiés.
On parle alors d'interaction médicamenteuse en rappelant d'emblée les postulats
suivants :
- Il est inimaginable d'étudier en phases pré-AMM toutes les interactions
possibles, de manière systématique (combinaison de n substances 2 à 2 ou x à x
...).
- Seules les interactions médicamenteuses conduisant à un effet clair chez le
malade, méritent d'être mémorisées par l'étudiant.
- Certaines interactions sont bénéfiques et sont recherchées par le thérapeute
(association d'antibiotiques, d'anticancéreux ; administration d'antidote :
flumazénil - benzodiazépines).
- Ces interactions sont le résultat d'une coadministration avec n'importe quel
autre xénobiotique (médicament, alcool, alimentation, nutraceutique, homéopathie
...).
- Il est usuel d'exclure de ce chapitre les incompatibilités médicamenteuses
(précipitation, complexation ...) survenant in vitro lors du mélange de deux ou
trois principes actifs et liées à leurs propriétés physico-chimiques.
- Comme pour les effets indésirables, les interactions médicamenteuses délétères
doivent être prévenues (réflexion lors de co-prescriptions) ; en cas de constat
d'accident, elles doivent être déclarés à la pharmacovigilance.
2 Les faits
2.1 L'épidémiologie

Les publications sur les interactions médicamenteuses sont très nombreuses ;
leurs pertinences cliniques (donc les conséquences cliniques) ne sont pas
toujours très claires.
La prévalence des interactions délétères se situe autour de 10 % des cas de la
pharmacovigilance.
Le taux de mortalité et la durée d'hospitalisation croît de manière
exponentielle avec le nombre de médicaments prescrits.
Le sujet âgé ou polypathologique est le plus exposé.
2.2 Les conséquences

2.2.1 La synergie : additive totale lorsque les effets des deux médicaments
s'ajoutent arithmétiquement ; additive partielle lorsque les effets s'ajoutent
partiellement.

2.2.2 La potentialisation : la somme des effets des deux médicaments est
supérieure à leur simple addition.

2.2.3 L'antagonisme : l'effet d'un médicament est diminué ou supprimé lors de
l'administration du second médicament.
2.3 Les méthodes d'étude

Lors des phases précliniques, différentes études d'interactions médicamenteuses
sont systématiques notamment celles impliquant l'activité cytochrome P450
(intérêt des hépatocytes humains en culture).
Lors des phases précoces du développement clinique les études d'interactions
(cinétiques et dynamiques) sont usuelles. Elles se font en double-aveugle contre
placebo, au mieux selon un plan factoriel 2 x 2, dans un essai croisé
(cross-over), avec des périodes de wash-out de durée suffisamment longue.
Après commercialisation, lors de toute suspicion d'interaction délétère, chaque
médicament doir faire, isolément, l'objet d'une imputabilité.
Quelles que soient les circonstances d'analyse d'une interaction, les
conséquences cliniques doivent être clairement détaillées, les mécanismes si
possibles identifiés (rôle des molécules mères, des métabolites, des
enantiomères ...) et les critères d'évaluation bien ciblés (vigilance, valeur du
QTc, paramètres pharmacocinétiques ...).
3 Les mécanismes des interactions
3.1 Interactions de nature pharmacocinétique

Toutes les étapes du devenir d'un médicament dans l'organisme peuvent a priori
être le siège d'une interaction ou d'un "parasitage".
- Résorption : les chélateurs (antiacides, colestyramine ...) entravent la
résorption de nombreux médicaments ; les modificateurs de la motricité
gastro-intestinale perturbent la durée de présence d'un médicament au niveau des
muqueuses où s'effectue la résorption et donc modifient les quantités résorbées
(l'érythromycine accélère le transit gastro-intestinal).
- Fixation protéïque. Rappelons que les médicaments sont en règle transportés
par les protéïnes plasmatiques (fixation) mais que seule la fraction libre est
responsable de l'activité pharmacologique. Une défixation d'un médicament par un
autre peut conduire à une élévation brutale de la fraction libre et donc à une
augmentation des effets. Une interaction classique est celle des antivitamines K
(anticoagulants) et des sulfamides hypoglycémiants oraux (antidiabétiques) ; on
saisit les conséquences sur la coagulation et la glycémie d'une telle
interaction.
- Métabolisme. De nombreuses interactions se situent au niveau des cytochromes
hépatocytaires en particulier de la superfamille des cytochromes P450, site du
catabolisme de nombreux xénobiotiques. Il importe de connaître les médicaments
inducteurs de ces enzymes (antiépipleptiques, anti-infectieux, éthanol, nicotine
...) responsables d'une réduction de l'efficacité du produit initialement
prescrit ; à l'inverse il existe des médicaments inhibiteurs de l'activité
enzymatique responsables d'une exagération des effets pharmacologiques du
produit au catabolisme ainsi ralenti (antibiotiques tels les macrolides, les
anti-H2, le dextropropoxyphène ...).
- Excrétion. L'excretion hépatique peut-être ralentie par diminution du débit
sanguin dans la circulation porte-cave (bêta-bloqueurs ; anti-H2, oméprazole
...). l'excrétion rénale peut-être diminuée par les anti-inflammatoires non
stéroïdiens, inhibiteurs des prostaglandines indispensables à la filtration
glomérulaire (l'association d'AINS et d'inhibiteurs de l'enzyme de conversion de
l'angiotensine peuvent ainsi conduire à une insuffisance rénale).
3.2 Interactions de nature pharmacodynamique

Ces interactions surviennent à la suite d'une action directe ou indirecte au
niveau d'un récepteur, d'un système de transduction et/ou au niveau des systèmes
effecteurs eux-mêmes, sans modification concomittante des concentrations
plasmatiques des produits en cause. Quelques exemples sont à connaître :
- ototoxicité des aminosides et de la vancomycine
- cardiotoxicité des cardioglycosides associés aux hypokaliémiants
- hémorragies lors d'association d'antivitamines K et d'antiagrégants
plaquettaires
- potentialisation de l'action des curares par certains antibiotiques
(aminosides, polymyxines)
- sédation exagérée lors d'association d'alcool et de benzodiazépines
- syndrôme sérotoninergique par augmentation importante de la sérotonine au
niveau du cerveau lors d'associations d'antidépresseurs de type inhibiteurs de
la recapture de sérotonine et d'IMAO.
4 Bibliographie

Bénéton C., Bentué-Ferrer D., Reymann J.M.
Les interactions médicamenteuses
Angéiologie 1997 ; 49 : 67-77.

Patat A.
Interactions médicamenteuses : problèmes méthodologiques
Thérapie 1995 ; 50 : 203-214.

Merle O., Guitton J., Brazier J.L., Ollagnier M.
Intérêt d'un test de mesure de l'activité cytochrome P450 3A in vivo
La Lettre du Pharmacologue 1998 ; 12 : 6-10
Pharmaco-épidémiologie
Stéphane Schück
Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, avenue du Pr. Léon Bernard, 35043 Rennes Cedex
 
mis à jour le 23 décembre 1998
1 Définition
2 La PHE : outil sécuritaire
3 La PHE : outil d’évaluation des consommations médicamenteuses     4 La PHE :
outil d’évaluation des coûts
5 Conclusion
6 Bibliographie
1 Définition
Une des définitions possibles de la pharmaco-épidémiologie (PHE) est
l'application du raisonnement et des méthodes épidémiologiques à l'étude des
médicaments et de leurs effets, désirables ou non, utilisés au sein d'une large
population d'individus.

Si l'on attribue la naissance sémantique du terme pharmaco-épidémiologie à un
article de D.H. Lawson paru dans le British Medical Journal en 1984, il convient
de garder à l'esprit que la nouveauté du terme ne recouvrait pas une nouveauté
absolue dans l'action. En effet, l'emploi thérapeutique de molécules a suscité
l'intérêt des épidémiologistes dés le début de ce siècle. Cependant, le contexte
dans lequel évolue la pharmaco-épidémiologie s'est profondément modifié que ce
soit au niveau institutionnel (déclaration obligatoire des effets secondaires
des médicaments, création des agences du médicament, du sang,.) ou au niveau des
méthodes employées.

La PHE apparaît aujourd’hui comme une science à part entière, dotée d’une
société internationale (International Society for Pharmaco-epidemiology, basée
aux Etats-Unis) et de revues spécifiques (Pharmaco-epidemiology and drugs
safety).
2 La pharmaco-épidémiologie comme outil sécuritaire
Quand un médicament arrive sur le marché, ses effets indésirables ont été
étudiés lors des essais de phase III. Cependant, il est rare, même pour une
étude multicentrique, que le nombre de patients inclus soit très important. De
plus la population incluse dans ces essais n’est pas représentative de la
population générale qui va consommer le médicament. En effet, pour des raisons
statistiques et logistiques, la population des essais de phase III se doit
d’être la plus homogène possible (respect des critères d’inclusion) tout en
étant la plus représentative possible de la population qui sera traitée en
situation réelle, après commercialisation du médicament. On peut tirer de ce
paradoxe les constats suivants : Les effets indésirables de faible incidence ne
peuvent être détectés qu’en post AMM. On ne connaît pas, au stade de la phase
III, l’utilisation réelle qui sera faite du médicament. En synergie avec la
pharmacovigilance, la PHE grâce à des études spécifiques, permet d’apporter des
éléments de réponse à ces constats. Le design de ces études correspond aux
études épidémiologiques d’exposition (enquête cas-témoins ou suivi de cohorte).
3 La pharmaco-épidémiologie comme outil d’évaluation des consommations
médicamenteuses
Deux nivaux d’inférence sont possibles : Le patient et le prescripteur. Ces
études de consommation et de prescription peuvent concourir à l’identification
de filières de soins et à l’analyse des processus de prescriptions. Ces études
peuvent permettre le repositionnement d’un médicament dans l’arsenal
thérapeutique d’une pathologie et apportent des bases de réflexions aux
conférences de consensus. Elles permettent également de mieux connaître
l’utilisation réelle d’un médicament et sa pénétration dans les pratiques
médicales. Le design de ces études correspond souvent aux études d’observations
épidémiologiques.
4 La pharmaco-épidémiologie comme outil d’évaluation des coûts
La dimension économique est devenue indissociable de la médecine de soins. La
pharmaco-économie tient une place grandissante que ce soit au niveau d’études
coût-bénéfices ou d’études coût-utilités. Ce genre d’étude est de plus en plus
demandé par les différents acteurs du système de santé, à des fins d’évaluation
de pratiques ou de mise en place de stratégies diagnostiques, thérapeutiques ou
de dépistage.
5 Conclusion
Ces trois principaux aspects, décrits ici de façon succincte, permettront à
l’étudiant de saisir les liens qui unissent la PHE et la Santé Publique. Du fait
de ses missions et de ses terrains d’études, la PHE est un outil au service de
la Santé Publique et des décideurs.
6 Bibliographie
STROM BL, MELMON KL, MIETTINEN OS.
Post-Marketing Studies of Drug Efficacy : Why.
Am J Med 1985 ; 78 : 475-80.

LAWSON DH.
Pharmacoepidemiology : a new discipline.
BMJ 1984 ; 289 : 940-1.

BERGMAN U.
Pharmacoepidemiological perspectives.
J Clin Epidemiol 1992 ; 45 : 313-7
Evidence-Based Medicine
Dr. Oussama Zékri
Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, avenue du Pr. Léon Bernard, 35043 Rennes Cedex
 
mis à jour le 23 décembre 1998
1 Introduction
2 Définition  
3 Objectifs     4 Outils
5 Conclusion
6 Bibliographie
1 Introduction
Le monde moderne est submergé par un flot quasi ininterrompu d'informations et
la médecine n'y échappe pas (1). La connaissance médicale n'a jamais évolué
aussi vite que lors des dernières décennies. Les résultats des recherches sont
souvent médiatisés et font naître chez le grand public des attentes souvent en
décalage avec les résultats proprement scientifiques. La réglementation de plus
en plus stricte des agences du médicament à travers le monde (Food and Drugs
Administration, European Medicine Evaluation Agency, Agence Française du
Médicament …) améliore sans cesse les standards de qualité de la recherche
clinique et impose la multiplication des essais cliniques randomisés. Les
publications se suivent à un rythme soutenu et l'obligation de la pratique de la
médecine selon les données actuelles de la science (D.A.S.) se heurte aux
limites de temps et de ressources que peuvent y consacrer les praticiens (2).
D'autre part, les moyens modernes de communication (les "autoroutes de
l'information") commencent à faire leur apparition dans la vie courante amenant
avec elles des possibilités d'accès à l'information jusque là inédites (3).
Internet est le plus bel exemple de ces outils. Le médecin exerçant dans la
campagne la plus reculée peut, grâce à un modem, obtenir le dernier article
publié par le Lancet ou le New England Journal of Medicine à partir de son
cabinet, forcément informatisé, puisque la loi l'y obligera.
Les systèmes d'information actuels conjugués à l'explosion des données de la
recherche constituent à la fois une charge et une chance pour le praticien. Une
charge, car l'obligation de moyens lui imposera de se tenir au courant des
résultats de la recherche; une chance, car avec un minimum de préparation, il
peut considérablement améliorer sa pratique pour la plus grande satisfaction de
ses patients.
La préparation à la gestion de cette explosion de l'information médicale citée
plus haut, s'inscrit dans une démarche appelée Evidence-Based Medicine (EBM),
que l'on traduit en français par Médecine Factuelle. Cette approche que nous
définirons plus loin se fonde sur un nouveau paradigme qu'on peut résumer en
trois points :

    *  Il faut "se méfier" de l'expérience clinique, de l'intuition et de l'avis
de l'expert unique ;
    *  La connaissance physiopathologique n'est pas suffisante et peut même
conduire à des prédictions incorrectes à propos du diagnostic et de l'efficacité
du traitement ;
    *  La connaissance de certaines règles d'évaluation est nécessaire pour
interpréter correctement la littérature, les études pronostiques, les tests
diagnostiques et les stratégies thérapeutiques.

2 Définition
La médecine factuelle (ou Evidence-Based Medicine, EBM) est une approche
méthodique de la pratique médicale fondée sur l'analyse critique de
l'information médicale. La décision médicale dans cette approche ne doit plus se
fonder sur l'expérience personnelle ou l'avis de l'expert mais sur une meilleure
utilisation des données actuelles de la science, fournies en particulier par les
essais cliniques (4). Le terme de médecine factuelle est une tentative de
traduction de l'expression anglaise qui utilise le terme evidence. Il faut voir
en ce terme l'équivalent de la preuve ou de l'argument au sens juridique du
terme.
L'EBM commence quand un patient et un clinicien doivent prendre ensemble une
décision de soin. Elle commence aussi quand le clinicien admet l'existence d'une
lacune dans sa connaissance qui doit être comblée avant de prendre la décision
appropriée. Elle continue quand le clinicien transforme sa lacune en une
question clinique (précise et admettant une réponse), recherche la réponse et
évalue la validité et la pertinence de la réponse qu'il a trouvée. Enfin, l'EBM
se termine comme elle a commencé, avec le patient et une tentative d'appliquer
ce qui a été appris à ce patient précis. La connaissance qui a été acquise dans
la résolution de ce problème clinique pratique sera retenue et utilisée pour
soigner de futurs patients.
3 Objectifs
L'objectif principal de l'EBM est d'aider le médecin à soigner ses patients
selon les D.A.S. Pour cela, elle insiste sur la nécessité de se faire sa propre
opinion sur la base d'une méthodologie raisonnée et d'une recherche efficace de
l'information pertinente. Ceci amènera le médecin à faire face d'une part, à
l'évolution rapide du savoir et d'autre part, à l'accroissement de la quantité
d'informations nouvelles.
Un des objectifs primordiaux de cette nouvelle approche est de former des
médecins conscients du rythme d'évolution des D.A.S., ne se fiant plus
uniquement aux connaissances acquises au cours de la formation universitaire.
Le bagage méthodologique fourni par l'EBM permet d'évaluer les conclusions d'une
étude clinique à partir de la construction même de cette étude.
Enfin, un des aspects les plus intéressants de cette discipline est sa capacité
à motiver ses adeptes à s'impliquer davantage dans la recherche clinique et
donc, dans la production de nouvelles informations cliniques de qualité.
4 Outils
La pharmacologie joue bien évidemment un rôle fondamental dans la production de
données d'efficacité et de sécurité concernant le médicament. La connaissance
des notions-clés de cette discipline sont indispensables pour comprendre,
évaluer et adapter les données actuelles de la science (D.A.S.) au cas du
patient traité. En effet, l'utilisation du médicament à bon escient requiert de
connaître les critères de qualité d'un essai clinique (randomisation, contrôle,
double-insu … ) mais aussi, les outils statistiques d'évaluation (nombre de
sujets nécessaires, durée de l'essai, significativité statistique de la
différence entre les groupes témoin et traité). D'autres sources d'information
pharmacologiques existent : les études pharmaco-épidémiologiques, les
méta-analyses … Il faut pouvoir connaître leurs intérêt et limites ainsi que
leurs critères de qualité. Ces critères doivent être peu nombreux et simples :

    * Diagnostic : le test a-t-il été évalué sur les formes légères à sévères de
la maladie ? a-t-il été comparé sur des patients traités et non traités ? des
sujets présentant des troubles différents mais communément confondus ont-ils été
pris en compte ? Y a-t-il eu une comparaison indépendante et en insu avec un
standard reconnu de diagnostic ("gold standard") ?

    * Traitement : Y a-t-il eu allocation randomisée du traitement ? Le nombre
de patients inclus dans l'essai a-t-il été prévu ?

    * Articles revues : La méthode d'inclusion des articles a-t-elle été
explicitée ?

Enfin, il faut savoir chercher l'information nécessaire grâce en particulier,
aux moyens télématiques et informatiques actuels. Certains auteurs travaillent à
la mise à disposition du clinicien de l'information dont il a besoin ou à
défaut, à lui apprendre à la chercher là où elle se trouve. D'où l'importance de
l'introduction dans le cursus de médecine d'une formation à l'utilisation de
l'informatique, de l'Internet et des bases de données médicales (5).
Face à un choix thérapeutique délicat, le clinicien aura à suivre différentes
étapes avant la prise de décision :

    * A partir du cas clinique précis, il faut savoir définir le problème, poser
la question appropriée et déterminer l'information nécessaire pour le résoudre ;

    * Rechercher efficacement dans la littérature les articles correspondant :
il faut pour cela connaître la localisation des bases de données (ex: Medline),
savoir s'en servir (utilisation des mots-clés, des opérateurs booléens …) ;

    * Sélectionner les meilleures études et les plus significatives en
hiérarchisant l'information selon le type d'étude : essai clinique randomisé,
double-insu, nombre de sujets, durée de l'étude …

    * Choisir le bon critère d'évaluation : efficacité, sécurité, coût …

    * Evaluer le résultat de l'étude et établir un raisonnement de causalité :
différence de risque, réduction du risque absolu, réduction du risque relatif,
rapport de cotes (odds ratio), nombre de patients à traiter, intervalle de
confiance, significativité statistique et clinique ;

    * Etre capable de présenter à ses collègues de manière succincte, le contenu
d'un article, ses points forts et ses faiblesses, d'en extraire le message
clinique et de l'appliquer au problème du patient ;

    * Avoir une bonne connaissance de la physiopathologie pour interpréter et
appliquer les résultats de cette recherche au cas du patient individuel. Il
s'agit alors d'estimer le rapport bénéfice/risque à la lumière des informations
nouvelles dont dispose le clinicien ;

    * Etre à l'écoute des valeurs, besoins et sensiblité du patient.

5 Conclusion
L'EBM n'est pas à proprement parler une "nouveauté" en médecine; son véritable
apport consiste en l'expression explicite, méthodique et raisonnée de l'approche
clinique dans un contexte d'évolution rapide de la science médicale et
d'explosion de la quantité d'information disponibles via des supports multiples.
Un enseignement de médecine factuelle se doit de former les médecins, futurs ou
en activité, à raisonner, s'informer et décider selon ce nouveau paradigme.
L'intérêt de l'enseignement de l'EBM est de former des "apprenants" qui, durant
toute leur vie, vont prendre en compte les avancées diagnostiques et
thérapeutiques, quand elles surviennent, et qui vont pouvoir rester concentrés
sur l'application de cette information aux patients individuellement,
reconnaître les limitations des "experts" et aider les patients à faire des
choix difficiles devant une information incomplète.
 
6 Références bibliographiques
(1) M. Bird.
System overload -Excess information is clogging the pipes of commerce - and
making people ill.
Time, December 9, 1996; 38-39.

(2) J-P Boissel et le groupe Validata.
L'information thérapeutique : comment transmettre les données actuelles de la
science.
Thérapie 1994; 49 : 299-311.

(3) C. Attali.
De la télémédecine aux réseaux de soins : quels systèmes d'informations ?
Dans : Autoroutes de l'information et déontologie médicale, eds. Masson, pages
79-96.

(4) DL Sackett et al.
Evidence based medicine : what it is and what it isn't.
BMJ 1996; 312 : 71-72.

(5) P. Degoulet et al.
Le poste de travail multimédia, assistant électronique du professionnel de
santé.
La Revue du Praticien 1996; 46 : 306-313.
Introduction à la neuropsychopharmacologie
Pr. Hervé Allain
Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, avenue du Pr. Léon Bernard, 35043 Rennes Cedex
 
 mis à jour le 23 décembre 1998
1 Définition  
2 Limites et difficultés  
3 Classification  
3.1 Les psychotropes
3.1.1 Anxyolytiques
3.1.2 Hypnotiques
3.1.3 Antidépresseurs
3.1.4 Neuroleptiques
3.1.5 Thymorégulateurs
3.1.6 Psychostimulants
3.1.7 Psychodysleptiques     3.2 Les neurotropes
3.2.1 Antiépileptiques
3.2.2 Antiparkinsoniens
3.2.3 Antimigraineux
3.2.4 Myorelaxants
3.2.5 Antimyasthéniques
3.2.6 Facilitateurs cognitifs
3.2.7 Anti-Alzheimer (imagerie)
3.2.8 Anti-ischémiques
3.2.9 Médicaments des mouvements anormaux
4 Conclusion
1 Définition
 Etude des médicaments agissant sur le système nerveux central (SNC).
2 Limites et difficultés

    * Accès des médicaments au cerveau ( la barrière hémato-encéphalique)
    * La spécificité (zone du cerveau à atteindre ?)
    * La vérification : biopsie, autopsie, PET-scan, LCR...
    * Evaluation clinique : comportement , motricité ; nécessité d'échelles
(rating scales).
    * Evolution rapide de la neurobiologie et de la connaissance du
fonctionnement du SNC.
    * Indication du médicament : rarement unique.

3 Classification

PSYCHOTROPES

          o Anxiolytiques
          o Hypnotiques
          o Antidépresseurs
          o Neuroleptiques
          o Thymorégulateurs
          o Psychostimulants
          o Psychodysleptique

    
NEUROTROPES

          o Antiépileptiques
          o Antiparkinsoniens
          o Antimigraineux
          o Myorelaxants (antispasticité)
          o Facilitateurs cognitifs
          o Anti-Alzheimer
          o Anti-ischémiques
          o Antimyasthéniques
          o Antalgique

3.1 Les psychotropes
3.1.1 Anxyolytiques
- Indication :     traitement de l'anxiété pathologique.
- Exemple :     Valium(R), Lexomil(R), Xanax(R), Temesta(R)...
- Classe :     benzodiazépines (BZD).
- Mode d'action :     fixation sur le complexe macromoléculaire GABA/site.
BZD/ionophore Chlore.
- Pharmacocinétique :     très important ; durée de 1/2 vie d'élimination ;
métabolisme.
- Effet :     anticonvulsant, sédation, myorelaxation, anxiolyse.
- Problème :     effet sédatif (accidents) ; amnésie antérograde ; désinhibition
; dépendance ; rebond et sevrage.
- Actualité :     grande consommation ; recherche du ligand endogène.
 3.1.2 Hypnotiques
- Indication :     traitement de l'insomnie.
- Exemple :     Havlane(R), Rohypnol(R), Imovane(R), Stilnox(R).
- Classe :     1) BZD
2) Non BZD : Zopiclone ; Zolpidem.
- Problème :     dépendance ; vigilance diurne ; pertubation de l'EEG du
sommeil.
- Actualité :     grande consommation ; association à l'alcool ; recherche sur
les non-BZD ; contre-indication absolue des BZD : les apnées du sommeil.
 3.1.3 Antidépresseurs
- Indication :     traitement de la dépression
- Exemple :     Prozac(R), Floxyfra(R), Laroxyl(R), Tofranil(R), Vivalan(R)...
- Classe :     antidépresseurs tricycliques (Anafranil(R)) ;
seconde génération (Vivalan(R), Athymil(R)) ;
inhibiteurs de la recapture de sérotonine ou IRS (Prozac(R), Floxyfral(R)...) ;
inhibiteurs de la recapture de sérotonine et de la noradrénaline (Ixel(R),
Effexor(R)) ;
IMAO-A (Moclamine(R)).
- Mode d'action :     désensibilisation des récepteurs bêta centraux ;
augmentation des concentrations d'amines dans les synapses ;
bloqueur de la recapture de la sérotonine (5 HT) et/ou de la noradrénaline ;
processus précédents souvent liés.
- Pharmacocinétique :     variable d'un médicament à l'autre.
- Effet :     amélioration de l'humeur.
- Problème :     délai d'action (plusieurs jours) ; dépressions résistantes ;
Effets indésirables : cardio-vasculaires, atropiniques avec tricycliques ;
nausées, vomissements avec les IRS... ; question de la durée des traitements.
 3.1.4 Neuroleptiques
- Indication :     traitement des signes productifs des psychoses.
- Exemples :     Largactil(R), Haldol(R), Nozinan(R), Tiapride(R).
- Classe :     4 familles ( phénothiazines, butyrophénones, benzamides,
thioxanthène).
- Mode d'action :     blocage des récepteurs dopaminergiques.
- Pharmacocinétique :     pas de relation nette concentration-effet.
- Effet :     Antipsychotique ; sédation ; action antidéficitaire (?)
Action antiémétique (rappeler le dompéridone (Motilium(R)) qui ne passe pas la
barrière hémato-encéphalique).
- Problème :     difficulté d'observance ; effets indésirables notamment sur la
cognition ; inducteurs de symptômes extrapyramidaux et hyperprolactinémie.
- Actualité :     molécules spécifiques (D3 mésolimbique) ; neuroleptiques
atypiques (Leponex(R), Risperdal(R), Olanzapine) dénués d'effets
extrapyramidaux.
3.1.5 Thymorégulateurs
- Indication :     psychose maniaco-dépressive.
- Exemple :     Teralithe(R).
- Classe :     sels lithium.
- Mode d'action :     action générale sur les membranes et les messages
intracellulaires des cellules (protéines G).
- Pharmacocinétique :     médicaments à monitorer (lithiémie : 1 mEq/1).
- Effet :     contre-indiqué chez la femme enceinte ;
danger en cas de pathologie cardiovasculaire et rénale.
- Actualité :     rôle des médicaments agissant sur les mouvements du calcium
intracellulaire ; intérêt du Tegretol(R) (antiépileptique) et du Depakine(R)
(antiépileptique).
3.1.6 Psychostimulants
- Indication :     baisse de vigilance ; narcolepsie ; obésité ; déficit de
l'attention (enfants hyperkinétiques).
- Exemple :     Amphétamine ; Olmifon(R) ; pémoline ; caféine.
- Classe :     très variées.
- Mode d'action :     Stimulation de la neurotransmission aminergique  ;
Mise en alerte du système nerveux central  ;
Diminution de la perception de fatigue  ;
Augmentation d'initiative et de confiance  ;
Effet de stimulation du système végétatif.
- Problème :     dépendance, tolérance, dépression à l'arrêt brutal, anxiété.
- Actualité :     développement de médicaments plus ciblés sur l'attention, la
vigilance. Intérêt dans certaines professions (pilotes de ligne, surveillance de
systèmes complexes...) Rappelons l'intérêt du Modiodal(R). Dans le traitement de
la narcolepsie/cataplexie.
 3.1.7 Psychodysleptiques
- Indication :     aucune.
- Exemple :     LSD, Hashish, Cocaïne.
- Classe :     drogue ; molécules très variées.
- Pour la suite :     prendre un exemple : Cocaïne/ LSD/ Ecstasy.
- Actualité :     prise en charge des toxicomanes et traitements de substitution
(Subutex(R)).
3.2 Les neurotropes
 3.2.1 Antiépileptiques
- Indication :     traitement symptomatique de la maladie épileptique.
- Exemple :     Gardénal(R), Dihydan(R), Dépakine(R), Tégrétol(R), Vigabatrin,
Topiramate, Felbamate...
- Classe :     très variées.
- Mode d'action :     action membranaire ; action sur les flux ioniques ;
renforcement du tonus du GABA.
- Pharmacocinétique :     très important ; formes libres ; métabolisme
(induction hépatique) ; interactions. Monitoring nécessaire pour certains
médicaments.
- Effet :     Action symptomatique en supprimant les crises ; action préventive
; recherche actuellement de médicaments spécifiques d'un type donné de crises.
- Problème :     retentissement cognitif ; accidents hématologiques et
hépatologiques ; question complexe de la tératogénicité de certains produits.
- Actualité :     molécules nouvelles (action sur le GABA ou sur les acides
aminés excitateurs).
3.2.2 Antiparkinsoniens
- Indication :     traitement de la maladie de Parkinson.
- Exemple :     Sinemet(R) et Modopar(R) (L-dopa) ; Parlodel(R), Trivastal(R),
Requip(R), Dopergine(R), Apomorphine ; Parkinane(R), Lepticur(R), Déprényl(R).
- Classe :     1) Dopa (précurseur de dopamine),
2) Agonistes dopaminergiques directs,
3) Anticholinergiques, (Artane(R), Parkinane(R), Lepticur(R)),
4) IMAO-B (Déprényl(R)).
- Mode d'action :     restauration du tonus dopaminergique nigro-strié ;
blocage des efférences cholinergiques (en désuétude).
- Pharmacocinétique :     instructive dans les formes évoluées avec fluctuations
d'effets.
- Effet :     correction des symptômes de la maladie.
- Problème :     stimulation simultanée des récepteurs dopaminergiques
extra-striés (vomissements, hypotension, confusion) ; dyskinésies.
la liste des médicaments inducteurs de syndrômes extrapyramidaux doit être
connue (Neuroleptiques, Antiémétiques, Sibelium, etc...).
- Actualité :     formes retards et injectables ; abandon de la dopa (toxique à
long terme ?) ; action sur d'autre systèmes de neurotransmetteurs (NMDA) ;
protection cellulaire (IMAO-B).
Relire l'essai DATATOP.(800 malades, double aveugle pendant un an, comparaison
du Deprenyl/Vitamine E/ Placebo).
 3.2.3 Antimigraineux
- Indication :     traitement de fond et de la crise de migraine.
- Exemple :     Crise : Vasoconstricteurs, Gynergène caféine(R),
dihydroergotamine Sandoz (DHE)(R), Sumatriptan(R), Zomig(R) ; Aspirine et
anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).
Fond : DHE, Vidora(R), Sanmigran(R), Nocertone(R), bêta-bloqueurs.
- Classe :     1) dérivés de l'ergot de seigle (DHE),
2) anti-sérotonines,
3) agonistes (5 HT1D).
- Mode d'action :     action directe sur la vasomotricité céphalique ;
stimulation des sous-types 1 D de récepteurs 5 HT.
- Pharmacocinétique :     attention aux interactions au niveau du métabolisme
hépatique.
- Effet :     régulateur de la motricité des vaisseaux céphaliques.
- Problème :     ergotisme ; interactions médicamenteuses ; coût ;
auto-polymédication.
Complexité de la physiologie de la vasomotricité cérébrale.
- Actualité :     rôle de la sérotonine (neurotransmetteur central et modulateur
de la vasomotricité) ; formes galéniques nouvelles (injectables ; spray).
3.2.4 Myorelaxants
- Indication :     traitement des contractures et de la spasticité.
- Exemple :     Dantrium(R), Liorésal(R), Benzodiazépines, Brolitène(R).
- Classe :     variées.
- Mode d'action :     action directe sur la fibre musculaire (Dantrium(R)) ;
action médullaire via le GABA (Liorésal(R) ; Brolitène(R)) ;
action centrale (BZD).
- Pharmacocinétique :     intérêt des formes injectables notamment par pompe
(directement dans le LCR) ; 1/2 vie d'action variable.
- Effet :     relaxation musculaire.
- Problème :     sédation, effets indésirables spécifiques (ex : Dantrium(R) et
toxicité hépatique).
- Actualité :     modalités d'administration.
3.2.5 Antimyasthéniques
- Indication :     traitement de la myasthénie.
- Exemple :     Mestinon(R), Mytelase(R).
- Classe :     inhibiteurs de la cholinestérase périphérique.
- Mode d'action :     restauration de la transmission cholinergique à la
jonction nerf-muscle.
- Pharmacocinétique :     durée d'action brève des produits.
- Effet :     rétablissement des contrôles moteurs.
- Problème :     nombreux effets indésirables liés à cette augmentation globale
de l'acétylcholine (diarrhée, troubles de la vision, bradycardie).
liste des médicaments décompensateurs de la maladie à connaître.
- Actualité :     approche plus étiopathogénique de la maladie
(immunosuppresseurs).
3.2.6 Facilitateurs cognitifs
- Indication :     traitement des troubles cognitifs du sujet âgé.
- Exemple :     Hydergine(R), Iskédyl(R), Tanakan(R), Duxil(R), Nootropyl(R)...
- Classe :     variée, hétérogène.
- Mode d'action :     stimulation du métabolisme cérébral, des
neurotransmissions aminergiques, oxygénateurs, antiradicaux libres.
- Pharmacocinétique :     pas de relation nette effet-concentrations
plasmatiques.
- Effet :     Curatif  (amélioration des performances intellectuelle).
Préventif  (antagonisme de processus physiopathologiques liés au vieillissement
cérébral).
- Problème :     pas d'effets indésirables bien spécifiques ; définition exacte
de la pathologie visée ? Intérêt réel de la discrète amélioration obtenue ?
Preuves de la prévention ?
- Actualité :     obtention des preuves ; ciblage sur une fonction cognitive
plus précise (attention, mémoire, vigilance, vitesse de traitement de
l'information) ; intérêt au stade débutant des démences ?
3.2.7 Anti-Alzheimer (imagerie)
- Indication :     traitement symptomatique des formes légères à modérées de la
Maladie d'Alzheimer (MA).
- Exemple :     Tacrine (Cognex(R)).
- Classe :     anticholinestérasique.
- Mode d'emploi :     augmentation de la concentration de l'acétylcholine (Ach)
au niveau des synapses centrales par inhibition de l'enzyme de dégradation de
l'Ach, l'acétylcholinestérase.
- Pharmacocinétique :     1/2 vie d'élimination brève au niveau plasmatique ;
interaction avec l'alimentation (d'où 4 prises par jour en dehors des repas) ;
ce qui importe sur le plan pharmacodynamique, c'est la durée de l'inhibition de
l'enzyme actylcholinestérase au niveau central.
- Effet :      augmentation du rapport signal-bruit des informations reçues par
le cerveau.
- Problème :     élévation des transaminases hépatiques (d'où le monitoring
obligatoire des ASAT/ALAT)
effet cholinergiques périphériques.
- Actualité :     mise sur le marché prochainement de nouveaux
anticholinestérasiques (Exelon(R), Aricept(R)) ou d'agonistes directs des
récepteurs muscariniques. De nombreuses autres voies d'approches médicamenteuses
sont en cours d'études cliniques (Diapositive 1 : physiopathologie et
pharmacologie de la maladie d'Alzheimer).
3.2.8 Anti-ischémiques
- Indication :     traitement de l'ischémie cérébrale au moment du stroke.
- Exemple :     Nimotop(R).
- Classe :     antagonistes calciques ; en développement : anti-NMDA(R)
gangliosides-GM 1 ...
- Mode d'action :     antagonistes des facteurs de mort cellulaire (calcium,
acides aminés excitateurs...).
- Pharmacocinétique :     le vrai problème : la vitesse et le délai
d'administration.
- Effet :     protecteur cellulaire contre l'anoxie/ischémie.
- Problème :      lourdeur et difficulté d'évaluation en phase III.
- Actualité :     vérification en cours chez l'homme, du bénéfice obtenu.
Intérêt et risques des thrombolytiques ?
3.2.9 Médicaments des mouvements anormaux

 Approche empirique, mal évaluée.
- Tremblement essentiel familial : Avlocardyl(R), Mysoline(R).
- Myoclonies post-anoxiques : Nootropyl(R), Sérotonine(R), Rivotril(R).
- Dyskinésies : Neuroleptiques (Majeptil(R), Haldol(R)).
- Dystonies : Antiparkinsoniens ; neuroleptiques ; toxine botulinique injectée
localement.
- Chorées : Neuroleptiques - Facilitateurs du GABA.
4 Conclusion

    * Médicament : thérapeutique ou moyen d'explorer le cerveau

    * Retentissement sur le SNC de médicaments qui ne sont pas supposés y agir (
ex : bêta bloqueurs liposolubles et troubles du sommeil)

    * Grand problème des posologies et de la susceptibilité du SNC de certains
sujets (ex : l'âge, la démence)

    * Grands risques : confusions, désinhibition, syndrômes extrapyramidaux,
décompensation de pathologie psychiatrique...


 Pharmacologie de la maladie de Parkinson
Dr Philippe Le Cavorzin
Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
Faculté de Médecine, rue du Professeur Léon Bernard, 35043 Rennes Cedex
 
mis à jour le 8 février 1999
1 Introduction
2 Neuroanatomie et neuropharmacologie
3 Pharmacologie moléculaire
3.1 Métabolisme dopaminergique
3.2 Récepteurs dopaminergiques
3.3 Relations structure-activité
4 Principaux médicaments antiparkinsoniens
 4.1 Les anticholinergiques     4.2 La L-DOPA
4.3 Les agonistes dopaminergiques
4.4 Les inhibiteurs enzymatiques
4.5 Autres médicaments symptomatiques
4.6 Correcteurs des effets indésirables de la dopathérapie
5 Concepts actuels
6 Conclusion
7 Références
1 Introduction
La maladie de Parkinson est l'une des rares atteintes dégénératives du système
nerveux central accessibles à la thérapeutique médicamenteuse. Aujourd'hui
encore, la L-DOPA demeure le meilleur traitement symptomatique de cette maladie,
presque 30 ans après sa commercialisation. Cependant, la nécessité d'une
transformation intraneuronale en dopamine en constitue le point faible puisque,
au cours de la maladie, la perte cellulaire altère les possibilités de synthèse
et de stockage de ce neuromédiateur à partir du précurseur que constitue la
L-DOPA. Ce phénomène contribue vraisemblablement à l'émergence des fluctuations
motrices DOPA-induites observées chez certains patients après quelques années de
traitement.
La synthèse, dans les années 70, d'agonistes dopaminergiques actifs directement
sur les récepteurs post-synaptiques et possédant une durée d'action plus
importante que la L-DOPA a contribué à combler cet inconvénient de la
dopathérapie. La mise au point d'inhibiteurs de la monoamine - oxydase - B
(IMAO-B) et plus récemment d'inhibiteurs de la catéchol - O - méthyl -
transférase (ICOMT) prolongeant la demi-vie de la L-DOPA a constitué un autre
progrès. Ces classes médicamenteuses ont modifié les concepts thérapeutiques en
usage dans la maladie de Parkinson. Ceux ci sont actuellement dominées par le
concept de neuroprotection et l'usage plus précoce d'agonistes dopaminergiques.
2 Neuroanatomie et neuropharmacologie
La maladie de Parkinson atteint essentiellement les neurones des formations
pigmentées du tronc cérébral (Figure 1), et tout particulièrement les neurones
dopaminergiques à l'origine de la voie nigro-striée, situés dans la pars
compacta du locus niger [1].  

La raréfaction neuronale atteint cependant d'autres noyaux du tronc cérébral non
dopaminergiques, comme le locus coeruleus, le noyau dorsal du vague, la
formation réticulée mésencéphalique, le noyau basal de Meynert [2], rendant
compte des signes de la maladie résistant à la L-DOPA (Tableau I).

De façon très grossière, on peut considérer que l'activité motrice est régulée
physiologiquement au sein d'un ensemble complexe de boucles intra-cérébrales
incluant la substance noire, le striatum et le thalamus. Le thalamus
sélectionnerait les programmes moteurs, et serait freiné dans cette tâche par le
striatum. Au cours de la maladie de Parkinson, c'est l'inhibition dopaminergique
provenant des neurones de la pars compacta du locus niger qui apparaît
déficitaire. Certains interneurones striataux deviennent en conséquence
hyperactifs, libérant le tonus glutamatergique sous-cortical [3]. Le résultat
final de ces modifications est un freinage accru du thalamus moteur (Figure 2).

Les travaux de Delwaide ont contribué à préciser le retentissement à l'étage
spinal, en particulier en ce qui concerne la physiopathologie de la rigidité
ainsi que le rôle fonctionnel de certaines voies d'association
sous-cortico-spinales [4]. Les troubles cognitifs concernent la mémoire
procédurale et les fonctions exécutives [5, 6], et ne sont que très
partiellement DOPA-sensibles. Les anomalies posturales sont encore très peu
documentées.  
3 Pharmacologie moléculaire
3.1 Métabolisme dopaminergique
La voie naturelle de biosynthèse de la DOPA (dihydroxyphénylalanine) utilise la
tyrosine. L'hydroxylation en méta du noyau benzènique de la tyrosine par la
tyroxine hydroxylase produit le noyau pyrocatéchol (dihydroxy-1,2 benzène),
commun aux catécholamines. La décarboxylation en dopamine est ensuite réalisée
par la DOPA-décarboxylase (Figure 3).  

La dopamine est inactivée dans l'espace synaptique par deux enzymes s'attaquant
aux radicaux impliqués dans son activité pharmacologique (voir le paragraphe
relations structure-activité). La catéchol - O - méthyl - transférase (COMT)
catalyse la méthylation du groupement hydroxyle situé en méta, tandis que la
mono-amine-oxydase (MAO) réalise l'hydrolyse du radical amine primaire. Ces deux
enzymes sont actives à l'égard de l'ensemble des catécholamines. La MAO
participe également au catabolisme de la sérotonine. Il en existe deux formes (A
et B). Le type B prédomine dans le cerveau.  La COMT est très répandue dans
l'organisme, (foie, rein, tube digestif et cerveau). La forme périphérique est
soluble, tandis que la forme cérébrale est liée à la membrane cellulaire.
3.2 Récepteurs dopaminergiques

On dénombre actuellement 5 sous-types de récepteurs dopaminergiques, regroupés
en deux formes structurelles du récepteur D1 (D1A et D5 : collectif D1) et trois
formes du récepteur D2 (D2, D3, D4 : collectif D2). Ces récepteurs appartiennent
à la superfamille des récepteurs à 7 domaines transmembranaires. Ce sont des
récepteurs métabotropiques couplés à une protéine G (excitatrice ou
inhibitrice). Les récepteurs appartenant au collectif D1 sont couplés
positivement à l'adénylate cyclase, les récepteurs du collectif D2 négativement
ou sont indépendants de l'activité adényl-cyclasique. Enfin, il semble exister
des interactions entre les sous-types de récepteurs au niveau synaptique. Par
exemple, la stimulation des récepteurs D1 réduirait l'affinité des récepteurs D2
pour la dopamine, permettant un effet neuromodulateur [7]. En pratique, la
stimulation simultanée des D1 et D2 semble synergique, comme le suggère la plus
grande efficacité chez l'homme des agonistes dopaminergiques associant une
activité D1 et D2 (apomorphine > pergolide > bromocriptine). Ainsi, l'agoniste
dopaminergique le plus puissant parmi les dérivés de l'ergot de seigle est le
pergolide [8], et c'est aussi celui possédant la plus forte affinité pour les
récepteurs D1 (Tableau II).  

La répartition encéphalique des divers sous-types de récepteurs permet de
présumer de leur implication dans divers processus fonctionnels (Figure 4).
Ainsi les récepteurs D1 sont ubiquitaires, corticaux et sous-corticaux, et
seraient impliqués dans l'activité motrice et la mémoire de travail. Les D2 sont
essentiellement présents dans les ganglions de la base et sont liés à la
motricité. Les D3 et D4 (D5) sont préférentiellement localisés au niveau du
système limbique et pourraient être à l'origine de certaines manifestations
psychiatriques. Les D3 interviennent dans la régulation de la motivation. Le
rôle des D4 et D5 est encore mal connu.

3.3 Relations structure-activité
Les données sont relativement exhaustives dans ce domaine, en particulier
concernant les agonistes dopaminergiques dérivés de l'ergot de seigle [9].
L'analogie structurale avec la dopamine permet de préciser la structure
responsable de l'effet pharmacologique (pharmacophore). La configuration
spatiale associant deux groupements hydroxyles en 3, 4 séparés de l'atome
d'azote par une distance de 7 à 8 Angström est indispensable à l'interaction de
la dopamine avec ses récepteurs (Figure 5).

Un agoniste D1 doit posséder cette stricte conformation. Les exigences sont
moins sévères pour les agonistes D2. L'adjonction d'une chaîne latérale
détermine, par sa configuration spatiale, l'affinité et la sélectivité du
composé, puisque de cette configuration dépend l'étroitesse du contact entre le
pharmacophore et le récepteur. Ceci rend possible la fabrication d'agonistes ou
d'antagonistes dopaminergiques plus ou moins spécifiques d'un sous-type de
récepteur.  
4 Principaux médicaments antiparkinsoniens
Historiquement, le premier traitement pharmacologique proposé (l'extrait de
belladonne) visait à abaisser l'hyperactivité cholinergique striatale. Depuis
l'avènement de la L-DOPA, l'objectif est devenu la restauration du tonus
dopaminergique inhibiteur. Dans les années soixante, la dopa-thérapie inaugurait
ainsi le concept du remplacement d'un neuromédiateur déficient dans le
traitement des maladies neurodégénératives. Actuellement on peut considérer que
seuls les troubles moteurs (akinésie, rigidité, tremblement) sont accessibles à
la thérapeutique. La figure 6 rappelle le mode d'action des principaux
médicaments antiparkinsoniens.
4.1 Anticholinergiques
Ils réduisent l'hyperactivité cholinergique striatale résultant de la réduction
du tonus inhibiteur dopaminergique. Classiquement, ils sont sensés agir
préférentiellement sur la rigidité et le tremblement [10]. L'utilisation de
l'atropine a été introduite en France vers 1870 par Charcot, qui en avait
remarqué l'effet bénéfique sur le tremblement. Les dérivés synthétiques de
l'atropine, mieux tolérés, sont apparus dans les années cinquante, et ont
constitué l'essentiel du traitement pharmacologique de la maladie de Parkinson
avant l'avènement de la L-DOPA. Actuellement, ils ne sont plus guère utilisés
(trihexyphénidyle (Artane*), tropatépine (Lepticur*). Des effets indésirables
périphériques muscariniques subsistent (sécheresse buccale, troubles de
l'accommodation, rétention urinaire, constipation), mais sont nettement moins
marqués qu'avec l'atropine. Ils peuvent être exploités pour améliorer  d'autres
symptômes de la maladie comme l'hypersalivation.
Les contre-indications actuelles des anticholinergiques sont l'adénome
prostatique et le glaucome à angle fermé. Généralement, on évite ces produits
chez des patients âgés. En effet, les effets indésirables centraux (confusion,
troubles mnésiques) sont  directement liés à l'activité muscarinique, et, comme
en ce qui concerne les agonistes dopaminergiques, sont favorisés par une
détérioration intellectuelle ou un âge avancé. Dans ce cas, le recours à des
médicaments antihistaminiques non sélectifs ou à l'amitriptyline (Laroxyl*),
possédant des propriétés anticholinergiques moindres peut être proposé [10].  
4.2 L-DOPA
C'est le médicament le plus utilisé car le plus actif. Il s'agit d'un précurseur
de la dopamine capable de traverser la barrière hémato-encéphalique. Seul le
stéréoisomère lévogyre est actif, ce que les relations structure-activité
explicitent pleinement. La L-DOPA est absorbée essentiellement au niveau du
jéjunum, où des phénomènes de compétition avec des acides aminés aromatiques
provenant de l'alimentation protidique peuvent survenir, expliquant une part de
la variation intra-individuelle d'activité du médicament. La L-DOPA se distribue
largement à tous les tissus, y compris le cerveau. Elle y est décarboxylée en
dopamine et stockée à l'intérieur des neurones. La décarboxylation périphérique
interdisant le passage encéphalique et étant la source d'effets indésirables
(hypotension artérielle, nausées et vomissements), l'association de la L-DOPA à
des inhibiteurs de la décarboxylase périphérique (AADC ou aromatic L-amino acid
decarboxylase) a été généralisée dans les années 70. Ces inhibiteurs (le
bensérazide ou la carbidopa) ont permis de réduire considérablement les effets
indésirables liés à la formation périphérique de dopamine, et de multiplier la
biodisponibilité de la dopa dans le cerveau par 10.

La dopamine stimule tous les récepteurs dopaminergiques et l'on pourrait penser
que la L-DOPA constitue le médicament idéal. Ce n'est pas tout à fait le cas en
termes pharmacocinétiques. En effet, la demi-vie plasmatique de la L-DOPA est
courte, de l'ordre de 1,5 à 3 heures (en présence d'un inhibiteur de la
dopa-décarboxylase). Ce sont les neurones dopaminergiques survivants qui
assurent l'amortissement de cette cinétique, grâce à leur capacité de stockage
et de sécrétion endogène de dopamine. Lorsque la perte neuronale devient
critique, la seule dopathérapie ne permet plus d'assurer une stimulation
dopaminergique stable. L'état moteur du patient tend alors à suivre précisément
l'évolution de la concentration plasmatique en L-DOPA (Figure 7), et des
troubles moteurs nouveaux apparaissent (fluctuations motrices, dyskinésies).  

Ils semblent résulter de la stimulation intermittente des récepteurs
dopaminergiques, peut-être à l'origine d'une modification de leur sensibilité
[11]. Diverses solutions existent pour retrouver une stimulation dopaminergique
stable. L'infusion continue de L-DOPA est très efficace [12], mais difficilement
réalisable en routine. Les formes LP de la DOPA prolongent la demi-vie
plasmatique en ralentissant l'absorption digestive, mais possèdent une faible
biodisponibilité (2/3 à 3/4 de celle de la forme standart de L-DOPA). De plus,
elles restent sensibles aux anomalies de la motricité gastro-intestinale,
particulièrement fréquentes en cas de maladie évoluée [13]. Elles peuvent
cependant se révéler souples d'emploi en début de maladie, et sont utiles en
prescription le soir afin d'améliorer la qualité du sommeil. Le plus souvent, il
devient nécessaire au bout de quelques années d'évolution de recourir à un
fractionnement des doses de L-DOPA [14]. Malheureusement, ces mesures suffisent
rarement, et toutes les classes de médicaments développés ces dernières années
(agonistes dopaminergiques, inhibiteurs enzymatiques) visent à éviter ces effets
indésirables de la dopathérapie, essentiellement par une augmentation de la
durée d'action au niveau synaptique.  
4.3 Agonistes dopaminergiques

Tous les agonistes dopaminergiques stimulent les récepteurs D2, initialement
considérés comme étant seuls impliqués dans les effets moteurs de la dopamine.
Ces médicaments sont généralement fortement liposolubles et possèdent donc une
durée d'action prolongée mais sont fortement liés aux protéines plasmatiques. A
l'inverse de la L-DOPA, leur résorption digestive n'est pas influencée par
l'alimentation et leur activité pharmacologique est indépendante du stock de
neurones dopaminergiques puisqu'ils agissent directement sur les récepteurs
post-synaptiques qui restent, au moins en partie, préservés au cours de la
maladie [15].
On distingue deux classes parmi ces produits. Les plus anciens sont dérivés des
alcaloïdes de l'ergot de seigle ou "ergopeptines". Ils possèdent, outre des
propriétés agonistes dopaminergiques, des propriétés alpha - adrénergiques ou
sérotoninergiques, responsables d'effets indésirables (vasospasme, œdème des
membres inférieurs, fibrose pulmonaire ou rétropéritonéale). Les agonistes plus
récents sont des composés synthétiques plus spécifiques des récepteurs D2,
présentant moins d'effets indésirables. Certains effets adverses restent
cependant communs aux agonistes dopaminergiques et à la L-DOPA, en particulier
les effets psychiatriques (confusion, hallucinations). Ils seraient liés à une
stimulation des récepteurs cortico-limbiques D3 et D4, mais peut-être également
sérotoninergiques, si l'on en croit la plus forte incidence de ces
manifestations rencontrées avec des molécules possédant une activité agoniste
5-HT (bromocriptine, lisuride).
De nombreuses études ont été conduites concernant ces produits [16], les
comparant le plus souvent au représentant de leur classe pharmacologique faisant
référence, la bromocriptine en Europe et le pergolide aux Etats-Unis. Il est
difficile actuellement d'affirmer la supériorité d'une molécule en particulier.
Ces produits semblent cependant moins efficaces que la L-DOPA en monothérapie
[17], ce que leur faible homologie de structure avec la dopamine peut expliquer
(Figure .

Ergopeptines

* Bromocriptine (Parlodel*) : c'est l'agoniste dopaminergique le plus ancien.
C'est un agoniste D2 et un antagoniste D1. Il possède également des propriétés
alpha-adrénolytique et agoniste sérotoninergique.

* Lisuride (Dopergine*): sa durée d'action est faible, mais il est soluble dans
l'eau, et pourrait être proposé en solution injectable comme l'apomorphine.
C'est un agoniste D2 et 5HT2, un antagoniste D1 partiel.

* Pergolide (Permax*) : c'est l'agoniste dopaminergique le plus puissant après
l'apomorphine et c'est un agoniste D1 et D2. Il est très utilisé aux USA depuis
plus de 15 ans. Il n'est pas encore commercialisé en France.

* Cabergoline (Dostinex*) : c'est un agoniste D2 assez sélectif, fortement
liposoluble. Une caractéristique intéressante est sa durée d'action très
prolongée (demi-vie 65 heures environ) qui devrait assurer une stimulation
dopaminergique particulièrement stable. Il a été développé initialement pour le
traitement de l'hyperprolactinémie. Ce produit serait au moins aussi actif que
la bromocriptine [18].

Non-ergopeptines

* Piribebil (Trivastal*) : c'est un agoniste D2 et D3. Il est de plus faiblement
agoniste D1 par l'un de ses métabolites, le S-584, possédant une analogie de
structure avec la dopamine. Sa biodisponibilité est très variable

* Apomorphine (Apokinon*) : c'est un dérivé hémisynthétique de l'opium, utilisé
par voie injectable sous-cutanée, car sa biodisponibilité par voie orale est
faible, liée à un effet de premier passage hépatique. Il stimule intensément les
récepteurs D1 et D2 comme la dopamine et possède de nombreuses activités
accessoires envers d'autres neuromédiateurs cérébraux. Sa durée d'action est
très faible (de l'ordre d'une heure), ce qui le fait réserver aux fluctuations
brutales de l'état moteur observées en cas de maladie évoluée (effet "on-off"),
d'autant plus que sa toxicité neuropsychiatrique est faible. Une forme
sub-linguale et une forme intra-nasale sont en cours de développement.

* Ropinirole (Requip*) : c'est un agoniste D2, mais aussi D3 et D4. Il serait
plus efficace que la bromocriptine. Sa commercialisation est récente.

* Pramipexole (Mirapex*) et talipexol sont de nouveaux agonistes D2, D3 et D4,
en cours d'évaluation dans des essais de phase II et III. Le ropinirole et le
pramipexole possèdent l'avantage d'une fixation faible aux protéines
plasmatiques, ce qui réduit la probabilité d'interactions médicamenteuses. Le
pramipexole posséderait en outre une bonne activité sur les formes tremblantes
de la maladie.

Le tableau III rappelle les caractéristiques pharmacocinétiques des principaux
agonistes dopaminergiques.  
4.4 Inhibiteurs enzymatiques
Le concept sous-jacent au développement de ces médicaments était de prolonger
l'effet thérapeutique de la L-DOPA en inhibant les enzymes participant à sa
dégradation. La MAO a été la première cible pharmacologique dans ce domaine,
aboutissant à la commercialisation en Europe dans les années 70 de la sélégiline
(Deprenyl*), un inhibiteur non compétitif sélectif de la MAO-B. Ce produit
possède un léger effet symptomatique propre et prolonge effectivement la durée
d'action de la L-DOPA [19, 20]. Il traverse bien la barrière
hémato-encéphalique, sa demi-vie plasmatique est longue, de l'ordre de 40
heures, mais l'effet thérapeutique est bien plus prolongé, puisque lié au
turn-over de la MAO, voisin de 10 jours. L'association avec les antidépresseurs
inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) est déconseillée, puisque la
MAO participe également au catabolisme des indolamines (risque de syndrome
sérotoninergique). Un hypothétique effet neuroprotecteur, proposé dans la
discussion des résultats de l'étude DATATOP [21, 22], reste difficile à prouver,
du fait d'une intrication avec l'effet symptomatique [23, 24]. Enfin, une
surmortalité a été rapportée chez des patients recevant cette molécule [25],
mais des études plus récentes ne semblent pas confirmer cette suspiçion [26].

Les inhibiteurs de la Catéchol-O-Méthyl Transférase (COMT) sont du domaine de
l'actualité (Figure 9). Tous les médicaments de cette classe pharmacologique
sont des inhibiteurs compétitifs sélectifs de la COMT. Entacapone (Comtan*) et
nitecapone agissent essentiellement au niveau périphérique (tube digestif, foie
et plasma), en inhibant la transformation par la COMT de la L-DOPA en
3-O-méthyldopa (3-OMD), un métabolite inactif présumé antagoniser la pénétration
de la L-DOPA dans le cerveau. La tolcapone agit de plus au niveau central, et
c'est l'inhibiteur de la COMT le plus puissant [27]. Le CGP 28014 possède une
structure chimique différente, et n'est actif qu'au niveau central, probablement
après transformation en un métabolite actif. Le volume de distribution de tous
ces produits est faible, et ils sont fortement liés à l'albumine plasmatique.
Leur catabolisme implique une glucuronoconjugaison, et, pour la tolcapone, une
oxydation par le cytochrome P450, ce qui ouvre la possibilité d'interactions
médicamenteuses.  

Tous les ICOMT augmentent la biodisponibilité de la L-DOPA (au minimum
doublement de l'aire sous la courbe) et sa demi-vie plasmatique. L'effet
thérapeutique peut être considéré comme un lissage des concentrations
plasmatiques en L-DOPA. Ces molécules ont montré une activité dans le traitement
des fluctuations d'effet d'intensité modérée (augmentation de la durée des
périodes "on"). La COMT n'accepte comme substrat que les substances possédant le
noyau pyrocatéchol (la L-DOPA, les catécholamines ou leurs dérivés : adrénaline,
isoprotérénol, alpha-méthyldopa, dobutamine, nadolol, catéchol-oestrogenes). La
commercialisation de la tolcapone (Tasmar*) a été suspendue en France le 17
novembre 1998, après la survenue de plusieurs cas d'hépatites fulminantes.  

4.5 Autres médicaments symptomatiques

Leur usage reste marginal. Nous ne citerons que les principaux :

* Amantadine (Mantadix*) : c'est un agent antiparkinsonien peu actif, bien
toléré, dont le mécanisme d'action est mal connu (inhibition de la recapture de
la dopamine et effet dopamimétique direct post-synaptique, antagoniste des
récepteurs NMDA, effet antimuscarinique). Il est peu employé, et posséderait un
effet transitoire peut-être explicable par l'un de ses mécanismes d'action
(déplétion de réserves en dopamine déjà basses chez les patients parkinsoniens).

* Baclofène (Liorésal*) : c'est un médicament antispastique qui semble efficace
sur les dystonies de période "off" [28]. Il est difficile de préciser s'il agit
sur une cible spinale ou encéphalique. Les benzodiazépines, plus liposolubles,
pourraient se révéler également utiles. Elles possèdent en outre la propriété de
réduire le tremblement.

* Cisapride (Prepulsid*): c'est un agent prokinétique. Il accélère le transit
intestinal et la vidange gastrique. Il agit en favorisant la libération
d'acétylcholine au niveau du plexus mésentérique. Certains l'ont proposé pour
réduire les variations d'efficacité de la L-DOPA dues aux troubles de la
motricité digestive chez le parkinsonien [29]. Cependant, ses propriétés
cholino-mimétiques pourraient aussi le contre indiquer chez ces patients.
4.6 Correcteurs des effets indésirables de la dopa-thérapie
Il est bien difficile de distinguer les "complications" liées à la dopa-thérapie
de celles produites par l'évolution naturelle de la maladie, car ces phénomènes
concernent des patients dont la maladie est évoluée, et donc qui sont traités
depuis plusieurs années par la L-DOPA. On inclut dans ces effets indésirables
les troubles digestifs, l'hypotension orthostatique, les fluctuations motrices
et les troubles psychiatriques. Certaines de ces manifestation sont accessibles
à un traitement pharmacologique.

On peut noter tout d'abord ici qu'un sevrage brutal en L-DOPA peut induire
l'équivalent d'un syndrome malin des neuroleptiques. Une simple réduction
brutale de la posologie pourrait vraisemblablement produire le même effet.

Les nausées et vomissements, ainsi que l'hypotension orthostatique induits par
la L-DOPA ou les agonistes dopaminergiques peuvent bénéficier de la prescription
de dompéridone [30]. Il s'agit d'un antagoniste dopaminergique D2 puissant, ne
passant pas la barrière hémato - encéphalique, du moins aux doses prescrites. Ce
médicament n'est pas disponible aux USA. La correction de l'hypotension
orthostatique peut également bénéficier de la midodrine (Gutron*), un
alpha-adrénomimétique d'action périphérique.

Les manifestations psychiatriques ("psychose dopaminergique") sont remarquables
par la fréquence des hallucinations, surtout visuelles. Elles sont rencontrées
généralement en fin d'évolution ou lorsqu'il existe des troubles cognitifs.
Elles peuvent apparaître spontanément ou être favorisées par la thérapeutique
(L-DOPA, anticholinergiques, agonistes dopaminergiques). Elles seraient liés à
une stimulation excessive des récepteurs dopaminergiques mésolimbiques, mais une
responsabilité au moins partielle de la transmission sérotoninergique a été
soulevée, avec comme corollaire thérapeutique l'emploi possible d'antagonistes
de la sérotonine [31]. Ces manifestations ont pu bénéficier du développement des
neuroleptiques atypiques [32]. Ces antagonistes plus spécifiques des récepteurs
D3 et D4 génèrent en effet moins d'effets indésirables extra-pyramidaux et il
faut noter qu'ils possèdent également des propriétés antagonistes 5HT [33]. La
toxicité hématologique de la clozapine pourrait faire préférer des
neuroleptiques atypiques plus récents comme la rispéridone ou l'olanzapine (5HT2
antagonistes) [34, 35].  
5 Concepts actuels
Il faut rappeler tout d'abord qu'actuellement, aucun médicament n'a démontré
d'efficacité sur la progression de la maladie. Le traitement médicamenteux reste
donc aujourd'hui encore purement symptomatique.
La tendance actuelle est d'accorder une plus grande place aux agonistes
dopaminergiques dans le traitement de la maladie de Parkinson au stade initial,
sous forme d'une monothérapie ou d'une association à la lévodopa, dans le but de
prévenir les fluctuations motrices tardives. En effet, bien que la question
d'une neurotoxicité éventuelle de la L-DOPA reste débattue, en l'absence de
preuve formelle chez l'homme, l'incidence des fluctuations motrices L-DOPA
induites survenant chez un certain nombre de patients après plusieurs années de
traitement encourage à l'utilisation plus précoce d'agonistes dopaminergiques.
C'est encore dans cette classe pharmacologique que la recherche de nouvelles
molécules est la plus avancée, ouvrant la possibilité de voir apparaitre sur le
marché, après les agonistes D2 (D3, D4) récemment commercialisés, des agonistes
plus spécifiques des récepteurs D1.  
6 Conclusion
La maladie de Parkinson atteint environ une personne sur mille dans le monde, et
devrait progresser avec le vieillissement de la population (36). La
pharmacologie de cette maladie a atteint aujourd'hui un haut niveau de
sophistication et constitue un modèle pour le traitement des autres maladies
neurodégénératives. De nombreux concepts thérapeutiques ont en effet été
développés au cours des cinquante dernières années, et la connaissance des
systèmes de neurotransmetteurs cérébraux progresse chaque jour. Cela laisse
espérer pour demain un traitement pharmacologique des symptômes dopa-résistants,
encore hors d'atteinte aujourd'hui.  
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Pharmacologie de la maladie d'Alzheimer
Dr. Oussama Zékri
Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, av du Pr. Léon Bernard 35043 Rennes cedex
 
mis à jour le 2 janvier 1999
1 Introduction
2 Physiopathologie
2.1 Les lésions spécifiques
2.2 La biochimie de la MA
2.3 La génétique de la MA
3 Les axes de développement des médicaments     3.1 Facteurs de croissance
neuronale
3.2 Prévention de la formation de l'amyloïde
3.3 La substitution en neurotransmetteurs
3.4 Les nootropes et les neuroprotecteurs
4 Conclusion
5 Bibliographie  
1 Introduction
La maladie d'Alzheimer (MA) est une démence neurodégénérative à prédominante
corticale qui touche en premier lieu les fonctions cognitives et se répercute
sur le comportement et l'adaptation sociale des patients. Elle survient en
moyenne autour de 65 ans et concerne actuellement environ 350 000 personnes en
France. Sa prévalence (5 % de plus de 65 ans, 20 % des plus de 80 ans) et la
charge économique et sociale qu'elle fait peser sur la société (70 % des lits en
hôpitaux de long séjour) en fait un problème majeur de santé publique dans tous
les pays industrialisés.

Des programmes d'action à grande échelle commencent à voir le jour (voir les
sites Internet du programme European Alzheimer Clearing House
(http://www.each.be/) et du groupe d'harmonisation
(http://weatherhead.cwru.edu.harmon/) insistant sur l'optimisation de la prise
en charge globale mais également sur le diagnostic précoce et le dépistage. La
sensibilisation des acteurs de la santé, les médecins généralistes, en
particulier, est un axe primordial de la stratégie visant à détecter, à des
stades précoces, les signes avant-coureurs de cette affection.

Il est admis que 75 % des patients débutent la maladie d'Alzheimer par un
trouble mnésique. Ensuite, le tableau s'enrichit progressivement et
inexorablement par des troubles affectifs, comportementaux et une perte
d'autonomie dans les actes de la vie quotidienne conduisant alors à une
institutionalisation.
2 Physiopathologie
2.1 Les lésions spécifiques
La nature neurodégénérative de la maladie d'Alzheimer se traduit par des lésions
histopathologiques bien précises qui sont les plaques séniles (PS) et les
dégénérescences neurofibrillaires (DNF). Une troisième lésion caractéristique
est l'atrophie corticale.
2.1.1 L'atrophie corticale (cf. imagerie)
Chez les patients atteints de MA, le cerveau peut perdre 8 à 10 % de son poids
tous les dix ans alors que chez des sujets sains cette perte n'est que de 2 %.
L'atrophie corticale s'accompagne d'une dilatation des ventricules cérébraux et
des sillons corticaux ainsi que d'une perte neuronale affectant particulièrement
le système cholinergique (noyau basal de Meynert, septum, cortex entorhinal,
amygdale et hippocampe).
2.1.2 Les plaques séniles
Ce sont des dépôts extracellulaires de substance amyloïde de forme sphérique. La
substance amyloïde est constituée de filaments d'un polypeptide de 39 à 43
aminoacides (42 AA dans sa forme la plus toxique) appelée protéine bêta-amyloïde
(ou peptide b-A4 ou Ab) et dont la conformation en feuillets b lui confère son
caractère insoluble et probablement, sa toxicité. Ce peptide provient d'un
clivage anormal d'une glycoprotéine membranaire appelée Amyloïd Precursor
Protein (ou APP). Les amas amyloïdes sont entourés de prolongements neuritiques
et de cellules gliales, preuves de la mort cellulaire.
2.1.3 Les dégénérescences neurofibrillaires
A l'inverse des plaques séniles, les DNF se situent à l'intérieur des neurones.
Ce sont des échevaux de filaments anormaux constitués, entre autres, d'une forme
hyperphosphorylée de la protéine tau qui prend alors l'aspect de paires de
filaments hélicoïdaux. La protéine tau normalement phosphorylée (2 ou 3 fois
contre 5 à 9 fois dans la MA) joue un rôle dans la
polymérisation-dépolymérisation des microtubules du cytosquelette neuronal et
partant, dans le transport axonal.

La substance bêta-amyloïde semble jouer un rôle indirect dans
l'hyperphosphorylation de la protéine tau alors que les Apolipoprotéines E2 et
E3 empêchent cette phosphorylation en formant un complexe avec la protéine tau.
A l'inverse, l'Apo E4 n'a pas d'affinité pour la protéine tau et ne peut donc
jouer ce rôle de protection.
2.2 La biochimie de la MA
Plusieurs molécules interviennent dans le processus physiopathologique de la MA.
Leur rôle dans le déclenchement de ce processus n'est pas bien établi à l'heure
actuelle.
2.2.1 La cascade amyloïde
L'APP est une protéine très répandue dans l'organisme jouant plusieurs rôles
dans les cellules dans le SNC, en particulier. C'est une molécule d'interaction
cellule-cellule, un récepteur de surface et un facteur de croissance (formation
du cytosquelette, régulation du calcium intracellulaire, formation des synapses,
modulation des cholinestérases ...). Elle est véhiculée dans l'axone vers
l'extrémité nerveuse et la synapse où elle joue un rôle important dans la
plasticité neuronale et la neurotransmission. Cette molécule existe sous trois
formes provenant du splicing de l'ARN messager : l'APP 695 (majoritaire dans le
cerveau), l'APP 751 et l'APP 770 (toutes deux minoritaires mais possédant un
domaine similaire aux inhibiteurs de protéases de la famille Kunitz). Ces deux
dernières isoformes sont surexprimées au cours du viellissement  physiologique,
de la trisomie 21 et de la de la maladie d'Alzheimer. Le clivage anormal de
l'APP pourrait être dû soit à une mutation du gène codant (cette mutation n'est
ni nécessaire, ni suffisante), soit à la présence d'un inhibiteur de protéase
KPI (Kunitz-type protease inhibitor) qui pourrait empêcher l'action de
l'a-secrétase (protéase assurant le clivage non pathologique de l'APP) laissant
ainsi le champ libre aux b-secrétase et g-secrétase produisant le fragment b-A4.
Ainsi, l'altération du transport de l'APP vers la synapse ou l'altération de son
métabolisme aboutit à des pertes synaptiques se traduisant par un
dysfonctionnement précoce dans le cerveau des patients atteints de maladie
d'Alzheimer. Enfin, la mutation du gène de l'APP diminue la production de l'APP
soluble sécrétée qui protège le neurone contre le stress oxydatif.

Les radicaux libres ont également été cités pour expliquer la formation de la
protéine Ab et son agrégation via l'augmentation excessive de l'oxydation
protéique et du potentiel redox.

La protéine bêta-amyloïde s'accumule dans le milieu extracellulaire puis
s'agrège avec différentes substances ( l'apolipoprotéine E,
l'a-antichymotrypsine, l'acétylcholinestérase, la laminine, la fibronectine,
l'ubiquitine, des protéoglycannes, l'aluminium, le fer, la protéine tau ...).
L'effet neurotoxique de ces dépôts amyloïdes serait à la fois direct et
indirect, par induction d'une entrée massive de calcium dans la cellule
(altération de la membrane cellulaire et stimulation des aminoacides excitateurs
comme le glutamate) et par activation de la microglie qui provoque une
augmentation des radicaux libres et des réactions inflammatoires. Le résultat
final de cette cascade est la mort neuronale (par nécrose et/ou apoptose).
2.2.2 L'hyperphosphorylation de la protéine tau
La protéine tau est une protéine associée au microtubules du cytosquelette. Son
affintié pour ces structures est régulée par phosphorylation. Une
hyperphosphorylation de la protéine tau empêche celle-ci d'exercer son rôle de
polymérisation et de stabilisation des microtubules du cytosquelette neuronal.
Il s'ensuit une perturbation du réseau microtubulaire et donc du transport
axonal. L'atteinte de ce système vital entraînerait la dégénérescence du
neurone. Il se forme 3 variants intracellulaires insolubles et pathologiques de
la protéine tau (tau 55, tau 64, tau 69) qui s'agrègent par paires hélicoïdales
de filaments et qui, après glycosylation, constituent les dégénérescences
neurofibrillaires (DNF).

Les kinases impliquées dans l'hyperphosphorylation de la protéine tau sont
essentiellement des MAP-kinases (Mitogen Activated Protein). L'activation des
ces MAP-kinases peut être due à différents facteurs : diffusion intraneuronale
de substance amyloïde soluble, stimulation du glutamate induisant une entrée
calcique.

Il existe un mécanisme de dégradation de la protéine tau anormale : liaison à
l'ubiquitine qui signale ainsi les protéines à dégrader aux protéasomes 26 S
ATP-dépendants. Il a été montré que les taux d'ubiquitine libre et conjuguée
augmentent lors de la réponse cellulaire normale aux stress de types oxydatifs,
ischémiques et excitotoxiques. Cependant, dans la maladie d'Alzheimer, l'Ab
inhibe le fonctionnement du protéasome conduisant ainsi à l'accumulation et à
l'agrégation des protéines tau hyperphosphorylées dans les DNF.
 2.2.3 L'hypométabolisme
Aux stades précoces de la MA, des études par PET-Scan (Tomographie par Emission
de Positon) a montré une réduction de l'utilisation du glucose dans le cerveau
des patients. Des auteurs ont montré que ce phénomène est dû, pour une large
part, à une diminution de l'activité du signal de transduction des récepteurs à
l'insuline.

Une mutation dans un gène mitochondrial codant pour la cytochrome oxydase semble
être la cause à la fois d'une production de radicaux libres et d'un
dysfonctionnement métabolique du neurone qui le fragilise face aux différents
stress.
 2.2.4 Le stress oxydatif
Une corrélation entre des mutations héréditaires de l'ADN mitochondrial et de la
MA a été mise en évidence. Les gènes mis en cause sont ceux des cytochrome
oxydases (CO) I et II qui font partie de la chaîne de transport d'électrons de
la mitochondrie. Ces mutations ont pour conséquence une réduction de l'activité
des CO et donc une accumulation des radicaux oxygénés actifs. Ces résultats sont
à mettre en parallèle avec la baisse des taux des CO dans le cerveau des
patients atteints de MA, les déficits du métabolisme énergétique et le rôle des
radicaux libres dans cette pathologie. Le schéma physiopathologique serait le
suivant :

      mutation du mtDNA ==> baisse des CO ==> augmentation des RL ==>
augmentation de la péroxydation lipidique membranaire ==> diminution de l'entrée
du glucose dans le neurone ==> baisse de l'activité des ATPases ==> augmentation
de la vulnérabilité des neurones à l'éxcitotoxicité et à l'apoptose.

2.2.5 L'inflammation
Des études épidémiologiques ont montré un effet protecteur des
anti-inflammatoires contre la survenue de la MA chez les patients souffrant de
polyarthrite rhumatoïde. A partir de cette donnée, il a été mis en évidence la
présence en abondance de cytokines (en particulier l'interleukine-1-b) dans le
cerveau atteint de MA. Cette cytokine ou un autre médiateur de l'inflammation
(complément ... ) pourrait jouer un dans la neurotoxicité de la protéine
amyloïde. L'accumulation de l'Ab semble induire une activation locale de la
microglie et des astrocytes qui libèrent alors les cytokines et des protéines de
phase aiguë. L'interleukine-1 active la synthèse de l'APP. Sa production en
excès pourrait saturer l'a-secrétase et dévier le métabolisme de l'APP vers la
b-amyloïde. D'autre part, les cellules gliales sont responsables de la synthèse
des Apo E qui elles-mêmes jouent un rôle important dans l'amyloïdogenèse. en
effet, l'isoforme la plus fréquente apoE3, se lie à la forme a de l'APP soluble
en masquant le(s) domaine(s) responsable(s) de l'activation de la microglie. De
ce fait, la réaction inflammatoire n'a pas lieu. L'apoE4 possède une affinité
beacoup plus faible pour la sAPP-a permettant ainsi l'inflammation. Ce processus
inflammatoire peut enfin générer une augmentation locale des radicaux libres.
2.2.6 Les neurotransmetteurs
Les lésions de la MA touchent principalement les voies cholinergiques mais
d'autres régions sont atteintes également. Il en résulte une diminution parfois
massive des taux de neurotransmetteurs circulant dans le cerveau. Le déficit
cholinergique peut atteindre jusqu'à 90 % dans les stades sévères de la maladie
et concerne le néocortex, l'hippocampe, le noyau basal de Meynert, la bandelette
diagonale de broca, le septum, le striatum et le thalamus. Le déficit
somatostatinergique touche le néocortex et l'hippocampe. La baisse des
concentrations peut atteindre 60 %.

  Tableau I : Déficits en neurotransmetteurs autres que cholinergiques et
somatostatinergiques
Neurotransmetteur
    
Evolution dans la maladie d'Alzheimer
Neuropeptide Y     diminution dans le cortex temporal, l'hippocampe
Substance P     diminution dans le néocortex et l'hippocampe
Corticolibérine (CRF)     diminution dans le cortex, le noyau caudé
Noradrénaline     diminution de 30-40 % dans le cortex, l'hippocampe
Sérotonine     diminution dans les structures corticales et sous-corticales
Dopamine      pas d'altération
Gaba      diminution modeste dans le cortex et l'hippocampe

Il existe également des modifications concernant les récepteurs, en particulier
à l'acétylcholine. La densité des récepteurs nicotiniques baisse au niveau du
cortex, alors que celle des récepteurs muscariniques se maintient dans les
régions corticales et hippocampiques. Ceci a résulté dans le développement
d'agonistes muscariniques. La répercussion de la MA sur plusieurs systèmes de
neurotransmission explique les limitations des traitements exclusivement
cholinomimétiques.
2.3 La génétique de la MA
Plusieurs mutations génétiques ont été associées à la MA grâce à l'étude de cas
familiaux de cette maladie. Cependant, l'existence de formes familiales ne doit
pas conduire à conclure que c'est une maladie héréditaire. Quatre gènes ont été
identifiés.

  Tableau II : Mutations génétiques corrélées à la MA et leurs conséquences
Gène     Chromosome     Molécule     Age moyen de survenue     Conséquence
biologique     Conséquence clinique
APP     21     
APP
    
50aine
    Augmentation de la production de Ab totale et Ab42     MA familiale et/ou
angiopathie amyloïde
S182     14     
Préséniline-1
    
40aine
50aine
    Augmentation de la production de Ab42     MA familiale
STM2 ou E5-1
    1     
Préséniline-2
    
50aine
    Augmentation de la production de Ab42     MA familiale
ApoE e4
    19     
Apo E4
    
60aine et plus
    Augmentation de la densité des plaques de Ab et des dépôts vasculaires   
 Risque supérieur de MA
CO I, CO II
    mtDNA     
Cytochrome oxydases I et II
    
60aine et plus
    Stress oxydatif
Déficits métaboliques     Risque supérieur de MA
 

Les mutations sur le gène de la PS-1 sont les plus fréquentes aboutissant en
règle générale à un début précoce de la maladie (il a été rapporté des cas de
début à 30 ans). L'évolution est rapide et peut comporter des myoclonies et et
des crises d'épilepsie. Les mutations du gènes de la PS-2 sont plus rares (cas
des "allemands de la volga"). La maladie se déclare vers 55 ans mais ne montre
aucune différence clinique avec la forme sporadique. Les mutations des gènes des
présénilines auraient pour conséquence une altération de l'homéostasie calcique
dans le réticulum endoplasmique, une augmentation du stress oxydatif
mitochondrial et de l'apoptose.

Le gène de l'APP présente de rares mutations (moins de 30 familles connues
aujourd'hui dans le monde). La maladie débute vers 50 ans et présente une
évolution classique.

Les formes héréditaires de la MA représentent 10-15 % de l'ensemble.

L'apolipoprotéine E est une molécule très répandue dans l'organisme où elle
joue, notamment, un rôle de transporteur du cholestérol. Le gène de l'Apo E
existe sous la forme de trois allèles : e2, e3, e4. L'Apo E4 est un facteur de
risque majeur de la MA tardive, qu'elle soit familiale ou sporadique.
Inversement, l'Apo E2 semble être un facteur protecteur. L'isoforme la plus
répandue de cette protéine est l'apo E3. L'apo E4, après oxydation, forme un
complexe avec la protéine amyloïde qui se retrouve dans les plaques séniles.  
3 Les axes de développement des médicaments
A ce jour, l'étiologie de la MA est encore inconnue. L'absence de marqueurs
biologiques fiables et la complexité de la physiopathologie rendent extrèmement
difficile le développement de médicaments dans cette indication. Les stratégies
thérapeutiques envisageables sont :

    * La prévention primaire

    C'est une approche axée sur la population générale visant à contrôler les
facteurs de risques et de déclenchement de la maladie. Cette approche est
actuellement impossible du fait de la méconnaissance de l'étiologie de la MA.

    * La prévention secondaire

    Elle est axée sur l'individu. Un dépistage des patients à risque permettrait
d'intervenir précocément à l'aide des moyens à disposition. Cette action
nécessiterait des moyens diagnostiques et thérapeutiques actuellement
indisponibles. Les aspects éthiques de cette approches revêtent une importance
considérable et font l'objet de travaux nombreux.

    * La prévention tertiaire

    C'est l'action sur les conséquences de la maladie. Dans le cas de la MA, il
s'agit de corriger les symptômes et éventuellement de ralentir la progression de
la maladie.

La mise en oeuvre de ces stratégies dépend des outils thérapeutiques issus de la
recherche clinique et de l'avancement de la connaissance sur l'étiopathogénie de
la maladie. Actuellement, seuls des traitements symptomatiques existent.
Cependant, d'autres pistes sont explorées et aboutiront certainement dans les
années à venir.
 3.1 Facteurs de croissance neuronale
Le NGF pour Nerve Growth Factor et les gangliosides (GM1) sont des molécules qui
stimulent les actions trophiques des neurones. Leur utilisation s'inscrit dans
le contexte de la perte synaptique inhérent à la MA. Les difficultés
d'administration (injection intra-ventriculaire cérébrale) et les effets
indésirables de ces substances les rendent difficiles à manipuler. Des travaux
sont actuellement en cours.
3.2 Prévention de la formation de l'amyloïde
La synthèse du peptide Ab et son agrégation sont l'élément central de la
physiopathologie de la MA. Des phénomènes similaires sont d'ailleurs impliqués
dans d'autres pathologies neurodégénératives : maladie de Creutzfeld-Jacob
(prion), maladie de Parkinson (a-synucléine), maladie de Huntington
(hungtintine) et l'ataxie spinocérébelleuse 1 et 3 (ataxine 1 et 3). En ce qui
concerne la b-amyloïde, la recherche s'oriente vers des molécules pouvant
antagoniser sa formation ou son dépôt tels les sécrétases (anti-protéases). Il a
été également établi sur des modèles animaux que des agonistes des récepteurs
muscariniques peuvent favoriser la formation de la forme non amyloïdogène de
l'APP. Une autre approche concerne la stabilisation de l'homéostasie ionique (en
particulier calcique) cellulaire ce qui permettrait d'atténuer les effets
toxiques de l'Ab. Des efforts sont également consentis vers le bloquage de
l'inflammation chronique autour des plaques séniles. Citons enfin, d'autre voies
qui en sont encore à leurs balbutiements : la suppression des processus
oxydatifs et du métabolisme de radicaux libres, le blocage des processus
excitotoxiques, l'activation des voies de transduction du signal neurotrophique
et le développement d'agents anti-apoptotiques.

Tableau III : Quelques exemples des voies de recherche envisagées
Mécanismes d'action
    
Types de molécules
Induction, promotion du clivage par l'a-sécrétase     - activateurs de la
protéine kinase C : esters du phorbol
- facteurs de croissance sériques
- inhibtion de la g-sécrétase : aldéhydes peptidiques (MDL-28170 ...)
Inhibition de l'agrégation des peptides Ab par liaison avec des analogues sans
feuillet b     - peptides courts avec même degré d'hydrophobicité que l'Ab mais
avec une séquence en AA empêchant la structure en feuillets b (iAb5 ...)
Stabilisation de l'homéostasie ionique cellulaire     - bloqueurs de canaux
calciques
- bloquers de canaux sodiques
- activateurs de canaux potassiques
Protection contre l'excitotoxicité et les dommages métaboliques     -
anticonvulsivants : acide valproïque, phénytoïne, carbamazépine
 
3.3 La substitution en neurotransmetteurs
Les déficits en neurotransmetteurs observés dans la MA ont conduit à développer
toute une série de molécules visant à les compenser. Les premières observations
ont montré une atteinte du système cholinergique se traduisant par une réduction
du taux d'acétylcholine (Ach) dans le cerveau des patients atteints de MA ainsi
que des pertes cellulaires dans les voies cholinergiques. D'autres systèmes ont
ensuite été impliqués comme la somatostatine, la sérotonine, la noradrénaline
... Enfin, des modifications des récepteurs aux neurotransmetteurs ont été
notées. Ces modifications portent sur la concentration en récepteurs ainsi que
sur leur structure-activité (par le biais de la mesure de leur
immuno-réactivité).

Les atteintes cholinergiques ont été corrélées fortement au degré de déclin
cognitif. D'autre part, les médications anti-cholinergiques ont montré des
effets délétères sur sur la cognition. L'ensemble de ces observations a conduit
à la "théorie cholinergique" de la MA qui a servi de plateforme pour le
développement de médicaments cholinomimétiques visant à compenser la baisse de
concentration de l'acétylcholine dans le cerveau des patients.
3.3.1 Les inhibiteurs de l'acétylcholinestérase
Lors du fonctionnement normal d'une synapse cholinergique, l'enzyme
acétylcholinestérase (AchE) dégrade l'acétylcholine (Ach) dans la fente
synaptique. Des inhibiteurs de cette enzyme ont été développés afin de réduire
cette dégradation physiologique et renforcer ainsi la transmission synaptique
cholinergique là où elle est épargnée.

Tableau IV : Inhibiteurs de l'acétylcholinestérase développés dans l'indication
maladie d'Alzheimer
D.C.I.     Spécialité     Laboratoire     AMM en France
Tacrine     Cognex     Parke-Davis     Oui.
Donepezil     Aricept     Eisai     Oui.
ENA-713     Exelon     Novartis      En cours
Metrifonate           Bayer Pharma     
Galanthamine           Janssen Pharmaceutica     
 
3.3.2 Les agonistes des récepteurs muscariniques M1
Ces molécules agissent en mimant l'action de l'acétylcholine. Ils stimulent les
récepteurs post-synaptiques de ce neurotransmetteur. Les agonistes séléctifs des
récepteurs du type M1 ont été retenus du fait de la prépondérance de ceux-ci
dans le cerveau. De ce fait, les effets cholinergiques périphériques attendus
sont minimisés. Cependant, certains auteurs ont montré une altération de la
structure de ces récepteurs dans la MA ce qui diminuerait leur intérêt au profit
des récepteurs de type M4.

Tableau V : Agonistes muscariniques développés dans l'indication maladie
d'Alzheimer
D.C.I.     Spécialité     Laboratoire     AMM en France
Xanomeline           Eli Lilly     
Talsaclidine           Boehringer Ingelheim     
SB-2020226     Memric     SmithKline Beecham     
Arecoline           Regis Chemical     
 
3.3.3 Molécules agissant sur d'autres systèmes de neurotransmission
Les médicaments stimulant la fonction catécholaminergique améliorent les
performances cognitives via une augmentation de la vigilance, la réactivité et
la concentration. La sélégiline qui est un inhibiteur de la monoamine oxydase
(IMAO-B) utilisé dans la maladie de Parkinson a montré une efficacité dans la
MA. D'autre part, il a été observé que la stimulation des récepteurs 5-HT3 de la
sérotonine inhibe la libération de l'Ach. A partir de cette observation, des
études ont porté sur l'ondansétron, antagoniste compétitif de la sérotonine sur
les récépteurs 5-HT3.
3.4 Les nootropes et les neuroprotecteurs
Les nootropes sont des médicaments censés améliorer le métabolisme cérébral et
protégér le cerveau de l'accumulation des effets toxiques (piracetam, EGb 761).
D'autres substances présentent des propriétés anti-radicaux libres
(a-tocophérol, sélégiline) ou anti-calciques (nimodipine) qui leur confèrent un
effet neuroprotecteur. D'autres médicaments agissent de manière indirecte sur la
neuroprotection comme les anti-inflammatoires et les oestrogènes. L'idébénone
améliorerait le métabolisme cérébral et protégerait le métabolisme membranaire
contre la péroxydation lipidique. La mélatonine a prouvé in vitro (et seulement
in vitro) sa capacité à prévenir les effets de l'Ab sur la mort cellulaire,
l'augmentation du calcium intracellulaire et la péroxydation lipidique induite.
Des auteurs ont montré que des conditions ischémiques augmentent la réaction
b-amyloïdogénique initiale suivant la cascade :

      lésions neuronales ==> activation de la microglie ==> production de
radicaux libres ==> oxydation des résidus C-terminaux de l'APP ==> production de
b-amyloïde ==> agrégation, dépôt ==> neurotoxicité.

La propentofylline protège le cerveau contre ces lésion ischémiques en stimulant
les récepteurs A2 et en bloquant le récepteur A1. Cette action a pour effet de
diminuer la génération des radicaux libres. La propentofylline vient d'obtenir
l'autorisation de mise sur le marché à l'agence européenne du médicament (EMEA)
et devrait être disponible en France dans le courant de l'année.  
4 Conclusion
Il n'est pas encore sûr que la maladie d'Alzheimer soit une maladie en tant que
telle. Elle pourrait être un syndrôme reflétant des processus
physiopathologiques relevant d'étiologies distinctes et aboutissant au même
tableau clinique. Pour le moment, une approche sytématique du développement de
médicaments dans cette indication n'est pas encore possible. Différentes voies
thérapeutiques sont explorées même si la cascade amyloïde semble être la plus
prometteuse.
Une des questions-clés de la pharmacologie de la maladie d'Alzheimer réside dans
l'évaluation des thérapeutiques : critères de mesures, niveau de significativité
de la réponse, conception des essais cliniques, incidence des médications
concomitantes ... Des réponses commencent à y être apportées et participent
ainsi d'une fabuleuse aventure scientifique, médicale et sociale qui ne fait que
commencer.
5 Bibliographie
DJ Selkoe.
Alzheimer's disease: genotypes, phenotypes, and treatments.
Science 1997; 275 : 630-631.

SD Yan et al.
An intracellular protein that binds amyloid-b peptide and mediates neurotoxicity
in Alzheimer's disease.
Nature 1997; 389 : 689-695.

K. Beyreuther, CL Masters
The ins and outs of amyloid-b.
Nature 1997; 389 : 677-678.

J Hardy.
Amyloid, the presenilins and Alzheimer's disease.
TINS 1997; 20 : 154-159.

MP Mattson.
Mother's legacy: mitochondrial DNA mutations and Alzheimer's disease.
TINS 1997; 20 : 373-375.

WJ Welch, P Gambetti.
Chaperoning brain diseases.
Nature 1998; 392 : 23-24.

Le médicament et la maladie d'Alzheimer
Pr. Hervé Allain
Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
 

2, av du Pr. Léon Bernard 35043 Rennes cedex  

mis à jour le 6 novembre 2001
1 Introduction
2 Ojectif du traitement
3 Pharmacologie clinique
4 Les médicaments      5  Les indications
6 La pharmacovigilance
7 Conclusion
8 Bibliographie
1 Introduction

La maladie d’Alzheimer (MA) est une maladie neurodégénérative, décrite en 1907
par Aloïs Alzheimer, classée dans le groupe des démences. Sur le plan clinique,
elle débute progressivement par des déficits cognitifs, et tout particulièrement
des performances mnésiques, qui s’aggravent et s’enrichissent avec le temps. Sur
le plan anatomo-pathologique l’hippocampe s’atrophie et des lésions
histologiques sont considérées comme les stigmates de la maladie : les dépôts de
substance bêta-amyloïde (Ab) et les dégénérescences neurofibrillaires (corrélées
à l’évolution clinique), constitués de protéines tau hyperphosphorylées. A côté
des agrégats protéiques, beaucoup d’autres anomalies ont été décrites notamment
au niveau des neurotransmetteurs (le nombre des récepteurs cholinergiques
nicotiniques diminue), des canaux ioniques, du calcium intracellulaire, du
métabolisme … La connaissance de la physiopathologie de l’affection a fait un
bond considérable durant ces cinq dernières années (épidémiologie, génétique,
neurochimie …). Le diagnostic, aujourd’hui fiable à 90 %, doit être porté
précocement si possible au stade pré-démentiel d’où le concept, encore
incertain, du déclin cognitif modéré ou de Mild Cognitive Impairment (MCI). Ceci
s’explique par l’existence dorénavant d’une pharmacologie et d’une thérapeutique
qui doit être instaurée dès le diagnostic porté.  
2 Ojectif du traitement
2.1 Les troubles cognitifs
La mémoire, l’attention, certaines fonctions exécutives sont aujourd’hui
accessibles au médicament (voir sur le site : pharmacologie de la cognition).
Les médicaments pourront corriger les déficits caractéristiques de la MA (effet
symptomatique) ou, dans le futur, en retarder la progression par impact direct
sur les mécanismes physiopathologiques identifiés (effet physiopathologique) et
expliquant ces déficits.  
2.2 Les manifestations psycho-comportementales
L’évolution de la MA est souvent émaillée de phénomènes psychiatriques (anxiété,
dépression, hallucinations, délire …) et comportementaux (agitation,
déambulation, agressivité …) voire de troubles du couple veille/sommeil
(inversion du rythme nycthéméral). Le médicament, essentiellement les
psychotropes, visera à corriger cette symptomatologie.  
2.3 La prévention
L’épidémiologie, surtout française, sous l’égide de l’Université de Bordeaux
(enquête et cohorte PAQUID) a identifié les principaux facteurs de risque de la
MA (détermination des odds-ratio ou OR). Ces données épidémiologiques n’ont pas
été soumises au verdict de l’essai clinique (obtention d’une preuve de
causalité) et en ce sens ne peuvent être préconisées de manière systématique.
Seuls certains paramètres (curieusement à impact cardiovasculaire, dans une
maladie dite neurodégénérative !) méritent considération : les oestrogènes, le
tabagisme, le cholestérol, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (?), les
allèles de l’apolipoprotéine E (e4).
3 Pharmacologie clinique

- Chaque molécule répondant à une hypothèse donnée (exemple : la théorie
cholinergique ; la toxicité de l’Ab …) suit le parcours usuel de la phase I à
l’autorisation de mise sur la marché (AMM).
- Durant les phases précoces (I et II) les grandes questions sont : 1) la
recherche de la dose optimale ; 2) la sécurité ; 3) l’obtention d’une preuve
d’activité (effet symptomatique ; effet cytoprotecteur).
- Pour les médicaments visant à lutter contre la MA, les bridging studies sont
obligatoires : ce sont des études chez le malade lui-même avec des objectifs
identiques à ceux de la phase II a (recherche de la dose maximale tolérée ;
profil de sécurité ; différence avec le volontaire sain).
- Les outils d’évaluation restent : 1) les batteries de tests psychométriques
(en règle informatisée) ; 2) l’EEG continu avec analyse spectrale ; 3) la
neuroimagerie (IRM fonctionnelle ; PET-SCAN …).
- En phase III, l’essai comparatif utilise des échelles validées au niveau
international appréciant les paramètres cognitifs (exemple de l’ADAS-cog),
l’opinion globale du médecin et de la famille (CGI) et la vie de tous les jours
(IADL) ; les signes psychocomportementaux peuvent être évalués par des échelles
spécifiques (NPI). Les essais durent au moins 6 mois, en groupes parallèles ;
les profils évolutifs sont comparés.  
4 Les médicaments
4.1 Généralités
Pour l’instant les produits ayant obtenu l’AMM sont tous des
anticholinestérasiques (inhibiteurs de l’enzyme de dégradation de
l’Acétylcholine du cerveau : I-AChE). Le premier produit commercialisé était la
Tacrine (CognexTM) abandonné pour risque d’élévation des aminotransférases
hépatiques. Pour l’instant encore, il n’y a pas d’essais publiés comparant les
produits entre eux. Ces I?AchE peuvent être réversibles rapides (donepézil,
galantamine), réversibles lents (rivastigmine ; l’effet persiste alors que
l’inhibiteur a disparu ) ou irréversibles (c’est ainsi qu’agissent les
insecticides et les gaz de combat).  
4.2 Les produits
- Le donepézil (AriceptTM ) est efficace à 5 mg/j ; la posologie de 10 mg/j en
une prise est la dose optimale.
- La rivastigmine (ExelonTM) doit être progressivement instaurée pour atteindre
12 mg/j en deux prises.
- La galantamine (RéminylTM) doit également être instaurée de manière
progressive pour atteindre 16 mg/j en 2 prises. Ce produit est également un
modulateur allostérique des récepteurs nicotiniques centraux (voir sur le site :
les récepteurs nicotiniques).
4.3 Les médicaments sans AMM spécifique
De nombreux produits à impact très variés ont été évalués dans cette pathologie
mais n’ont pas l’AMM. Nous citerons : 1) les antioxydants (vitamine E ou
tocophérol ; la Sélégiline ou Déprényl, IMAO-B, utilisé dans la maladie de
Parkinson) ; 2) les activateurs du métabolisme neuronal et les nootropes
(dérivés du gingko-biloba, piracétam, huperzine, cérébrolysine …).
Il est instructif de rappeler rapidement que certaines produits n’ont pas pu
faire la preuve de leur efficacité et donc ont fait abandonner diverses pistes
pharmacologiques (et donc autant d’hypothèses) : les oestrogènes, les anti-Cox2,
l’hydroxychloroquine …  
4.4 Le futur
Le verdict des essais cliniques est attendu pour l’immunisation anti-Ab ("
vaccination "), les agonistes des récepteurs nicotiniques, les modulateurs des
récepteurs au glutamate (NMDA) comme la mémantine (AMPA), le clioquinol
(chélateur du cuivre et du fer empêchant l’oxydation des métalloprotéines telle
la Ab), les hypocholestérolémiants (statines), les inhibiteurs des secrétases
(b,g) … La lecture des travaux en cours, donc le futur thérapeutique, illustre
la diversité des pistes de recherche dans la MA.
5  Les indications

- Les 3 I-AChE doivent être prescrits dès que le diagnostic de MA est porté et
que la sévérité (jugée par exemple sur le MMS ou minimental state, échelle de 0
à 30) est légère ou modérée. Aucun argument ne justifie un arrêt du traitement
en cours voire le switch d’un médicament à l’autre. Ces médicaments améliorent
les signes de la MA, les activités quotidiennes et retardent la mise en
institution de quelques mois.
- Les psychotropes seront à utiliser avec précaution et pour une durée limitée
chaque fois que des troubles psychocomportementaux apparaîtront. Le problème est
qu’ils n’ont pas fait l’objet d’évaluation spécifique dans cette indication à
l’exception, aujourd’hui, de deux antipsychotiques, le tiapride (doses
inférieures à 300 mg/j) et la risperdone (dose inférieure à 2 mg/j) dans
l’agitation et l’agressivité. Le souci de la sécurité d’emploi dans tous les cas
reste primordial (pharmacovigilance).
- Les cas dépistés tardivement (MMS< 10) font l’objet d’essais cliniques
particuliers. Il en est de même du MCI : la galantamine est à l’étude dans cette
indication ; le piribédil (Trivastal retard LP) a fait l’objet d’un essai
positif.
- Pour le neurologue, le problème aujourd’hui est celui du traitement des autres
démences (maladie à Corps de Léwy, démence Fronto-Temporale, démence sémantique,
démence vasculaire, maladies à prions …) sachant que ces chapitres sont
activement travaillés en recherche clinique.
6 La pharmacovigilance

Les 3 I-AchE sont en général bien tolérés même si des effets indésirables de
type A sont classiques, en rapport avec l’augmentation des concentrations
d’Acétylcholine en central et en périphérique.
Cauchemars et parfois agitation modérée sont rares mais existent.
Nausées, ballonnements digestifs, diarrhées sont classiques.
La diminution de la vitesse de conduction cardiaque et l’augmentation de la
période réfractaire du nœud auriculo-ventriculaire restent une préoccupation
(risque de syncopes).
Le constat d’effets de type B conduit en général à l’abandon des produits
(exemple des syndromes myasthéniformes avec un I-AchE irréversible, le
métrifonate, inhibiteurs des secrétases et leucémies par impact sur le système
NOTCH).
L’impact des produits sur les cytochromes hépatiques P450 (donepézil,
galantamine) est à connaître car possible source d’interactions médicamenteuses
;  
7 Conclusion

Le médicament reste aujourd’hui un élément clé dans la prise en charge de la MA.
Son impact bénéfique peut se juger dans la vie de tous les jours. Les données
les plus récentes de la biologie trouvent enfin leur prolongement dans la
pharmacologie qui n’en est qu’à ses balbutiements.
 
8 Bibliographie

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Le futur thérapeutique dans la maladie d’Alzheimer. In : les nouveaux défis de
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Le déclin cognitif modéré ou le Mild Cognitive Impairment (MCI) : perspectives
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Revue Neurologique 2001 (In Press)

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Perspectives médicamenteuses dans la maladie d’Alzheimer
Annales de Médecine Interne (Paris) 2001 (In Press)

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Les médicaments face à la maladie d’Alzheimer
Revue de Gériatrie 2001 ; 26 : 511 ? 522

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conditions. In : Baker HF, ed. Molecular pathology of the prions. TOTOWA, NJ :
Human Press, 2001 : 223 - 226
Site médical à l'usage des étudiants
    Animation MPEG du cortex cérébral 3D (726 Ko)

    * Ventricules
    * Hippocampe
    * Noyau basal de Meynert (NbM)
    * Locus coeruleus
    * Noyau dorsal du raphé mésencéphalique
    * Substance noire

    Les images 2D et 3D proviennent de l'UPRES "Cortex cérébral et
Epilepsies"/Laboratoire SIM (Université de Rennes 1/France)
    Les illustrations ont été réalisées par l'Atelier d'Infographie du Service
d'Imagerie du Pr Carsin du CHU de Rennes.
Ventricules
 
 
 
 
 
Représentation 3D des ventricules
    
 
Coupe IRM axiale passant par les ventricules
 
 
    
 

            Dilatation : Formes évoluées de la maladie d'Alzheimer (MA). Les
effets cliniques sont inconnus car la dilatation témoigne uniquement de
l'atrophie corticale et de la perte globale des cellules. Il n'existe pas de
médicament spécifique de cette structure ; probablement, les
neurocytoprotecteurs préviendront cette dilatation.

 
Hippocampe
 
 
    
 
Coupes IRM axiale et sagittale

            Le cortex de l'hippocampe est très précocément atteint dans la MA
selon la chronologie suivante : pôle temporal, noyau amygdalien ... L'effet
clinique est immédiat sur la performance mnésique. Les médicaments activant le
fonctionnement des neurones projetant sur cette structure sont a priori
bénéfiques.

LESIONS SOUS CORTICALES
Noyau basal de Meynert (NbM)
 
 
    
 
Coupes IRM frontale et sagittale
 
 
 

            Atteint très précocément dans la MA. Les cellules de ce NbM,
synthétisent le neurotransmetteur Acétylcholine (ACh). Cette ACh projette, à
distance sur de nombreuses autres structures anatomiques. Les cellules à
acétylcholine présentent très tôt les stigmates histologiques de la MA (dépôts
amyloïdes, Dégénérescenes Neurofibrillaires). La conséquence clinique est en
priorité le déficit de la mémoire de travail et de l'attention. Les substances
cholinomimétiques agissent sur ce système.

AUTRES NOYAUX DE LA BASE

      Ces noyaux ne sont pas systématiquement atteints dans la MA. En cas de
lésions spécifiques, divers signes cliniques peuvent apparaitre tels :
agitation, dépression, troubles moteurs de type parkinsonien. Des médicaments
spécifiques de ces systèmes (Noradrénaline, Sérotonine, Dopamine) corrigeront
les symptômes comportementaux et psychomoteurs.
       

Locus coeruleus
 
Coupe IRM sagittale

            Lieu de synthèse de la noradrénaline (NA), projetant notamment sur
le cortex
              

Noyau dorsal du raphé mésencéphalique
 
 
Coupe IRM sagittale

            Lieu de synthèse de la sérotonine (5HT) projettant notamment sur le
cortex.

Substance Noire
 
 
    
 
Coupe IRM axiale et vue 3D du cortex cérébral

            Lieu de synthèse de la dopamine (DA) projetant sur le striatum (qui
intervient dans les contrôles de la motricité automatique et probablement dans
la mémoire procédurale).


Neuroprotection : définitions, limites et perspectives
H. Allain, D. Bentue-Ferrer, O. Zékri
Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, av du Pr. Léon Bernard 35043 Rennes cedex
 
mis à jour le 2 janvier 1999
Le concept de neuroprotection sous-tend le projet de tout thérapeute de
s'opposer à la mort cellulaire et plus précisément la mort neuronale. En effet,
beaucoup de situations en neurologie s'accompagnent d'une déperdition cellulaire
secondaire à des causes ou agressions multiples (quoique très souvent méconnues)
mais conduisant inéluctablement à l'activation de mécanismes de mort cellulaire.

La connaissance tant des causes que des mécanismes sous-jacents à cette
agression neuronale devrait conduire in fine à la mise au point de véritables
médicaments étiopathogéniques des affections considérées. Parallèlement à cette
recherche de médicaments du futur il est logique de s'interroger sur l'éventuel
effet neuroprotecteur de produits déjà disponibles. Il est clair que cette
interrogation est des plus actuelles dans le chapître des maladies
neurodégénératives telles la maladie de Parkinson et la maladie d'Alzheimer,
deux entités possédant déjà leur arsenal de médicaments symptomatiques. Le
détour par les mécanismes neurochimiques, moléculaires et génétiques présidant à
la mort cellulaire paraît indispensable avant d'imaginer les armes
thérapeutiques du futur.

Les données actuelles sur le sujet sont nombreuses et justifient d'emblée de
différencier nécrose et apoptose. La nécrose doit être considérée comme une
réponse des cellules à une agression physique ou chimique ; elle se caractérise
entr'autres par un oedème cellulaire, une accentuation de la perméabilité
cellulaire expliquant l'extension progressive des lésions aux territoires
voisins ainsi que des lésions de l'ADN ; la nécrose peut être reproduite par des
modèles d'ischémie en particulier focale. L'apoptose, véritable suicide de la
cellule, est une réponse à l'activation de messages internes à la cellule ce qui
rend compte de la distribution hétérogène au sein d'un tissu (par ailleurs sain)
des amas de cellules apoptotiques ; dans ce cas les membranes cellulaires et les
organelles sont intactes, les cellules diminuent de volume et l'ADN fait l'objet
en dernier lieu d'une attaque par les endonucléases (DNA Laddering). Ce sont ces
phénomènes d'apoptose qui surviennent dans les principales maladies
neurodégénératives dont les maladies d'Alzheimer et de Parkinson. Le
déclenchement des mécanismes d'activation du programme de mort cellulaire peut
être dû à des facteurs très variés : stimuli chimiques (6OHDA) ou physiques
(radiations), ligands toxiques (TNFalpha) voire agents délétères (protéine
Abêta, prion PrPsc...). Ces facteurs débutent leur action par la synthèse de
coupling proteins dont l'effet final est conditionné par l'intervention de
gènes, d'action double, c'est à dire activant la dégénérescence cellulaire ou au
contraire favorisant la survie.

Précisément, les études chez le nématode C. elegans ont permis d'identifier les
gènes de mort cellulaire (les CED genes), les CED-3 et les CED-4 étant
considérés comme les gènes tueurs alors que le CED-9 est un bloqueur de la mort
cellulaire. Les autres gènes CED (1, 2, 5, 6, 7, 8, 10) interviennent dans la
phagocytose des cellules apoptotiques. Toujours sur ce modèle élémentaire, les
CES genes (cell death specification) codent pour des facteurs de transcription
qui tuent des lignées cellulaires spécifiques. Fait important seuls CED-3 et
CED-9 ont été identifiés chez le mammifère.

Le gène CED-3 code pour la synthèse d'une cystéine protéase (enzyme inhibée par
l'allécine récemment découverte dans l'ail ! ) ; cette enzyme possède 25 %
d'identité avec l'interleukine converting enzyme (ICE) qui clive l'interleukine
1-bêta entre l'Asp 116 et l'Ala 117 pour donner l'IL-1 bêta active. Cette ICE
appartient à une superfamille, les caspases, représentées donc par 10 protéases
spécifiques de la liaison cystéine-aspartate (rappelons ici le rôle
proinflammatoire de l'IL-1 bêta).

Le rôle de ces caspases dans l'apoptose a été éclairci grâce d'une part à des
modèles de souris transgéniques privées de caspase 1 (résistance à l'ischémie
cérébrale et à la déprivation en facteur trophique) ainsi que par le recours à
un inhibiteur viral des cystéines protéases (cow-pox virus protein ou CrmA).
Notons que les souris knocked-out en caspase 3 ont un cerveau plus gros que les
souris non manipulées génétiquement. Ces effets des caspases sont liés à une
action enzymatique sur des substrats spécifiques en cours d'identification (PARP
; lamine B nucléaire ; actine ...), pistes évidentes d'innovation
pharmacologique notamment via des inhibiteurs soit synthétiques (Z-VAD-FMK à
large spectre) soit de type CrmA ou baculovirus protein (p35). Pour le moment
ces inhibiteurs n'en sont pas, au stade de médicaments ni applicables à l'homme
(toxicité générale, difficulté de franchissement des barrières membranaires). De
manière symétrique il est possible d'orienter les messages cellulaires vers la
survie en mimant l'effet du CED-9 ou de son homologue le BCL-2 (une de ses
protéines étant le bcl-xl). Clairement la protéine bcl-xl protège contre
l'ischémie, la privation de facteurs trophiques ou même les neurotoxines. Ces
résultats ont été obtenus en surexprimant le BCL-2 chez la souris qui alors
présente une résistance à l'ischémie et à l'excitotoxicité, notamment du
glutamate. Les souris knocked-out en bcl-xl présentent, à l'inverse une mort
neuronale massive. La protéine BCL-2 empêche le relargage de toute une série de
molécules signaux d'origine mitochondriale (ex : le cytochrome C) et favorise la
regénérescence cellulaire. Enfin la protéine bcl-xl et les inhibiteurs de
caspases bloquent l'expression du gène CED-4 (agent apoptotique).

Ces données sont capitales à connaître car éclairent d'un jour nouveau les
modèles expérimentaux de mort cellulaire sur lesquels sont évaluées les
nouvelles thérapeutiques. Parmi ces modèles d'apoptose classiquement employés,
citons : les cultures de neurones, l'application de toxines (6-OHDA, bêta
amyloïde, PrPSC), la toxicité des acides aminés excitotoxiques,
l'ischémie/hypoxie, la déprivation en facteurs trophiques, le stress oxydatif et
la surexpression de TNFalpha (induction de radicaux libres oxygénés et
translocation du facteur NF-kappaB déclencheur d'apoptose).

L'application à la thérapeutique de toutes ces données moléculaires est
imminente (facteurs trophiques, modulateurs de glutamate, antioxydants) ou au
contraire en cours de recherche (inhibiteurs des caspases, molécules chaperons
...). A titre d'exemple des démarches expérimentales entreprises, il est
possible d'argumenter les propriétés neuroprotectrices des agonistes
dopaminergiques, classiquement utilisés dans le traitement de la maladie de
Parkinson. Le modèle de l'ischémie cérébrale globale transitoire chez le rat
nous a permis de vérifier que plusieurs agonistes dopaminergiques se révèlaient
être de puissants antagonistes de la mort cellulaire, notamment au niveau de
l'hippocampe et que l'un de leurs impacts principaux était précisément de
s'opposer au relargage massif de dopamine libérée lors de l'agression.
L'obtention de la preuve de cette neurocytoprotection, chez le malade,
nécessiterait un long débat, le facteur temps et la méthodologie ad hoc restant
les aléas majeurs de ce type de vérification chez l'homme.
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Pharmacologie des radicaux libres : application à la dégénérescence
Pr. Hervé Allain

Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, av du Pr. Léon Bernard 35043 Rennes cedex
mis à jour le 13 janvier 1999
1 Introduction
2 Le stress oxydatif
3 Superoxyde dismutase et SLA
3.1 Haber-Weiss
3.2 NO
3.3 CA2+
3.4 Acides aminés excitateurs
3.5 La SLA     4 Radicaux libres et maladie de Parkinson
4.1 Les faits neurochimiques
4.2 Dans la maladie de Parkinson
4.3 Les métaux
4.4 Les mitochondries
4.5 La SOD
5 Pharmacologie
1 Introduction

- Les radicaux libres (RL) sont des atomes ou des molécules dont une orbitale
contient un électron non apparié.
- Les RL sont les sous-produits des réactions d'oxydation et de réduction.
- Les RL sont cliniquement hyperactifs et sont capables d'extraire un électron
des molécules voisines pour combler la vacance de leur orbitale.
- Les RL induisent des dommages et des lésions sur l'ADN, les protéines
cellulaires essentielles et les lipides membranaires.
- Ils initient des réactions en cascade telle la peroxydation lipidique (d'où
altération des membranes et mort cellulaire).
- L'hyperproduction de RL est à la base des explications physiopathologiques des
grandes maladies dites neurodégénératives : sclérose latérale amyotrophique
(SLA), maladie de Parkinson (MP) et maladie d'Alzheimer (MA), le veillissement
cérébral.
- La pharmacologie des RL vise à développer des médicaments anti-RL ; ce sont
des antioxydants.
- Normalement il y a équilibre entre production de RL et activités
anti-oxydantes.
2 Le stress oxydatif

L'oxygène :
- la réduction de l'oxygène moléculaire en eau (H20) fait précisement appel à
des réactions d'oxydo-réduction et fait apparaître des composés RL
intermédiaires : radical superoxyde (02-) ; peroxyde d'hydrogène (H2 O2) et
radical hydroxyl (OH.) (c'est le plus réactif, expliquant la toxicité de
l'oxygène).

Les antioxydants naturels :
- L'hyperproduction de RL et donc les dégâts tissulaires sont limités par la
présence naturelle endogène de substances antioxydantes (scavenger = éboueur).
La phosphorylation oxydative a lieu dans les mitochondries (les RL sont
fortement liés) ; le radical superoxyde est dismuté en H2 O2 grâce à la
superoxyde dismutase (SOD) ; l' H2 O2 est éliminé par la catalase et la
glutathion peroxydase (GPO) ; l'alpha-tocophérol (Vitamine E) et l'acide
ascorbique sont de puissants scavengers présents dans le système nerveux.

L'oxygène moléculaire et les métaux :
- La configuration de l'oxygène moléculaire évite son autoxidation spontanée.
C'est un di-radical contenant deux électrons non appariés, chacun sur une
orbitale séparée, de spin identique (état de restriction de spin).
- L'oxygène moléculaire peut toutefois réagir, en acceptant un électron singulet
d'un métal de transition, tel le fer. L'oxydation est ainsi influencée par la
concentration régionale d'un métal de transition.
- Des concentrations élevées en Fer accélèrent la réaction redox de l'oxygène
moléculaire. Le recyclage du fer de sa forme oxydée à son état réduit (par
l'ascorbate, le glutathion, ou la dopamine) conduit à des réactions d'oxydation
et à la formation d'une cascade de réactions radicalaires.
- Le fer est réactif lorsqu'il est complexé à l'ATP ou au citrate.
- A l'inverse la transferrine ou la ferritine (qui lient le fer) maintiennent le
métal en état de non activité et jouent le rôle d'anti-oxydant.
3 Superoxyde dismutase et SLA
3.1 Haber-Weiss :

- la SOD catalyse la dismutation de 02- en H2 O2 .
- Il existe 3 formes de SOD chez l'homme : la Cu / Zn SOD -1 (cystosolique) la
Mn - SOD -2 (mitochondriale) et une Cu / Zn SOD-3 extracellulaire produite en
permanence même en anaérobie.
- La diminution d'activité de la SOD entraîne des lésions tissulaires.
- Un excès d'02- conduit à des dégâts liés à la surproduction d'OH.. L'un des
mécanismes possibles de la toxicité directe de l'oxygène moléculaire réside dans
la réaction dite d'Haber-Weiss catalysée par le fer.
3.2 NO :

- de façon alternative l'02- peut conduire à OH. en interagissant avec l'oxyde
nitrique (NO) endogène (formation de peroxynitrite ONOO- puis de nitrosyl ONOOH
pour donner enfin OH.).
Le peroxynitrite est cytotoxique et oxidant pour les résidus méthionine, les
thiols et les thio éthers ; il réagit aussi avec la SOD pour former un
intermédiaire de type nitronium qui nitrate les résidus tyrosine. Ce dernier
fait est capital car de nombreux facteurs trophiques [tel le brain-derived
neurotrophic factor, BDNF, et la neurotrophine 3 (NT-3)] agissent sur des
récepteurs dits "tyrosine-kinases" (trk). Ces trk sont présents sur les
motoneurones (dégénérescence dans la SLA).
3.3 Ca 2+ :

- toute augmentation du Calcium libre cytosolique génére 02- et NO. L'oxyde
nitrique est formé à partir de l'arginine, en présence d'une NO- Synthase
activée par le calcium (NOS). De même l'augmentation intracellulaire de Ca 2+
induit la conversion irréversible de xanthine déhydrogénase en xanthine oxidase
via une protéase activée par le Ca 2+. Cette xanthine oxidase catalyse
l'oxydation de la xanthine transformée alors en 02- (et H2O2 et urée).
3.4 Acides aminés excitateurs :

- La toxicité induite par les acides aminés excitateurs (glutamate, aspartate)
(AAE) fait intervenir une réaction entre 02- et NO.. Le même mécanisme survient
lors d'une ischémie et d'une reperfusion (situation où le Ca 2+ intracellulaire
augmente). Cette cytotoxicité peut être bloquée par les antagonistes des AAE,
par les inhibiteurs de la formation de 02- ou de NO., par les scavengers, par
les inhibiteurs de la NOS ou de la xanthine oxydase (allopurinol) ou par un
recombinant humain exogène de Cu / Zn - SOD.
- Une expérience inverse montre que les dégâts ischémiques sont faibles chez la
souris transgénique qui surexprime le gène SOD-1 humain. Dans la même lignée,
sur les modèles d'excitotoxicité et dans les maladies neurodégénératives
(Huntington, Alzheimer, Parkinson), des cellules sont systématiquement epargnées
: ce sont les cellules riches en NADPH- diaphorase, contenant des grandes
activités Mn-SOD qui piègent 02- et empêchent ainsi la réaction avec NO..
3.5 La SLA :

- les motoneurones reçoivent des afférences AAE portant des récepteurs au
glutamate et sont très vulnérables à une déficience en SOD.
- Le problème est qu'une augmentation de la SOD peut aussi, en théorie, induire
des dégâts tissulaires en convertissant à l'excès 02- en H2 O2, d'où
hyperproduction de OH. en présence de Fe 2+ (réaction de Fenton). En effet, une
surproduction de SOD-1 chez la souris transgénique induit un déficit des
neurones moteurs distaux ainsi qu'une peroxidation lipidique exagérée.
- Dans la SLA familiale on ne sait pas si les mutations génétiques identifiées
conduisent à une sous ou à une sur-expression de la SOD. Un travail récent
montre que les mutations générent un dimère de SOD structurellement anormal et
déficient ; ceci expliquerait que l'activité SOD des globules rouges des sujets
atteints soit inférieure de 41 % à celle des témoins.
4 Radicaux libres et maladie de Parkinson
4.1 Les faits neurochimiques :

Les RL sont friands des cellules du cerveau. Les acides gras polyinsaturés sont
les constituants majeurs des membranes et se prêtent à la peroxydation.
Le Fer s'accumule avec prédilection dans le globus pallidus et la substance
noire (détectable en IRM).
Le mécanismes de défense sont peu représentés : catalase, glutathion, glutathion
peroxydase vitamine E, transferrine (du fer réactif est détectable dans le LCR).
Dans la substance noire (pars compacta) la dopamine peut-être oxydée soit par la
monoamine oxydase de type B soit par auto-oxydation pour générer du H2 O2 ;
cette dernière réaction fait apparaître un dérivé intermédiaire radicalaire la
semiquinone (SQ). L'H2 O2 est détoxifiée en présence de glutathion (GHS) par
action de la Glutathion peroxydase (GPO). Toute augmentation du turnover de la
dopamine ou toute réduction du GHS ou de GPO conduit à un excès de H2 O2 qui en
présence du Fer conduit à OH. (réaction de Fenton).
4.2 Dans la Maladie de Parkinson (MA) :

Les cellules de la substance noire sont dans un état de stress oxydatif :
- le turnover de la dopamine est augmenté dans les neurones survivants et
accéléré en cas d'administration de levodopa ;
- les taux de glutathion sont réduits ;
- la concentration en fer est augmentée ;
- la peroxidation lipidique est augmentée ;
- la calbindin D28 K qui lie le Ca 2+ est diminuée.
4.3 Les métaux :

Le Fer pourrait être le déclencheur du stress oxydatif dans la MP. Les taux de
ferritine sont diminués, de même que les chaînes L et H de ferritine. La
neuromélanine (pigment des cellules) serait le site d'accumulation du Fer et de
sa réduction en Fe 2+, promoteur du stress oxydatif.
Dans les granules de neuromélanine il y a également accumulation d'aluminium. Or
l'aluminium augmente la peroxydation lipidique induite par le Fer et pourrait
déplacer ce fer de ses sites de fixation.
La perfusion directe de fer dans la substance noire des rongeurs induit un "état
parkinsonien" antagonisé par la coadministration de transferrine. Le modèle du
Fer serait plus proche de la MP que le modèle du MPTP.
4.4 Les mitochondries :

- Une diminution quantitative du complexe I de la chaîne respiratoire
mitochondriale a été décrite dans la substance noire du parkinsonien et des
victimes du MPTP.
- Ce complexe I comprend 26 peptides dont 7 sont codés par l'ADN mitochondrial.
- L'anomalie dûe aux RL aboutit à une déficience énergétique qui conduit à une
diminution du blocage par le magnésium des récepteurs AAE et à inactivation des
mécanismes dépendants de l'ATP, l'ensemble conduisant à une accumulation de Ca
2+ libre cytosolique, ainsi qu' à une diminution de la formation du glutathion.
L'activation enzymatique calcium dépendante et de la production de RL conduit à
la neurodégénérescence spécifique des neurones dopaminergiques.
4.5 La SOD :

- Les changements d'activité de la SOD dans la MP reflètent une augmentation
compensatoire face au stress oxydatif.
- La SOD -1 est exprimée chez l'homme en priorité dans les cellules contenant de
la neuromélanine.
- La souris transgénique qui surexprime le gène SOD-1 est résistante au MPTP.
5 Pharmacologie

La grande question aujourd'hui est de savoir si les RL représentent le point de
départ des maladies neurodégénératives où s'ils ne sont qu'une conséquence de la
mort cellulaire.
Il est clair que la production de RL est une voie finale commune à d'inombrables
causes, étiologies ou pathogénies.
La pharmacologie des RL est riche en substance anti-oxydantes directes ou
indirectes :
- inhibition de la formation des RL (ex les inhibiteurs de la MAO)
- les scavengers (tocophérol, exifone, acide ascorbique)
- chélateurs des métaux et notamment du fer. La preuve de l'efficacité de ces
produits et donc la validation de l'hypothèse radicalaire passent par des essais
cliniques très particuliers dont l'essai DATATOP dans la MP représente le
meilleur exemple.
Le lecteur trouvera schémas et détails dans :
OLANOW C.W
Trends in Neuro. Sc. 1993 ; 16 : 439-444 ;
 
HIRSCH E.C
Eur. Neurol. 1993 ; 33 (suppl 1) : 52-59.

PHARMACOLOGIE DE L'ACCIDENT VASCULAIRE CEREBRAL
Hervé Allain
 
 Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
 
 
                                                                        mis à
jour le 26 novembre 1999
1 Généralités
2 Physiopathologie
3. Principes de traitement
3.1. La thrombolyse
3.2. Les anti-thrombotiques
3.3. Les antiplaquettaires
3.4. Les neurocytoprotecteurs
3.5. Synthèse
4 Bénéfices thérapeutiques
4.1. Préliminaires
      4.2. Aspirine à la phase aiguë
4.3. Antithrombotiques à la phase aiguë
4.4. Fibrinolytiques
4.5. Prévention secondaire
4.6. Neurocytoprotecteurs
5 - Risques thérapeutiques
5.1 Effets de type A
5.2 Effets de type B
5.3. Les interactions médicamenteuses
6 Conseils au malade et à la famille
7 Bibliographie

 
1 Généralités
L'accident vasculaire cérébral (AVC) , hémorragique ou ischémique, représente le
plus grand défi pour la neuropharmacologie et la société toute entière,
responsable de décès, de handicap, d'hospitalisation et de drames physiques,
psychologiques et familiaux. L'accident vasculaire ischémique ou stroke se
chiffre par exemple à 500 000 nouveaux cas par an aux Etats-Unis d'Amérique
(USA) et autant en Europe. Le stroke est la troisième cause de décès et peut
survenir chez des sujets de moins de 55 ans (incidence estimée à 34/100 000),
surtout les hommes. Le coût du stroke est estimé, toujours aux USA à 40 millions
de US dollars par an. Pour ces quelques raisons, au moins, nous limiterons nos
propos au stroke, délaissant des pathologies vasculaires cérébrales soit
chroniques (exemple des démences vasculaires) soit hémorragiques, tout en
soulignant d'emblée, à travers une bibliographie volontairement amplifiée
quoique restrictive, le fossé toujours incomblable entre les acquis des
neurosciences (épidémiologie, physiopathologie) et l'arsenal
pharmacothérapeutique à notre disposition aujourd'hui. Durant ces vingt
dernières années, de nombreuses cibles biologiques issues d'une bonne
connaissance des cascades biologiques associées à une ischémie/hypoxie ont été
identifiées et ont constitué la justification de nombreux essais cliniques chez
l'homme, hélas presque tous négatifs donc source de fatalisme et de nihilisme
(voir l'évolution au cours du temps des idées à travers les quelques articles
mentionnés). L'espoir récent est à imputer à 5 dimensions complémentaires : 1)
l'épidémiologie et la détection des facteurs de risque vasculaires principaux
sur lesquels il est possible d'agir (hypertension artérielle, intoxication
tabagique, diabète, hypercholestérolémie, contraception orale, intoxication
alcoolique) ; 2) l'émergence d'unités d'accueil d'urgence des AVC (stroke unit)
qui pour au moins quatre raisons (rapidité d'accès aux soins ; expertise
neurologique et finesse du diagnostic ; simultanéité de la prise en charge
diagnostique et thérapeutique ; esprit de recherche clinique) ont diminué la
morbi-mortalité en phase aiguë de 30 % ; 3) la réalisation de grands essais
multicentriques internationaux, notamment de prévention secondaire ; 4) les
progrès de la chirurgie des sténoses carotidiennes serrées symptômatiques,
autorisant d'après l'étude NASCET de 1991 d'éviter, pour 100 patients opérés, 17
infarctus ipsilatéraux (dont 10 sévères ou mortels), à 2 ans ; 5) la formation
et l'éducation du public et des médecins à l'urgence de la prise en charge de
"l'attaque cérébrale" (brain attack), ces derniers devant maintenir le
traitement antihypertenseur antérieur, se méfier des antihypertenseurs d'action
trop rapide, assurer une fonction respiratoire efficace, lutter contre
l'hyperthermie et l'hyperglycémie, démarrer une kinésithérapie précocément et
enfin prévenir toute thrombophlébite.
 
2 Physiopathologie
Les mécanismes biologiques conduisant de l'ischémie aiguë à la mort cellulaire
ont été parfaitement élucidés sur des modèles animaux (occlusion des 4 vaisseaux
de Pulsinelli, occlusion de l'artère cérébrale moyenne, lésion
photothrombotique) et plus récemment chez l'homme grâce à la neuroimagerie
fonctionnelle. Les évènements surviennent en cascade donc se modifient au cours
du temps ; la phase immédiate suivant l'ischémie/hypoxie correspond au
déclenchement des phénomènes et chez l'homme à la fenêtre thérapeutique sur
laquelle il faut agir (< 6 heures). Schématiquement l'ischémie induit au départ
5 évènements fondamentaux : 1) déclenchement du programme d'apoptose ; 2) panne
énergétique (paralysie membranaire) ; 3) relargage massif de neurotransmetteurs
dont le glutamate ; 4) réaction inflammatoire avec production d'acide
arachidonique (source de radicaux libres) ; 5) thrombolyse endogène avec
phénomènes de reperfusion. La chronologie de chacun de ces processus est connue
dont, par exemple, l'envahissement progressif par le calcium libre
intracellulaire et les lésions membranaires et cytosquelettiques. La topographie
lentement extensive des lésions met l'accent sur la zone de pénombre où les
cellules intactes sont "paralysées" (donc récupérables) ainsi que sur la
vulnérabilité sélective, certaines structures anatomiques du cerveau mourant
plus vite que d'autres (striatum, hippocampe) ou enfin, les paramètres
pronostiques au niveau du foyer (pH, glycémie, lactates, calpaïn, c-fos, HIF-1,
gelsolin ...). Ces réactions pourront se poursuivre au delà de la phase aiguë.
 
3 Principes de traitement
 
3.1 La thrombolyse

La première stratégie thérapeutique du Stroke, visant à lyser l'embol et donc la
cause même de l'ischémie/hypoxie, est apparue en 1996 avec la mise sur le marché
de l'Alteplase (tissue plasminogen activator), à administrer dans les trois
heures suivant les premiers signes cliniques (en théorie au stade de la
pénombre). Une série de grands essais (véritables cours de méthodologie!) a
suivi, largement dominés par le risque d'accroître la mortalité par phénomène
hémorragique.
 
3.2 Les anti-thrombotiques

L'utilisation de l'héparine et des héparinoïdes visait à inhiber la propagation
du thrombus dans les artères de grand et petit calibre et de prévenir la
ré-embolisation artérielle (et veineuse). Cette approche n'est plus en vogue, du
moins pour l'instant.
 
3.3 Les antiplaquettaires

Bien que peu argumenté sur le plan expérimental, les antiplaquettaires
(antiplatelet agents) visent à minimiser le volume de l'infarctus, à limiter
l'extension du thrombus et à éviter une récurrence précoce du Stroke. L'aspirine
(160 mg/jour) a été largement étudiée.
 
3.4 Les neurocytoprotecteurs

Le concept de neurocytoprotection reste pour le moment du domaine de la
recherche, visant à atténuer la vulnérabilité intrinsèque du tissu cérébral en
bloquant les étapes neurochimiques conduisant à la lésion et la mort cellulaire
secondaire. La philosophie sous jacente est d'administrer dans les premières
minutes du Stroke un produit dénué d'effets indésirables (ex : hémorragie)
capable de bloquer la chaîne de réactions conduisant à la mort cellulaire. Les
candidats sont extrêmement nombreux, la plupart du domaine de la recherche. Les
antagonistes du calcium et du glutamate ont été les plus travaillés, avec des
résultats thérapeutiques plus ou moins contestés. Le Tableau I issu de la revue
de READ et coll (1999) illustre le dynamisme de cette recherche. Des produits
anciens, dénués d'effets indésirables immédiats, autrefois qualifiés de
vasodilatateurs ou d'oxygénateurs cérébraux sont toujours en cours d'étude
(exemple du piracetam et de l'almitrine/raubasine).
 

 
TABLEAU I : LES NEUROCYTOPROTECTEURS (d'après READ et al, 1999)
 
1. ANTAGONISTES CALCIQUES
 

2. ANTAGONISTES GLUTAMATERGIQUES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

    

3. ANTI RADICAUX LIBRES
 

4. ANTAGONISTES OPIOIDES

5. GANGLIOSIDES

6. AUTRES
    Nimodipine
Darodipine
Ziconotide
 

Récepteurs NMDA
 
 
 
 
 
 

Glycine
 
 

Polyamine
 

Récepteur AMPA

Relargage
 
 
 

Tirilazad ront à envisager. L'infarctus cérébral n'est pas une entité homogène
comme en témoigne la prévention secondaire (anticoagulants si cardiopathies
emboligènes ; antiplaquettaires si athérosclérose). L'aspirine (160 mg/j) est
indiquée à la phase aiguë. Les cothérapies (anticonvulsivants) et les
médicaments à administrer à distance de l'évènement aigu (dépression, démence,
épilepsie, spasticité) sont à discuter cas par cas. La prévention secondaire
(récidive) représente le second volet de la discussion.
 
4 Bénéfices thérapeutiques
 
4.1 Préliminaires

L'analyse des essais cliniques réalisés est un véritable parcours dans les
méthodes et les sigles, retrouvés dans la bibliographie (ceci nécessiterait un
volume entier !). Schématiquement l'évaluation des thérapeutiques repose sur la
mortalité, l'intensité du handicap (échelles : NIHSS, Barthel, Rankin, Glasgow
...). Les noms des grands essais cités par leur sigle sont connus du spécialiste
et facilement retrouvés.
 
4.2 Aspirine à la phase aiguë

La métaanalyse des essais IST + CAST + MAST montre que l'aspirine (par rapport
au placebo) évite 7 ‰ récidives d'infarctus, 9 ‰ AVC ou décès et 13 ‰ décès ou
handicap. Les données sont en faveur du produit.
 
4.3 Antithrombotiques à la phase aiguë

Les indications classiques de l'héparine à doses hypocoagulantes sont à
conserver. Les héparines de bas poids moléculaire peuvent être utilisées (risque
hémorragique diminué).
 
4.4 Fibrinolytiques

La fibrinolyse intraveineuse a fait l'objet d'au moins 6 grands essais
internationaux. La streptokinase a été abandonnée (hémorragie) alors que le
rt-PA, utilisé dans les 3 à 6 heures est efficace (étude NINDS à 3 mois ; étude
ECASS II à 3 mois significative sur l'échelle de RANKIN lors d'une analyse
secondaire).
 
4.5 Prévention secondaire

Les antiplaquettaires utilisés sont l'aspirine et la ticlopidine. Ils diminuent
de 27 % le risque de récidives vasculaires. L'asasantine&trade; (aspirine 50 mg
+ dipyridamole 400 mg) réduit ce risque de 37 % (étude ESPS2). Le Clopidogrel
(PlavixTm 75 mg) réduit le risque de récidive d'évènement vasculaire après
infarctus cérébral, du myocarde ou des membres inférieurs, de 8,7 % (étude
CAPRIE ; mega-trial).

Les statines du groupe des hypocholestérolémiants se sont révélées bénéfiques
d'après la métaanalyse de BLAUW publiée dans Stroke en 1997 (13 essais). Chez
des patients porteurs d'une cardiopathie ischémique le nombre d'AVC est diminué
d'environ 30 % par rapport au placebo.

Les antihypertenseurs (métaanalyse de COLLINS, Lancet 1990) diminuent le risque
d'AVC de 42 % et celui de décès pour cause vasculaire de 20 %. Le risque d'un
2ème AVC après un premier AVC augmente nettement en fonction des chiffres de la
pression artérielle diastolique usuelle (Rodgers, BMJ 1996) ; il en est de même
pour la démence vasculaire à long terme, " prévenue " par la nitrendipine
(SYST-EUR).
 
4.6 Neurocytoprotecteurs

Objet d'une recherche intense, ils cherchent leur place à la phase aiguë
(Piracetam ; Gingko Biloba ; Almitrine/Raubasine). Dans certains pays, les
produits à disposition sont employés dans la phase de rééducation fonctionnelle
(intérêt pour le cognitif). La molécule BN 80933 anti-radicaux libres et anti NO
synthase semble puissante chez l'animal, en curatif.
 
5 Risques thérapeutiques
 
5.1 Effets de type A

Qu'il s'agisse des antiagrégants plaquettaires (y compris l'aspirine) ou des
thrombolytiques le problème majeur est celui de l'hémorragie ou de la
transformation secondaire de l'infarctus en hémorragie au niveau cérébral.
L'étude du clopidrogel révèle un risque de 9, 27 % chez des malades traités
contre 9, 28 % dans le groupe aspirine (les hémorragies gastro-intestinales
induites sont moins fréquentes sous clopidogrel). De même selon l'étude ESPS 25,
les hémorragies induites étaient de 74 cas pour 1 649 sujets dans le groupe
placebo, 135/1 649 dans le groupe Aspirine (50 mg/j), 77/ 1 654 dans le groupe
dipyridamole et 144/1 650 lors de l'association. Le risque cumulé d'hémorragies
systémiques sous anticoagulants varie de 1,3 à 5,7 % ; les hémorragies
intracrâniennes varient de 0,7 % (faibles doses d'héparine) à 1,8 % (doses
curatives). Quel que soit le médicament responsable il conviendra de bien
distinguer les pétéchies fréquentes de l'hématome intra-infarctus et donc de
moduler voire d'arrêter les antithrombotiques.
 
5.2 Effets de type B.

Les effets de type B sont propres à chaque médicament. Par exemple : héparines
et thrombocytopénie ; ticlopidine et thrombocytopénie ... Le clopidogrel possède
une excellente acceptabilité (éruptions cutanées). D'après les essais de phase I
et II les neurocytoprotecteurs en développement possèdent un profil de sécurité
variable ; les anti NMDA peuvent induire une psychostimulation, des effets
psychotomimétiques et une augmentation de la pression artérielle. Au niveau
cardiaque, l'allongement du QTc reste un problème (eliprodil ; lubeluzole).
 
5.3 Les interactions médicamenteuses

Il est clair que l'idée du futur d'attaquer le stroke avec des cocktails
thérapeutiques risque d'aggraver le risque lié aux interactions. L'association
par exemple, d'antiagrégants plaquettaires aux thrombolytiques favorise la
survenue des infarctus cérébraux.
 
6 Conseils au malade et à la famille

Le stroke est une urgence médicale au même titre que l'infarctus du myocarde. Le
pronostic dépend de la vitesse de prise en charge par des équipes entraînées
disposant de matériel de neuroimagerie à disposition 24 heures/24. Des
médicaments ont déjà fait leur preuve d'efficacité. Beaucoup de progrès reste à
faire dans le cadre de protocoles de recherche clinique.
 
7 Bibliographie
 
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Les glucocorticoïdes et l'ACTH
Pr. Hervé Allain
Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, avenue du Pr. Léon Bernard, 35043 Rennes Cedex
 
 mis à jour le 23 janvier 1999
Résumé

1 Histoire
2 Définition
3 Les produits
3.1 Le descriptif
3.2 Les formulations galéniques
3.3 Les équivallences anti-inflammatoires
4 Pharmacocinétique
5 Mécanisme d'action
5.1 Les récepteurs glucocorticoïdes
5.2 La localisation des récepteurs
5.3 La structure des récepteurs
5.4 Action sur la transcription
6 L’expression anti-inflammatoire...
    

6.1 Les cytokines
6.2 Les médiateurs de l'inflammation
6.3 Les molécules d'adhésion cellulaire (MAC)
6.4 Autres actions
6.5 La résistance aux stéroïdes
7 Effets pharmacodynamiques
7.1 Effet anti-inflammatoire
7.2 Effet immuno-suppresseur
7.3 Effet anti-allergique
8 Pharmacovigilance
8.1 Les faits
8.2 Des points importants
8.3 Conséquences
Conclusion
Résumé

La pharmacologie des glucocorticoïdes nécessite de connaître la biologie des
hormones surrénaliennes et de leur contrôle par l’axe
hypothalamo-hypophyso-surrénalien. Les produits à notre disposition tentent de
quitter ce chapitre endocrinien au profit d’actions anti-inflammatoire,
immunorégulatrice et antiallergique. En ce sens les relations structure-activité
sont instructives.
Les mécanismes d’action des glucocorticoïdes de synthèse sont d’avant garde :
notion de récepteurs cytoplasmiques ; action sur les facteurs de transcription
et in fine  sur le génome. C’est la première étape vers la thérapie génique. Ces
produits très largement utilisés ne comportent pas de risque en aigu et à court
terme. Leur pharmacovigilance, par contre, est un fleuron, en chronique.  
1 Histoire

- Brown Sequart en 1856 montre que l’ablation des glandes surrénales (SRR)
entraîne la mort.
- Addison décrit en 1865 la maladie liée à la destruction des SRR (insuffisance
SRR).
- Le cortisol et l’hydrocortisone sont isolés en 1937 et 1938.
- Kendall administre pour la première fois en 1948, la cortisone à une femme de
29 ans atteinte d’une forme sévère de polyarthrite rhumatoïde et la guérit.
- Les SRR élaborent à partir du cholestérol (lipoprotéines plasmatiques de
faible densité, LDL) trois types d’hormones stéroïdiennes : les glucocorticoïdes
(Cortisol), agissant principalement sur la gluconéogénèse hépatique, les
minéralocorticoïdes (Aldostérone) contribuant à l’homéostasie du sodium et du
potassium, les androgènes surrénaliens (déhydroépiandostérone, DHEA, sulfaté ou
non) intervenant au niveau hépatique (testostérone IGF1) et sur les tissus
cibles (os, adipocyte, peau ...).
- Cette synthèse est stimulée par l’ACTH d’origine adénohypophysaire, sous le
contrôle positif du CRH hypothalamique ; le cortisol freine en retour les
synthèses de CRH et d’ACTH (rétrocontrôle ou feed back négatif) ; c’est l’axe
hypothalamo-hypophyso-surrénalien (AHHS) ; cet axe est hyperactivé lors de tout
stress.
- L’ACTH est un polypeptide issu de la proopiomelanocortine (POMC) qui contient
également les séquences de la bêta-endorphine et de la melanocyte-stimulating
hormone (MSH).
- La secrétion d’ACTH est pulsatile (12 pulses par jour) ; la secrétion de
cortisol obéït à un rythme circadien (pic à 6h du matin ; vallée à 5h
l’après-midi).
2 Définition

- Les glucocorticoïdes sont des stéroïdes, dérivés de synthèse chimique, visant
à amplifier certaines propriétés pharmacologiques (action anti-inflammatoire ;
action antiallergique ; action immunosupressive) à minimiser les effets
hormonaux propres au cortisol, hormone naturelle, et à éviter les effets de type
minéralocorticoïde.
- Les études dites structure-activité montrent que la double liaison 1-2
favorise l’effet sur le métabolisme des glucides par rapport à la rétention
sodée ; la 6-alpha-méthylation renforce l’effet anti-inflammatoire et diminue
l’effet minéralocorticoïde ; la présence d’un fluor en 9 alpha augmente toutes
les activités biologiques des corticoïdes. Tous les produits comportent un OH en
17 alpha et un O ou OH en 11.
- Il est clair néanmoins qu’il n’a pas été possible de dissocier totalement les
effets anti-inflammatoires bénéfiques des conséquences endocrinométaboliques
néfastes.
- Notons enfin que des analogues de l’ACTH ont été synthétisés (ex : le
Synacthène®).
3 Les produits
3.1 Le descriptif

Les tableaux I et II résument en DCI, Nom commercial® et dosage unitaire les
principaux glucocorticoïdes de synthèse actuellement utilisés. Le cortisol
(Hydrocortisone®) et la Cortisone (Cortisone®) ne sont pas mentionnés car
supplantés par les produits plus puissants et plus spécifiques ; ces deux
produits sont par contre utilisés en endocrinologie (mimes des hormones
naturelles).
3.2 Les formulations galéniques
3.2.1 Voie générale

- Voie orale, c’est l’administration la plus usuelle.
- Voie injectable. La voie intraveineuse par exemple est réservée à l’urgence ou
aux fortes posologies (à titre d’exemple : bolus de méthylprednisolone variant
de 100 mg à 1 g pendant 3 jours). Le synacthène® n’existe qu’en injectable.
- Formes retards dont le Dépo-médrol, peu maniables au long cours. Le Synacthène
Retard® répond à une forme retard.
3.2.2 Voie locale

- Infiltrations articulaires (Célestène®, Kenacort®) ; l’Hexatrione® a une
action retard parfois très prolongée.
- Dermocorticoïdes utilisés sous formes de crèmes ou de pommades en application
locale. Certains sont qualifiés d’activité très forte (Dermoval®, Betnéval®).
- Aérosols indiqués dans l’asthme (Bécotide®, Auxisone®) ; notons ici les
corticoïdes dits ORL indiqués dans la rhinite allergique (Pivalone®, Aldécine®).
- Collyres indiqués dans les uvéites et les conjonctivites (Solucort®, Dexane®),
contre-indiqués dans la kératite herpétique ou mycosique.
- Lavement et mousse rectale.
3.2.3 Les excipients

- Certaines formulations contiennent des sulfites source d’accidents graves
(Soludecadron®, Célestène®, Betnésol®).
- D’autres possèdent du zinc ou d’autres composés source potentielle d’accidents
allergiques.
3.3 Les équivallences anti-inflammatoires

Etant donnée la multiplicité des produits à notre disposition il faut tenter
d’établir des correspondances ou des équivalences entre les produits. Le tableau
III résume les résultats. En le lisant en détail on constate que
l’hydrocortisone (20 mg) exerce un effet anti-inflammatoire de 1, alors que la
béclométhasone est 40 fois plus anti-inflammatoire pour une posologie de 0,50
mg. L’effet minéralo-corticoïde, aux doses annoncées n’est plus visible, de la
méthylprednisolone à la béclométhasone. Les durées d’action pharmacodynamiques
sont variables (biological half-life ; hours) et permettent de classer les
produits par voie orale en 3 catégories selon la durée d’action :

- courte (24-36 h) : hydrocortisone, méthylprednisolone, prednisolone
- intermédiaire (48 h) : paraméthasone, triamcinolone
- longue (> 48h) : Bethaméthasone, dexaméthasone.
4 Pharmacocinétique

- La biodisponibilité est de l’ordre de 90 %. La prednisone (Cortancyl®) est
transformée dans le foie en prednisolone (Solupred®). La conjonctive, la peau,
le myocarde résorbent bien les corticoïdes. La voie IM entraîne un prolongement
de l’effet. Les anti-acides diminuent l’absorption.
- La liaison des glucocorticoïdes endogènes aux protéïnes plasmatiques est
réversible. Elle se fait sur la transcortine (Corticosteroid Binding Globuline,
CGG) et l’albumine.Les médicaments stéroïdiens sont, quant à eux, peu liés à la
CBG. La CBG transporte les glucocorticoïdes au niveau des sites de
l’inflammation. La CBG est sous l’influence des oestrogènes de l’IL6.
- La demi-vie plasmatique est supérieure à celle du cortisol et n’est pas
corrélée directement aux effets pharmacodynamiques.
- Le métabolisme est essentiellement hépatique, ralenti dans l’hypothyroïdie, la
grossesse et la cirrhose hépatique ou en cas de prises d’oestrogènes.
- L’élimination est rénale (réduite en cas d’administration le soir).
- En présence d’inducteurs enzymatiques (barbituriques, phénytoïne,
rifampicine), l’action est diminuée. A l’inverse la cortisone diminue l’action
de la vitamine D, des hypoglycémiants et de la digoxine. Les taux sanguins de
prednisone sont augmentés par la ciclosporine.
- L’heure de prescription est le matin, lorsque l’hypophyse déverse son flux
d’ACTH. La prise alternée un jour sur deux n’a d’intérêt que chez l’enfant.
L’effet freinateur de la dexaméthasone sur l’AHHS est 2 fois plus long à 0 h
plutôt qu’8 heures.
- L’ACTH sous forme de Synacthène Retard provoque une libération surrénalienne
de stéroïdes en 30 à 60 min, suivie d’un plateau de 24 à 36 heures.
- La dexaméthasone est utilisée dans un test d’évaluation de la réactivité de
l’AHHS ; la réponse du cortisol plasmatique est émoussée en cas de dépression.
5 Mécanisme d'action
5.1 Les récepteurs glucocorticoïdes

- Il existe deux types de récepteurs glucocorticoïdes.
- Le type I contrôle le rythme circadien basal de la secrétion de
corticostéroïdes ; le type II est le récepteur impliqué dans la réponse au
stress et à l’inflammation.
- Notons au passage que les minéralocorticoïdes (aldostérone) utilisent
préférentiellement le type I ; dans les tissus cibles minéralocorticoïdes, la
11-bêta-hydroxystéroïde deshydrogénase convertit les glucocorticoïdes en une
forme moins affine pour le type I, au profit des minéralocorticoïdes.
- Il s’agit de récepteurs cytoplasmiques, véritables facteurs de transcription.
5.2 La localisation des récepteurs

Les types I et II sont présents dans presque tous les tissus. Ils sont
représentés sur les cellules intervenant dans l’inflammation (macrophages). Ils
existent dans le tissu cérébral.
5.3 La structure des récepteurs

- Le récepteur glucocorticoïde fait partie de la superfamille des récepteurs
nucléaires à laquelle appartiennent les récepteurs des stéroïdes, des
rétinoïdes, des activateurs des peroxysomes, de la vitamine D et des hormones
thyroïdiennes.
- Après l’arrivée de l’hormone, l’ensemble hormone-récepteur (GR) transloque
dans le noyau.
- Une fois dans le noyau, le récepteur activé par son ligand se lie à un site
spécifique localisé sur l’ADN ; ce site est appelé GRE ou (Glucocorticoid
Responsive Element) localisé dans la région du promoteur ; il s’ensuit une
transcription génomique conduisant à la synthèse protéïque (mRNA, protéines).
- L’architecture de tous ces récepteurs est la même avec un domaine d’activation
du gène (ou de régulation transcriptionnelle), un domaine de liaison à l’ADN, un
domaine de liaison à l’hormone.
- Le domaine N-terminal (teta1) est impliqué dans la liaison avec des facteurs
de transcription et dans la transactivation transcriptionnelle après liaison à
l’ADN.
- Le GR est maintenu au niveau du cytoplasme dans un état inactif par une
association avec d’autres protéines (CHAPERONS MOLECULAIRES) : les protéines de
choc thermique (HSP 90 et 70) et une protéine de la famille des immunophilines
(p59). Lorsque le glucocorticoïde se lie au GR, le HSP 90 se dissocie permettant
la localisation nucléaire rapide du couple glucocorticoïde-GR puis la fixation
sur l’ADN.
- La fixation sur l’ADN est dûe à l’exposition de deux régions coordonnant deux
atomes de zinc, appelés doigts de zinc. Un doigt de zinc du récepteur interagit
avec le sillon majeur du site d’ADN, après réarrangement de la chromatine au
niveau du site de l’ADN.
- Il existe sur le gène un GRE négatif qui réprime la transcription (nGRE).
5.4 Action sur la transcription

- La régulation génomique nécessite une modulation précise de l’initiation de la
RNA-polymérase responsable de l’initiation de la transcription et de la
formation de l’ARN messager.
- L’initiation de la RNA-polymérase est due à l’arrivée de facteurs de
transcription dans la région promotrice du gène.
- Ces facteurs de transcription sont des protéines cytoplasmiques ou nucléaires
spécifiques au tissu cible.
- Les récepteurs aux glucocorticoïdes interagissent directement avec ces
facteurs de transcription. Cette interaction a été clairement démontrée pour le
gène de la collagènase (qui intervient dans les destructions tissulaires de
l’inflammation), induit par un facteur de transcription l’AP-1 (Activator
Protein 1). Rappelons ici que l’AP-1 est un hétérodimère constitué des protéines
os et Jun, eux-mêmes produites des proto-oncogènes c-fos et c-jun.
- Les stéroïdes sont de puissants inhibiteurs de la transcription du gène
collagénase lorsque celle-ci est induite par le TNF-a (Tumor Necrosis Factor) et
les esters de phorbol, eux-mêmes activateurs de l’AP-1.
- L’AP-1 forme un complexe avec le GR activé responsable d’une inhibition
mutuelle du binding sur l’ADN.
- Les stéroïdes inhibent l’effet des cytokines, qui ont un rôle clé dans
l’inflammation chronique et dont le mode d’action passe précisément par
l’activation de l’AP1.
- Les agonistes des récepteurs b ou b+ (délétères chez l’asthmatique)
antagonisent l’action anti-inflammatoire des stéroïdes. Ces b+ activent un
facteur de transcription, le CREB, qui se lie sur les gènes à un
cAMP-responsive-element (CRE). Précisément la liaison du CRE diminue la liaison
au GRE (véritable exemple d’interaction entre récepteurs nucléaires). Un
phénomène du même type a été démontré pour le MRE (Multiple cytokine responsive
enhancer region).
6 L'expression anti-inflammatoire et immuno-suppressive
6.1 Les cytokines

6.1.1 Les glucocorticoïdes sont des inhibiteurs de la transcription de plusieurs
cytokines du fait d’une repression de la transcription génique (interaction des
GR activés avec les negative GRE). Le gène de l’interleukine-6 (IL-6) est
particulièrement sensible à ce mécanisme inhibiteur. Notons que les stéroïdes
augmentent la dégradation de l’ARNm de IL-1, IL-3 et GM-CSF
(granulocyte-macrophage-colony-stimulating factor).

6.1.2 Les glucocorticoïdes inhibent la synthèse de certains récepteurs aux
interleukines (ex : IL-2). A titre d’exemple la stimulation des lymphocytes T en
grande partie due à l’activation de l’AP-1, conduit à l’induction des gènes
cibles de l’IL-2 et du récepteur IL-2 et à la prolifération cellulaire ; cette
cascade est antagonisée par les glucocorticoïdes.

6.1.3 Les récepteurs glucocorticoïdes (GR) agissent, au niveau du gène, de
manière opposée à celle de l’AP-1 et du NFkB, facteurs de transcription activés
par les cytokines (dont le TNFa). Dans les cellules (non stimulées) de
l’immunité, le facteur de transcription NFkB est complexé avec IkBa au sein du
cytoplasme. Sous l’effet d’une stimulation immunitaire, une phosphorylation de
IkBa survient dissociant le couple IkBa - NFkB et libération du NFkB qui peut
migrer dans le noyau ou il active les gènes notamment des cytokines (voie 1).
Parallèment le complexe glucocorticoïde-récepteur aux glucocorticoïdes, active
le gène de synthèse d’ IkBa , qui vient se recomplexer avec NFkB et donc
l’inhiber (voie 2), conduisant à une diminution de synthèse des cytokines en
réponse à la stimulation immunitaire. Ce mécanisme décrit en 1995, ouvre la voie
des purs anti-inflammatoires ou immunosuppresseurs, molécules antagonistes du
NFkB.

6.1.4 Les stéroïdes peuvent également de manière indirecte inhiber l’expression
des gènes des cytokines. La ciclosporine inhibe la transcription du gène IL-2 en
bloquant le binding d’un facteur de transcription spécifique, le NF-AT (Nuclear
Factor of Activated T cells) qui se lie normalement à une séquence de
reconnaissance dans le promoteur d’IL-2. Le NF-AT se complexe avec l’AP-1 avant
de se lier à l’ADN. Les stéroïdes inhibent la transcription du gène IL-2 en
bloquant l’AP-1 et donc en interférant avec la liaison du NF-AT.
6.2 Les médiateurs de l'inflammation
6.2.1 Lipocortine-1

Les stéroïdes augmentent la synthèse de lipocortine-1 (membre de la superfamille
des annexines) qui possède des propriétés anti-inflammatoires via un effet
inhibiteur sur la phospholipase A2 (PLA2) et donc une inhibition de la
production des médiateurs lipidiques (leucotriènes, prostaglandines, facteur
d’activation des plaquettes ou PAF). Rappelons  que la lipocortine-1 intervient
dans la migration des leucocytes, dans le différenciation et la croissance
cellulaires, dans la thermorégulation et dans les réactions de défense du
cerveau contre des agressions (apoptose, ischémie, stress, sclérose en plaques,
Alzheimer ...).
6.2.2 Effet inhibiteur direct sur les gènes des médiateurs lipidiques

Les stéroïdes inhibent la transcription génique de la forme cytosolique de PLA-2
induite par les cytokines. Les glucorticoïdes inhibent l’expression du gène de
la cyclo-oxygénase 2 et peut-être celle de la 5-lipo-oxygénase.
6.2.3 Bradykinine

La bradykinine, composant chimique de la réaction inflammatoire et douloureuse
est dégradée par plusieurs enzymes dont l’enzyme de conversion de l’Angiotensine
et une endopeptidase neutre (NEP) ; ces deux enzymes sont induites par les
glucocorticoïdes. Notons que la NEP intervient dans la dégradation des
tachykinines (dont la substance P important dans la douleur et  l’inflammation
neurogène). L’effet antalgique des stéroïdes peut ainsi s’expliquer.
6.3 Les molécules d'adhésion cellulaire (MAC)

- Les stéroïdes exercent un effet inhibiteur direct sur l’expression des
molécules d’adhésion telles l’ICAM-1 et la E-selectine.
- Un mécanisme indirect existe, via l’inhibition des cytokines, ces derniers
favorisant l’expression des MAC sur les cellules endothéliales.
6.4 Autres actions

6.4.1 Effet inhibiteur sur le gène de la nitric oxide synthase (NOS) enzyme de
synthèse de NO source de radicaux libres destructeurs, d’une augmentation du
flux sanguin dans les voies aériennes et d’une exsudation plasmatique au niveau
d’un tissu enflammé.

6.4.2 Inhibition de l’expression des proto-oncogènes c-fos et c-jun et de
l’activation de AP-1 par LTB 4 et le PAF.

6.4.3 Effet sur divers récepteurs : augmentation de la transcription du
récepteur adrénergique bêta-2. Inhibition de l’expression du gène du récepteur
NK1 aux tachykinines (dont la substance P).

6.4.4 Effet antiperméabilité membranaire au niveau des veinules des capillaires
(synthèse de vasocortine).

6.4.5 Effet favorisant la mort cellulaire programmée et l’apoptose. Ce phénomène
est clair sur les éosinophiles dont la survie dépend de l’IL-5 et du GM-CSF.
L’apoptose induite peut découler de l’activation d’endonucléases.
6.5 La résistance aux stéroïdes

- Cette situation est connue en clinique.
- Elle n’est pas dûe à un défaut de binding sur les GR ni à une anomalie dans la
translocation nucléaire.
- Des auto-anticorps anti-lipocortine-1 ont été décrits.
- L’explication réside dans une anomalie de l’effet inhibiteur décrit sur
l’AP-1. Ceci explique qu’en clinique l’effet anti-inflammatoire n’existe plus
alors que les effets hormonaux et sur l’homéostasie persistent. Le point d’orgue
se situe au niveau de l’interaction GR-GRE et AP-1-GRE.
- Une anomalie peut exister au niveau du domaine t1 des récepteurs
glucocorticoïdes, impliqué dans l’interaction avec les facteurs de
transcription.
7 Effets pharmacodynamiques
7.1 Effet anti-inflammatoire

- Les glucocorticoïdes sont efficaces dans toute pathologie inflammatoire. Ils
stoppent chaleur, rougeur, gonflement et sont antipyrétiques.
- Ils induisent une diminution des lymphocytes (T et B), monocytes basophiles et
éosinophiles. Les neutrophiles augmentent (hyperleucocytose pharmacologique ! ).
- Au niveau des lymphocytes, les stéroïdes modifient la surface cellulaire,
redistribuent les cellules du compartiment intravasculaire vers le tissu
lymphoïde, inhibe la réponse des T lymphocytes aux mitogènes, antigènes
spécifiques et allo-antigènes. Ils diminuent la production d’anticorps.
- A l’échellon microscopique les glucocorticoïdes inhibent la phase précoce de
l’inflammation (oedème, dépôt de fibrine, dilatation capillaire, migration
leucocytaire, activité phagocytaire) mais aussi la phase tardive (prolifération
capillaire, prolifération fibroblastique, dépôt de collagène et cicatrisation).
7.2 Effet immuno-suppresseur

- L’effet des glucocorticoïdes doit être considéré comme faible par rapport à la
puissance de la ciclosporine ou du Tacrolimus. Cet effet est reconnu et découle
de : 1) la modification de la circulation et du recrutement des lymphocytes (T)
et des monocytes ; 2) l’inhibition de la prolifération lymphocytaire T ; 3)
l’inhibition de la cytotoxicité cellulaire ; 4) des interférences avec la
synthèse des cytokines induites par les antigènes.
- Les glucocorticoïdes sont aujourd’hui considérés comme des immunomodulateurs
car possèdant des actions permissives lors des réponses immunitaires :
uprégulation des récepteurs IL-6, et du gp 130 (mécanisme de leur transduction),
uprégulation des récepteurs IL-1.
7.3 Effet anti-allergique

Cette action s’explique par le blocage de la synthèse des médiateurs lipidiques
de l’allergie (phospholipase A2 ; cyclo-oxygénase ; lipo-oxygénase).
 Sous l’effet des corticoïdes l’IgE activée par l’allergène, quoique fixée sur
le basophile et le mastocyte, devient incapable d’activer ces cellules.
8 Pharmacovigilance
8.1 Les faits

Les glucocorticoïdes notamment lorsqu’ils sont employés à forte dose et pendant
longtemps induisent des effets indésirables, presque tous de type A, donc
explicables pharmacologiquement. Ces effets sont surtout ceux partagés avec les
hormones naturelles, donc d’ordre métabolique (effet cortisol) et homéostasique
(effet aldostérone). Rappelons qu’un traitement court ou encore une
administration unique permettent de sauver une vie humaine sans risque.
8.2 Des points importants

Le risque infectieux en particulier viral (herpès, zona, varicelle) existe (à
surveiller).
Le rebond de la maladie à l’arrêt brutal justifient des arrêts progressifs.
L’insuffisance surrénalienne (les glucocorticoïdes de synthèse ont joué le rôle
de la glande qui donc s’est reposée et ... atrophiée). On peut la prévenir par
des relances de la glande par des injections de synacthène® (ACTH like).
La corticothérapie locale n’échappe pas à ces effets indésirables généraux du
fait de leur grande diffusion.
Ne jamais oublier l’effet sur le système nerveux (excitation, nervosité,
insomnie) ainsi que l’accentuation de l’appétit (qui ne fera qu’aggraver la
prise de poids).
8.3 Conséquences

Les malades auront à être prévenus de la possibilité de ces effets indésirables.
Des mesures préventives sont à préconiser : régime hypocalorique, sans-sel,
éventuellement apport de potassium. Comme pour les AINS le risque d’ulcère et la
perforation sont à envisager systématiquement.
 
Conclusion

- La recherche est active sur les glucocorticoïdes.
- Elle est concurrencée d’une part par les anticorps dirigés contre les
récepteurs aux interleukines (ex : anti-IL6 et choc septique ; anti-IL-8 et
inflammation pulmonaire), d’autre part par les nouveaux immunosuppresseurs.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
Pr. Hervé Allain
Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, av du Pr. Léon Bernard 35043 Rennes cedex
 
mis à jour le 23 janvier 1999
Résumé
1 Histoire
2 Définition
3 Mécanisme d'action
4 Pharmacocinétique
5 Pharmacologie clinique
6 Pharmacovigilance
6.1 Généralités     

6.2 Les accidents des AINS
6.3 Les interactions médicamenteuses
7 Pharmacoépidémiologie
8 Indications
8.1  Rhumatologie
8.2  Autres indications

Bibliographie
Résumé
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) incluent l’aspirine et de
nombreux composés. Ils sont anti inflammatoires, antalgiques, antipyrétiques.
Les produits envisagés ici inhibent tous la cyclooxygénase (Cox) des tissus
enflammés et ... normaux. Ils exercent d’autres propriétés intéressantes vis à
vis de la biochimie de l’inflammation. Leur action thérapeutique est très
puissante, hélas au prix d’une pharmacovigilance très riche, PG (prostaglandine)
ou non-dépendante. Ces produits sont largement prescrits surtout chez le sujet
rhumatisant ; des indications multiples découlent de la physiologie ubiquitaire
des PG.
1 Histoire
L’acide acétyl-salicylique ou Aspirine est le plus ancien AINS (NSAID en
anglais), découvert empiriquement (serendipity) à partir d’extraits d’écorce de
saule (salix). L’indométhacine (Indocid®) est le prototype des puissants AINS
modernes (1965).
Les AINS partagent tous certaines propriétés communes : diminution de la
réaction inflammatoire au stade aigu ou chronique ; inhibition de la synthèse
des prostaglandines (PG) ; effet pharmacodynamique triple : anti inflammatoire,
antipyrétique, antalgique (ceci s’explique par une physiopathologie commune à
ces trois états, en particulier par le rôle des PG). Les AINS agissent sur la
phase aiguë et la phase chronique de l’inflammation, sachant que les réactions
dépendent de l’agent causal et du tissu concerné. Ces médicaments stoppent les
stigmates classiques de l’inflammation : tumeur, chaleur, douleur.
L’inflammation est un processus extrêmement fréquent en médecine expliquant
l’utilisation très large des AINS ainsi que leur banalisation. Leur prescription
est néanmoins l’apanage de la rhumatologie (rhumatismes inflammatoires). Le rôle
ubiquitaire des PG dans l’organisme (coagulation, bronchomotricité, filtration
rénale, contractions utérines, neurotransmission chimique) expliquera des
indications très variées de ces AINS ainsi que leurs effets indésirables (riche
pharmacovigilance). L’apprentissage de la physiologie des PG est un prérequis
indispensable à la pharmacologie des AINS.
 
2 Définition
Les AINS sont des produits de synthèse très variés tous anti inflammatoires mais
dénués d’action stéroïdienne (glucocorticoïdes).
Les tableaux 1 et 2 regroupent ces AINS inhibiteurs des PG selon leur
appartenance chimique.
A côté de ces AINS, inhibiteurs des PG, il convient de rappeler qu’il existe des
produits anti inflammatoires NON INHIBITEURS DES PG, dont :
- les paraaminophénols : phénacétine, paracétamol, essentiellement utilisés
comme  antalgiques ;
- les anti-arthrite rhumatoïde : les sels d’or, la pénicillamine, le levamisole,
les  antipaludéens et les immunosuppresseurs, réservés à la rhumatologie et de
maniement  délicat ;
- les anti-goutteux : colchicine, allopurinol et uricosuriques, réservés au
traitement de la  goutte.

Le tableau 1 veut signifier que les AINS sont classés aujourd’hui selon leur
rapport efficacité/risque. Dans la liste I on retrouve les pyrazolés aux effets
indésirables graves, les oxicams (qui peuvent induire le syndrome de Lyell) ;
ces produits sont à réserver aux affections rhumatologiques sévères.
3 Mécanisme d'action
Schématiquement les AINS agissent sur les modifications cellulaires et chimiques
accompagnant la réaction inflammatoire. Ces réactions sont multiples et
complexes.

La réaction inflammatoire chronique implique des produits de la cascade
arachidonique ainsi que des cytokines dont l’interleukine 1 qui fera intervenir
les systèmes immunitaires (prolifération de lymphocytes B ; stimulation des
lymphocytes T et production de lymphokines). L’interleukine 1 (IL-1) et le Tumor
Necrosis Factor-alpha (TNF-alpha), sécrétés par les monocytes et les
macrophages, sont les principales cytokines inflammatoires. Elles sont à
l’origine de l’IL-8 et de la Macrophage chemo-attractant Protein-1 (MCP-1) qui
attirent les neutrophiles et les mastocytes au foyer inflammatoire.

Les migrations cellulaires, typiques de la réaction inflammatoire impliquent les
MACs ou molécules d’adhésion cellulaire : les cadhérines, les intégrines, les
sélectines et les immunoglubines dont l’ICAM-1 (Intercellular Adhesion
Molecule-1). Leur expression est modulée par les cytokines. Ces molécules
expliquent pourquoi lors d’une blessure la réaction inflammatoire est purement
locale. Leur présence anormalement élevée est à la base des phénomènes
inflammatoires allergiques.

L’action commune et unanimement reconnue des AINS est d’inhiber l’une des deux
enzymes de dégradation de l’acide arachidonique, la cyclooxygénase (Cox) ; il
s’ensuit une diminution de la synthèse des PG : PGE1, PGE2, PGFalpha, PGF2alpha.

Rappelons qu’il existe deux isoformes de la COX : la COX-1 isoforme constitutive
de la plupart des tissus et la COX-2, isoforme inductible (par les cytokines,
l’endotoxine, et les mitogènes). Les nouveaux AINS seraient des inhibiteurs
spécifiques dela COX-2 et n’agiraient que sur l’excès de PG au site
inflammatoire en respectant les PG dans les tissus sains, notamment le tractus
gastro-intestinal (ex : le NS398). Tous les AINS actuels sont spécifiques de
COX-1, expliquant leurs nombreux effets indésirables et leur impact sur la
coagulation (la synthèse de thromboxane est spécifique de COX-1). De nouveaux
AINS en développement sont également des donneurs de NO (monoxyde d’azote ou
oxide nitrique), le NO inhibant l’adhésion et l’aggrégation plaquettaires et
intervenant dans la trophicité des muqueuses.
4 Pharmacocinétique
La demi-vie d’élimination permet de classer les AINS en produit d’action brève
(0,25 à 6,8 heures : aspirine, ketoprofène, indométhacine...) et produit
d’action longue (13 à 68 heures : sulindac, diflunisal, naproxen, piroxicam...).

La fixation aux protéines plasmatiques est élevée, source de possibles
interactions, avec déplacement et augmentation de forme libre (active) donc
risque de surdosage subit.
5 Pharmacologie clinique
Les AINS ont été évalués lors d’essais cliniques d’envergure (Phase III)
essentiellement dans les affections rhumatologiques.
Des échelles d’évaluation clinique ont été élaborées permettant d’évaluer
l’impact positif sur la fonction articulaire. Parallèlement les échelles de
douleur sont habituellement utilisées.
Comme toujours dans les classes riches en médicament, il est impossible de
comparer les produits entr’eux sur la base d’essais « multicomparatifs ».
Des essais chez le sujet âgé (rhumatismes) ont permis de mieux préciser
l’utilisation du produit dans cette tranche d’âge.
Les posologies les plus efficaces ont pu être déterminées en rappelant par
exemple que l’action anti inflammatoire de l’Aspirine n’apparaît qu’au delà de 1
gramme / jour.
6 pharmacovigilance
6.1 Définitions
Les AINS sont des produits à risque. Beaucoup de produits ont été retirés du
marché ou limités dans leurs indications : Alclofénac et risque cutané ;
Benoxaprofen et insuffisance rénale et hépatotoxicité ; Isoxicam et syndrome de
Lyell ; acide tiénilique et hépatotoxicité, etc.... Beaucoup des effets
indésirables sont de type A, explicables par le mécanisme d’action (inhibition
des PG et saignement, ulcères gastro-intestinaux, retard à l’accouchement...) ;
certains sont de type B, plus rares, sévères ou mortels (syndrome de Lyell,
hépatite fulminante, agranulocytose...). Il ne s’agit pas toujours d’effet de
classe ou de groupe chimique (exemple des accidents allergiques à un produit
bien précis).
6.2 Les accidents des AINS
6.2.1 Accidents liés à l’inhibition des PG
6.2.1.1 Accidents gastro-intestinaux

Les effets digestifs bénins sont fréquents : épigastralgies, nausées, douleurs
abdominales, troubles du transit (10 % à 40 % des cas traités avec 5 à 10 %
d’arrêts de traitement).
Les ulcères et les perforations sont classiques (contrindication absolue des
AINS) ; les sténoses et les lésions coliques sont connues. Les AINS peuvent
déclencher une rectocolite hémorragique. Helicobacter pylori ne constitue pas un
facteur de risque vis à vis des lésions gastriques. Le misoprostol (analogue de
la PGE1) traite et prévient ces effets.

6.2.1.2 Asthme et bronchospasme

C’est une contrindication à tous les AINS dont l’Aspirine.

6.2.1.3 Accidents rénaux

Chez des sujets à risque, une insuffisance rénale fonctionnelle peut survenir.
La méfiance réside dans : déshydratation, cirrhose du foie, insuffisance
cardiaque, sujet âgé, traitement par diurétiques. La durée de traitement et la
dose n’interviennent que peu ici.
En chronique l’association avec des diurétiques et surtout les inhibiteurs de
l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC) peut conduire à l’insuffisance
rénale.
D’importance, sont à signaler les risques de nécrose papillaire, d’hyponatrémie,
d’hyperkaliémie et d’hypertension artérielle.
6.2.2 Accidents indépendants des PG
6.2.2.1 Réactions cutanées

Parfois mortelles : syndromes de Lyell, de Stevens-Johnson, érythème polymorphe,
purpura et vascularite. Plus bénignes et régressives : urticaire, rash...

6.2.2.2 Réactions hématologiques

En règle d’ordre immunoallergique ; une lignée cellulaire peut être atteinte
(thrombopénie leucopénie...). Une aplasie médullaire ou une anémie aplastique
sont le lot de traitement chronique.

6.2.2.3 Réactions hépatiques

 Hépatites de tout type.
 Une simple élévation des transaminases peut être constatée.

6.2.2.4 Néphropathies immunocellulaires

En général il s’agit d’une glomérulo-néphrite focale ou diffuse.

6.2.2.5 Le Syndrome de Reye

C’est une encéphalopathie de l’enfant associée à une dégénérescence hépatique
survenant lors d’infections virales (varicelle ; influenza). L’Aspirine pourrait
précipiter voire déclencher ce syndrome. D’où la règle, peut être excessive,
d’éviter l’aspirine chez l’enfant, en cas de fièvre (préconiser le paracétamol).
6.2.3 Effets toxiques
Troubles neurosensoriels : céphalées, vertiges, confusion surtout avec
l’indométacine.
Surdité, vertiges, acouphènes, classiques chez les grands et longs consommateurs
d’AINS (salicylisme).
Neuropathies périphériques.
 
6.3. Les interactions medicamenteuses
6.3.1. Les interactions pharmacocinétiques
Elles sont fréquentes et souvent aux conséquences graves. Les corticoïdes
augmentent la clairance des salicylés.
 
AINS
    
Médicaments d'action modifiée
    
Conséquence
Pyrazolés     Anticoagulants oraux
Sulphonylurées
Phénytoïne
Acide valproïque
Warfarine (anticoagulant)     Inhibition du métabolisme du 2e médicament
 

Diminution de la clairance
Nombreux AINS     Digoxine, Lithium,
Aminoglycosides
Méthotrexate     Diminution de l’excrétion rénale du 2e médicament (risque de
toxicité)
Aspirine
(Forte dose)     Warfarin ;
Acetazolamide
Acide valproïque     Potentialisation de l’anticoagulant
Diminution de la sécrétion tubulaire rénale
Inhibition de l’oxydation
Dérivés de l'aspirine
(Salicylés)     Phénytoïne ; Acide valproïque
Acétazolamide     Compétition sur les sites de fixation protéique plasmatique
6.3.2. Les interactions pharmacodynamiques
L’interaction avec les antihypertenseurs est capitale ; elle s’explique par la
modification de la physiologie des PG.
 
Médicament
    
 AINS
    
Effet
Bêta-bloqueurs
IEC
Diurétiques     Tous      - Réduction de l’effet anti HTA
- Réduction de la natriurèse et de la diurèse
Anticoagulants     Tous     - Risque de saignement digestif
Sulphonylurées     Salicylés     - Augmentation des effets hypoglycémiques
Alcool     Tous     - Risque de saignement en particulier gastro intestinal
Ciclosporine     Tous     - Potentialisation de la néphrotoxicité
7 Pharmacoépidémiologie
Les AINS constituent l’un des meilleurs exemples de suivis de cohortes ou de
recherche sur des populations spécifiques de la responsabilité de cette classe
dans la survenue d’effets indésirables : sujets âgés ; sujets porteurs d’une
polyarthrite rhumatoïde confirmée ; médicaments responsables de Stevens-Johnson
; enfants arthritiques....
Le Boston Collaborative Drug Surveillance Program (BCDSP) a été le premier à
démontrer la fréquence des saignements digestifs même infracliniques.
L’automédication de ces produits, surtout dans un but antalgique, doit être
suivie, évaluée et prévenue.
A titre d’exemple les AINS arrivent en bloc après les antibiotiques dans la
responsabilité du Stevens-Johnson.
Le syndrome de Reye fait toujours l’objet d’un suivi.
La prise au long cours d’AINS diminuerait l’incidence de la Maladie d’Alzheimer
(il existe une inflammation chimique au niveau des plaques séniles).
8 Indications
8.1 Rhumatologie
Rhumatismes inflammatoires chroniques.
Arthroses douloureuses et invalidantes.
En courte durée :
- poussées douloureuses de l’arthrose
- affections abarticulaires (tendinites, lombalgies, périarthrite)
- arthrites microcristallines (goutte)
8.2 Autres indications
Néonatologie : fermeture du canal artériel
ORL et stomatologie
Traumatologie
Gynécologie (dysménorrhées)
Phlébologie (phlébites superficielles)
Urologie : traitement de la colique néphrétique
Cancérologie : douleur ; hypercalcémies
Cardiovasculaire : prévention d’accidents ischémiques (action antiplaquettaire).
9 Bibliographie
1 - ALLAIN H., BEZIER A., LABLACHE-COMBIER B.
Prévention secondaire des pathologies athérothrombotiques : à quelle dose
prescrire l’aspirine.
La Lettre du Pharmacologue 1993 ; 7 : 35-38.

2 - DAY R.O., QUINN D.I., CONAGHAN P.G., TETT S.E.
Adverse drug reactions and their measurement in the rheumatic diseases.
J. Rheumatol. 1995 ; 22 : 983-988.

3 - De POUVOURVILLE G., BADER J.P.
Analyse économique du traitement préventif par le misoprostol chez l’homme des
ulcères gastriques liés aux AINS.
Gastroenterol. Clin. Biol. 1991 ; 15 : 399-404.

4 - GIRGIS L., BROOKS P.
Nonsteroidal anti-inflammatory drugs ; differential use in older patients.
Drugs and Aging 1994 ; 4 : 101-112.

5 - MENARD G., ALLAIN H., LE ROHO S., MOREL G., BENETON C.
Enquête d’un jour en officine sur la consommation d’antalgiques et
d’antipyrétiques.
Thérapie 1993 ; 48 : 263-267.

6 - MENARD G., BENTUE-FERRER D., CILLARD J., ALLAIN H.
Pharmacologie des prostaglandines.
Angéiologie 1995 ; 47 : 47-52.

7 - RAINSFORD K.
Side effects of anti-inflammatory/analgesic drugs : renal, hepatic and other
systems.
Tt Pharmacol. Sc. 1984 ; 5 : 205-208.

8 - ROUJEAU J.C. et coll
Medication use and the risk of Stevens-Johnson syndrome or Toxic Epidermal
Necrolysis.
N. Engl. J. Med. 1995 ; 333 : 1600-1607.

Développement des médicaments en neurologie
Pr. Hervé Allain
Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, avenue du Pr. Léon Bernard, 35043 Rennes Cedex
 
 mis à jour le 23 janvier 1999
La Neurologie a longtemps été le parent pauvre de la thérapeutique et de
l'innovation médicamenteuse. Aujourd'hui la tendance se renverse, le neurologue
au moins du secteur public ayant comme mission entr'autres, mais très
officielle, de participer à cette recherche appliquée, à savoir, contribuer à
l'évaluation et donc à l'innovation thérapeutique.
Les postulats de base de la recherche pharmacologique, la méthode, l'éthique et
la réglementation ne sont pas spécifiques à la Neurologie et doivent déboucher
sur la fameuse "AMM", prochainement Européenne (Londres, Agence Européenne du
médicament). L'AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) sera obtenue face à un
rapport bénéfice/risque jugé acceptable et satisfaisant pour les malades et la
société. Cette AMM dictera les indications et les conditions d'utilisation du
produit.
L'AMM est obtenue via les étapes du développement du médicament, de la phase I à
la phase III (essais cliniques randomisés contrôlés). Ces essais ne se voient
opposer que peu d'alternative en dehors de la pharmacovigilance et de la
pharmacoépidémiologie qui en général interviennent en post-AMM. Des techniques
comme la méta-analyse permettent toutefois d'emporter des convictions ou des
probabilités de certitude.
La connaissance du déroulement d'un essai clinique suppose d'en connaître les
étapes ; celles-ci permettront de pointer les spécificités et les difficultés
liées aux médicaments du système nerveux central (SNC) et ainsi de prouver la
place du neurologue dans cette aventure. Les points clés d'un essai de phase III
méritent d'être détaillés : la définition de l'objectif, la randomisation, la
stratification, les critères d'évaluation, l'utilisation ou non d'un placebo, la
possibilité d'analyses intermédiaires. Ces points pourront être illustrés à
propos d'exemples contemporains. Quelques thèmes méthodologiques doivent être
présentés : les analyses intermédiaires qui permettent d'éviter que des malades
ne restent exposés à des substances soit dangereuses soit inefficaces ; les
critères intermédiaires (surrogate endpoints) particulièrement problématiques en
Neurologie, visant à remplacer des critères de jugement propres à la maladie par
des critères de substitution, supposés refléter la maladie et son évolution sous
traitement (ce chapitre est d'actualité lors des phases précoces). Les biais
méthodologiques doivent être considérés comme les erreurs venant "tronquer" les
résultats. Nous les illustrerons par un chapitre méconnu, celui des "facteurs
confondants" (l'exemple pris sera celui des récurrences épileptiques après une
première crise).

L'un des problèmes cruciaux en Neurologie est celui du diagnostic et de sa
certitude. La littérature médicale abonde d'exemples montrant les variations
interévaluateurs en terme de certitude diagnostique, notion capitale au moins
pour l'inclusion des malades dans un essai. Les tests ou examens paracliniques
posent la même question que nous illustrerons à propos de l'IRM et de la SEP ou
le génotypage de l'apolipoprotéine et la maladie d'Alzheimer (preuve du lien
entre la prédicitivité d'un test et la prévalence de la maladie).

Les critères d'évaluation des symptômes ou des maladies neurologiques reposent
souvent sur des échelles, sur des données subjectives ou éventuellement des
données paracliniques. Une réflexion sur ces critères est nécessaire car
conditionne le traitement des données et surtout l'interprétation des
conclusions de l'essai.

Quelques exemples de problèmes actuels prouveront que l'ensemble des questions
précédentes se trouve intriqué dans tous les travaux de neuropharmacologie
clinique : plainte subjective de mémoire et Alzheimer ? APO-E4 et anomalie au
PET scan de volontaires sains ? Agonistes dopaminergiques et fluctuations à
terme ? Antiépileptique en add-on et interaction pharmacocinétique ? Absence
d'effet d'un produit sur des critères conventionnels ? Cette dernière
interrogation soulève avec acuité le champ des sujets "tabous" en Neurologie
(neuropsychologie).

Certaines thérapeutiques sont aujourd'hui en pointe tels les problèmes relatifs
aux maladies liées à l'âge ou les médicaments supposés neurocytoprotecteurs
(anti-NMDA ; facteurs neurotrophiques ...). L'histoire de deux essais mérite
d'être reprise : l'étude DATATOP dans la maladie de Parkinson et le suivi de
cohortes de parkinsoniens randomisés dans trois bras de traitement en
Angleterre, aboutissant à  "la dangerosité de" l'association "DéprénylÒ /
Lévodopa"

Des difficultés, ou des constats majeurs semblent assez typiques de la
Neurologie : les maladies orphelines et les médicaments orphelins (peu de
malades, peu de marché donc ... peu de recherche) ; la multiplicité des essais
pilotes ou des expériences peu étayées ou peu prouvées ; la pléthore d'études
non contrôlées ; le manque d'études nationales d'envergure ainsi que leur
promotion au niveau international ; l'absence d'intérêt collectif vis à vis
d'interrogations concernant le médicament lui-même au profit de la pathologie ou
de la physiologie ; désintérêt malheureux vis à vis du symptôme (contre-exemple
de l'histoire de la lévodopa).

Pour la commission d'AMM le point le plus délicat réside certainement dans la
quantification de l'intensité du résultat obtenu dans un essai (significativité
statistique versus pertinence clinique). C'est sur ce principe que l'on pourrait
argumenter à la faveur de la Tacrine dans l'Alzheimer, du Riluzole dans la SLA,
du Felbamate dans le Lennox-Gastaut etc ...

Cette commission de réflexion et de décision implique des propositions de
formation intensive à la recherche clinique (maîtrise et DEA de pharmacologie
clinique), de participation soutenue aux grands essais en cours, de création
d'unités locales de méthodologie d'essais cliniques (UF hospitalière de
pharmacologie clinique), de collaborations avec des centres de réalisation de
phases précoces, amont indispensable aux essais de phase III (Biotrial à
Rennes), d'attaque des problèmes thérapeutiques les plus aigus et les plus
actuels.

Ces travaux d'évaluation médicamenteuse ont été longtemps relégués aux
oubliettes de la recherche médicale. Ce sont eux pourtant qui conditionnent
l'évolution thérapeutique et la gloire d'une spécialité médicale. La Neurologie
francophone avait oubliée cette dimension qui aujourd'hui lui est demandée par
les instances administratives et ... les malades. Reste à chaque neurologue d'y
participer, véritable intermédiaire entre les acquis des neurosciences
fondamentales et la thérapeutique de routine. L'obtention de l'AMM n'est
finalement que la concrétisation d'une recherche appliquée, justifiée, bien
menée au profit de nos malades (évaluation ultime).

LES GRANDS ESSAIS ACTUELS EN NEUROLOGIE
 
- INTERFERONS, IMMUNOSUPPRESSEURS
- THROMBOLYTIQUES
- AGONISTES DOPAMINERGIQUES
- FACTEURS TROPHIQUES RECOMBINANTS/GLUTAMATE
- FACTEURS TROPHIQUES, IMAOB, CHOLINERGIQUES
- ANTI-NMDA
- NOUVEAUX ANTIEPILEPTIQUES
- FACILITATEURS COGNITIFS
- ANTI-SUBS P/ANTIBRADYKININE/5HT1-      SEP
STROKE
PARKINSON/EVOLUTION
SLA
ALZHEIMER
DEMENCES VASCULAIRES
EPILEPSIE
VIEILLISSEMENT
MIGRAINE
Pharmacologie de la spasticité musculaire
Dr. Philippe Le Cavorzin
CRRF de Rennes-Beaulieu, 41, Avenue des Buttes de Coesmes, 35700 Rennes
 
mis à jour le 12 mai 1999
1 Introduction
2 Présentation clinique
3 Anatomie fonctionnelle de la spasticité musculaire
4 Neuropharmacologie de la spasticité
5 Les agents pharmacologiques antispastiques
5.1 Les GABAergiques
5.2 Les agonistes a2 Adrénergiques centraux     5.3 Les antispastiques d'action
périphérique
5.4 Autres
5.5 Indications
5.6 L'avenir
6 Conclusion
7 Références
1 Introduction
Le traitement pharmacologique de la spasticité musculaire reste un sujet
complexe. Le concept physiopathologique même de la spasticité en est à
l'origine. En effet, cette manifestation peut être considérée soit comme une
anomalie motrice indésirable, à éliminer, soit comme un mode naturel de
récupération après lésion neurologique, aboutissant certes à une fonction moins
efficiente que chez le sujet sain, mais néanmoins utilisable, et en conséquence
à respecter. De plus, les mécanismes neurophysiologiques mis en jeu sont encore
discutés chez l’homme, peu accessibles à une évaluation en routine clinique, et
varient probablement d'un patient à l'autre. Malgré l'absence de consensus
fondamental, la spasticité reste cependant aujourd'hui le seul symptome
accesssible à un traitement pharmacologique après lésion du système nerveux
central.
2 Présentation clinique
On différencie classiquement l'hypertonie spastique (dite "élastique") de la
rigidité parkinsonienne (dite "plastique") sur des critères cliniques. En effet,
lors d'un étirement musculaire, la raideur apparaissant dans un muscle spastique
est liée à la vitesse d'étirement, ce qui n'est pas le cas dans le muscle
rigide.
Il existe deux formes cliniques de spasticité musculaire. La spasticité au sens
strict décrit une hypertonie répartie sur les fléchisseurs aux membres
supérieurs et les extenseurs aux membres inférieurs (muscles antigravifiques).
Le mécanisme essentiel mis en jeu est l’exagération du réflexe d’étirement. Une
définition maintenant classique a été proposée par Lance en 1981 [1]: "la
spasticité est un trouble moteur caractérisé par une augmentation
vitesse-dépendante du réflexe tonique d'étirement (hypertonie musculaire),
accompagné d'une vivacité des réflexes tendineux, lié à l'hyperexcitabilité de
l'arc réflexe myotatique, formant une composante du syndrome pyramidal".
Cette hypertonie musculaire peut se révéler suffisamment sévère pour être la
source d'une gène fonctionnelle, par exemple lors d'une activité comme la
marche. La séquence vidéo suivante montre un exemple de marche spastique
(vidéo). Notez en particulier le déficit de flexion active du genou résultant de
l'hypertonie quadricipitale.
Les réponses en flexion dépendent d’autres arcs réflexes, polysynaptiques,
intégrant des afférences extéroceptives, souvent nociceptives. Elles sont plus
fréquentes dans les lésions spinales complètes et s’intègrent dans le cadre plus
général de l’automatisme médullaire. C’est également dans ce cadre que l’on
observe les anomalies paroxystiques du tonus musculaire que sont les spasmes en
flexion (ou en extension).
En pratique, spasticité strito sensu et réponses en flexion coexistent souvent.
Enfin, en cas de spasticité sévère, une composante dystonique n’est pas rare,
venant compliquer la prise en charge thérapeutique.
3 Anatomie fonctionnelle de la spasticité musculaire
De façon très grossière, le modèle explicatif suivant peut être proposé : le
contrôle du tonus musculaire s’organise autour de boucles spinales réflexes,
placées sous le contrôle de structures encéphaliques régulatrices, par
l'intermédiaire de voies de projection dont certaines font relai dans le tronc
cérébral ou le bulbe. Une lésion au sein même de ces structures ou au niveau des
voies de conduction vers la moelle entraine une "libération" de l’activité
réflexe spinale. Interviennent également des modifications des propriétés
mécaniques du muscles (viscoélasticité), vraissemblablement secondaires à
l’activation permanente du muscle par voie réflexe (mécanisme
"trans-synaptique") [2].
Les voies neurologiques impliquées appartiennent toutes aux faisceaux dits
"extrapyramidaux" (bulbo, rubro, réticulo-spinaux...). En effet, il n'existe pas
d'évidence qu'une lésion isolée de la voie pyramidale puisse conduire au
développement d'une hypertonie spastique. Ce type de lésion semble plutôt à
l'origine des signes déficitaires (parésie, déficit dans les mouvements fins et
dissociés), comme l'a montré l'expérimentation animale (figure 1). Il faut bien
noter qu'il est question ici de notions d'anatomie fonctionelle du système
nerveux qui ne doivent pas être confondues avec les concepts cliniques du
syndrome pyramidal ou des syndrômes extrapyramidaux. Les voies réticulo-spinales
semblent revêtir une importance fonctionnelle particulière dans le contrôle du
tonus musculaire. Elles peuvent être regroupées de façon très schématique, chez
l’homme, en deux systèmes antagonistes : d’une part un faisceau réticulospinal
inhibiteur cheminant dans la moelle dorso-latérale, topographiquement proche du
faisceau pyramidal, et d’autre part un faisceau réticulospinal facilitateur,
assisté d’un faisceau vestibulospinal, cheminant tous deux dans la moelle
ventrale [3]. En général, lors d'une lésion du système nerveux central,
spasticité et déficit de la force musculaire volontaire (paralysie) sont
associés, ceci s'expliquant par la proximité (et non l'identité) des voies
neurologiques lésées. Ce modèle perd sa validité pour certaines maladies
neurodégénératives épargnant classiquement la voie pyramidale (du moins au
début), comme les hérédodégénérescences spino-cérébelleuses.
Au niveau spinal, deux mécanismes neurophysiologiques essentiels sont
actuellement reconnus : la diminution de l'inhibition présynaptique des fibres
Ia, et la diminution de l'inhibition autogénique Ib, qui cependant ne représente
probablement qu'un mécanisme accessoire. Cette prépondérance du circuit Ia est
actuellement en pleine période de controverse, et d’autres circuits spinaux
pourraient intervenir (inhibition de Renshaw, fibres du groupe II ...). Il est
par ailleurs probable que les mécanismes mis en jeu diffèrent (au moins
quantitativement) d'un patient à l'autre, ce qui souligne la nécessité
d'évaluations fines de la spasticité [4] et la difficulté du choix d'un
traitement antispastique adapté à chaque cas particulier. En ce sens, la
spécificité du mode d'action d'un médicament antispastique ne constitue
peut-être pas un avantage [5].
4 Neuropharmacologie de la spasticité
Les travaux réalisés chez l'animal ont permis de préciser le rôle des différents
neuromédiateurs au niveau spinal (figure 2) [5]. Ainsi, les terminaisons des
fibres de gros diamètre conduisant les afférences sensitives provenant de la
peau et des articulations (dont font partie les fibres Ia responsables du
réflexe monosynaptique) secrétent des acides aminés excitateurs (AAE),
probablement du glutamate. Les fibres de petit diamètre semblent produire des
peptides. Les circuits inhibiteurs spinaux mono et poly-synaptiques utilisent le
GABA et la glycine. Le GABA est impliqué principalement dans le mécanisme
d'inhibition présynaptique Ia. La glycine serait libérée par les interneurones
médiant les inhibitions postsynaptiques récurrente (cellule de Renshaw) et
réciproque.
Les grandes voies descendantes modulant le tonus musculaire semblent utiliser
des monoamines. Il existe une voie extrapyramidale inhibitrice noradrenergique
provenant du locus coeruleus, et une voie réticulospinale probablement
sérotoninergique. Le faisceau pyramidal utiliserait le glutamate. Par ailleurs,
il existe au sein des voies descendantes, des colocalisations de peptides avec
d'autres neurotransmetteurs. Ces peptides pourraient jouer le rôle de
neuromodulateurs. Le TRH en constitue un exemple.
5 Les agents pharmacologiques antispastiques
Il existe essentiellement trois classes médicamenteuses [6]. Certains effets
indésirables sont communs à tous les médicaments. Ils sont liés à la présence de
récepteurs encéphaliques : ce sont les effets sédatifs. On peut en rapprocher
les effets indésirables à type de vertiges ou les syndromes confusionnels
iatrogènes. Le tableau I résume quelques données utiles de pharmacocinétique et
de pharmacodynamie.  

Tableau I
Molécule
    
Fabricant
    
Nom commercial
    
Cible
    
Posologie moyenne
(mg / jour)
    
Demi-vie (h)
    
Biodisponibilité
(voie orale)
    
Liaison aux protéines plasmatiques
baclofène     CIBA-Geigy     Liorésal*     
GABA-B
    
60-80
    
3-4
    
bonne
    
30 %
dantrolène     Oberval / Lipha     Dantrium*     
Ca2+
    
100-300
    
8-10
    
80 %
    
80 %
clonazépam     Roche     Rivotril*     
GABA-A
    
1.5-4
    
20-40
    
82-98 %
    
86 %
diazépam     Roche     Valium*     
GABA-A
    
2-30
    
32
    
80-100 %
    
94-98 %
clonidine     Boehringer     Catapressan*     
alpha2
    
0.1-0.2
    
20-24
    
65-98 %
    
5-10 %
tizanidine     Sandoz     Sirdalud*     
alpha2
    
12-14
    
3-5
    
70 %
    
30 %
5.1 Les GABAergiques

Le GABA (g-amino-butyric-acid ou acide gamma amino butyrique) est proposé depuis
longtemps comme un médiateur de l'inhibition présynaptique. Il s’agit du
neurotransmetteur inhibiteur le plus répandu dans le système nerveux. Il réduit
l’excitabilité neuronale. Deux classes thérapeutiques sont supposées mimer son
effet. On les différencie en fonction du sous-type de récepteur du GABA impliqué
:

- les GABA-B agonistes sont représentés par le baclofène.
Il s’agit historiquement du premier médicament antispastique commercialisé, donc
celui pour lequel on dispose du plus d’information. C'est un analogue structural
du GABA plus adapté à une diffusion dans le système nerveux central (SNC), car
plus lipophile que le neurotransmetteur natif. Seul le stéréoisomère Lévogyre
est actif, alors que le médicament commercialisé est une forme racémique. Son
activité pharmacologique s'exerce en diminuant la perméabilité des canaux
calciques (et potassiques), grâce à un récepteur métabotropique couplé aux
protéines G. Le baclofène réduirait la libération des AAE au niveau
pré-synaptique, en normalisant l’activité des interneurones inhibiteurs, tant
semble t-il au niveau des voies monosynaptiques que polysynaptiques. Le
baclofene est en outre crédité d’un effet antinociceptif qui résulterait de la
diminution de la libération de substance P au niveau des fibres sensitives de
petit diamètre. Son activité thérapeutique est puissante. Par contre il diffuse 
insuffisamment dans le SNC (concentration dans le LCR 30 fois inférieure à celle
retrouvée dans le sang, chez le rat, ratio de concentration sang / LCR = 4 / 1
chez l'homme). Deux solutions ont été proposées pour pallier sa faible
diffusion. La première consiste à augmenter la posologie, qui peut atteindre 100
à 120 mg/jour (la posologie moyenne recommandée de 1,2 mg/Kg/jour per os), avec
le risque de voir apparaitre les effets indésirables. La seconde recourt à une
application locale (intrathécale), permettant une forte réduction des doses (300
à 800 microg/jour), et l’absence d’effets indésirables liés aux récepteurs
encéphaliques [7]. Cette dernière possibilité a été fortement exploitée ces
dernières années [8]. Son coût très élevé est lié au prix des pompes
implantables.
Parmi les effets indésirables, en dehors de la sédation commune à tous les
antispastiques, le baclofène diminuerait le seuil épileptogène, ce qui en
contre-indique l’utilisation de première intention chez certains patients
cérébrolésés. De même, des troubles mnésiques ou confusionnels ont été rapportés
chez ces mêmes patients. Il existe un risque de syndrome de sevrage à l'arrêt du
traitement. La demi-vie du baclofène est d’environ 8 heures.

- les benzodiazépines (BZ) potentialisent le récepteur ionotropique GABA-A. Leur
action s'exerce grâce à un récepteur spécifique des BZ, en augmentant la
perméabilité des canaux chlore (hyperpolarisation membranaire). Les molécules
les plus utilisées dans le traitement de la spasticité furent historiquement le
diazépam (demi-vie 32 heures) et le tétrazépam (demi-vie 15 heures). Le
clonazépam (demi-vie 35 heures) est d’utilisation plus récente, hors AMM en
France, puisque sa seule indication concerne l’épilepsie.
L’activité thérapeutique de ces molécules est globalement identique à celle du
baclofène (antispastique et antinociceptive), mais leur liposolubilité est bien
supérieure. Compte-tenu de la demi-vie élevée, une prise biquotidienne suffit,
la dose la plus importante étant prescrite de préférence le soir (exploitation
de l’effet hypnotique et amélioration de la qualité du sommeil par réduction des
spasmes). La sédation souvent évoquée avec le clonazepam ne constitue un
obstacle que si l’ascension posologique est trop rapide. A cet égard, la forme
buvable permet des adaptations très précises de la posologie. L’interruption du
traitement doit être très progressive, car il existe un risque de syndrome de
sevrage.
Comme observé avec le baclofène, certaines réactions paradoxales apparentées à
des phénomènes de désinhibition ont été rapportés avec les BZ, chez des patients
cérébrolésés, ce qui peut en limiter l’intérêt dans cette indication.
5.2 Les agonistes a2 Adrénergiques centraux
Il existe deux molécules distinctes : la clonidine (demi-vie 20 à 24 heures),
dont l'effet principal est antihypertenseur, et la tizanidine (demi-vie 3 à 5
heures), commercialisée comme antispastique.
Ces deux médicaments agissent au niveau spinal en restaurant l'inhibition
noradrenergique normalement exercée par le faisceau réticulospinal dorsal sur la
libération des neuromédiateurs excitateurs, au niveau semble-t-il
essentiellement présynaptique. Cet effet prédominerait sur les voies
polysynaptiques. Il existerait par ailleurs une action directe supraspinale sur
les neurones a2 adrénergiques du locus coeruleus. De plus, ces substances
manifestent une affinité pour les récepteurs non adrénergiques aux imidazolines,
et possèdent des propriétés analgésiques grâce à leur action sur les
a2-récepteurs de la corne postérieure de la moelle, en inhibant la production de
substance P dans cette région. On rappelle à titre d’exemple l’utilisation de la
clonidine dans le syndrome de sevrage à l’héroïne. Cette activité antalgique
centrale expliquerait aussi l'efficacité sur les réponses et les spasmes en
flexion.
La tizanidine n'est disponible en France que dans le cadre particulier d'une
autoristion temporaire d'utilisation (ATU). La voie intrathécale existe pour la
clonidine, permettant de s’affranchir de l'effet antihypertenseur. Comme pour la
classe des GABA-agonistes, il existe des recepteurs encéphaliques, expliquant
des effets adverses sédatifs ou psychiques, mais aussi des récepteurs vésicaux,
pouvant être exploités au plan thérapeutique. Une interaction avec les a
bloquants périphériques a été rapportée. Il existe une forme retard de la
tizanidine, visant à pallier la brièveté de la demi-vie de la molécule. Une
certaine toxicité hépatique de la tizanidine a été rapportée, justifiant des
contrôles biologiques.Son action antihypertensive n'est pas nulle.
5.3 Les antispastiques d'action périphérique

- le dantrolène est un analogue anticalcique.
Il inhibe la libération du calcium du réticulum sarcoplasmique, provoquant un
découplage entre l'excitation et la contraction au niveau musculaire. Son action
s'exerce sur les fibres extrafusales (prédominant sur les fibres rapides), et
intrafusales, sans qu'on sache précisément la participation de cette dernière à
l'effet thérapeutique. Une diminution de la force musculaire volontaire a
souvent été évoquée, mais cet effet indésirable est également rencontré avec les
autres médicaments antispastiques. Il existe un danger d'association du
dantrolène avec les autres représentants de sa classe pharmacologique, en
particulier un risque d’accident cardiaque avec le vérapamil. La toxicité de ce
médicament est essentiellement hépatique, fonction de la dose. Des hépatites
mortelles ont été rapportées pour des posologies toujours supérieures à 300
mg/jour, chez 0.1 à 0.2 % des patients traités [9]. Ce risque est majoré par
l’association à d’autres molécules hépatotoxiques (oestrogènes par exemple), et
a certainement été surestimée. Ce risque impose néanmoins une surveillance
régulière des transaminases (avant traitement puis tous les 3 à 6 mois). La
demi-vie est de 8 à 10 heures. D'autres indications de ce médicament existent
(traitement des hyperthermies malignes).

- la toxine botulinique A (Botox*, Dysport*), très souple d'emploi, permet une
dénervation chimique élective et réversible d'un ou plusieurs groupes
musculaires, par injection locale [10]. C'est une neurotoxine produite par
Clostridium botulinum. Elle agit en se fixant directement au niveau de la plaque
motrice. L’effet thérapeutique apparait généralement au bout de 15 jours et dure
environ 3 mois. Son coût actuellement élevé en limite l’utilisation aux groupes
musculaires de faible volume (muscles du membre supérieur, triceps sural).

La figure 3 rappelle la structure chimique des 4 molécules antispastiques
administrables par voie générale possédant l'AMM en france.
5.4 Autres

D’autres molécules utilisées dans des indications diverses ont pu montrer
accessoirement une activité antispastique. Nous ne ferons que les citer :

- à peu près tous les anticonvulsivants présentent des propriétés
antispastiques, qu’on peut rattacher intuitivement à leur effet "stabilisateur
membranaire" (réduction de l’hyperexcitabilité motoneuronale). Cet effet est
médié par le GABA, au moins pour certains d’entre eux (benzodiazépines,
progabide, vigabatrin). La phénytoïne et la carbamazépine réduiraient la
décharge des fuseaux neuromusculaires. Leur mode d'action passe par l'inhibition
des canaux sodiques voltage-dépendants. Il faut cependant remarquer que pour
tous ces médicaments, l’effet antispastique n’est souvent sensible qu’à haute
dose où l’incidence des effets indésirables est plus marquée, ou lors
d’associations thérapeutiques.

- la cyproheptadine est un antihistaminique indiqué dans les réactions
allergiques. Ce médicament produirait son action antispastique par une activité
antisérotoninergique 5HT2. Les effets indésirables sont dominés par la sédation
et une stimulation de l’appétit avec prise de poids, des troubles du sommeil.  

- les neuroleptiques phénothiaziniques : les phénothiazines agiraient au niveau
des structures régulatrices du tronc cérébral. Les molécules les plus actives
sont celles possédant l'activité alpha-adrénolytique la plus marquée, comme la
chlorpromazine. La sédation et surtout le risque de dyskinésies secondaires en
diminuent fortement l’intérêt en tant qu’antispastique.

- le piracetam est un nooanaleptique qui posséderait une action antispastique à
posologie élevée. Son spectre pharmacologique touche de nombreux
neurotransmetteurs (acétylcholine, noradrénaline, dopamine, GABA).

- les morphiniques : les peptides opioïdes endogènes jouent un rôle au niveau du
gate-control médullaire filtrant les messages nociceptifs, et leurs analogues
pharmacologiques sont actifs sur la spasticité.

- le cannabis (D 9 tétrahydrocannabinol) possède une activité antispastique tout
à fait patente. Chez l’animal, il exerce un effet inhibiteur sur les réflexes
polysynaptiques. C’est bien entendu un produit illégal en France.

- les glucocorticoïdes prescrits en bolus à des doses massives lors des poussées
de sclérose en plaques diminuent la spasticité musculaire. Leur mécanisme
d’action est inconnu.
5.5 Indications
Le choix d’un médicament antispastique reste très empirique et conduit souvent à
essayer successivement plusieurs molécules différentes. En effet, il n'existe
aujourd'hui pas de critères cliniques ou paracliniques permettant de prédire
l'efficacité de ces médicaments. Dans ce contexte, le choix thérapeutique est
plutôt guidé par les pathologies associées et les effets adverses de la molécule
pressentie. Les traitements disponibles n’offrent de plus qu’une efficacité
modérée, et il faut rester prudent sur le bénéfice fonctionnel qu’on peut en
attendre [11]. Enfin, si l’effet antispastique peut apparaitre satisfaisant
lorsqu’on évalue un patient en conditions passives (examen clinique), il
s’amoindrit le plus souvent lors du passage en conditions actives (mouvement
volontaire).
En pratique, le traitement médicamenteux antispastique est justifié en cas de
spasticité invalidante ou douloureuse chez un patient grabataire, ou pour
faciliter la kinésithérapie (figure 4). La recherche de l'amélioration d'une
fonction comme la marche ou l'utilisation du membre supérieur est beaucoup plus
aléatoire et du domaine du spécialiste, voire du chercheur en neurosciences.

Quatre molécules possèdent en France l'AMM comme antispastiques : le baclofène,
le diazépam et le dantrolène ; la tizanidine est soumise aux conditions
particulières de l'ATU.
- le baclofène semble plus efficace sur la spasticité d’origine spinale, et plus
encore si l’étiologie en est la sclérose en plaques. Les lésions de rupture de
la barrière hémato-encéphalique décrites dans cette maladie y contribuent
probablement, facilitant le passage dans le SNC de ce médicament peu
liposoluble. L’effet antalgique associé est intéressant en cas de spasmes
douloureux rencontrés dans les lésions spinales, et c’est probablement là
l’indication la moins contestable de ce médicament. Les benzodiazépines
(diazépam) possèdent les mêmes indications, mais ont une meilleure
biodisponibilité au sein du SNC.

- le dantrolène peut être utile en cas de dystonie associée, ce phénomène se
révélant souvent réfractaire aux autres médicaments. Il semble sous-utilisé en
France, d’une part du fait du risque d’hépatotoxicité, d’autre part à cause de
sa réputation d’entrainer une diminution de la force musculaire volontaire, ce
qui a pu le faire réserver aux patients grabataires. Du fait de son mode
d’action original, l’utilisation la plus rationnelle consiste probablement en
l’association avec les autres classes d’antispastiques, permettant une réduction
des doses, donc un risque hépatotoxique moindre.

 Les médicaments possédant une action antispastique annexe ne sont pas d'usage
courant, et leur prescription reste du domaine du neuropharmacologue. Elle peut
cependant se justifier en cas d'inefficacité des antispastiques usuels,
d'intolérance ou de contre-indication. Enfin, la toxine botulinique permet de
traiter électivement un groupe musculaire spastique dans l’objectif très
théorique de rendre au muscle antagoniste parésié sa fonction. Son coût reste
élevé.
5.6 L'avenir

Toutes les drogues d'action centrale proposées aujourd'hui exploitent la cible
présynaptique. Il manque actuellement un médicament antispastique agissant au
niveau post-synaptique (inhibition de Renshaw, inhibition réciproque Ia), c’est
à dire un agoniste glycinergique. La glycine est en effet le candidat le plus
probable dans la recherche de la substance responsable des potentiels
post-synaptiques inhibiteurs. Ce neurotransmetteur entrainerait une
hyperpolarisation de la membrane neuronale par augmentation de la conductance au
chlore.

Une autre voie de recherche exploite la diminution de la volée des afférences
excitatrices Ia et des voies segmentaires polysynaptiques, qui produisent des
acides aminés excitateurs (glutamate, aspartate, mais aussi homocysteate,
cysteine sulfinate). Des antagonistes de ces substances sont en cours
d'investigation, mais possèdent d'importants effets indésirables.
6 Conclusion
En conclusion, le sujet du traitement pharmacologique de la spasticité s’avère
assez exemplaire des concepts et des interrogations d'actualité en neurosciences
et peut constituer un mode d’entrée intéressant dans le domaine de la
neuropharmacologie puisque y sont abordées à la fois des questions fondamentales
de neurophysiologie clinique et des notions très pharmacologiques. Dans la
pratique, si le plus souvent le choix thérapeutique est assez restreint,
certains cas particuliers requièrent la compétence du neuropharmacologue.
7 Références
[1] Lance JW. Pathophysiology of spasticity and clinical experience with
baclofen. Feldmann RG, Young RR, Koella WP, eds. In : Spasticity disordered
motor control. chicago : Year Book,1980 : 185-203.
 
[2] Young RR. Spasticity, a review. Neurology 1994 ; 44 (Suppl 9) : S12-20.
 
[3] Brown P. Pathophysiology of spasticity (Editorial). J Neurol Neurosurg
Psychiatr 1994, 57 : 773-777.
 
[4] Delwaide PJ. Electrophysiological analysis of the mode of action of muscle
relaxants in spasticity. Ann Neurol 1985, 17: 90-95.
 
[5] Delwaide PJ, Olivier E, Fornarelli M: Les myorelaxants. In: Doin (ed). Le
médicament en neurologie,1989.
 
[6] Davidoff RA. Antispasticity drugs : mechanisms of action. Ann Neurol 1985,
17: 107-116.
 
[7] Penn RD, Kroin JS. Intrathecal baclofen alleviates spinal cord spasticity.
Lancet 1984, 1078.
 
[8] Lazorthes Y, Sallerin-Caute B, Verdie JC, Bastide R, Carillo JP. Chronic
intrathecal baclofen administration for control of severe spasticity. J
Neurosurgery 1990, 72: 393-402.
 
[9] Pinder RM, Brogden RN, Speight TM, Avery GS. Danrolene sodium: A review of
its pharmacological properties and therapeutic efficacity in spasticity. Drugs
1977, 13: 3-23.
 
[10] Jankovic J, Brin MF. Botulinum toxin : Historical perspective and potential
new indications. Muscle & Nerve 1997, Suppl 6: S129-S145.
 
[11] Landau WM: Spasticity : The fable of a neurological demon and the emperor's
new therapy. Arch Neurol 1974, 31: 217-219.  

Pharmacologie des hallucinations
Pr. Hervé Allain

Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, av du Pr. Léon Bernard 35043 Rennes cedex
mis à jour le 25 janvier 1999
1. Les hallucinations sont généralement définies comme des perceptions qui
surviennent, chez l’homme, en l’absence de stimuli externes correspondant. Toute
anomalie dans le système perceptif, qui fait prendre conscience d’objets et de
leurs relations avec l’environnement en réponse à une stimulation des organes
des sens, peut faire le lit de délires d’hallucinations, d’illusions et de
mésinterprétations de la réalité (LINN, 1985). De telles perceptions peuvent
impliquer l’ensemble des systèmes sensoriels conduisant à des hallucinations
auditives, visuelles, tactiles, olfactives ou gustatives. De tels phénomènes
impliquent l’ensemble du système nerveux depuis les organes sensoriels
périphériques jusqu’au cortex et sont modulés par les expériences passées
(mémoire), les anticipations en cours, et des facteurs de l’environnement. A la
différence des illusions, les hallucinations ne reposent pas sur un stimulus
externe mais ont recours aux voies de la perception à la différence du délire
qui utilise l’idéation.  

2. L’abord de la biologie des hallucinations implique un rappel des conditions
dans lesquelles elles surviennent. Les hallucinations peuvent accompagner des
phénomènes physiologiques : le sommeil (hallucinations hypnagogiques et
hypnopompiques), les déprivations sensorielles (syndrome de Charles Bonnet chez
le sujet âgé ; syndrome d’Anton), les processus de développement chez l’enfant
(les compagnons imaginaires), le jeûne, la fatigue, le stress, le deuil,
l’hypnose et la transe, la pensée intense (illumination). Des phénomènes
hallucinatoires sont décrits chez des gens exceptionnels : Socrate, Jeanne
d’Arc, Mohammed, Luther, Pascal, Napoléon, Goethe ... (MEDLICOTT 1958).
Les hallucinations font partie de nombreux syndromes ou pathologies
neurologiques : l’épilepsie, les tumeurs cérébrales, la migraine, la
narcolepsie, diverses pathologies vasculaires cérébrales, la sclérose en plaques
ou les maladies extrapyramidales, de nombreuses encéphalopathies. Les
hallucinations liées à une pathologie focale sont instructives sur le plan des
structures et mécanismes en cause.
C’est néanmoins en psychiatrie que les hallucinations sont le plus souvent
répertoriées en particulier dans les syndromes psychotiques (schizophrénie,
mélancolie), le syndrome de stress post traumatique, l’alcoolisme (delirium
tremens ; syndrome de Korsakoff).  

3. Comme pour tout phénomène impliquant le système nerveux central chez l’homme,
l’accès aux bases biologiques et à la physiopathologie est complexe et passe
immanquablement par une tentative d’analyse des mécanismes de neurotransmission
(ALLAIN 1995) voire de neuroimagerie. Peu de travaux contemporains sont
néanmoins consacrés à la biologie des hallucinations. Sur un plan historique,
l’approche pharmacologique a été fructueuse non tant par la voie d’entrée des
thérapeutiques proposées pour corriger les hallucinations (neuroleptiques,
lithium, carbamazépine, benzodiazépines) que surtout par l’étude du mécanisme
d’action des substances hallucinogènes ou à un degré moindre des médicaments
pouvant induire des hallucinations (psychotropes, psychostimulants,
antiparkinsoniens, analgésiques, anesthésiques, etc...) (ASAAD 1990).
Cette manière d’aborder le sujet est d’actualité : la diversité des substances
notamment psychotropes susceptibles d’induire une expérience hallucinatoire est
telle qu’aujourd’hui, systématiquement en phases I et II de développement des
médicaments, la détection d’hallucinations est au centre des échelles de
screening ; parallèlement l’évaluation chez l’homme de nouveaux ligands de
sous-types de récepteurs récemment identifiés laisse en priorité planer la
possibilité d’induction d’hallucinations non détectables chez l’animal. Sur un
plan théorique, le médicament, via sa possibilité de modifier l’expression
hallucinatoire ou idéatoire est considéré comme une « sonde » des mécanismes
inconscients (ALLAIN 1994). Une des limites à cette entreprise réside dans le
fossé sans cesse grandissant entre l’envol des connaissances en neurobiologie et
l’absence ou le retard de l’évaluation des médicaments sur ces nouveaux
concepts. La littérature et les données actuelles se résument ainsi en grande
partie aux neurotransmetteurs surtout aminergiques (et majoritairement la
sérotonine), les récepteurs opioïdes, les récepteurs ou sites de type sigma
(O’NEILL 1995), les récepteurs aux acides aminés excitateurs. La question du
rapport existant entre ces « hallucinations pharmacologiques » et les
hallucinations rencontrées en clinique humaine reste néanmoins toujours entière.
 

4. Les principaux hallucinogènes sont d’origine naturelle ou synthétique
(SMYTHIES, IRELAND 1989 ; SCHULTES, HOFMANN 1981). Ces substances distordent la
perception et peuvent amplifier les horizons de l’expérience et des sensations
(psychédéliques). Chacune de ces substances peut induire un certain type
d’expérience hallucinatoire qui mériterait d’être rapproché du mécanisme
d’action principal. Nous ne ferons que citer :

      1) les substances psychédéliques : LSD ; mescaline ; cannabis ;
psilocybine ; harmine ; diméthyltryptamine ;
      2) la phencyclidine ;
      3) la marijuana ;
      4) la cocaïne ;
      5) les amphétamines ;
      6) les opiacés ;
      7) la méthaqualone ;
      les solvants volatiles.

La plupart de ces substances sont illicites et sont mieux connues sous leur «
nom de rue ».  

5. Les théories neurochimiques ont d’abord mis en avant la dopamine, en grande
partie du fait de l’action des amphétaminiques sur cette voie à
neurotransmission ; la cocaïne est un inhibiteur quasi spécifique du
transporteur présynaptique de la dopamine. Malgré tout,les travaux considérables
consacrés au LSD ont placé la théorie sérotoninergique en avant, la plupart des
hallucinogènes bloquant les récepteurs 5HT notamment au niveau du raphé médian.
Il est probable que la noradrénaline et l’acétylcholine interviennent
indirectement sur la 5HT. Les sous-types de récepteurs 5HT les plus incriminés
dans l’induction des hallucinations sont à l’étude. La même démarche est
entreprise avec les ligands spécifiques des récepteurs opiacés (les ? seraient
plus impliqués que les Kappa) ou les récepteurs sigma. Plus récemment la
découverte de ligands endogènes à certains types de récepteurs du cerveau a
relancé la théorie biologique des hallucinations au profit d’un déséquilibre ou
d’une surproduction en ces ligands spécifiques, suspectés depuis longtemps (DMT,
OMB) ; un exemple récent est celui de la découverte de l’anandamide, substance
endogène qui se lie spécifiquement aux récepteurs du cannabis (DI MARZO 1994 ;
RICHARD, SENON 1996). Pour conclure, il importe aujourd’hui d’observer l’impact
de la génétique moléculaire : schizophrénie ; décryptage des anomalies de gènes
codant pour certains types de récepteurs (5 HT2a par exemple : SPURLOCK 1996),
source potentielle de progrès dans la pharmacologie des hallucinations.

 REFERENCES

LINN L (1985)
Clinical manifestations of psychiatric disorders.
In HI KAPLAN &BJ SADOCK Eds.
Comprehensive textbook of Psychiatry. 4th ed Baltimore (USA) : Williams and
Wilkins.

MEDLICOTT RW (1958)
An inquiry into the significance of hallucinations with special reference to
their occurrence in the sane.
International record of Medicine 171 : 664-677.

ALLAIN H, BENTUE-FERRER D, NIEOULLON A (1995)
Du récepteur au médicament.
Thérapeutique Psychiatrique.JL Senon, D Sechter, D Richard (Eds). Chapitre I :
21-58. Herman Edition Paris.

ASAAD G (1990)
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Brunner/Mazel Publishers. New York USA.

ALLAIN H (1994)
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Neuro-Psy 9 : 143-152.

O’NEILL M, BELLISSANT E, ALLAIN (1995)
Les récepteurs sigma centraux : biochimie, pharmacologie, potentialités
thérapeutiques.
La Lettre du Pharmacologue 9 : 30-32.

SMYTHIES JR, IRELAND CB (1989)
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Birkaüser. Boston (USA) 58-59.

SCHULTES R E, HOFMANN A (1981)
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Berger-Levrault (Paris)

Di MARZO V, FONTANA A, CADAS H et coll (1994)
Formation and inactivation of endogenous cannabinoid anandamide in central
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Nature 372 : 686-690.

RICHARD D, SENON JL (1996)
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Que sais-je ? PUF (Paris)

SPURLOCK G, Mc GUFFIN P, MALLET J et coll (1996)
Association between schizophrenia and T 102 C polymorphisme of the 5
hydroxy-tryptamine typ e 2a receptor gene
Lancet 347 : 1294-1296.
Pharmacologie des anesthésiques généraux
Hervé Allain, Olivier Tribut, Nicolas Mauduit, Stéphane Schück
Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, av du Pr. Léon Bernard 35043 Rennes cedex
 
mis à jour le 30 avril 2000
1 Introduction
2 Classification
2.1 Chimique
2.2 Galénique
2.3 Cinétique
3 pharmacodynamie
3.1 Système nerveux central
3. 2 Système respiratoire
3.3 Système cardiovasculaire
3.4 Système musculaire     4 Mécanisme d'action
4.1 Généralité
4.2 Théorie membranaire
4.3 Les recepteurs ionotropes au glutamate
4.4 Les recepteurs GABA A
4.5 Les recepteurs à la glycine
4.6 Les recepteurs nicotiniques
4.7 Les recepteurs 5HT3
5 Pharmacovigilance
6 Bibliographie
1 Introduction
L'anesthésie se définit par une abolition induite de la conscience et une
incapacité à percevoir la douleur. La première substance anesthésique découverte
est le diéthyl d'éther, synthétisée par Valérius Cordus (1514-1544) et testée
chez le poulet par Paracelse (1493-1541). Ce n'est qu'en 1847 qu'un étudiant de
la faculté de Médecine de Harvard, William Morton, anesthésie à l'éther un
malade devant subir une intervention chirurgicale. C'est l'anesthésie générale
qui a permis les progrès de la chirurgie et la recherche expérimentale chez les
animaux.
La pharmacologie des anesthésiques généraux (par opposition aux anesthésiques
locaux) se caractérise par l'extrême diversité chimique des produits utilisés
qui tous, sur un plan pharmacodynamique, exercent un effet réel et puissant sur
le système nerveux central (SNC), l'anesthésie générale. Chez l'homme, ces
produits sont prescrits, administrés et évalués par les médecins spécialistes en
anesthésie-réanimation. La question principale aujourd'hui posée, est celle de
leur mécanime d'action.  
2 Classification
2.1 Chimique
La simple lecture du Tableau I reflète l'extrême hétérogénéité de ce chapitre :
éthers, alkanes,barbituriques ... La structure chimique rend compte du degré
variable de la lipophilie de ces produits (coefficient de partage) et de leur
impact membranaire différent (couches bilipidiques).
2.2 Galénique
Les anesthésiques généraux (AG) sont soit volatiles donc administrés sous forme
de gaz (diéthyl d'éther, xénon, halothane, protoxyde d'azote, isoflurane,
enflurane) soit non volatiles donc administrés par voie parentérale
(barbituriques,propofol, kétamine, hydrate de chloral ...).  
2.3 Cinétique
La cinétique d'effet doit être dissociée de la pharmacocinétique plasmatique,
les relations pharmacodynamie/pharmacocinétique (PK/PD) répondant à des modèles
complexes. Les durées d'action des AG sont variables et conditionnent la
rapidité du réveil ainsi que la nécessaire surveillance post-anesthésie, voire
les éventuels effets résiduels à distance.
3 pharmacodynamie
3.1 Système nerveux central
L'AG idéal induit perte de conscience contrôlée, amnésie et analgésie. L'action
sur la conscience (et vigilance) met en jeu le cortex cérébral et les systèmes
ascendants activateurs prennant naissance dans la formation reticulée du tronc
cérébral ; ces effets trouvent leur reflet dans la lecture de l'électro
encéphalogramme (EEG), dont les modifications permettent une classification des
AG en deux groupes, celui à tracé "calme" et prédominance d'ondes lentes à bas
voltage (halothane, méthoxyflurane, chloroforme...), l'autre à activité rapide
prédominante se transformant en cours d'anesthésie par des ondes lentes de
haut-voltage (cyclopropane, protoxyde d'azote, diéthyl d'éther...). L'amnésie
implique une action multisite : cortex cérébral, hippocampe et amygdale.
L'analgésie fait intervenir les systèmes descendants de la douleur, la substance
grise périacqueducale et la corne postérieure de la moelle épinière (modulation
de la transmission enképhalinergique et de la substance P.).  
3. 2 Système respiratoire
Les AG dépriment rythme et amplitude respiratoires. Les réflexes respiratoires
(au CO2 et à l'hypoxie) sont diminués voire abolis par "paralysie" des centres
de la respiration. L'halothane agit également sur les chémorécepteurs du glomus
carotidien. Le protoxyde d'azote, quant à lui, stimule la fréquence
respiratoire.  
3.3 Système cardiovasculaire
Très schématiquement les AG dépriment l'ensemble du fonctionnement
cardio-vasculaire soit par action directe sur le muscle cardiaque (halothane)
soit par "paralysie" des barorécepteurs et des autres boucles réflexes
cardio-vasculaires. L'halothane et apparentés, diminuent le débit sanguin rénal
et la filtration glomérulaire.  
3.4 Système musculaire
Les mouvements et le tonus des muscles striés sont déprimés durant l'anesthésie.
Les AG diffèrent dans leur degré d'induction d'une relaxation musculaire par
rapport à la dépression des autres fonctions neurologiques. C'est la raison pour
laquelle il est classique d'associer à une anesthésie des substances bloquant la
transmission neuromusculaire.  
4 Mécanisme d'action
4.1 Généralité
Il n'est pas possible aujourd'hui d'expliquer l'effet d'anesthésie générale par
un mécanisme d'action unique ou univoque. Plusieurs obstacles s'y opposent : 1)
la diversité chimique des produits ; 2) la faible affinité (ordre du
millimolaire) ; 3) l'inaccessibilité aux études de binding en raison de
constantes de dissociation trop rapides ; 4) l'excès de travaux expérimentaux
recourant à des concentrations trop élevées de produits (doses
supra-anesthésiantes) et obérant ainsi les analyses et interprétations sur les
mécanismes d'action.  
4.2 Théorie membranaire
Pendant près de cinquante ans, la pharmacologie s'est escrimée à vouloir
expliquer l'anesthésie générale induite par une action non spécifique au niveau
des membranes cellulaires, subissant le joug de deux modèles expérimentaux
(l'huile d'olive,le tétard) et d'un fait biophysique (la lipophilie des AG).
Il est vrai que la majorité des AG se dissolvent dans les constituants
lipidiques des membranes cellulaires et donc en affectent les propriétés
biophysiques (fluidité) et chimiques (fonction des protéines liées aux
membranes).
Ces effets membranaires sont toutefois mineurs et peuvent être induits par une
simple augmentation (même de 1° Celsius) de la température (effet de la fièvre
?), phénomène qui n'induit pas d'anesthésie. Les stéréoisomères de l'isoflurane
et de l'enflurane, quoique fortement liposolubles n'induisent pas d'anesthésie.
Enfin de nombreux produits fluidifient les membranes mais n'ont aucun effet
anesthésiant, fait connu depuis longtemps (BUCK et al 1989).  
4.3 Les recepteurs ionotropes au glutamate
- Les récepteurs de type NMDA sont sensibles aux effets inhibiteurs des alkanols
et de la kétamine mais insensibles au pentobarbital. Les anesthésiques volatiles
(ex : propofol) n'exercent qu'un faible effet sur ces récepteurs et doivent
plutôt être considérés comme des inhibiteurs du relargage du glutamate.
- Les récepteurs de type AMPA et kaïnate sont fortement inhibés par l'éthanol et
d'autres alcools à chaîne courte.
- L'enflurane, l'halothane et l'isoflurane inhibent la fonction des récepteurs
Glu R3 et potentialisent celle des Glu R 6.  
4.4 Les recepteurs GABA A
Le rôle clé joué par le GABA dans l'induction d'une anesthésie est démontré
depuis longtemps. Le pentobarbital et de nombreux autres AG potentialisent
l'inhibition médiée par le GABA. Le THIP, analogue du GABA produit chez le rat
et la souris, analgésie et sédation.
C'est le récepteur GABAA qui est mis en état d'hyperactivité par des AG
volatiles et non volatiles : propofol, isoflurane, enflurane, halothane,
alphaxalone et alcools aliphatiques. Tous les AG, à l'exception de la kétamine,
agissent sur la fonction du récepteur GABAA.  
4.5 Les recepteurs à la glycine
En rappelant que les récepteurs à la glycine jouent au niveau de la moëlle
épinière le même rôle d'inhibition que les GABAA-récepteurs dans les structures
plus supérieures du SNC et qu'il existe une forte homologie dans la séquence des
acides aminés de ces deux récepteurs, il n'est pas étonnant de constater que
tous les AG potentialisent les courants glycinergiques.  
4.6 Les recepteurs nicotiniques
L'enflurane et l'isoflurane inhibent la fonction du récepteur nicotonique de
l'acétylcholine (nACh-R) en diminuant le temps d'ouverture moyen du canal. Les
barbituriques inhibent également la fonction du nACh-R ; les alcools à chaîne
longue agissent par occlusion de la lumière du canal ionique. L'éthanol agit
après fixation sur le domaine extracellulaire à N-terminal du récepteur
nicotinique a7 (en conséquence il potentialise le récepteur sérotoninergique
5HT3).  
4.7 Les recepteurs 5HT3
Ce récepteur à la sérotonine, couplé à un canal ionique, est surtout présent
dans l'area postrema (déclencheur de nausées, vomissements). Sa fonction est
amplifiée par l'éthanol, le butanol, l'halothane et l'isoflurane. Le propofol
n'a strictement aucune action sur le 5HT3 (ce produit est moins inducteur de
nausées). Ces récepteurs n'apparaissent pas comme des candidats à l'action des
AG.
5 Pharmacovigilance
Aucun AG n'est idéal. Les grandes lignes des effets indésirables doivent être
connues par le non spécialiste et son succintement résumées par produit pour les
AG par inhalation [Tableau II] et par type d'effet pour les AG par injection
[Tableau III]. L'anesthésiste-réanimateur pourra choisir son produit en fonction
du type d'intervention et à la lumière de l'acceptabilité de l'AG considéré ; il
gérera ses associations médicamenteuses (notamment les morphiniques, tels
l'alfentanil ou le fentanyl).
Quelques contrindications sont classiques : propofol et instabilité
cardio-vasculaire ; thiopental et hypovolémie/cardiopathie ; kétamine et
ophtalmologie, maladies psychiatriques,hypertension intracrânienne,
coronaropathies.
Mais aussi, de nouvelles contrindications appairaissent comme celle contre
indiquant au Royaume-Uni l'utilisation de l'halothane hors de l'hôpital lors
d'interventions dentaires chez les enfants.
A distance, l'effet délétère, quoique réversible, des AG sur la cognition doit
être reconnu (pharmacologie de la cognition).
6 Bibliographie
BUCK KJ, ALLAN AM, HARRIS RA
Eur. J. Pharmacol 1989 ; 16 :359.

SCHOEPFER R, MONYER H, SOMMER B et al.
Prog; Neurobiol. 1994 ; 42 :353.

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Anesthesiology 1995 ; 84 :663.

COLLINS JG, KENDIG JS, MASON P
Trends Neurosci. 1995 ; 18 :549.

BLAYNEY MR, MALINS AF, COOPER GM
The Lancet 1999 ; 354 :1864.

Les antidépresseurs
Stéphane Schück

Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, av du Pr. Léon Bernard 35043 Rennes cedex
mis à jour le 25 janvier 1999
1 Définition
2 Classification
2.1 La classification historique
2.2 La classification mécanistique
2.3 La classification thérapeutique
3 Mécanismes d'action
3.1 Les voies aminergiques
3.2 L’axe hypothalamo-hypophysaire
3.3 Les nouvelles théories
3.4 Les modèles de la pharmacologie expérimentale     4 Evaluation clinique
5 Les antidépresseurs tricycliques
5.1 Les antidépresseurs imipraminiques
5.2 Les apparentés aux tricycliques
6 Les inhibiteurs de la monoamine oxydase
6.1 Les IMAO non sélectifs
6.2 Les IMAO-B
6.3 Les IMAO-A
7 Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRSS)
8 Les nouveaux antidépresseurs
Bibliographie  
1 Définition

La découverte des antidépresseurs à la fin des années cinquante a marqué une
véritable révolution thérapeutique dans le monde de la neuropsychiatrie. Les
antidépresseurs (aussi appelés thymo-analeptiques) sont capables, moyennant un
délai de quelques semaines d’améliorer l’humeur dépressive et de soulager la
souffrance morale. Si l’indication première des antidépresseurs reste évidemment
la dépression unipolaire endogène, il faut connaître les extensions d’indication
qui concernent maintenant d’autres entités psychiatriques comme les troubles
obsessionnels compulsifs, les troubles du comportement, des conduites
alimentaires mais également d’autres contextes nosographiques tels la prise en
charge thérapeutique de certaines douleurs.

Les antidépresseurs sont en règle associés aux approches psychothérapeutiques
qui demeurent essentielles.

L’intérêt des antidépresseurs est de corriger une symptomatologie handicapante
pour le sujet, la société et hautement à risque (suicide, déliquescence du
réseau social et familial).

La classe pharmacologique des antidépresseurs reste très hétérogène tant au
niveau des mécanismes d’action qu’au niveau des effets indésirables ; la
différentiation entre les produits d’une même famille reste toujours difficile.
2 Classification
2.1 Classification historique

L’histoire des antidépresseurs est relativement récente. Débutée en 1957, elle a
vu naître bon nombre de molécules avec des profils pharmacologiques différents
mais d’efficacité quasi similaire pour ce qui est des dépressions sévères.

Les antidépresseurs tricycliques (TCA) avec l’amitriptyline (Laroxyl®) et
l’imipramine (Tofranil®) ont été les premiers découverts, suivi par les
inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO), irréversibles et non sélectifs comme
la phenelzine et la pargyline. Les effets indésirables, en particulier la
cardiotoxicité des TCA (surtout en cas de surdosage) et les crises hypertensives
des IMAO (interactions avec la tyramine alimentaire, le fameux cheese effect)
ont poussé la recherche vers de nouvelles molécules d’efficacité thérapeutique
identique mais de meilleure acceptabilité. La notion de sélectivité est alors
apparue avec les inhibiteurs spécifiques de la recapture de la noradrénaline
(NA) ou de la sérotonine ( 5-hydroxytryptamine ou 5HT). Les essais cliniques de
phase III ont démontré pour ces nouvelles molécules une efficacité équivalente
aux antidépresseurs de première génération et une meilleure sécurité, notamment
en cas de surdosage.

La découverte des 2 formes A et B de la monoamine oxydase, différant l’une de
l’autre par l’affinité de la forme A pour la NA et la 5HT et de la forme B pour
la dopamine (DA), a conduit aux inhibiteurs sélectifs et réversibles de la
monoamine oxydase A ou B. On distingue ainsi, le moclobemide (Moclamine®), la
befloxatone et la toloxatone (Humoryl®) (inhibiteur sélectif et réversible de la
monoamine oxydase A), la sélégiline (Déprenyl®) (inhibiteur sélectif et
réversible de la monoamine oxydase B), indiquée dans la maladie de Parkinson.
Ces caractères réversibles et sélectifs différencient ces nouveaux produits des
anciens IMAO. Pour ce qui est des derniers antidépresseurs connus, il est clair
que leur effet thérapeutique résulte d’une action simultanée sur plusieurs
grands systèmes de neurotransmission. Ainsi la mirtazapine, le milnacipran
(Ixel®) et la venlafaxine (Effexor®) agissent à la fois sur les voies
noradrénergiques et sur les voies sérotoninergiques.

Actuellement les molécules en développement innovent par leur mécanisme d’action
: les sous-types de récepteurs sérotoninergiques, comme l’ipsapirone et le
gépirone (tous deux sont des agonistes partiels 5HT1a ), la neurotransmission
dopaminergique (bupropion), les autorécepteurs adrénergiques etc...
2.2 Classification mécanistique

Cette classification a l’avantage de regrouper les antidépresseurs en grandes
classes, permettant ainsi en cas d’échec thérapeutique de changer de famille
d’antidépresseurs. Cependant cette classification est fondée sur les mécanismes
d’action des molécules qui ne résument pas le pouvoir thérapeutique. On
distingue ainsi pour les tricycliques les molécules à action noradrénergique
spécifique (métapramine), dominante (désipramine) ou sérotoninergique dominante
(clomipramine). Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la 5HT (IRSS) sont
certes sélectifs du transporteur présynaptique de la 5HT, mais in fine, via
l’augmentation globale des concentrations de la 5HT , ils stimulent tous les
sous-types de récepteurs 5HT . Le tableau 1 résume l’ensemble de ces récepteurs
sérotoninergiques. (Tableau 1)
2.3 Classification thérapeutique

Parallèlement à leurs actions antidépressives, les antidépresseurs peuvent
présenter des effets annexes (ou connexes), dont les effets psychostimulants ou
sédatifs. Ces effets sont particulièrement bien mis en évidence dans les essais
cliniques de phase II et ils ont des conséquences évidentes en terme d’effets
indésirables (excitation, anxiété troubles mnésiques, troubles du sommeil...).
Une classification tenant compte de ces propriétés existe, mais la variabilité
de ces effets en fonction des individus et des doses représente une sérieuse
limite.
3 Mécanisme d'action des antidépresseurs

Le mécanisme d’action des antidépresseurs est largement centré sur l’impact
synaptique de ces médicaments. Beaucoup d’arguments plaident en faveur d’une
neurobiologie propre de la dépression, fondée sur les systèmes monoaminergiques.
Lors d’épisodes dépressifs, la neurotransmission aminergique (essentiellement
noradrénergique et sérotoninergique) est diminuée, offrant ainsi aux thérapeutes
une corrélation anatomo-clinique de la dépression pouvant s’expliquer par la
down regulation des récepteurs béta-adrénergiques, la diminution d’AMPc.
Cependant d’autres grands systèmes de neurotransmission sont impliqués de façon
plus ou moins partielles dans la dépression, citons le système cholinergique, le
système GABA-ergique, le système dopaminergique, les récepteurs
N-méthyl-D-aspartate (NMDA). La biologie de la dépression n’est pas simple et
tous les mécanismes d’action des antidépresseurs ne sont pas encore élucidés.
3.1 Les voies aminergiques

La NA et la DA sont synthétisées en présynaptique à partir de la phénylalanine
et de la tyrosine ; l’enzyme clef de la régulation de cette synthèse est la
tyrosine-hydroxylase. La 5HT est synthétisée à partir du tryptophane. Ces amines
sont ensuite acheminées vers l’extrémité axonale ou elles sont stockées dans des
vésicules. Elles sont libérées sous l’effet de l’influx nerveux (exocytose
calcium-dépendante) dans l’espace synaptique. Des mécanismes d’élimination
surviennent immédiatement après cette libération : la recapture et le
catabolisme enzymatique.

La recapture des neurotransmetteurs se fait par transport actif sodium
dépendant. C’est à ce niveau qu’interviennent les antidépresseurs tricycliques ;
en empêchant cette recapture, ils facilitent la transmission monoaminergique.
Cette inhibition de la recapture se fait sur toutes les mono-amines pour
certains antidépresseurs (les TCA), sur une seule pour d’autres (inhibiteurs
sélectifs de la recapture de la 5HT).

La dégradation des mono-amines fait intervenir deux types d’enzymes : la
mono-amine oxydase (MAO) et la catéchol-O-méthyltransférase (COMT). C’est à ce
niveau qu’agissent les inhibiteurs de la MAO (IMAO), ralentissant la dégradation
des neurotransmetteurs.

En post-synaptique, l’action antidépressive des tricycliques et des IMAO peut
s’expliquer par la down regulation (diminution du nombre mais non de la
sensibilité) des récepteurs bêta-adrénergiques et des récepteurs
sérotoninergiques 5 HT2 et par la désensibilisation de l’adénylate cyclase à la
stimulation par NA. Les phénomènes de transduction du signal cellulaire via les
protéines G couplées aux récepteurs, pourraient représenter un lieu d’action
essentiel des antidépresseurs. Notons que c’est le site d’action supposé du
lithium.
3.2 L'axe hypothalamo-hypophysaire

Il a été montré qu’un traitement au long cours par imipramine chez le rat
entraînait une augmentation cérébrale de l’immuno-réactivité des récepteurs aux
gluco-corticoides, particulièrement dans les régions riche en NA et en 5HT. Le
lien entre la régulation de la neurotransmission aminergique centrale et la
sécrétion de gluco-corticoides a été établi, renforcé par le fait que des
inhibiteurs puissants de la synthèse du cortisol comme la métapyrone ou le
kétoconazole (agent antifongique) possédaient des propriétés antidépressives. Le
rôle du corticotrophin-releasing factor (CRF) n’est pas clairement établi mais
son implication dans la réponse physiologique au stress est un argument
supplémentaire (la dépression serait secondaire à une réponse désadaptée à un
stress aigu). C’est cet axe qui est testé par l’épreuve de freination à la
dexaméthasone.
3.3 Les nouvelles théories

Les interactions entre la régulation des amines biogènes et certains
neuropeptides, les interleukines (notamment la 2 et la 6), les prostaglandines
(notamment la PGE2 ) ont été mise en évidence expérimentalement sur la base d’un
traitement au long cours par antidépresseurs entraîne une diminution des taux
cérébraux d’interleukines et de prostaglandines. L’hypothèse que les
antidépresseurs puissent normaliser la neurotransmission centrale en réduisant
les taux de PGE2 et d’interleukine est avancée.
3.4 Les modèles de la pharmacologie expérimentale

Les modèles animaux sensibles aux antidépresseurs se divisent en tests de
comportement et en tests d’antagonisme d’effets de certaines substances
injectées aux rongeurs (par exemple la réserpine induit chez le rat une
hypothermie, un ptôsis, une akinésie qui sont antagonisés par certains
antidépresseurs). Les tests comportementaux les plus utilisés dans le cadre de
l’étude des antidépresseurs sont les tests de Porsolt (effet des antidépresseurs
sur l’immobilité dans l’eau induite par la nage forcée) et les tests de
renoncement appris (modèle de Learned Helplessness).
4 Evaluation cliniques des antidépresseurs

L’évaluation de l’efficacité clinique des antidépresseurs est essentielle au lit
du malade, comme dans les essais de phase III. Si " l’impression clinique " du
médecin face à son malade reste irremplaçable, il est nécessaire de quantifier
au mieux la pathologie présentée à des fins d’évaluation. Quantifier un état
dépressif constitué de signes souvent subjectifs est un réel problème
métrologique. Cette quantification doit être reproductible dans le temps et dans
l’espace, stable selon les opérateurs qui pratiquent cette évaluation. A cette
fin de nombreuses échelles se sont développées, fondées sur des concepts
différents mais finalement peu discriminantes entre elles. Actuellement, dans
les essais thérapeutiques, la plus utilisée est celle de Hamilton à 17 items
(Hamilton Depression Rating Scale). Des versions de la HDRS à 21, 24, 26 et 29
items existent. Un score global supérieur à 18 traduit habituellement un état
dépressif manifeste. Une réduction du score HDRS d’au moins 50 % traduit une
réponse au traitement instauré. D’autres échelles existent, telles la Montgomery
and Asberg Depression Scale (MADRS, échelle à 10 items) et l’échelle globale
Clinical Global Impression (CGI, cotée de 0 à 7). Toutes ces échelles sont
sensibles aux antidépresseurs actuels.
5 Les antidépresseurs tricycliques

Ils sont considérés (avec les IMAO) comme les plus efficaces, notamment dans les
dépressions endogènes. Les antidépresseurs tricycliques sont en règle considérés
comme les traitements de référence dans les essais de phase III. Leurs
mécanismes d’action impliquent des effets adrénergiques, sérotoninergiques,
anticholinergiques centraux et périphériques. On distingue les antidépresseurs
tricycliques imipraminiques et les antidépresseurs à structure tricyclique
d’apparition plus récente.
 5.1 Les antidépresseurs imipraminiques

Indications : Ce sont les états dépressifs de toutes natures, mélancolique ou
névrotique, sachant que le caractère endogène de la dépression est classiquement
décrit comme facteur prédictif d’une bonne réponse au traitement. Les autres
indications font l’objet d’un paragraphe spécial (cf. IX). Aujourd'hui, les
tricycliques restent la référence dans la prise en charge des dépressions
sévères.

Les caractéristiques pharmacocinétiques sont propres à chacune des molécules
mais il est possible de brosser les grandes lignes : La résorption par voie
digestive est rapide et importante, la liaison aux protéines plasmatiques
importante (de 75 à 95%), la métabolisation est hépatique, l’élimination rénale.
Il existe un passage transplacentaire et dans le lait maternel. Souvent, la
demi-vie des molécules, proche de 24 heures, autorise la prise unique.

Les effets indésirables : fréquents, ils sont souvent bénins, ne nécessitant que
rarement l’arrêt complet du traitement. On distingue :
- Les effets neuropsychiques : Des réactivations anxieuses ou délirantes sont
possibles, ainsi qu’une inversion trop rapide de l’humeur pouvant conduire a un
état maniaque. Classiquement, on décrit la levée de l’inhibition comportementale
(plus rapide que l’amélioration de l’humeur dépressive) majorant le risque
suicidaire et pouvant nécessiter une co-thérapie, aujourd’hui non standardisée
(benzodiazépine ou neuroleptique). Chez le sujet âgé, des syndromes
confusionnels sont décrits, souvent mis sur le compte des propriétés
anticholinergiques et s’amendant généralement avec la réduction de la posologie.
On peut rencontrer des troubles du sommeil, des tremblements. Le seuil
épileptogène est abaissé.
- Les effets atropiniques : C’est le pendant des propriétés anticholinergiques
des antidépresseurs tricycliques. La sécheresse buccale est fréquente (le
sulfarlem est parfois nécessaire) ainsi que la constipation par diminution de la
motilité intestinale. Au niveau oculaire, mydriase et troubles de
l’accommodation sont décrits. La dysurie avec risque de rétention urinaire sur
obstacle peut être observée.
- Les effets cardio-vasculaires : L’hypotension ou la prescription de produits
vaso-actifs comme l’heptaminol peut être utile. Les arythmies et les troubles de
conduction avec risque de mort subite sont liés aux surdosages et représente le
risque majeur des antidépresseurs tricycliques, notamment sur terrains
prédisposés.
- Les effets endocriniens : Les troubles de la sexualité seront imputés avec
prudence aux antidépresseurs car ils font partie de la symptomatologie
dépressive. Cependant les baisses de la libido ou des défauts d’érection en
cours de traitement sont bien décrit. Des dysménorrhée, une hyperprolactinémie,
une prise de poids et des mastodynies sont décrites.
- Les autres effets : Les troubles hématologiques sont exceptionnels. Des rashs
cutanés allergiques, des réactions anaphylactiques aux sulfites contenus dans
certaines formes injectables, des hépatites choléstatiques sont possibles.

Les contre-indications : Les plus absolues sont représentées par les troubles
sévères de la conduction cardiaque, le glaucome par fermeture de l’angle, les
hypertrophies et adénomes prostatiques, l’hypersensibilité à l’un des produits.
L’association aux IMAO non sélectifs est contre-indiquée, la règle étant de
respecter un intervalle de 15 jours après l’arrêt des IMAO (inversement, un
intervalle de 5 jours est suffisant pour passer des antidépresseurs tricycliques
aux IMAO).

L’intoxication aux tricycliques : C’est une urgence qui engage le pronostic
vital. Il existe un intervalle libre de 4 heures ou moins entre l’absorption
d’une dose toxique et l’apparition des premiers signes. La survenue de troubles
cardiaques fait toute la gravité de cette intoxication et nécessite une
surveillance attentive en milieu spécialisé et la mise sous scope du patient. Un
lavage gastrique évacuateur est à pratiquer ainsi que les mesures de réanimation
de base.

La conduite du traitement : Que ce soit à l’hôpital par voie intraveineuse ou en
ambulatoire, l'augmentation progressive des posologies est une règle a
respecter. Il faut atteindre de façon progressive la posologie recommandée par
le dictionnaire Vidal®. En raison du délai d'action des antidépresseurs, il est
prudent d'attendre trois semaines de traitement avant de décréter l'échec
thérapeutique et de changer de molécule. L’intérêt pharmacologique des formes
injectables est aujourd’hui remis en question.

Les principaux tricycliques sont résumés dans le tableau 2 (Tableau 2)
5.2 Les apparentés aux tricycliques

Ces antidépresseurs sont d’apparition plus récente et possèdent des
particularités propres à chaque spécialité. De structure bi, tri ou
tétracyclique, ils ne présentent pas la toxicité des imipraminiques (ils sont
souvent dépourvus d’effets anticholinergiques ou cardiaques) et sont souvent
d’efficacité comparable à celle des tricycliques de référence (imipramine) lors
des essais comparatifs.

On distingue ainsi la miansérine (Athymil®) de structure tétracyclique, agissant
par blocage des récepteurs a 2 présynaptiques, l’amineptine (Survector®) de
structure tricyclique et à action presque exclusivement dopaminergique, la
viloxazine (Vivalan®), la tianeptine (Stablon®). Ces antidépresseurs sont
décrits dans le tableau 3 (Tableau 3)
6 Les inhibiteurs de la monoamine oxydase

Pour les pharmacologues, l’enjeu a été de mettre au point de nouvelles molécules
différant des anciens IMAO au moins sur deux points fondamentaux : la
sélectivité (soit pour la MAO-A, soit pour la MAO-B) et la réversibilité de la
liaison qui conduit à l’inhibition enzymatique. On distingue ainsi 3 types
d’IMAO :
6.1 Les IMAO non sélectifs

Ce sont les plus anciens, irréversibles représentés par la nialamide et
l’iproniazide. Leur efficacité est comparable à celle des antidépresseurs
tricycliques de référence mais ils ne sont jamais proposés en première intention
du fait de leur maniement malaisé. Ces produits restent réservés aux états
dépressifs résistant à un traitement bien conduit par antidépresseurs
tricycliques ; en fait ils ne sont presque plus prescrits.

Les effets indésirables sont liés essentiellement au blocage de la dégradation
des catécholamines, notamment périphériques : Les hypotensions orthostatiques
sont fréquentes, les accès hypertensifs soudains sont décrits, notamment en cas
de prise alimentaire de tyramine. Des troubles neurologiques comme des
polynévrites, des convulsions, sont possibles. Des hépatites fulminantes sont à
l’origine du retrait du marché de la plupart des IMAO de type hydrazide. En cas
d’anesthésie générale, un délai de quinze jours doit être respecté. Les aliments
riche en tyramine (Tableau 4) sont interdits pendant le traitement, ainsi que
l’association à d’autres médicaments.
6.2 Les IMAO-B

Ils sont spécifiques de l’inhibition de la monoamine oxydase de type B. Pour
l’instant, une seule molécule est disponible : la selegiline ou déprenyl. Les
autres molécules comme la lazabemide et la mofegiline sont en développement. La
selegiline est principalement indiquée dans la maladie de Parkinson ou elle
permet de retarder l’introduction de la levodopa. Aucun de ces IMAO-B n’a obtenu
l’autorisation de mise sur le marché dans l’indication de l’épisode dépressif
majeur.
6.3 Les IMAO-A

Ils sont spécifiques de l’inhibition de la monoamine oxydase de type A. Le
risque d’interaction alimentaire et médicamenteuse est considérablement réduit,
optimisant le maniement et la tolérance de ces nouveaux IMAO. On distingue ainsi
la toloxatone (Humoryl®) le moclobemide (Moclamine®), la befloxatone. La
pharmacovigilance de ces produits confirme leur bonne acceptabilité aux doses
thérapeutiques.
7 Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRSS)

Ces antidépresseurs sérotoninergiques se sont beaucoup développés, en raison
d’une efficacité semblable à celle des tricycliques mais avec des effets
anticholinergiques faibles (voire nuls) et une absence de toxicité cardiaque.
Leurs indications ce sont étendues à des entités autre que la dépression (Cf.
IX). Le véritable problème est de les différencier entre eux et de tenter de
dégager des profils plus ou moins spécifiques. Leur apparition est relativement
récente (1988)

Indications : Ce sont les états dépressifs de toutes natures. Les IRSS sont les
antidépresseurs les plus prescrits, du moins en ville (Ménard 95). Leur
utilisation en première intention est aisément justifiable chez les sujets âgés,
polymédicamentés, souffrant de pathologies cardio-vasculaire et chez les sujets
présentant des idées suicidaires. Sur ce dernier point, il semble raisonnable,
en première intention, de préférer un médicament moins toxique en cas de
surdosage.

La fluoxétine (Prozac®): sa résorption orale est bonne, la biodisponibilité
varie de 70% à 85%, non modifiée par les aliments. Sa demi-vie varie de 1 à 4
jours et celle de son métabolite, la norfluoxétine, est d’environ 7 jours. La
fluoxétine est utilisée à la dose de 20 mg par jour.

La sertraline (Zoloft®) :Sa demie vie d’élimination est de 26 heures, ce qui
autorise une prise unique quotidienne. La biodisponibilité est de 88 %. La
fixation aux protéines plasmatiques est forte (99 %). Le métabolisme de la
sertraline fait intervenir les iso-enzymes du cytochrome P450 et donne naissance
à un métabolite peu actif : la déméthylsertraline. La sertraline est utilisée à
la posologie de 50 mg par jour.

La paroxétine (Deroxat®) : Sa demie vie d’élimination est de 24 heures en
moyenne, la fixation aux protéines plasmatiques est forte (95 %). Son
métabolisme donne naissance à 5 métabolites qui sont inactifs. La paroxétine est
utilisée à la dose de 20 à 40 mg par jour.

La fluvoxamine (Floxyfral®) :Sa demie vie est relativement brève par rapport aux
autres IRSS : de 15 à 22 heures. Sa fixation aux protéines plasmatiques est de
77 %., la biodisponibilité est bonne, non modifiée par les aliments. Il n’y a
pas de métabolites et on l’utilise à la dose de 100 à 300 mg.

Le citalopram (Seropram®) : Sa biodisponibilité est excellente, voisine de 100
%. Sa demie vie est de 33 heures. La fixation aux protéines plasmatiques est de
50 %. Le principal métabolite du citalopram est le norcitalopram.

Les effets indésirables : Ils concernent le plus souvent l’appareil digestif,
avec des nausées, des vomissements et à un moindre degré, des constipations et
de l’anorexie. Des insomnies sont décrites ainsi que des céphalées, des accès
hypersudatifs et des baisses de la libido. Des syndromes de sevrage ont été
décrits, d’ou la règle de la décroissance posologique lorsqu’on envisage
d’arrêter le traitement.

Le syndrome sérotoninergique, souvent méconnu, justifie l’arrêt immédiat du
traitement. Il est lié à certains surdosages ou à des interactions et peut
entraîner une hospitalisation, voire la mise en jeu du pronostic vital. Il
associe un ensemble de symptômes d’ordre digestifs (diarrhée), végétatifs
(sueurs, dysrégulation thermique, hypo ou hypertension), moteurs (myoclonies,
tremblements), neuropsychiques (confusion, agitation voire coma).

Les interactions. : Elles sont à connaître, les IRSS étant capables d’interagir
avec des médications concomitantes, selon les mécanismes suivants :
- Inhibition enzymatique hépatique : Cette propriété explique le risque
d’interaction avec les antidépresseurs tricycliques, les anticonvulsivants
(Carbamazépine et acide valproique), les antipsychotiques et les
benzodiazépines.
- Association à d’autres produits sérotoninergiques : le risque de syndrome
sérotoninergique déconseille fortement l’association aux IMAO même sélectifs, à
la clomipramine et à la buspirone.
- Perturbations électrolytiques : Les IRSS sont susceptibles d’entraîner une
hyponatrémie, l’administration concomitante de diurétique augmente ce risque.

Les principaux IRSS sont résumés sur le tableau 5 (Tableau 5)
8 Les nouveaux antidépresseurs

On les appelle également " dual-action " antidépresseurs, du fait de leurs
impacts synaptiques multiples.

La mirtazapine : Cette molécule agit à la fois sur les voies noradrénergiques et
sur les voies sérotoninergiques. Elle potentialise directement la transmission
noradrénergique en bloquant les récepteurs alpha 2 centraux et augmente la
transmission sérotoninergique médiée par les récepteurs 5HT1 en bloquant les
récepteurs 5HT2 et 5HT3. La pharmacocinétique de la mirtazapine est
particulièrement intéressante: la résorption digestive est excellente et le pic
plasmatique est atteint en deux heures. Sa demie vie d'élimination est de 20 à
40 heures, permettant une prise unique quotidienne, facteur influençant la
compliance. L'efficacité clinique de la mirtazapine a été documenté par de
nombreux essais cliniques de phase III, notamment versus antidépresseurs
tricycliques. Le critère principal de mesure de l'état dépressif dans ces études
était l'échelle de dépression de Hamilton à 17 items. La mirtazapine a montré
son efficacité, que ce soit dans les dépressions modérées ou sévères. Son
efficacité a été jugée équivalente à celle de la clomipramine dans les
dépressions majeures chez les déprimés sévères hospitalisés. Pour ce qui est des
effets indésirables, du fait de son profil pharmacologique particulier, la
mirtazapine est théoriquement dépourvue d'effets indésirables de type
anticholinergique, adrénergique ou sérotoninergique. Les effets indésirables
typiquement sérotoninergiques comme les nausées, les vomissements, les diarrhées
et les troubles du sommeil ont été moins décrits dans les groupes traités par
mirtazapine que dans les groupes recevant du placebo. Toujours dans le registre
des effets indésirables, la mirtazapine apparaît comme peu épiléptogène. Cette
propriété associée à une cardiotoxicité quasi nulle fait que les surdosages à la
mirtazapine n'ont pas de conséquences sur le pronostic vital des patients, même
des plus âgés.

Le milnacipran (Ixel) : C’est un inhibiteur de la recapture de la sérotonine et
de la NA qui vient récemment d’être commercialisé. La biodisponibilité du
milnacipran est de 85 %, non modifiée par les aliments. La demie vie
d’élimination est courte :8 heures et la fixation aux protéines plasmatiques est
faible. Le métabolisme est hépatique et ne donne pas de métabolites actifs.
Indiqué dans les états dépressifs majeurs de l’adulte, le milnacipran est
utilisé à la posologie de 100 mg par jour en 2 prises quotidiennes de 50 mg. Les
effets indésirables apparus au cours des études n’ont que rarement entraîné
l’arrêt du traitement. On a décrit des vertiges, des accès de chaleur et
d’hypersudation., des signes digestifs à type de vomissements et de nausées.
Moins fréquemment ont été rapporté des sécheresses buccales, constipations. De
façon exceptionnelle, un syndrome sérotoninergique peut survenir, risque majoré
par l’association aux IMAO. Les surdosages observés n’ont jamais entraîné de
décès. Aucune cardiotoxicité n’a été observée. les surdosages au milnacipran ne
semblent donc pas avoir de conséquences sur le pronostic vital des patients,
même des plus âgés.

La nefazodone est un antagoniste des récepteurs 5HT2 et un inhibiteur de la
recapture de la 5HT. Cette molécule s’est montré aussi efficace que l’imipramine
au cours d’essais de phase III (Rickels,1995), avec moins d’effets indésirables
et une meilleure acceptabilité.

La venlafaxine : Cette molécule inhibe la recapture à la fois de la sérotonine
et de la NA, mais ses effets sérotoninergiques sont moins importants que ceux
des IRSS. Le métabolisme de la venlafaxine donne naissance à un métabolite actif
(le O-demethyl-venlafaxine) et à deux métabolites inactifs.
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Les anticonvulsivants
Pr. Hervé Allain
Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, av du Pr. Léon Bernard 35043 Rennes cedex
 
mis à jour le 13 février 1999
1 Introduction
2 Epileptogénèse
3 Modèles
4 Mécanismes d'action des anticonvulsivants
5 Pharmacocinétique     6 Intéractions
7 Pharmacovigilance
8 Pharmacologie clinique
9 Résumé
10 Bibliographie

Le récepteur au GABAA
1 Introduction
1.1 Définitions
Les anticonvulsivants sont les médicaments indiqués principalement dans le
traitement pharmacologique de l'épilepsie. Ces médicaments sont considérés comme
efficaces chez 70 % des malades épileptiques traités. L'épilepsie est un trouble
chronique et souvent progressif caractérisé par la survenue périodique et
imprévisible de crises épileptiques (Epi-Leptein soit sur-sauter, en Grec) dûes
à la décharge électrique anormale de neurones du système nerveux central. Le
terme anticonvulsivant est préférable au terme antiépileptique car les
médicaments actuels n'exerçent qu'une action symptomatique (sur la crise,
ictogénèse) et non pas sur la maladie elle-même (épileptogénèse). L'histoire de
cette classe pharmacologique a été longtemps dominée par les barbituriques
(gardénal) et les dihydantoïnes (phénytoïne) ; une bonne connaissance de ce
chapitre est impérative aujourd'hui (voir résumé).  
1.2 Epidémiologie
L'incidence annuelle de l'épilepsie est estimée de 20 à 70 cas pour 100.000 et
la prévalence ponctuelle de 0,4 à 0,8 %. Globalement les taux d'incidence sont
les plus élevés pendant l'enfance, se stabilisent de 15 à 65 ans, et augmentent
à nouveau chez le sujet âgé. Chez 30 % des patients épileptiques une cause
neurologique ou systémique est identifiable ; chez les 70 autres pour cent, on
parle d'épilepsie idiopathique ou cryptogénique. Environ 5 % des personnes
rapportent une crise d'épilepsie au cours de leur vie ; 5 % des enfants auront
des convulsions fébriles.
1.3 Clinique
Les manifestations cliniques des crises d'épilepsie sont variées : chute brève
de l'attention (absence) ; changements temporaires dans les champs de la
motricité, sensorialité ou psychologie (crises partielles) ; perte de conscience
avec activité motrice convulsive (crises tonico-cloniques).
1.4 Classification
La description clinique précise de la crise et son corrélât
électroencéphalographique (EEG, Figure 1) sont à la base de la classification
proposée en 1981 par la Ligue Internationale contre l'Epilepsie. Une
classification complémentaire des syndromes épileptiques est apparue plus tard
(1989) prenant en compte l'âge du malade, le type de crise, la présence ou
l'absence d'une lésion neurologique ou d'antécédents familiaux. Plus de 40
syndromes épileptiques distincts ont été identifiés. Schématiquement les crises
sont subdivisées en deux grandes catégories, les crises partielles (foyer
localisé) et les crises généralisées (décharges neuronales, bilatérales et
synchrones). Une subdivision des crises partielles permet de parler de crises
partielles simples, partielles complexes ou de crises partielles évoluant
secondairement vers des crises généralisées. De même les crises généralisées
sont subdivisées en absences (pas de convulsions) et crises myocloniques,
cloniques, toniques, tonico-cloniques et atoniques.

60 % de toutes les épilepsies sont en rapport avec un foyer (épilepsies locales,
focales ou partielles) qui sera recherché par neuroimagerie voire implantation
d'électrodes profondes (stéréo EEG ou SEEG) ou magnéto encéphalographie (MEG).
Le choix d'un médicament anticonvulsivant est fondé en priorité sur son
efficacité prouvée (essai clinique) sur des types spécifiques tant de crises que
d'épilepsies (nous verrons que l'acide valproïque est le traitement de choix des
épilepsies généralisées idiopathiques alors que la carbamazépine l'est pour les
épilepsies partielles).
1.5 Pharmacologie
La majorité des anticonvulsivants ont été découverts, souvent par hasard
(Serendipity), et mis sur le marché avant les années 1970 (anticonvulsivants de
première génération) ; les années 1990 ont vu apparaître en bloc une série de
nouveaux médicaments (anticonvulsivants de seconde génération) ; la troisième
génération (Stiripentol, Eterobarb, Zonizamide ...) devrait faire apparaître
l'anticonvulsivant voire l'antiépileptique idéal, substance capable de prévenir
et de traiter l'épilepsie c'est-à-dire de débarrasser définitivement le malade
de toute crise tout en respectant le fonctionnement normal du cerveau (et même
en améliorant son fonctionnement intercritique). Ces futurs produits devraient
faire reculer le nombre de malades qualifiés de pharmacorésistants (25 %),
candidats, en cas de crises partielles, à la chirurgie de l'épilepsie. C'est
dans cette perspective futuriste qu'il faut envisager la pharmacologie de
l'épilepsie, fondée sur les derniers acquis scientifiques de l'épileptogénèse
(Tableau I).
2 Epileptogénèse
2.1 Neurophysiologie
- 2/3 des épilepsies sont des crises partielles et prennent naissance soit dans
le lobe temporal (en y incluant hippocampe et amygdale) soit dans le lobe
frontal.

- Le modèle expérimental de ces crises psychomotrices est le modèle du Kindling
(embrasement) : la stimulation électrique périodique par un courant
subconvulsivant du système limbique conduit à terme à des crises focales et au
développement (mise en mémoire) d'une sensibilité exagérée à la stimulation
électrique.

- Les bases cellulaires et réceptologiques du Kindling reposent sur une
hypersensibilité des récepteurs de type NMDA aux acides aminés excitateurs
(glutamate, aspartate) dans l'hippocampe (en particulier les cellules
pyramidales de la zone CA3). La transmission glutamatergique médiée par les
récepteurs NMDA est exagérée alors que la transmission GABA-ergique est
diminuée, notamment celle se projetant sur les neurones pyramidaux de
l'hippocampe.

- L'exagération de la neurotransmision glutamatergique apparaît comme un
marqueur de l'épileptogénèse, et expliquerait la perte cellulaire survenant dans
l'épilepsie chronique ainsi que la morphologie dendritique anormale (Sprouting)
observée dans le lobe temporal épileptique (voir les cours sur la
neurocytoprotection et la messagerie calcique).
2.2 Neurochimie
- Les techniques de Binding n'ont pas clairement mis en évidence de différences
au niveau des sous-types de récepteurs aux acides aminés excitateurs. Seule, une
réduction de 35 à 70 % du binding aux récepteurs à la phencyclidine (PCP) a été
démontrée dans l'hippocampe.

- En microdialyse, une élévation marqué des concentrations de glutamate,
d'aspartate et de glycine est associée à la crise focale.

- La glutamate décarboxylase (enzyme de synthèse du GABA à partir du glutamate)
est diminuée en particulier au niveau des neurones de la substance noire. Les
flux ioniques (chlore) stimulés par le GABA et des sites de liaison des
benzodiazépines (BZD) a été prouvée dans les régions CA1 et CA4 de l'hippocampe.

- Des anomalies au niveau des mécanismes de transduction sont en cours
d'élucidation ; de même le rôle de l'oxyde nitrique (NO) et d'autres récepteurs
au glutamate (AMPA ; mGluR) semble se confirmer.  
2.3 Anatomie
- L'activité épileptique est générée et se propage dans des circuits
sous-corticaux spécifiques.

- La substance noire a longtemps été suspectée dans la propagation de la crise
motrice clonique.

- Le cortex (olfactif) piriforme est une structure critique dans le
développement et la propagation des crises épileptiques. La partie postérieure
de ce cortex intervient comme relais dans la propagation des crises qui y sont
amplifiées.  
2.4 Génétique
- Chez l'homme, 20 % de toutes les épilepsies sont d'origine génétique.

- Des modèles animaux de l'épilepsie ont permis d'identifier des mutations
génétiques utiles à la recherche chez l'homme (exemple de la Tottering mice,
souris à l'équilibre instable). Pour l'instant, 18 loci ont été identifiés sur
10 chromosomes différents codant pour autant de formes d'épilepsies (exemples :
épilepsie myoclonique juvénile et chromosome 6p; la maladie de Unverricht -
Lundborg et chromosome 21q; épilepsie frontale de l'enfance et chromosome 20q
13.2 q 13.3 et sous-unité alpha 4 du récepteur nicotinique...).

- La génétique a permis de mettre l'accent sur le rôle de certains gènes codant
pour des canaux ioniques, en particulier des canaux sodiques ou potassiques
(channelopathies). C'est le cas des "convulsions néonatales familiales bénignes"
(canal potassique ; chromosomes 20 q 13 - 3 et 8 q 24), du "syndrome des
convulsions fébriles Å " (canal sodique ; SCN1B) ou de "l'épilepsie absence de
la souris" (canal calcique).  
2.5 Théorie neurodeveloppementale
- Le cerveau en développement et le cerveau immature sont plus sensibles à
l'épilepsie que le cerveau adulte.

- Chez le rat nouveau-né les récepteurs GABAA de haute affinité de la substantia
nigra sont moins nombreux et le récepteur NMDA est moins voltage-dépendant que
dans le cerveau mature (d'où l'hyperexcitabilité du cerveau immature).

- Chez l'enfant l'association entre épilepsie à début précoce et troubles de la
cognition, de la communication ou du comportement, plaide en faveur d'une
anomalie commune du développement du cerveau ou du rôle délétère d'une
"épilepsie subclinique" sur le développement (chapitre des encéphalopathies
épileptiques).

- Ceci pourrait expliquer l'atrophie de l'amygdale et de l'hippocampe observée
en IRM.  
3 Modèles
3.1 Modèles de crises convulsives généralisées
- Test de l'électrochoc maximal chez la souris et le rat (MES pour maximal
electroshock seizure).

- Test au pentylénetétrazol (PTZ).

- Autres modèles chimiques : bicucculine et picrotoxine (antagonistes GABA),
strychnine (antagoniste glycine), NMDA et kaïnate (agonistes des récepteurs aux
acides aminés excitateurs), 4 aminopyridine (blocage des canaux potassiques).  
3.2 Modèles de crises partielles (focales) secondairement généralisées
- Modèle du Kindling (voir supra).

- Administration centrale et locale de substances convulsivantes : pénicilline,
kaïnate, PTZ, métaux (aluminium, cobalt, fer).

- Modèle de la pilocarpine (agent cholinergique).  
3.3 Modèles génétiques
- Animaux à crises récurrentes spontanées : rats présentant des absences.

- Rats résistants à la phénytoïne (modèle de pharmaco-résistance).

- Animaux sensibles à des stimulations sensorielles : crises audiogènes chez la
souris DBA/2 ; babouin épileptique photosensible, le Papio papio.

- Animaux modifiés génétiquement : souris mutantes ("tottering" ; "weaver" ;
"stargazer") ; souris léthargique (lh/lh) vrai modèle de crises non convulsives.
 
3.4 Modèle mathématique
L'équipe de MARTINERIE et coll (1998) a pu, en recourant à une analyse non
linéaire (théorie du chaos) de données EEG chez onze malades (épilepsie
temporale), détecter des invariants caractérisant l'évolution vers la crise et
ainsi le passage progressif d'une phase chaotique (fonctionnement complexe
normal du cerveau) à une phase périodique (crise, maladie).

Rappelons, ici, que la théorie du chaos s'applique également aux mouvements et à
la cinétique du calcium intracellulaire (oscillations), dans les neurones.  
4 Mécanismes d'action des anticonvulsivants
4.1 Généralités
Quatre mécanismes d'action principaux sous-tendent l'effet pharmacologique
bénéfique des anticonvulsivants (Tableau II) :
- Le blocage des canaux sodiques voltage-dépendants ;
- L'augmentation de la neurotransmission GABA ergique, inhibitrice ;
- Le blocage de la transmission glutamatergique ;
- Le blocage des canaux calciques de type-T.

Le site d'action de quelques produits peut être illustré au niveau de la
neurotransmission GABAergique (Figure 2) ou glutamatergique (Figure 3) ou encore
(exemple de la lamotrigine) au niveau d'un courant sodique voltage dépendant
(Figure 4).  
4.2 Classification des produits
Les anticonvulsivants peuvent être ainsi classés en fonction de leur impact
reconnu comme prédominant :
- Les Sodiques : oxcarbazépine, carbamazépine, felbamate, acide valproïque,
- Les Gabaergiques : Vigabatrin, Gabapentine, Tiagabine, BZD.
- Les Glutamatergiques : Lamotrigine, topiramate
- Les Calciques : ethosuximide, zonisamide.

Cette classification est artificielle car : 1) tous les produits ont plusieurs
impacts ; 2) aucun mécanisme n'est strictement corrélé à l'action
anticonvulsivante ; 3) les plus vieux produits (ex : les barbituriques) n'ont
pas nécessairement été réévalués à la lumière de la neurobiologie contemporaine;
4) les produits en développement peuvent agir sur d'autres cibles :
levetiracétam et site de liaison spécifique unique et nouvellement identifié ;
CGP 35348 et antagonisme du récepteur GABAB ; analogues du Cromakalim et
ouverture des canaux potassiques ATP dépendants ; GYK152466 et antagonisme des
récepteurs AMPA ; dizocilpine et antagonisme non compétitif des récepteurs NMDA
; zonisamide et canaux calciques de type-T voire inhibition de l'anhydrase
carbonique.  
4.3 Intérêt en clinique
Outre l'émergence de nouveaux médicaments (voir le cours le développement des
médicaments en Neurologie), l'association de deux produits au mécanisme d'action
différent sera licite dans des cas difficiles et surtout certaines indications
en rapport avec le mécanisme d'action semblent se profiler (épilepsies
temporales et GABAergiques ; épilepsies frontales et glutamatergiques ...).  
5 Pharmacocinétique
5.1 Généralités
- Les anticonvulsivants de première génération présentent des caractéristiques
pharmacocinétiques (Tableau III) éloignées de celles d'un anticonvulsivant
idéal, et en tous cas des produits de deuxième génération (Tableau IV).

- Les aléas cinétiques des anciens produits sont les suivants : 1) cinétique non
linéaire (ex : phénytoïne) ; 2) forte liaison protéique ; 3) autoinduction de
leur propre métabolisme hépatique ; 4) présence de métabolites actifs ; 5)
interactions pharmacocinétiques nombreuses ; 6) cinétique variable selon l'âge
(enfant, sujet âgé).

- Ces aléas expliquent le recours systématique, chez le malade, au monitoring
plasmatique, à la recherche de concentrations plasmatiques considérées comme
optimales (fourchette de concentration), variables selon les médicaments. A ce
titre, les anticonvulsivants de deuxième génération représentent un progrès (le
monitoring plasmatique est inutile).  
5.2 Monitoring plasmatique
- Le dosage plasmatique des médicaments de première génération s'impose, de
manière régulière (prise de sang le matin à jeûn avant la première prise de
médicament, lorsque la cinétique est considérée à l'équilibre [steady-state]).
Ce dosage est en particulier à pratiquer chaque fois qu'il y a modification
posologique, coprescription ou échappement thérapeutique.

- L'intérêt de ce monitoring est quadruple : ajustement posologique ;
compréhension des interactions ; limitation des effets indésirables ;
vérification de la compliance.

- Les limites du dosage sont les suivantes : les paramètres pharmacocinétiques
(PK) sont déterminés au niveau du sang et ne reflètent que de loin ce qui se
passe dans le compartiment central (ici le SNC) ; les concentrations
plasmatiques ne sont pas corrélées à l'activité (pharmacodynamie, PD) ; en
général, seule la molécule mère est dosée, alors que les métabolites peuvent
être actifs ou toxiques ; la relation reliant la concentration (PK) à l'activité
(PD) est souvent complexe ; le dosage de la forme libre du médicament est, a
priori, plus parlant.  
5.3 Les paramètres
5.3.1 L'absorption
Tous les anticonvulsivants de seconde génération sont bien absorbés, leur forte
liphophilicité favorisant la pénétration dans le SNC. Seule, l'absorption de la
gabapentine (Neurontin) dépend de la saturation d'un transporteur ; la
biodisponibilité de l'oxcarbazépine est augmentée de 17 % par la prise
concomitante d'aliment.  
5.3.2. Le volume de distribution
Tous les anticonvulsivants de seconde génération se distribuent au niveau de
l'eau coporelle totale (environ 0,6 L/kg). Le topiramate et le zonisamide se
concentrent dans les érythrocytes.  
5.3.3 La demi-vie d'élimination (te1/2)
La te1/2 détermine le temps d'arrivée au "steady-state" ainsi que le nombre de
prises quotidiennes. De grandes différences sont à noter d'un produit à un autre
et surtout des modifications apparaissent lors des associations thérapeutiques
(voir interactions). La Gabapentine et la Tiagabine impliquent de fréquentes
administrations quotidiennes ; l'activité du Vigabatrin dépend de la vitesse de
renouvellement de la GABA-transaminase (aucun lien avec la te1/2 plasmatique).
Des formes à libération prolongée (LP) pallie les inconvénients d'une te1/2
brève (ex : Dépakine chrono) ; de même la fosphenytoïne (Pro-Dilantin IV) est la
prodrogue de la phénytoïne, existant sous-forme injectable et donc indiquée en
cas d'urgence ou en post-opératoire.  
5.3.4 La liaison aux protéines plasmatiques
A l'exception de la Tiagabine (liaison à 96 %) tous les nouveaux produits sont
peu liés aux protéines plasmatiques et ainsi n'exposent pas au risque
d'interaction (notamment avec les AINS et les anticoagulants oraux).  
5.3.5. Le métabolisme
La Gabapentine et le vigabatrin ne sont pas du tout métabolisés au niveau
hépatique, à l'inverse du Felbamate (50 % de la dose subit un métabolisme
hépatique, inductible), de la Lamotrigine éliminée sous forme de métabolites
glucuronides, de la Tiagabine dont le métabolisme passe par le cytochrome P450,
et du topiramate au métabolisme accéléré par les inducteurs enzymatiques.
L'oxcarbazépine ne subit pas d'époxydation (absence d'epoxyde dangereux).  
5.3.6. L'élimination
La Gabapentine et le vigabatrin sont excrétés inchangés dans les urines. Le
vigabatrin a une élimination biexponentielle ; le zonisamide a une cinétique
d'élimination non linéaire.  
5.4 L'enfant ; le sujet agé
- Ces cas particuliers nécessitent un cours à part et justifient le renvoi aux
deux articles de BATTINO et coll (1995) ainsi qu'à l'article de BERNUS et coll
(1997).

- Retenons que c'est en raison de modifications pharmacocinétiques en rapport
avec l'âge que les posologies quotidiennes recommandées sont différentes et
variables selon l'âge pour un même produit.  
6 Intéractions
6.1 Généralités
Les interactions médicamenteuses essentielles à connaître sont d'ordre
pharmacocinétique (PK). Les interactions pharmacodynamiques (PD) sont mal
connues chez l'homme (interactions au niveau des récepteurs ; potentialisation
d'effet par action sur des cibles différentes ...). Les interactions PK les plus
classiques ont lieu au niveau des systèmes enzymatiques du métabolisme (Tableau
V). La réflexion sur le sujet devrait limiter l'incidence d'effets indésirables,
faciliter le maintien des concentrations plasmatiques dans la "fourchette
thérapeutique" et justifier certaines associations thérapeutiques et les essais
cliniques en "add-on". Notons que la pertinence clinique de nombre
d'interactions PK n'est pas toujours établie.  
6.2 Interactions entre anticonvulsivants de première génération
Ce chapître remplit des livres entiers de PK ; nous nous limiterons
volontairement ici à une liste d'interactions PD, parlantes cliniquement
(Tableau VI).  

6.3 Intéractions entre première et deuxième génération d'anticonvulsivants
(Tableau VII) et Tableau VIII)
Le Felbamate augmente les concentrations plasmatiques de phénytoïne, d'acide
valproïque et de carbamazépine. La clairance du tiagabine, topiramate et
zonisamide est augmentée en présence d'inducteur enzymatique. Le vigabatrin
diminue les concentrations de phénytoïne après 4 à 5 semaines de cothérapie
(mécanisme inconnu).

La te1/2 de la tiagabine peut être diminuée de 2 à 3 heures en présence
d'anticonvulsivants inducteurs enzymatiques. La lamotrigine a une élimination
ralentie par l'acide valproïque. Le topiramate diminue l'élimination de la
phénytoïne.  
6.4 Intéractions entre anticonvulsivants de deuxième génération
Pour l'instant peu de données démontrent des interactions PK entre les produits
de deuxième génération. Seul le felbamate augmente la concentration plasmatique
de la lamotrigine.  
6.5 Interactions avec les oestroprogestatifs
- Très schématiquement tous les anticonvulsivants de première génération,
inducteurs enzymatiques, interagissent avec les oestroprogestatifs ce qui
implique une pilule contraceptive macrodosée.

- En dehors du topiramate (qui réclame également une pilule macrodosée), les
anticonvulsivants de seconde génération sont considérés comme n'interférant pas
avec les oestroprogestatifs. L'oxcarbazépine est beaucoup moins inducteur
enzymatique que la carbamazépine.

- Notons toutefois qu'aujourd'hui, le recul est insuffisant et que les doses
utilisées lors des études d'interactions étaient en général inférieures aux
posologies recommandées en thérapeutique.  
6.6 Nouveaux anticonvulsivants et autres médicaments
A l'inverse des anticonvulsivants de première génération qui présentent
d'innombrables interactions PK (métabolisme, liaison au protéines) et PD
(sédation, troubles cognitifs) , les nouveaux médicaments ne présentent pas ce
genre d'inconvénients. Nous citerons simplement : 1) l'élévation des taux
plasmatiques de la Gabapentine par la cimétidine et ceux de la Tiagabine par
l'érythromycine ; 2) la diminution des taux de la digoxine par le Topiramate ;
3) l'accélération du métabolisme de la lamotrigine par le paracétamol.  
7 Pharmacovigilance
7.1 Généralités
- La pharmacovigilance (PhV) des anticonvulsivants anciens et nouveaux est
capitale car la population traitée est très grande, les durées de traitement
longues, les effets indésirables (EI) fréquents et conditionnant en premier lieu
la compliance, les arrêts de traitement et l'ascension posologique.

- Les EI illustrent parfaitement les cours généraux sur la PhV et la
Pharmacoépidémiologie, à savoir, qu'ils sont de gravité variable (de la simple
prise de poids au syndrome de Stevens-Johnson), de type A (sédation et fatigue
des barbituriques et des benzodiazépines, troubles de la sexualité et de la
libido) et de type B (aplasie médullaire et felbamate, calculs rénaux et
zonisamide, calvitie et acide valproïque), d'apparition précoce lors de
l'initiation du traitement (sédation et primidone, nystagmus et carbamazépine)
ou tardive (syndrome cérébelleux et phénytoïne, leucopénie et éthosuximide ou
acide valproïque, maladie de Dupuytren et barbituriques), en rapport avec les
posologies (hyperplasie gingivale et phénytoïne, rash cutané initial et
lamotrigine) ou enfin mimant la maladie elle-même (aggravation de l'épilepsie).

- L'impact sur la cognition, la neuropsychologie et le développement
intellectuel reste un souci majeur (voir cours sur la Pharmacologie de la
cognition) et fait partie du plan développement de tout anticonvulsivant
nouveau.

- Tout EI, en raison de ces réflexions générales, doit être immédiatement
déclaré au Centre de Pharmacovigilance le plus proche. Ce Centre établira
l'imputabilité, pourra réclamer des enquêtes nationales (exemple du
rétrécissement concentrique du champ visuel et vigabatrin) et guider des
réglementations nouvelles (exemple de l'aplasie médullaire et hépatotoxicité du
Felbamate réservé aux syndromes de Lennox-Gastaut avec surveillance biologique
draconienne).

- L'évaluation du risque pour un médicament donné dépend étroitement des
méthodes d'étude de ce risque et en tous cas, ne repose pas uniquement sur
l'analyse des chiffres des essais cliniques. Rappelons enfin la
sous-notification chronique des EI des anticonvulsivants, en France, ainsi que
la difficulté d'y voir clair en raison des cothérapies fréquentes et de
l'absence usuelle d'explication mécanistique aux phénomènes constatés.  
7.2 Les faits
7.2.1 Les évènements d'apparition précoce
a) Système nerveux central : 1) la sédation et la fatigue, pouvant faire l'objet
d'une tolérance et survenant avec la majorité des produits de première
génération ; 2) vertiges, incoordination motrice, diplopie, nystagmus avec
phénytoïne et carbamazépine ; 3) sédation et ataxie avec le zonisamide ;
diplopie, trouble de la vision, céphalée et somnolence avec la lamotrigine ; 4)
coma exceptionnel avec l'acide valproïque et le vigabatrin.

b) Système gastro-intestinal : 1) anorexie, nausées, vomissements, douleur
gastrique fréquemment rapportés, avec, dans l'ordre primidone, éthosuximide,
zonisamide et acide valproïque ; 2) élevation des gamma-GT avec phénobarbital,
phénytoïne, et carbamazépine ; 3) l'hépatotoxicité de l'acide valproïque est
rare (métabolisme anormal d'origine génétique) mais reste la hantise avec le
Felbamate ; 4) pancréatite et acide valproïque.

c) Système cutanéo-muqueux : 1) les rashs sont fréquents et imposent un arrêt
immédiat du médicament ; 2) des réactions graves sont décrites : épidermolyse,
syndrome de Stevens-Johnson, érythème polymorphe ; presque tous les
anticonvulsivants peuvent être incriminés sauf gabapentine, felbamate et
vigabatrin ; 3) les rashs de la lamotrigine sont précoces, dépendant de
l'ascension des doses et sont plus fréquents lorsqu'associé à l'acide
valproïque.  
7.2.2 Les évènements d'apparation tardive
a) Système nerveux central : 1) Sédation, fatigue, somnolence diurne, syndrome
vertigineux, objet de tolérance survenant avec la majorité des produits ; 2) la
sédation du vigabatrin est transitoire alors qu'elle est prolongée avec le
zonisamide (associée à des céphalées) ; 3) encéphalopathie chronique de la
phénytoïne ; 4) mouvements involontaires de tout type avec le phénobarbital, la
carbamazépine et l'acide valproïque ; 5) syndrome cérébelleux et phénytoïne ; 6)
troubles neurocognitifs : irritabilité, agressivité et perturbations mnésiques
avec le vigabatrin, dépression et phénobarbital, et même vigabatrin ; 7)
épisodes psychotiques et éthosuximide, vigabatrin.

b) Système nerveux périphérique : neuropathie axonale périphérique avec
phénytoïne, carbamazépine et phénobarbital.

c) Système hématopoïétique : 1) leucopénie, en règle bénigne avec les anciens
produits ; 2) aplasie médullaire et carbamazépine et, surtout, felbamate ; 3)
thrombocytopénie et acide valproïque ; 4) carence en folates et phénobarbital,
phénytoïne et carbamazépine.

d) Troubles métaboliques : 1) carence en vitamine D3 (ostéomalacie) et
phénobarbital, primidone, phénytoïne ; 2) hyponatrémie et rétention d'eau avec
carbamazépine et oxcarbazépine ; 3) gain de poids avec acide valproïque,
vigabatrin et gabapentine.

e) Autres systèmes : 1) calculs rénaux et zonisamide ; lithiase urinaire et
topiramate ; 2) rétrécissement du champ visuel et vigabatrin ; 3) troubles de la
conduction cardiaque et phénytoïne et carbamazépine surtout chez le sujet âgé ;
4) hirsutisme et phénytoïne ; 5) lupus érythémateux disséminé et
anticonvulsivants de première génération ; 6) tolérance à l'effet
anticonvulsivant avec les BZD et peut être le vigabatrin.  
7.3 Cas particuliers
- Enfant : agitation paradoxale.

- Grossesse : malformations difficiles à évaluer car l'épilepsie en elle-même
peut être responsable de malformations foetales (tube neural, fente palatine
...).Une supplémentation en folates est considérée comme préventive.

- Sujet âgé : aucune donnée spécifique au sujet âgé n'est disponible avec les
anticonvulsivants de seconde génération ; avec les premiers produits les EI sont
dûs aux modifications cinétiques ; la carbamazépine est souvent mal tolérée.

- Dépression et psychose-maniaco dépressive (bipolaires) : le vigabatrin est
contrindiqué.  
7.4 Toxicologie
Une intoxication par les anticonvulsivants est classique soit par surdosage,
soit dans le cadre d'une autolyse, soit par accident (chez l'enfant), soit en
raison d'une maladie sous-jacente conduisant à une intoxication. Le Tableau IX
décrit quelques tableaux classiques.  
7.5 Médicaments inducteurs de crises convulsives
a) La liste des médicaments susceptibles d'induire une crise convulsive est
impressionnante et ne peut être mémorisée (Tableau X). Par contre, il faut
toujours évoquer cette étiologie.

b) Les anticonvulsivants, eux-mêmes, peuvent contribuer à la résurgence des
crises :

Surdosage : exemples de la carbamazépine et des myoclonies négatives ou de la
phénytoïne et des épilepsies myocloniques progressives.

Sevrage brutal : le risque d'un état de mal (status epilepticus) est réel
(lamotrigine et absences réfractaires).

Tolérance : le produit perd de son efficacité au cours du temps
(benzodiazépines, barbituriques,vigabatrin...). Citons le cas un peu différent
d'échappement d'épilepsies rebelles (syndrome de Lennox - Gastaut, épilepsie
myoclonique sévère du nourrisson).

Intoxication paradoxale : aggravation voire fluctuations du nombre de crises
lors de l'initiation du traitement.

Mauvais choix de médicament : La carbamazépine chez l'enfant (épilepsies
généralisées) peut induire des crises tonico-cloniques ; le vigabatrin peut
exacerber les crises myocloniques, tonico-cloniques et les absences.
Schématiquement les absences typiques et les épilepsies généralisées
symptomatiques sont aggravées par tiagabine, vigabatrin, gabapentine et
carbamazépine. Les myoclonies devraient faire éviter les Gabaergiques.  
8 Pharmacologie clinique

La pharmacologie clinique des anticonvulsivants fera l'objet d'un cours
particulier centré sur les méthodes de développement des produits, les plans
expérimentaux (exemple de l'ajout d'un deuxième produit ou d'un placebo à un
traitement de base, c'est la technique de l'"add-on") la bioéthique (le recours
au placebo seul n'est plus possible), les cas rebelles ou considérés comme
pharmacorésistants, les études de recherche de doses (définition du meilleur
ratio bénéfice risque), les études consacrées à l'épilepsie de l'enfant.

Conformément à l'evidence-based-medicine les indications précises et les
posologies "optimales" seront issues des essais cliniques publiés (Tableau XI).

Globalement les anticonvulsivants de seconde génération ont tous pour indication
les épilepsies partielles. Ils sont le plus souvent indiqués en add-on, sauf,
pour l'instant la gabapentine et la lamotrigine. Ce dernier médicament est
également indiqué dans les épilepsies généralisées. Le felbamate est strictement
réservé au syndrome de LENNOX-GASTAUT et délivré par des centres de prescription
réservés. Quelques produits ont l'indication pleine et entière en monothérapie
(exemple de la gabapentine).

Nous ne développons pas ici les autres indications de certains anticonvulsivants
: douleur (carbamazépine), troubles bipolaires (carbamazépine, acide
valproïque). Pour l'étudiant non spécialiste nous conseillons d'urgence les
lectures des articles de CHADWICK (1998) et surtout de FEELY (1999).
9 Résumé
Le cours sur la pharmacologie des anticonvulsivants est long mais justifie que
l'on s'y attarde pour différentes raisons.

La première réside dans l'espérance naturelle des malades et des familles que
l'on découvre enfin le médicament idéal.

La deuxième raison est qu'avec les substances actuelles ou en développement
l'étudiant aborde de manière pratique et utile des pistes neurobiologiques
totalement nouvelles (pharmacologie des canaux ioniques, des membranes
cellulaires ou des systèmes à neurotransmissions nouveaux).

Enfin ces médicaments illustrent magnifiquement le bien fondé des cours dits
généraux ou de méthodes qui, à froid, paraissent bien ennuyeux et peu utiles;
les anticonvulsivants représentent le plus bel exemple de l'intérêt de la
connaissance pharmacologique, préalable à la thérapeutique médicamenteuse et
surtout restent le meilleur hymne à l'espoir pour des millions d'humains dont la
vie est parasitée par la possible survenue d'une crise d'épilepsie.

L'orange qui est trop pressée donne un jus amer ; à vouloir tirer trop de lait,
on fait venir le sang. Balthasar Gracian, L'Art de la Prudence (1640).  
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Pharmacologie de la migraine
Pr. Hervé Allain
Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, av du Pr. Léon Bernard 35043 Rennes cedex
 
mis à jour le 15 juin 1999
1 Données générales
2 Physiopathologie
3 Facteurs de déclenchement
4 Les médicaments de la crise
4.1 Antalgiques mineurs et anti-inflammatoires non stéroïdiens
4.2 Ergotamine
4.3 Dihydroergotamine
4.4 Triptans     4.5 Autres voies médicamenteuses
5 Les médicaments du traitement de fond
5.1 Les antagonistes des amines
5.2 Les antagonistes calciques
5.3 Les anti-inflammatoires non stéroïdiens
5.4 Autres produits
6 Conclusion
Bibliographie
1 Données générales
La prévalence de la migraine ("hémicranie") chez l'adulte est estimée à 10-12 %.
La migraine est 3 fois plus fréquente chez la femme. Le diagnostic doit être
conforme aux critères de la société internationale des céphalées (Headache
Classification Committee of the International Headache Society 1988). La
migraine associe classiquement une douleur unilatérale (crise), des signes
digestifs, une phonophobie, une photophobie et peut être précédée d'une aura
(signes transitoires).
2 Physiopathologie
La physiopathologie d'une crise migraineuse quoique non entièrement expliquée,
fait intervenir des phénomènes vasomoteurs (vasodilatation des vaisseaux
intracrâniens, vasoconstriction en cas d'aura) et un réflexe axonal dans le
système trigémino-vasculaire (innervation par le trijumeau). La douleur
migraineuse est associée à une distension des vaisseaux crâniens ; la dure mère
par ses terminaisons nerveuses sensitives transmet les messages douloureux au
cerveau, via le trijumeau. La question est alors de savoir si le point de départ
du phénomène est vasculaire (théorie vasculaire) ou neuronal (théorie
neurogène).

Selon l'hypothèse neurogène, la migraine est le résultat d'une séquence complexe
(en cascade) d'événements neurovasculaires et biochimiques qui vont constituer
autant de cibles pour le médicament (expliquant la multiplicité des agents
pharmacologiques proposés au thérapeute).

Des substances ou médiateurs dits pro-inflammatoires sont relargués en réponse à
une activation anormale des terminaisons nerveuses sensitives de la dure-mère :
substance P, neurokinine A, calcitonine gene-related peptide (CGRP), sérotonine,
prostaglandines, histamine, monoxyde d'azote (NO) ... Ces substances augmentent
la perméabilité des vaisseaux et induisent une inflammation locale, dite
neurogène, qui s'étend localement.

Depuis des années, l'accent est mis sur le rôle de la sérotonine (5HT) dans la
crise de migraine. La concentration de la 5HT plaquettaire, par exemple,
augmente brutalement puis, diminue dès le début de la crise. Beaucoup
d'anti-migraineux agissent sur la 5HT et/ou ses récepteurs.

Le caractère unilatéral de la migraine plaide en faveur d'une origine neuronale,
latéralisée. Les études en caméra à positons permettent d'avancer comme
pacemakers potentiels de la crise, les noyaux du raphé dorsal et le locus
coeruleus. Schématiquement, il est proposé que les médicaments de la crise
agissent prioritairement sur la circulation cérébrale et extracrânienne tandis
que les médicaments utilisés dans le traitement de fond (prévention de la crise)
agissent au niveau du système nerveux central.
3 Facteurs de déclenchement
 Le postulat suivant doit être admis : le cerveau du migraineux diffère de celui
des "normaux" au niveau de différentes fonctions : corticales (variation
contingente négative, potentiels évoqués ...), hypothalamiques (contrôles
centraux de la prolactine ...), systèmes de contrôle de la douleur (systèmes
opioïdes) et de régulation vasculaire (sensibilité des vaisseaux au dioxyde de
carbone, à l'exercice ...). On saisit que les facteurs de déclenchement reconnus
(Tableau I) soient spécifiques du migraineux et d'emblée, qu'ils peuvent être à
la base d'une prévention. Parallèlement, il est utile de se rappeler quelques
substances classiquement inductrices de céphalées (Tableau II).
4 Les médicaments de la crise
 Le Tableau III rappelle les principaux points à vérifier pour juger de la
valeur d'un essai thérapeutique dans le traitement de la crise migraineuse.
4.1 antalgiques mineurs et anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
4.1.1 Les AINS
Mode d'action : l'ensemble de ces médicaments inhibe la cyclo-oxygénase (COx) et
donc diminue les taux circulants des prostaglandines (PG) ainsi que
l'inflammation neurogène.

Effet : c'est l'effet antalgique de ces médicaments qui est recherché.

Essais cliniques : ils sont peu nombreux et anciens, réalisés soit contre
placebo soit versus produit de référence [Tableau IV]. Schématiquement, la
sévérité de la migraine est diminuée, parfois la durée de la crise ; le recours
à un traitement de secours est plus rarement significatif. L'efficacité des AINS
est toujours au moins égale aux produits de référence.

Pharmacovigilance : en prise unique et aux posologies recommandées, les AINS
sont très bien tolérés.
4.1.2 L'aspirine
Mode d'action : l'aspirine ou acide acétylsalicylique (AAS) inhibe également la
synthèse des prostaglandines périphériques et centrales.

Effet : médicament d'automédication par excellence, l'effet antalgique semble
recherché et obtenu par "attitude et évaluation pragmatiques".

Essais cliniques : la revue des études contre placebo a été faite par Schulman
et al, en 1992. Notons qu'en France, seule l'association d'aspirine et du
métoclopramide (Primpéran) a reçu l'AMM dans l'indication de la crise de
migraine (le métoclopramide, facilite la résorption digestive de l'AAS [Migprivâ
].

Pharmacovigilance : en prise unique et aux posologies recommandées (1 g/prise)
les effets indésirables sont rares et peu fréquents (2 à 10 % de plaintes
digestives) ; signalons les réactions d'hypersensibilité (2/1000) qui peuvent
être graves chez l'asthmatique. Le risque d'intoxication chronique par l'AAS est
réel avec apparition de troubles sensoriels (vertiges, bourdonnements d'oreille)
et transformation des migraines en céphalées résistantes.
4.1.3 Le paracétamol
Mode d'action : moins clair que pour les produits précédents, le paracétamol
inhibe les prostaglandines au niveau des nocicepteurs des neurones de la corne
postérieure et des structures supra-spinales impliquées dans la douleur.

Effet : son effet antalgique est réel, en grande partie démontré par empirisme ;
il en est de même de la posologie utilisée (1 g/prise).

Essais cliniques : le paracétamol a souvent servi de comparateur ou de
traitement de secours dans les essais cliniques les plus récents ; à partir de
ces essais on peut admettre l'efficacité de ce produit.

Pharmacovigilance : en dehors d'exceptionnelles manifestations cutanées
allergiques, la marge thérapeutique du paracétamol est grande. A dose toxique,
ce produit engendre une insuffisance hépato-cellulaire. La paracétamol est de
plus en plus associé à d'autres principes actifs (antiémétiques, codéine ou
dextropropoxyfène) ou utilisé en aigu chez un migraineux traité par un
traitement de fond.
4.1.4 Les autres traitements
Un chapître à part doit être fait à toute une gamme de produits qui ont rarement
fait l'objet d'études contrôlées :

Les analgésiques combinés : Di-Antalvicâ , Propofanâ associant paracétamol et
dextropropoxyfène ; citons de nombreuses spécialités associant paracétamol et
caféine. La noramidopyrine associée ou non à la caféine (Viscéralgine Forteâ ,
Optalidonâ) est considérée comme efficace et exposant au risque d'agranulocytose
immunoallergique. L'Optalidon prête à mésusage ; il positive les tests de
contrôles antidopage.

Les neuroleptiques sont ici pour nous rappeler l'hypersensibilité des récepteurs
dopaminergiques vasculaires du migraineux. La chlorpromazine (Largactilâ) a fait
l'objet d'essais cliniques contrôlés. Notons que le métoclopramide souvent
associé aux antimigraineux lutte contre la stase gastrique associée à la crise
migraineuse ; ce neuroleptique permet ainsi une meilleure résorption digestive.

Les opiacés ou morphiniques. Rappelons que la codéine et le dextropropoxyfène
sont des morphiniques "faibles". De même l'Acupanâ est un morphinique non évalué
lors d'essais cliniques dans la migraine.

Les corticostéroïdes. Leur utilisation reste très controversée. La prednisone et
la méthylprednisolone ont été utilisés avec succès dans les crises sévères et
prolongées ou dans les états de mal migraineux résistant aux traitements usuels.
4.2 L'ergotamine
Mode d'action : l'ergotamine (tartrate) agit sur l'évolution de la crise
migraineuse en corrigeant les anomalies vasomotrices, contemporaines de la
céphalée. La vasoconstriction induite siège préférentiellement dans le
territoire carotidien externe (agoniste partiel des récepteurs 5HT1A et 5HT1B,
alpha 1 et alpha 2).

Effet : le médicament atténue la sévérité et la durée de la crise. La
biodisponibilité orale est médiocre (améliorée par la caféine) et la résorption
lente.

Essais cliniques : l'ergotamine a fait l'objet de peu d'essais
méthodologiquement inattaquables. Le médicament sert fréquemment de comparateur.

Pharmacovigilance : l'ergotamine induit régulièrement nausées et vomissements ;
l'ergotisme aigu (exceptionnel) et chronique relève d'un surdosage et conduit à
des ischémies aiguës périphériques, des céphalées et de l'hypertension
artérielle. L'ergotisme peut découler d'interactions au niveau des cytochromes
P450 hépatiques notamment avec les antibiotiques macrolides (érythromycine,
josamycine).

Emploi : la voie orale est usuelle en administration rapide dès que la crise se
déclenche ou s'amorce. Les posologies quotidiennes et unitaires sont à respecter
strictement (en général ne pas dépasser 4 mg/jour). L'ergotamine est souvent
associée à de la caféine (gynergène caféiné) ou à un antihistaminique H1
(Migwellâ).
4.3 Dihydroergotamine (DHE)
Mode d'action : ce produit, dérivé dihydrogéné de l'ergotamine, est un agoniste
partiel alpha-adrénergique et sérotoninergique, à tropisme veineux préférentiel.

Effet : à dose élevée la DHE est active sur la crise. Du fait d'une faible
biodisponibilité (30 %) le produit peut être administré par spray-nasal (l'effet
de premier passage hépatique est évité) ou en injectable (IM et SC).

Essais cliniques : l'efficacité prouvée dans le traitement de la crise peut être
vérifiée dans les essais cliniques où la DHE est utilisée comme médicament
comparateur. Le Diergo-sprayâ a fait l'objet d'une étude contre placebo tout à
fait en faveur du produit avec notamment une diminution des récurrences.

Pharmacovigilance : les effets digestifs sont moins fréquents qu'avec
l'ergotamine. L'association aux macrolides est contre-indiquée.

Emploi : la forme en spray-nasal (Diergo-sprayâ) permet deux pulvérisations par
narine à une demi-heure d'intervalle. La dihydroergotamine Sandozâ existe en
injectable, à administrer lors des premiers signes de la crise.
4.4 Triptans
Les triptans représentent une nouvelle génération d'antimigraineux, inaugurée
par le sumatriptan et indiqués dans le traitement de la crise. Ces molécules
possèdent toutes un mécanisme commun, à savoir la stimulation des sous-types 1D
des récepteurs sérotoninergiques (agonistes 5HT1D). Ces molécules ont fait
l'objet de nombreux essais cliniques. Outre le sumatriptan (Imigraneâ , Imijectâ
) et le zolmitriptan (Zomigâ ) la classe s'enrichit du naratriptan, alniditran,
rizatriptan, eletriptan et avitriptan. Tous ces produits agissent en moins d'un
quart d'heure. Pour l'instant, ils ne sont pas incriminés dans le "syndrome
sérotoninergique" (Tableau V).
4.4.1 Sumatriptan
Le sumatriptan est un agoniste 5HT1D puissant et sélectif indiqué dans le
traitement de la crise migraineuse et du "cluster headache" (algie vasculaire de
la face).

L'administration orale de 100 mg supprime la migraine en moins de 2 heures chez
50 à 67 % des patients. Cet effet est supérieur aux résultats obtenus avec
l'ergotamine/caféine (2 mg/200 mg) ou l'aspirine/métoclopramide (900 mg/10 mg).

Par voie sous-cutanée (6 mg), l'effet est obtenu au bout d'une heure chez 70 à
80 % des migraineux.

Environ 40 % des malades, font l'expérience d'une nouvelle crise dans les 24
heures, crise réagissant bien à une nouvelle administration.

Les effets indésirables les plus fréquents sont les suivants : nausées,
vomissements, fatigue, sensation vertigineuse. Des sensations d'oppression
thoracique surviennent dans 3 à 5 % des traitements, exceptionnellement
associées à une ischémie myocardique. Le sumatriptan est contre-indiqué en cas
de pathologie coronarienne préexistante, d'antécédents d'infarctus du myocarde
ou d'hypertension artérielle non contrôlée. Ce produit ne doit pas être associé
à la DHE, aux IMAO ou aux antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la
sérotonine. La migraine basilaire et la migraine hémiplégique sont des
contre-indications d'emploi.
4.4.2 Zolmitriptan
Ce produit est un agoniste 5 HT1B/1D récemment commercialisé (Zomig), rapidement
absorbé après administration orale (le pic des concentrations plasmatiques est
atteint en moins d'une heure). Ce produit d'action principalement périphérique,
passe la barrière hémato-encéphalique. Le programme de développement clinique
est instructif à relire, illustrant les études aujourd'hui nécessaires pour
obtenir l'AMM (Schoenen, Sawyer 1997). Le meilleur rapport bénéfice/effets
indésirables est obtenu pour 5 mg, induisant une réponse dans les 2 heures chez
64-67 % des migraineux en crise. Une seconde administration est possible en cas
de nouvelle crise et s'est révélée efficace. Ce produit réduit les signes
associés à la douleur et permet une reprise des activités quotidiennes et
améliore la qualité de vie intercritique. Les récurrences sont possibles (27 %).
Le profil de sécurité notamment cardiovasculaire est rassurant. La dose initiale
recommandée est 2,5 mg.  
4.4.3 Naratriptan

Le naratriptan (naramig) est un agoniste sélectif des récepteurs 5 HT1B/1D .
Dosé à 2,5 mg, la dose totale ne doit pas dépasser 2 comprimés par 24 heures.
L'absorbtion digestive est rapide, la biodisponibilité est de l'ordre de 70 %.
Le naratriptan traverse la barrière hémato méningée et sa demie vie est de 6
heures. De par son affinité pour les récepteurs 5 HT1B/1D centraux, le
naratriptan posséde une efficacité thérapeutique à des doses relativement
faibles, avec un profil de tolérance satisfaisant.
4.5 autres voies médicamenteuses
Parmi les pistes pharmacologiques actuelles du traitement de la crise
migraineuse nous citerons : les antagonistes NK (récepteurs aux tachykinines)
les antagonistes des récepteurs à l'endothéline, les inhibiteurs de la synthèse
du NO.
5 Les médicaments du traitement de fond
Ce sont les médicaments visant à prévenir la survenue de la crise ou à diminuer
la fréquence des crises (traitement prophylactique). Leur utilisation (en
monothérapie) sera à envisager dès que la fréquence dépasse 1 à 2 crises par
mois, surtout si celles-ci sont intenses et prolongées. Les conséquences
sociales, familiales et professionnelles interviennent dans la décision de
l'instauration du traitement. Ce dernier sera fermement mis en route pour une
durée de 6 à 12 mois. Selon les principes de l'Evidence Based Medicine, il faut
admettre que peu de médicaments ont été évalués ou ont fait preuve d'efficacité
dans ce but prophylactique ; c'est la raison de l'omission volontaire des
médicaments suivants : vérapamil, cyclandelate, pizotifène, lisuride,
riboflavine, magnésium, homéopathie.
5.1 Les antagonistes des amines
5.1.1 Les bêta-bloqueurs
Bien que leur action antimigraineuse apparaisse indépendante du blocage sélectif
des récepteurs bêta, cette classe pharmacologique est efficace. Les produits non
sélectifs tels le propranolol (Avlocardylâ 120 mg/j) et le timolol (Timacorâ 10
mg/j) semblent aussi efficaces que les bloqueurs sélectifs des récepteurs b1 :
metoprolol (Lopressorâ 100 mg/j) ou atenolol (Tenormineâ 50 mg/j). Les effets
indésirables sont ceux classiquement attribués à cette classe : bradycardie,
bronchospasme, hypotension, cauchemars, dépression ...
5.1.2 Le méthysergide (Désernilâ)
Ce dérivé de l'acide lysergique est anti-sérotonine, anti-vasoconstriction et
anti-agrégation plaquettaire. Utilisé à la dose de 5 mg/j, il est à réserver aux
migraines rebelles car il expose au risque de fibroses notamment
rétropéritonéale.
5.1.3 L'indoramine (Vidoraâ)
Cet antagoniste alpha-1-adrénergique possède également des propriétés
antihistaminiques (H1), antidopamine, antiprostaglandine (F2). Il est utilisé à
la dose de 50 mg/j. Les effets indésirables sont neuropsychiatriques (anxiété,
asthénie, sédation, à exclure chez le parkinsonien) et cardio-vasculaires
(hypotension).
5.1.4 L'oxétorone (Nocertoneâ)
Ce produit est anti-sérotonine, anti-histamine et adrénolytique alpha. Utilisé à
la dose de 120 à 180 mg/j, il expose au risque de somnolence, voire
d'hypotension.
5.1.5 La clonidine (Catapressanâ)
Cet agoniste des récepteurs adrénergiques de type a2, véritable antihypertenseur
(central) est moins efficace que les bêta-bloqueurs dans le traitement de fond
de la migraine même s'il est classiquement cité dans le manuels.
5.2 Les antagonistes calciques
La flunarizine (Sibeliumâ 5 à 10 mg/j) est indiquée lorsque les autres
traitements sont inefficaces ou mal tolérés. Elle est strictement
contre-indiquée en cas de syndrome parkinsonien ou de dépression. Ce produit est
classiquement utilisé dans les syndromes vertigineux. Les autres antagonistes
calciques n'ont pas fait la preuve de leur effet lors d'essais cliniques
(verapamil ; nimodipine ...).
5.3 Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
Les AINS exercent un effet réel quoique modeste en prévention de la migraine.
L'acide tolfénamique (300 mg/j) et la naproxène (Apranaxâ et Naprosyneâ 500
mg/j) ont clairement fait leur preuve, au risque de dyspepsie, de constipation
et de risque hémorragique.
5.4 Autres produits
La dihydroergotamine (3 mg/j) n'a pas fait l'objet d'essais rigoureux. Les
effets indésirables sont rares.

Les antidépresseurs tricycliques sont faiblement efficaces et sont plutôt
recommandés dans les céphalées de tension (amitriptyline 75 mg/j).

La dépakine, antiépileptique, s'est révélée clairement supérieure au placebo
dans plusieurs essais (la gabapentine, nouvel antiépileptique semble également
efficace ).

Le lithium possèderait une action préventive mais n'est pas à conseiller en
première intention.
6 Conclusion
Les médicaments antimigraineux font l'objet d'une forte automédication, en
particulier, les produits conseils (OTC).

Les indications et donc les stratégies thérapeutiques n'ont pas encore fait
l'objet de consensus. Certains algorithmes d'utilisation des produits sont
proposés (voir Capobianco et al, 1996), tant face à une crise (est-ce la
première ou la nième ?) que lors du passage au traitement de fond (que faire
lorsqu'une crise se déclenche néanmoins ?).

Le thérapeute est confronté à des situations particulières : migraines
cataméniales, migraine de l'enfant, migraine basilaire ...

L'évaluation des thérapeutiques doit porter sur la qualité de vie du migraineux
et l'impact sur sa vie sociale et professionnelle ; une pharmacoépidémiologie
des anti-migraineux est attendue.

N'oublions jamais que l'abus d'antalgiques et spécialement d'antimigraineux est
inducteur de céphalées et ... de migraines.
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review of the current clinical experience
Cepalalgia 1995 ; 15 : 337-357

 Les médicaments de la douleur
Stéphane Schück
Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, avenue du Pr. Léon Bernard, 35043 Rennes Cedex
 
mis à jour le 16 février 1999
1 Introduction
2 Les moyens thérapeutiques
2.1 Les paliers de l'O.M.S.
2.2 Les antalgiques de niveau 1     

2.3 Les antalgiques de niveau 2
2.4 Les antalgiques de niveau 3
2.5 Les médicaments adjuvantsou co-analgésiques
3 Bibliographie
1 Introduction

La douleur est partout en médecine, de la plainte, du mal être à la souffrance.
Parmi ses nombreuses définitions, on peut retenir celle de l’association
internationale de l’étude sur la douleur : "La douleur est une expérience
sensorielle et émotionnelle désagréable liée à une lésion tissulaire existante
ou potentielle ou décrite en terme d’une telle lésion " Cette définition intègre
bien le caractère multifactoriel de la douleur. Outre la dimension sensorielle
nociceptive, on reconnaît à la douleur une dimension émotionnelle et affective
ainsi qu’une composante cognitive capables de s’associer à des degrés divers
chez un malade donné.

Les récents progrès accomplis dans le domaine de la compréhension de la
neurobiologie de la douleur contrastent avec la prise en charge médicamenteuse
de la douleur qui repose toujours en terme de concepts pharmacologiques sur
trois molécules : Acide acétyl salicylique, paracétamol et morphine. La place de
la psychologie et de la neurochirurgie est à considérer.
2 Les moyens thérapeutiques
2.1 Les paliers de l’O.M.S.
L’O.M.S. a proposé de classer les antalgiques en trois paliers ou niveaux. Cette
échelle permet une hiérarchie des analgésiques en fonction de leur niveau de
puissance et de leurs rapports avantages inconvénients. Même si cette échelle a
été élaborée dans le cadre de la prise en charge des douleurs d’origine
cancéreuse, elle permet à tout praticien de se référer à une classification
opérationnelle dès lors qu’il doit traiter une douleur sur le plan
symptomatique. Cette échelle se définit ainsi :

    *
      Niveau 1 : Analgésiques non morphiniques, appelés aussi, à tort,
analgésiques périphériques ou mineurs. Ils sont représentés par le paracétamol,
l’aspirine et les anti inflammatoires non stéroïdiens (A.I.N.S.).
    *
      Niveau 2 : Agonistes morphiniques faibles. Le niveau 2 est constitué par
des associations entre analgésiques de niveau 1 et analgésiques morphiniques
faibles : dextropropoxyphéne et codéine.
    *
      Niveau 3 : Regroupement des agonistes morphiniques forts (morphine,
péthidine, dextromoramide) et des agonistes antagonistes (pentazocine et
nalbuphine). On distingue le niveau 3a quand les agonistes morphiniques forts
sont administrés par voie orale et le niveau 3b quand ils le sont par voie
parentérale ou centrale.

En terme de stratégie thérapeutique, la potentialité de chacun de ces paliers de
puissance progressive sera exploitée au maximum et le passage d’un pallier à
l’autre se fera en fonction de l’évolution de la douleur et du degré de
soulagement du malade. On veillera en particulier, avant de changer de niveau, à
ce que la posologie soit adaptée et que les co-analgésiques éventuellement
nécessaires aient été prescrits. On s’assurera du respect des intervalles entre
les prises, de la prise en charge optimale relationnelle et psychologique du
malade et d’une bonne compliance au traitement. L'association d'antalgiques de
même niveau ne se justifie pas.
2.2 Les antalgiques de niveau 1

Egalement appelés antalgiques périphériques, ils sont indiqués dans les douleurs
légères à modérées. Leur action se fait principalement au niveau des
nocicepteurs périphériques. La compréhension de leur mécanisme d’action est
indissociable de la physiologie des prostaglandines. Souvent banalisés dans
l’esprit des malades ils font l’objet d’une automédication parfois sauvage alors
qu’ils exposent à de nombreux effets indésirables, prostaglandines dépendants ou
non.
2.2.1 L’aspirine et les A.I.N.S.
2.2.1.1 Mécanisme d'action

n L’aspirine et les A.I.N.S., membre d’une même famille possèdent des propriétés
pharmacologiques communes, en particulier une action pharmacodynamique triple,
anti inflammatoire, antipyrétique et antalgique. L’aspirine ou acide acétyl
salicylique est le plus ancien des A.I.N.S, découvert empiriquement à partir de
l'écorce de saule. L'hypothèse communément admise concernant le mécanisme
d’action de ces molécules est l’inhibition des cyclo-oxygénases (Cox) suivie
d’une diminution de la synthèse des prostaglandines. Cette enzyme constitue
l'une des deux voies de la dégradation de l'acide arachidonique, l'autre voie
étant celle de la lipo-oxygénase.

n La cyclo-oxygénase existe sous deux isoformes: la Cox1, isoforme constitutive
de la plupart des tissus et la Cox2, isoforme inductible (par les cytokines,
l'endotoxine et les mitogènes). Tous les A.I.N.S. actuels sont spécifiques de la
Cox1 et le rôle ubiquitaire des prostaglandines dans l'organisme (coagulation,
bronchomotricité, filtration rénale, contractions utérines, neurotransmission
chimique) explique les indications très variées des A.I.N.S., ainsi que la
richesse de leurs effets indésirables.
2.2.1.2 L'aspirine

n L'aspirine inhibe de façon irréversible les cyclo-oxygénases périphériques et
centrales. Elle existe sous de nombreuses formes galéniques qui font varier sa
rapidité et sa durée d'action. De nombreuses spécialités contiennent de
l'aspirine. A visée antalgique elle est utilisée à la dose de 2 à 3 grammes par
24 heures chez l'adulte, dose au delà de laquelle l'action anti inflammatoire de
l'aspirine s'exprime. A des doses très faibles ( 160 à 300 milligrammes par
jour), l'aspirine a un effet anti-agrégant plaquettaire utilisé dans les
pathologies cardio-vasculaires.

n Pharmacocinétique : La résorption digestive est bonne, compatible avec des
prises orales (action en 30 minutes pour une durée de 4 à 6 heures). La liaison
aux protéines plasmatiques est forte, de l'ordre de 50 à 80 pour-cent, source de
possible interaction, avec déplacement et augmentation de forme libre donc
risque de surdosage subit. Le métabolisme se fait par hydrolyse intestinale et
hépatique rapide en dérivés inactifs. L'élimination se fait par excrétion rénale
(50 pour-cent en 24 heures).

n Indications et précautions d'emploi : L'aspirine, comme les A.I.N.S. est
indiquée dans les douleurs d'intensité modérée avec ou sans composante
inflammatoire. Elle est contre indiquée en cas d'hémorragies digestives, de
métrorragies ou ménorragies. Chez l'enfant, on préfère souvent le paracétamol en
raison d'une possible liaison de l'aspirine avec le syndrome de Reye. (Cf.
Effets indésirables). La grossesse, notamment au troisième trimestre contre
indique l'emploi des salicylés en raison d'une toxicité foetale
cardio-pulmonaire (fermeture prématurée du canal artériel) et rénale et d’un
allongement du temps de saignement chez la mère et l’enfant. En cas
d'antécédents d'ulcères gastriques ou duodénaux, d'insuffisance rénale,
d'asthme, de dispositif intra utérins (diminution de l'efficacité) l'utilisation
de l'aspirine sera prudente.
2.2.1.3 Les autres A.I.N.S. employés comme analgésiques

n Il s’agit essentiellement des dérivés anthraniliques (acide méfénamique,
Ponstyl) et des dérivés propioniques (ibuprofène, Advil; fénoprofène,
Nalgésic...). L’emploi d’un A.I.N.S. comme antalgique, fréquent dans les
automédications, impose de bien peser le rapport bénéfices risques en raison
d’une pharmacovigilance riche.

n Pharmacocinétique : Malgré certaines spécificités individuelles, on peut
retenir plusieurs principes généraux sur la pharmacocinétique des A.I.N.S.:
L'absorption digestive est compatible avec une administration orale, la liaison
aux protéines plasmatiques est importante, l’élimination est rénale et le
métabolisme hépatique. La variabilité des demi-vies d’élimination permet de
classer les A.I.N.S. en produit d’action brève (0.25 à 6.8 heures: kétoproféne,
indométhacine...) et en produit d’action longue (13 à 68 heures: sulindac,
naproxen piroxicam...).

n Les A.I.N.S. actuels sont spécifiques de la Cox1 mais de nouveaux produits
spécifiques de la Cox2 sont en développement.

n A.I.N.S. et rhumathologie : Les prescriptions pour indications rhumatologiques
représentent une grande part de l'utilisation des A.I.N.S. De la lombalgie à la
polyarthrite rhumatoïde, de la spondylarthrite ankylosante à la pseudo
polyarthrite rhizomélique, la prescription d' A.I.N.S. a une dimension
antalgique. Selon la chronologie de la douleur, il faudra adapter le choix en
fonction de la cinétique des produits.
2.2.1.4 Les effets indésirables des A.I.N.S. et de l'aspirine

n Le surdosage à l’aspirine : Sa fréquence et sa gravité chez l’enfant, son
évolution pouvant être fatale impose d’en connaître les signes. On a évalué la
dose toxique de l’acide acétylsalicylique à 10 grammes en prise unique chez
l’adulte et à 100 milligrammes par kilos chez l’enfant. Les signes cliniques
apparaissent en quelques heures, inaugurés par des troubles neurosensoriels
(précoces chez l’enfant): vertiges, céphalées, sensation d’hypoacousie,
bourdonnements d’oreilles. Des troubles digestifs sont souvent associés:
douleurs épigastriques, vomissements, nausées. La gravité de ce surdosage réside
dans les modifications de l’équilibre acido-basique. Initialement, une alcalose
respiratoire secondaire à une hyperventilation liée à la stimulation des centres
respiratoires par l’acide salicylique apparaît. Elle entraîne une élimination
rénale de bicarbonates et de potassium. Cette alcalose respiratoire est suivie
d’une acidose métabolique d’étiologie encore discutée. Une hypoglycémie, une
fièvre et des troubles de l’hydratation sont souvent associés. La prise en
charge thérapeutique, en milieu spécialisé, associe un traitement évacuateur,
épurateur et symptomatique. Le lavage gastrique est indiqué jusqu’à la douzième
heure suivant la prise orale en raison d’un ralentissement de la vidange
gastrique et de la formation de concrétions par les salicylés. Le traitement
épurateur se fait par alcalinisation des urines ou épuration extra-rénale en cas
d’intoxication sévère. Le traitement symptomatique comprend la correction des
troubles de l’hydratation, de l'hypokaliémie, des troubles métaboliques.

n Accidents gastro-intestinaux (liés à l’inhibition des prostaglandines). Les
effets digestifs bénins sont fréquents: épigastralgies, nausées, douleur
abdominale, troubles du transit. Les ulcères et les perforations sont bien
décrits, pouvant entraîner des hémorragies extériorisées ou occultes,
responsables lorsqu’elles se répètent d’une anémie ferriprive. Les A.I.N.S.
peuvent déclencher une rectocolite hémorragique ou une maladie de Crohn. Le
misoprostol (analogue de la PGE1) traite et prévient ces effets. L'action
préventive des anti H2 n'est pas prouvée.

n Accidents rénaux : (liés à l’inhibition des prostaglandines): Chez certains
sujets à risque (personne âgée, patients déshydratés, cirrhotiques, insuffisants
cardiaque, sujet traité par diurétiques) une insuffisance rénale fonctionnelle
peut survenir, indépendamment de la dose et de la durée de traitement. En
chronique, l’association avec des diurétiques et surtout les inhibiteurs de
l’enzyme de conversion peut conduire à l’insuffisance rénale. Il existe
également des risques de nécrose papillaire, d’hyponatrémie, d’hyperkalièmie et
d’hypertension artérielle.

n Asthme et bronchospasme : (liés à l’inhibition des prostaglandines) La grande
prudence est de règle en cas d'antécédents asthmatiques.

n Réactions cutanées : Parfois mortelles : syndromes de Lyell, de
Stevens-Johnson.. Erythème polymorphe, purpura et vascularites sont également
décrits ainsi que des réactions bénignes et régressives de tous types:
urticaire, rash...

n Réactions hématologiques : Généralement d’ordre immunoallergique, touchant une
lignée cellulaire (thrombopénie, leucopénie...). Une aplasie médullaire ou une
anémie aplastique sont le lot de traitement chronique.

n Réactions hépatiques : Des hépatites de tous types (exceptionnelles) pouvant
se résumer à une simple élévation des transaminases.

n Néphropathies immunocellulaires : En général, il s’agit d’une
glomérulonéphrite focale ou diffuse.

n Le syndrome de Reye : Exceptionnel, il se voit principalement chez l’enfant
traité par aspirine au décours d’infections virales (varicelle, influenza). Il
associe une insuffisance hépato-cellulaire grave et une encéphalopathie aiguë
d’évolution mortelle une fois sur deux. Ce syndrome fait préférer, peut être de
façon excessive, l’emploi du paracétamol chez l’enfant dans le traitement
symptomatique des états fébriles.

n La prise au long cours de fortes doses de salicylés peut entraîner un
salicylisme générateur d'une symptomatologie ORL avec parfois des surdités.
2.2.2 Le paracétamol

Le paracétamol est un des métabolites actifs de la phénacétine appartenant à la
famille chimique des para-aminophénols. C’est un antalgique antipyrétique dénué
de propriétés anti inflammatoires aux doses thérapeutiques. Son association avec
des opiacés faibles ou dérivés opioïdes mineurs (codéine ou dextropropoxyphène)
est synergique et fait partie du niveau 2 de l ' O.M.S.
2.2.2.1 Mécanisme d'action

n Il est communément admis que l’action antalgique du paracétamol est liée à une
diminution de la synthèse des prostaglandines par inhibition de la
cyclo-oxygénase. Cette inhibition serait à la fois centrale et périphérique.
(cf. mécanisme d’action des A.I.N.S. et aspirine).
2.2.2.2 Pharmacocinétique

n Administré par voie orale, la biodisponibilité du paracétamol est bonne, de 70
à 90 pour-cent. La liaison aux protéines plasmatiques est faible (10 pour-cent).
La demie vie d’élimination est de 2 h à 2h30 (elle augmente en cas d’atteinte
hépatique). Le pic plasmatique est obtenu en 1 h à 1h30. La métabolisation du
paracétamol est assurée par les systèmes enzymatiques hépatiques microsomiaux
aboutissant à la formation de métabolites pour l’essentiel glycuro et
sulfo-conjugués. Hydrosolubles, ils sont éliminés par voie rénale et représente
environ 80 à 90 pour-cent du métabolisme hépatique.
n Le reste du métabolisme fait appel à la voie oxydative et aboutit à la
formation d’un métabolite toxique: la N-acétyl-para-benzoquinone-imine. Dans les
conditions thérapeutiques usuelles, ce métabolite est rapidement neutralisé par
conjugaison avec le gluthation hépatocytaire, donneur de radicaux thiols. La
limitation des stocks hépatiques de gluthation implique en cas de surdosage aigu
(10 à 15 grammes chez l’adulte et 100 mg/kg chez l’enfant) l’accumulation de ce
métabolite toxique, responsable d’une nécrose hépatique aiguë potentiellement
mortelle. De ce fait, le conditionnement du paracétamol est limité à 8 grammes
par boite.
2.2.2.3 Indications et précautions d'emploi
n Le paracétamol, d'activité analgésique équivalente aux salicylés est
généralement prescrit à la dose de 3 grammes par 24 heures en 3 ou 4 prises
espacées de 4 heures. Il existe une prodrogue du paracétamol: le proparacétamol,
Prodafalgan qui est hydrolysé dans l'organisme en paracétamol, utilisable par
voie parentérale. On l'utilise souvent dans les douleurs post opératoires à la
dose de 1 à 2 grammes par injection, une à quatre fois par 24 heures.
L'utilisation de paracétamol sera prudente chez les sujets alcooliques
chroniques, dénutris ou présentant une insuffisance hépatocellulaire chez qui le
gluthation hépatique est déjà diminué.
2.2.2.4 Effets indésirables

n Globalement, le paracétamol est bien toléré ,notamment au plan digestif. Ses
effets indésirables aux doses usuelles sont rares, le légitimant comme
antalgique de première intention chez l'enfant ou le nourrisson. L'utilisation
chez la femme enceinte ou allaitante est possible.

n Surdosage au paracétamol : La survenue d'hépatites graves se situe
habituellement autour de la dose de 10 à 15 grammes en prise unique chez
l'adulte. Cependant chez les patients présentant un déficit en gluthation
(dénutris, alcooliques chroniques, femme enceinte) et chez les patients traités
par inducteurs enzymatiques (rifampicine, phénobarbital, carbamazépine,
phénytoïne) la dose toxique est abaissée à 5 grammes. Contrairement aux
surdosages avec les salicylés, la symptomatologie précoce n'a pas de spécificité
particulière. C'est du deuxième au quatrième jour après l'intoxication que
surviennent des douleurs de l'hypochondre droit associées à une hépatomégalie et
à un ictère secondaire à la cytolyse hépatique. Une hépatite fulminante avec
insuffisance hépatocellulaire évoluant vers l'encéphalopathie hépatique peut
survenir en cas d'intoxication sévère. Si l'atteinte n'est pas majeure, la
normalisation des facteurs hépatiques se fait en cinq jours. Biologiquement, il
existe une cytolyse hépatique plus ou moins sévère (augmentation des ALAT, ASAT
et LDH), maximale entre le 3e et le 6e jour, souvent associée à une choléstase
(augmentation de la bilirubine et des phosphatases alcalines). Une chute du taux
de prothrombine et des facteurs de coagulation synthétisés par le foie peuvent
s'y associer en cas d'insuffisance hépatocellulaire. Le traitement, réalisé en
milieu spécialisé, comprend une évacuation gastrique et la neutralisation du
métabolite hépatotoxique par un antidote: la N acétylcystéine (Mucomyst,
Fluimicil), précurseur du gluthation et donneur de radicaux thiols, SH. Le
lavage gastrique est indiqué dans les 6 premières heures suivant l'intoxication
et la prévention de l'hépatotoxicité doit débuter le plus tôt possible, sans
attendre les résultats de la paracétamolèmie, dés lors que la dose ingérée est
supposée supérieure aux doses toxiques. Le traitement par voie orale fait appel
au Mucomyst (dose de charge de 140 mg/kg suivie de 70 mg/kg toutes les 4 heures
pendant 72 heures). En cas d'impossibilité, la voie intraveineuse est utilisée:
Fluimicil à la dose de 150 mg/kg en 15 minutes dans 200 ml de glucosé à 5%, puis
50 mg/kg en 4 heures dans 500 ml de glucosé à 5%, puis 100 mg/kg en 16 heures
dans un litre de glucosé à 5%. L'adaptation et la poursuite du traitement par N
acétylcystéine se fait en fonction de la paracétamolèmie, dont la gravité est
évaluée par le nomogramme de Prescott (courbes de paracétamolèmie).

n Les manifestations cutanés sont rares: rash avec érythème, urticaire,
accompagnés ou non de prurit.

n Les manifestations hématologiques sont exceptionnelles: thrombopénie
immunoallergique, anémies hémolytiques.
n La toxicité hépatique à dose thérapeutique est exceptionnelle et peut survenir
en cas d'atteinte hépatique antérieure, chez les grands alcooliques chroniques,
en cas de dénutrition ou de déficit en glutathion synthétase (notamment
homozygote).
2.2.2.5 Autres analgésiques périphériques

n La phénacétine et la Noramidopirine ne sont plus utilisées en raison
respectivement du risque de néphropathie interstitielle chronique et du risque
d'agranulocytose immuno-allergique.

n La floctafénine, Idarac est la seule molécule du groupe des fénines qui reste
sur le marché aujourd'hui. Les autres, en particulier la glafénine en ont été
retirés en raison d'insuffisance rénale et de choc anaphylactique.
2.3 Les antalgiques de niveau 2

Le passage à ce niveau est légitimé en cas de douleurs modérées à intenses ou
dés lors que les douleurs résistent à 2 ou 3 grammes de paracétamol ou
d'aspirine. Les antalgiques de niveau 2 sont essentiellement représentés par des
associations d'antalgiques de niveau 1 avec des dérivés opioïdes mineurs comme
la codéine et le dextropropoxyphène. L'association permet ainsi de potentialiser
l'effet analgésique de chacun des constituants. Le paracétamol est l'antalgique
périphérique de choix pour ces associations. Ces dérivés opioïdes sont qualifiés
de mineurs en raison d'une faible affinité pour les récepteurs morphiniques.
L'effet antalgique est donc moindre que celui de la morphine et les effets
indésirables sont moins importants.
2.3.1 Les dérivés opioïdes mineurs
2.3.1.1 Mécanisme d'action (cf.  2.4.1)

n Les opiacés, comme les opioides endogènes (enképhalines, endorphines et
dynorphines) sont des agonistes des récepteurs morphiniques. On a individualisé
cinq types: mu, delta, eta, sigma et kappa. Ces récepteurs sont localisés au
niveau de structures anatomiques spinales et supra spinales impliquées dans le
contrôle du message nociceptif: corne postérieure de la moelle, tronc cérébral,
thalamus et système limbique. Les récepteurs m semblent les plus impliqués dans
la genèse de l'analgésie. Les interactions ligands-récepteurs, que ce soit pour
les opioides mineurs ou majeurs, aboutissent à une inhibition de la libération
de la substance P et donc de la transmission de l'influx nociceptif. Au niveau
supra spinal, les opioides renforcent les systèmes de contrôle supra spinaux du
message nociceptif en activant le système descendant inhibiteur. Par ailleurs,
un effet psychotrope (euphorie, prise de distance par rapport à l'algogène)
contribue à l'effet antalgique.
2.3.1.2 La codéine

n Alcaloïde de l'opium, elle est également utilisée comme antitussif et
antidiarrhéique. Son effet antalgique est 5 à 10 fois plus faible que celui de
la morphine et sa durée d'action est d'environ 5 heures. L'effet dépresseur
respiratoire est faible et utilisée aux doses thérapeutiques, elle est assez peu
toxicomanogène. Son absorption digestive est rapide, le métabolisme est
hépatique (l'action antalgique de la codéine serait dû à sa transformation en
morphine au niveau du foie, sous gouverne du cytochrome P450), l'élimination
urinaire. La codéine traverse le placenta et passe dans le lait maternel.

n Les présentations de la codéine sont variées. Elle peut être utilisée seule
sous la forme d'un dérivé: la dihydrocodéine, Dicodin, d'une durée d'action plus
longue (environ 12 heures). Son association au paracétamol est synergique
(Codoliprane, Efferalgan codéiné, Oralgan...) et s'utilise à la dose d ' 1 à 2
comprimés 1 à 3 fois par jour. Elle peut également être associée à l'aspirine
(Compralgyl).

n Les effets indésirables les plus fréquents sont la constipation, les nausées
et la somnolence. Plus rarement: allergies, bronchospasme, dépression
respiratoire. Les risques de dépendance et de sevrage à l'arrêt du traitement ne
se voient pas aux doses thérapeutiques. Il convient d'ajouter les effets
indésirables propres au paracétamol ou à l'aspirine en cas d'association.
n Le surdosage réalise un tableau d'intoxication morphinique (troubles de la
conscience, dépression respiratoire, myosis, risque de bronchospasme et de
laryngospasme) imposant un traitement en milieu spécialisé par réanimation
cardio-respiratoire, lavage gastrique, administration de naloxone et le cas
échéant, de N acétylcysteine.
2.3.1.3 Le dextropropoxyphène

n Forme isomère dextrogyre du propoxyphène, le dextropropoxyphène est un
analgésique opiacé dérivant de la méthadone ayant un effet analgésique inférieur
à celui de la codéine. Il est considéré comme peu toxicomanogène aux doses
thérapeutiques. Son absorption digestive est rapide (action par voie orale en 1
h 30 pendant 4h), la métabolisation est hépatique et l'élimination urinaire. La
demi-vie d'élimination est de 8 à 10 heures.

n Les présentations du dextropropoxyphène sont variées. Il peut être employé
seul (Antalvic: 1 comprimé 3 fois par jour jusqu'à 6 comprimés) ou associé au
paracétamol (Di-antalvic: 1 à 2 gélule 3 fois par jour, sans dépasser 6 gélules
par jours. Cette association existe aussi sous forme de suppositoires pour un
traitement limité à 10 jours en raison du risque d ' anorectite grave). Il peut
également être associé en sus du paracétamol à la caféine et à l'aspirine
(Propofan), substances potentialisant l'effet analgésique.

n Les effets indésirables sont le plus souvent digestifs. Certaines
manifestations imposent l'arrêt immédiat du traitement: réactions cutanées
allergiques, hypoglycémies, hépatites cholestatiques, confusions. Il convient
d'ajouter les effets indésirables propres au paracétamol ou à l'aspirine en cas
d'association.

n Le surdosage survient pour des doses importantes de l'ordre de plusieurs
grammes et réalise un tableau d'intoxication morphinique (troubles de la
conscience, dépression respiratoire, myosis...) imposant un traitement en milieu
spécialisé par réanimation cardio-respiratoire, lavage gastrique, administration
de naloxone et le cas échéant, de N acétylcysteine.
2.4 Les antalgiques de niveau 3

Ce sont les antalgiques les plus puissants. On les utilise dans les douleurs
sévères et dans les douleurs d'origine cancéreuse. Il faut savoir manier ces
produits (liste des stupéfiants, carnet à souches...) et surtout, les utiliser
au bon moment. Les antalgiques morphiniques doivent leurs propriétés à la mise
en jeu de cinq type de récepteurs morphiniques : mu, delta, eta, sigma et kappa.
La pluralité fonctionnelle de ces récepteurs et la disparité des interactions
ligands-récepteurs font qu'on distingue 3 catégories de produit : les agonistes
purs (complets ou partiels), les agonistes mixtes ou agonistes-antagonistes et
les antagonistes purs. La notion d'activité intrinsèque de la molécule (dont
dépend l'amplitude de l'effet maximal) définit encore mieux ces catégories :
Pour les agonistes purs, cette activité est de 1. Elle est comprise entre 0 et 1
pour les agonistes partiels, égale à 0 pour les antagonistes.
2.4.1 Agoniste pur et complet : la morphine

Alcaloïde de l'opium, utilisée depuis très longtemps, la morphine est la
substance de référence du groupe des antalgiques morphiniques. Elle possède une
structure penta-cyclique dont la substitution de certains radicaux conduits à
des dérivés naturels (codéine) ou à des dérivés synthétiques comme la péthidine,
le dextromoramide et le fentanyl. Son risque toxicomanogène ne doit en rien
retarder la mise en oeuvre du traitement chez le patient qui souffre.
2.4.1.1 Mécanisme d'action

n La morphine est un antalgique à effet central possédant une action
supraspinale et spinale. Au niveau de la corne postérieure de la moelle
épinière, la morphine a une action pré et post synaptique du fait de son
agonisme préférentiel pour les récepteurs m qui sont nombreux dans cette
structure. En présynaptique (au niveau de la terminaison des fibres afférentes
primaires Ad et C), cette propriété aboutit à une diminution de la libération
des médiateurs impliqués dans la transmission du message nociceptif (substance
P) et de la mise en mémoire de ce message (implication des récepteurs NMDA). En
post synaptique, au niveau des neurones nociceptifs ascendants, la morphine
entraîne une diminution d'activité de ces neurones par hyperpolarisation,
réduisant ainsi le message nociceptif.

n Au niveau central, en particulier au niveau du tronc cérébral (noyau raphé
magnus, substance grise péri-aqueducale), la morphine est capable d'activer les
voies bulbo-spinales inhibitrices qui se projettent au niveau de la corne
postérieure de la moelle épinière et qui sont capables de réduire le message
nocicéptif à ce niveau.

n Egalement impliqué dans la genèse de l'analgésie médiée par la morphine, on
peut citer son effet psycho-dysleptique, susceptible d'entraîner un état
d'indifférence à la douleur.
2.4.1.2 Pharmacocinétique

n La morphine peut être administrée par voie orale malgré une biodisponibilité
faible de l'ordre de 20 à 40% (effet de premier passage hépatique important). Sa
fixation aux protéines plasmatiques est de 35%. La morphine est glycuroconjuguée
au niveau du foie (avec cycle entérohépatique), l'élimination est urinaire (90%
en 24 heures). La demi-vie d'élimination est de 4 heures, nécessitant un délai
de 4 heures entre les prises afin de garantir une concentration plasmatique
stable.
2.4.1.3 Propriétés pharmacologiques

n Action antalgique : Nous en avons vu les mécanismes d'action. Les douleurs par
excès de nociception (douleurs ostéo-articulaires, musculaires, vasculaires...)
sont généralement bien soulagées par la morphine à l'inverse des douleurs par
désafférentation (douleurs neuropathiques...) (cf. 2.5 1).

n Dépression respiratoire : Dose dépendante, elle est secondaire à une
diminution de la sensibilité des centres respiratoires au CO2. Cette réalité
pharmacologique ne pose pas en pratique de problème clinique majeur car la
douleur en elle même constitue un antagonisme physiologique à cet effet de la
morphine qui ne doit pas être un frein à la prescription.

n Effet psychodysleptique : Variable d'un malade à l'autre, il se traduit le
plus souvent par une sensation d'euphorie et de bien être qui sous tendent le
potentiel toxicomanogène. Rappelons le encore, ce potentiel reste exceptionnel
chez le patient douloureux chronique et ne doit en rien retarder la mise en
oeuvre du traitement.

n Effet sédatif : Fréquent, il apparaît surtout en début de traitement et semble
résolutif en quelques jours.

n Action antitussive : Elle est mise à profit avec la codéine.

n Action pro émétisante : Par stimulation de la chemoreceptor trigger zone, elle
peut nécessiter la prescription de thérapeutiques adaptées (métoclopramide,
Primpéran, métopimazine, Vogalène; dompéridone, Motilium)

n Effets digestifs et urinaires : Le péristaltisme est déprimé par la morphine
et la tonicité des sphincters lisses est renforcée. Il en résulte une
constipation opiniâtre quasi constante et un retard de la vidange gastrique. Au
niveau urinaire, sur des terrains prédisposés (adénome prostatique, sténose
urétrale), on peut voir des rétentions urinaires en raison de l'hypertonie du
sphincter externe de la vessie et de l'abolition du réflexe mictionnel.

n Action histamino-libératrice : La vasodilatation qui en résulte peut provoquer
des hypotensions orthostatiques. La libération d'histamine peut induire
également des flushs ou des urticaires accompagnés ou non de prurit.

n Autres effets : La morphine abaisse le seuil convulsif et provoque un myosis.
2.4.1.4 Présentation et utilisation

La prescription de la morphine est justifiée en cas de douleurs intenses aiguës
(infarctus du myocarde...) et en cas de douleurs chroniques non soulagées par
les antalgiques de niveau I et II de L'O.M.S. Si l'indication préférentielle de
la morphine est la douleur cancéreuse, elle ne doit pas être réservée aux
cancéreux en fin de vie. La morphine existe sous deux formes :

n Le chlorydhydrate de morphine : Morphine injectable par voie sous-cutanée,
intraveineuse, intramusculaire ou administrable par voie orale (solutions
parfumées du type Saint Christopher's hospice, dosage allant de 5 à 150 mg par
10 millilitres).

n Le sulfate de morphine : Il permet une libération prolongée autorisant la
réduction du nombre de prises à deux par jours. Il existe sous forme de
comprimés (Moscontin) ou de gélules (Skenan LP) tous deux dosés à 10, 30, 60 ou
100 mg.
2.4.1.5 Effets indésirables

En lien avec les propriétés pharmacologiques de la morphine, ces effets
indésirables doivent être réévalués dans le contexte de l'emploi de la morphine
à doses analgésiantes.

n Constipation : quasi constante, on peut la prévenir par une thérapeutique
adaptée (Duphalac...)

n Nausées et vomissements : Fréquent en début de traitement, ils répondent bien
aux antiémétiques courants (métoclopramide, Primpéran; métopimazine, Vogalène,
Motilium).

n Dépression respiratoire: Elle peut être sévère en cas de surdosage.

n Sédation et psychodyslepsie : Somnolence ou parfois agitation. L'effet
psychodysleptique induit une sensation de bien être et d'euphorie mais peut
provoquer des états confusionnels notamment chez la personne âgée.

n Autres : vertiges, augmentation de la pression intracrânienne, épisodes de
rétention urinaire sur terrain prédisposé, hypotension orthostatique et
nécessité d'associer un antispasmodique (par exemple un antispasmodique
musculotrope comme le phloroglucinol, Spasfon) dans les coliques hépatiques ou
néphrétiques.

n Syndrome de sevrage : Il peut survenir quelques heures après l'arrêt brutal
d'un traitement prolongé ou après administration d'un antagoniste. Il associe
des signes neurovégétatifs et peut être soulagé par la clonidine et les
neuroleptiques.

n Surdosage : Le tableau associe une dépression respiratoire, une hypotension,
un coma profond avec myosis. Son traitement en milieu spécialisé impose une
réanimation cardio-respiratoire et l'administration d'un antidote antagoniste
des récepteurs aux opiacés : la naloxone, Narcan (Cf. 2.4.3)
2.4.1.6 Autres agonistes purs complets

n La péthidine, Dolosal a un effet antalgique un peu moins puissant que celui de
la morphine et sa durée d'action est plus courte. C'est le seul morphinique qui
possède des propriétés spasmolytiques.

n Le dextromoramide, Palfium a un effet plus puissant que celui de la morphine
mais sa courte durée d'action ne permet pas son utilisation dans le traitement
des douleurs chroniques.

n Le fentanyl, Fentanyl est un morphinomimétique très puissant (analgésie
chirurgicale 50 à 100 fois supérieur à celle de la morphine) réservé à
l'anesthésie (très utilisé pour les péridurales).
2.4.2 Agonistes partiels et agonistes-antagonistes

A l'inverse de la morphine, ils exposent à l'effet plafond (à partir d'un seuil,
l'analgésie n'augmente plus avec l'augmentation des doses) et l'administration
d'agonistes-antagonistes (encore appelés agonistes mixtes) peut provoquer un
syndrome de sevrage chez des patients préalablement traités par morphine.
2.4.2.1 Agoniste partiel : la buprénorphine

n La buprénorphine, Temgésic est plus puissante que la morphine mais son
efficacité thérapeutique est moindre en raison du caractère partiel de
l'agonisme m . Cependant la liaison de la buprénorphine aux récepteurs m est si
forte que la naloxone, en cas de surdosage, est peu efficace.

n L'effet de premier passage hépatique est important. La buprénorphine se
présente sous forme de comprimés sublinguaux dosés à 0,2 mg ou sous forme
d'ampoules injectables (1 ml = 0,3 mg). La durée d'action de la buprénorphine
est de 6 à 8 heures. Il existe un dosage fort réservé à la prise en charge
thérapeutique des sevrages chez les toxicomanes (Subutex). Le Subutex reste sur
la liste I, avec prescription limitée à 28 jours sur carnet à souche.
2.4.2.2 Les agonistes-antagonistes

n La pentazocine (Fortal) et la nalbuphine (Nubain) sont des
agonistes-antagonistes. Ils sont agonistes des récepteurs kappa et antagonistes
des récepteurs mu. Ces propriétés pharmacologiques imposent donc de respecter un
intervalle libre entre l'administration de ces produits et celle des agonistes
complets afin d'éviter tout phénomène de compétition. L'association avec des
agonistes complets est illogique et à proscrire.
n Ces produits agissent rapidement mais ont une durée d'action trop courte pour
être utilisés dans les douleurs chroniques.
2.4.2.3 Effets indésirables

n Ce sont les mêmes que les opioïdes forts, à quelques exceptions prés.
2.4.3 Antagonistes purs

n La naloxone (Narcan) est le type même de l'antagoniste pur spécifique et
compétitif des opiacés. Elle ne possède aucune propriété agoniste et son
indication préférentielle est le traitement des intoxications aiguës par des
opiacés (sauf en cas d'intoxication par la buprénorphine où on lui préfère le
doxapram) : 0,4 mg par voie intraveineuse puis 0,1 mg par voie intraveineuse
jusqu'à la reprise d'une ventilation efficace. Elle est utilisée également dans
le diagnostic différentiel de certains comas toxiques.

n La naltrexone (Nalorex) présente une longue durée d'action et peut-être
utilisé comme traitement dissuasif chez le jeune toxicomane motivé pour le
sevrage et très entouré sur le plan familial.
2.5 Les médicaments adjuvants ou co-analgésiques

On ne doit pas négliger leurs prescriptions sous couvert de la prescription d'un
des antalgiques des niveaux de l'O.M.S. Souvent utiles, ils sont parfois
essentiels dans la prise en charge thérapeutique de la douleur.
2.5.1 Les antidépresseurs

n Ce sont les produits de référence, utilisés en première intention dans le
traitement des douleurs neurogènes, notamment des douleurs des neuropathies
périphériques, indépendamment de leurs causes (douleur de désafférentation).
L'action antalgique des antidépresseurs est connue depuis longtemps et se
manifeste beaucoup plus rapidement (48 heures) que l'effet thymique. Cette
action antalgique des antidépresseurs semble indépendante de l'effet
thymoanaleptique.

n Les douleurs pouvant être soulagées par les antidépresseurs sont donc les
douleurs de désafférentation, migraines, algies faciales, certaines douleurs
rebelles d'origine cancéreuse et certaines fibromyalgies où ils offrent une
alternative intéressante. Il faut évoquer également ici la douleur morale,
intense dans la dépression sévère pouvant être soulagée par les antidépresseurs,
la convulsivothérapie et l'approche psychothérapeutique.

n Les antidépresseurs tricycliques (imipramine, clomipramine...) seraient les
plus efficaces, à des doses de 75 à 150 mg (augmentation progressive des doses).
Cependant, les inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine
(fluoxétine, paroxétine, citalopram...), globalement mieux tolérés que les
précédents, sont utilisables dans ces indications ainsi que les inhibiteurs
sélectifs de la mono-amine-oxydase A (moclobemide, toloxatone).
2.5.2 Les antiépileptiques

n Leur place dans l'arsenal anti douleur est justifiée par l'efficacité de la
carbamazépine, Tégrétol, dans la névralgie du trijumeau. Cette classe
pharmacologique serait également efficaces dans les douleurs de
désafférentations et dans certaines douleurs à caractère paroxystique.
2.5.3 Les myorelaxants

n Globalement bien tolérés, mise à part une somnolence induite, les myorelaxants
(tétrazépam, Myolastan; Méphénésine, Décontractyl...) agissent en diminuant les
réflexes médullaires polysynaptiques qui génèrent des contractions musculaires
réflexes souvent douloureuses. Généralement leur prescription est de courte
durée et jamais de manière systématique.
2.5.4 Les anxiolytiques

n Dénués d'activité antalgique, ils sont néanmoins utiles pour traiter des
effets indirects de la douleur. Leur effet amnésiant peut être bénéfique.
2.5.5 Les corticoïdes

n De part leur activité anti inflammatoire, les corticoïdes sont utilisés dans
le traitement des douleurs d'origine inflammatoire, notamment en rhumatologie et
cancérologie ou dans les céphalées dites de tension. Ils agissent sur la douleur
de façon indirecte, du fait de leur pouvoir anti inflammatoire. De plus, les
corticoïdes ont une action sur l'expression génique entr'autres de médiateurs
intervenant dans le contrôle du message nociceptif.

n La voie d'administration peut être locale : transdermique, percutanée, ou en
infiltration.
2.5.6 Les antispasmodiques
n Indiqués dans les coliques hépatiques et les coliques néphrétiques, dans les
douleurs spasmodiques digestives, urinaires ou utérines, les antispasmodiques se
divisent en deux grandes classes pharmacologiques :

    *
      Les antispasmodiques musculotropes, dénués de propriétés
anticholinergiques, agissent directement sur les fibres musculaires lisses. On
citera le phloroglucinol, Spasfon; la trimébutine, Débridat...
    *
      Les antispasmodiques anticholinergiques. Ils agissent en antagonisant les
effets muscariniques de l'acétylcholine, entrainant un effet antispasmodique sur
les fibres musculaires lisses. On citera la butylhyoscine, Bucospan; la
dihexyvérine, Spasmodex...

2.5.7 Autres médicaments adjuvants

n L'exhaustivité est difficile car presque chaque entité nosographique possède
une dimension douloureuse. On citera la dihydroergotamine, le sumatriptan et les
migraines, les biphosphonates et la maladie de Paget, la calcitonine et
l'algoneurodystrophie, la colchicine et la crise de goutte, le dolpyc baume et
les douleurs post-zostériennes, les antihistaminiques dans certains prurits ou
urticaires, les vasodilatateurs périphériques et la chirurgie du système
sympathique dans les artérites, les dérivés nitrés et la douleur coronarienne,
les AINS et les chondrodynies etc ...

n Les anesthésiques locaux : On distingue les anesthésiques locaux injectables
et les non injectables. La lidocaïne, Xylocaïne, adrénalinée ou non, est
indiquée dans les anesthésies locales par infiltration et certaines injections
périarticulaires. La xylocaïne en spray ou en gel est indiquée a titre préventif
avant un geste endoscopique ou dans le traitement symptomatique de certains
états douloureux par l'anesthésie de surface qu'elle entraîne (stomatites,
gingivites...)

n Signalons également l'intérêt de certains blocs anesthésiques (à visée
diagnostique ou thérapeutique dans l'algoneurodystrophie).
3 Bibliographie

L'intégralité de ce cours peut être trouvé à la référence suivante :
S Schück, H Allain.
La douleur : moyens et stratégies thérapeutiques.
La Revue du Praticien 1997; 47 : 555-69

Musique et médicaments
Pr. Hervé Allain
Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, av du Pr. Léon Bernard 35043 Rennes cedex
 
mis à jour le 16 février 1999

1 Musique et cerveau
2 Musique et thérapeutique
3 Musique et comportements
    
4 Musique et pharmacovigilance
5 Musique et pharmacoépidémiologie
6 Bibliographie

Ce cours toujours en construction est parfaitement adapté à Internet, puisque
chaque référence musicale peut être illustrée par la mélodie correspondante sur
votre ordinateur. L'idée de ce "show" est de démontrer que l'interface Musique
et Pharmacologie est moins artificielle qu'il n'y paraît à première vue et, qu'à
la limite, la musique pourrait correspondre à l'une des définitions du
médicament, "to pharmakon" - quelques exemples, à compléter, illustreront notre
démarche.
1 Musique et cerveau

En neurophysiologie, la musique peut être assimilée à des stimuli provenant de
l'environnement ; ces stimuli sont "traités" par le système nerveux central
(SNC). Les centres de l'émotion, de la mémoire et des contrôles végétatifs sont
mis en jeu par la musique [WARD et al 1987 ; HARRER et al 1968 ; MARK 1975].
Récemment il a été démontré par la magnéto-encéphalographie que les spécialistes
en violoncelle, présentaient une organisation synaptique corticale plus riche
que le non-musicien (neuroplasticité liée à l'apprentissage). Beaucoup de
médicaments (psychotropes) peuvent modifier ces différentes phases de traitement
de l'information par le SNC.
2 Musique et thérapeutique

La musicothérapie est une réalité, et en ce sens, peut jouer le rôle de remède.
Si chez l'homme normal, la musique réveille les émotions et le plaisir (voir le
cours sur la pharmacologie du plaisir), elle peut également être utilisée en
thérapeutique. Les applications les plus courantes sont l'anesthésie, la
pédiatrie, la psychiatrie, les enfants autistes, la gériatrie ; souvent la
musicothérapie est associée à une utilisation de médicaments. [COETZE et al 1996
; KELLER 1995 ; AMBESH et al 1991 ; GUNTHER et al 1991 ; SCHMIDT et al 1976].
3 Musique et comportements

Le médicament est susceptible de modifier la créatitivté ou l'expression des
performances [KRIPPNER 1985 ; GATES et al 1985 ; SLOMKA 1992 ; JAMES et al
1977]. Certaines drogues modifient clairement la perception musicale [WASKOW et
al 1970].

La musique peut, même de manière subliminaire, modifier des comportements
humains ; l'étude de l'influence de la musique de supermarché sur les achats par
les consommateurs est un bon exemple. De même, une musique peut posséder des
propriétés anxiolytiques (avions ; dentistes ...) voire incitative (musique
militaire ; musique religieuse ...).
4 Musique et pharmacovigilance

La musique peut créer des états inhabituels (exemple des états de transes lors
de musiques brésiliennes ou lors des "RAVES" aujourd'hui).

La musique peut être délétère pour certaines fonctions cognitives (exemple de la
performance mnésique perturbée lors d'une stimulation musicale concomittante).

Certains rythmes peuvent modifier les fonctions végétatives de manière non
physiologique (rythme cardiaque, pression artérielle ...) ; de même, et de façon
évidente, certaines fréquences ou puissances du son peuvent léser les cellules
de l'oreille chargées de transmettre les signaux au SNC (danger du balladeur ou
walkman).
5 Musique et pharmacoépidémiologie

Certaines musiques peuvent être le reflet d'une période (voir les paroles d'une
musique de Jacques DUTRONC, dominées par des citations de psychotropes) soit
d'un problème épidémiologique ; un exemple illustre cette dernière assertion, à
savoir le JACK WALK BLUES (Stash records, inc. Brooklyn, NY 11215) relatant les
neuropathies périphériques induites par l'alcool frelaté (triorthocresyl
phosphate) lors de la prohibition dans les années 1930, aux USA (cité par ALLAIN
19..).
6 Bibliographie

NENCINI P.
The rules of drug taking : wine and poppy derivatives in the ancient world. IV.
The rules of temperance.
Subst Use Misuse. 1997 ; 32 : 475-483.

 COETZEE JF et al
Effect of tramadol on depth of anaesthesia.
Br J Anaesth. 1996 ; 76 : 415-418.

KELLER VE
Management of nausea and vomiting in children.
J Pediatr Nurs. 1995 ; 10 : 280-286.

WARD TB et al
The influence of alcohol and loud music on analytic and holistic processing.
Percept Psychophys. 1987 ; 41 : 179-186.

GATES GA et al
Effect of beta blockade on singing performance.
Ann Otol Rhinol Laryngol. 1985 ; 94 : 570-574.

KRIPPNER S.
Psychedelic drugs andcrativity.
J Psychoactive Drugs. 1985 ; 17 : 235-245.

SLOMKA J.
Playing with propranolol.
Hastings Cent Rep. 1992 ; 22 : 13-17.

CARMODY J.
Doctors and opera.
Med J Aust. 1991 ; 155 : 783-784.

A%BESH SP et al
Emergence phenomena after ketamine anaesthesia : the influence of music.
Can J Anaesth. 1991 ; 38 : 800.

GUNTHER W. et al
Brain dysfunction in psychiatric patients during music perception measured by
EEG mapping : relation to motor dysfunction and influence of neuroleptic drugs.
Eur Neuropsychopharmacol. 1991 ; 1 : 143-155.

JAMES IM et al
Effect of oxprenolol on stage-fright in musicians.
Lancet. 1977 ; 2 : 952-954.

SCHMIDT DC et al
Reinforcement of autistic children's responses to music.
Psychol Rep. 1976 ; 39 : 571-577.

MARKS LE
On colored-hearing synesthesia : cross-modal translations of sensory dimensions.
Psychol Bull. 1975 ; 82 : 303-331.
 
WASKOW IE et al
Psychological effects of tetrahydrocannabinol.
Arch Gen Psychiatry. 1970 ; 22 : 97-107.

HARRER G. et al
Music, emotion and the autonomic nervous system.
Wien Med Wochenschr. 1968 ; 118 : 966-971.

La fatigue : de la biologie à la pharmacologie
Pr. Hervé Allain
Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, av du Pr. Léon Bernard 35043 Rennes cedex
 
mis à jour le 16 février 1999
Résumé
1 Introduction
2 Terminologie
3 Conditions d'apparition
4 Les formes et les causes
4.1 La fatigue musculaire
4.2 La fatigue nerveuse
4.3 La fatigue écologique     4.4 La fatigue organique
4.5 La fatigue subjective
5 Médicaments et fatigue
5.1 Les cibles
5.2 Les médicaments inducteurs de fatigue
5.3 Les médicaments anti-fatigue
6 Conclusion
7 Bibliographie
Résumé

La fatigue est un signe couramment allégué et objet de plainte en médecine.  Peu
de revues font le point sur la question notamment pour tenter d'en envisager les
aspects biologiques et pharmacologiques.  Ceci peut s'expliquer par l'ambiguïté
du concept et la multitude de situations cliniques où la fatigue apparaît comme
un signe prédominant.  Le concept de syndrome de Fatigue Chronique récemment
introduit, quoique critiqué, permet d'avancer dans cette approche médicalisée de
ce phénomène apparemment banal.  La Pharmacologie de la fatigue, par contre, est
soit mal évaluée, soit en échec.

MOTS-CLES : Fatigue ; Syndrome de Fatigue chronique ; Dépression ; Psychasthénie
; Muscles ; Pharmacologie
1 Introduction

Le récent ouvrage d'un philosophe, Jean-Louis Chrétien, abordant sous l'angle
philosophique le concept de Fatigue [1] a eu au moins comme mérite de pousser le
corps médical à s'interroger sur cette notion de fatigue en notant d'emblée le
hiatus constant entre la fréquence de cette plainte en Médecine Générale et
l'absence de tout chapitre sur la fatigue dans la plupart des manuels ou des
traités, tant de sémiologie que de thérapeutique.  La présente revue vise à
s'interroger sur la pertinence du concept (intérêt pour élaborer un diagnostic),
à tenter d'en définir une biologie (intérêt pour définir des stratégies
thérapeutiques) et finalement à comprendre le pourquoi de ce silence médical sur
un signe dont les conséquences sont pourtant reconnues en terme d'arrêts de
travail, de chute des performances, d'accidents et de qualité de vie.
2 Terminologie

Selon Scherrer [2] la fatigue est une baisse d'activité d'un système vivant,
pour une incitation constante, liée à l'activité de ce système et réversible par
sa cessation transitoire.  Le terme de fatigue est employé pour une cellule, un
tissu, un organe ou un organisme entier et résulte le plus souvent d'un
fonctionnement excessif de ce système vivant.  Chez l'être humain la fatigue
correspond soit à une plainte (la fatigue se dit), soit à des signes observés
(la fatigue se voit) et donc quantifiables [3] notamment par le recours à une
échelle validée, la FSS, pour Fatigue Syndrome Scale [4].  Comme pour tout signe
pouvant correspondre à une plainte (de la mémoire, du sommeil...), une question
importante sera de relier cette plainte à des signes objectifs et surtout à une
entité nosographique, chapitre particulièrement difficile et carentiel dans le
cas de la fatigue.  Ceci peut partiellement s'expliquer par le caractère
amphibologique du terme fatigue, tantôt phénomène normal et physiologique tantôt
état pathologique souvent alors appelé asthénie.
Le champ de définition recouvre l'activité musculaire ainsi que les activités
psychosensorielles, concernant en premier lieu le travail professionnel,
l'activité sportive, la vie en société et bien entendu, la pédagogie et
l'enseignement.  Les sens médicaux les plus communément attribués à la fatigue
sont dans l'ordre, le vieillissement, l’usure, l'altération de la structure,
l'épuisement (au sens biochimique du terme).  Il est instructif ici de reprendre
le travail de Cornelius et coll [5] qui démontre, qu'après la douleur, la
sensation la plus rapportée de manière spontanée chez la personne âgée, est
précisément la fatigue, avec une prévalence passant de 40,8% entre 75 et 79 ans,
à 55,7% chez les plus de 90 ans.
3 Conditions d'apparition

Pour le physiologiste, la fatigue est la notion complémentaire du régime
critique qui, pour tout organe, correspond au niveau maximal d'activité sans
limite de temps (plafond d'activité) en lien avec les notions de régime de
croisière (activité prolongée sans fatigue) et de régime de crête (maximum
d'activité pendant un temps très bref).  Le passage d'un régime à l'autre peut
se faire grâce à des mécanismes dits de compensation associés à une augmentation
de l'incitation.  L'apparition de la fatigue, annoncant la panne du système, est
bien documentée pour l'activité musculaire maximale (chute de la force
musculaire maximale, tremblements, incoordination motrice...) et les activité
psychosensorielles (augmentation du nombre des erreurs, modification de
l'activité électrique centrale...). A titre d'exemple, dans le cadre d'un essai
clinique randomisé en double aveugle comparant l'effet de trois hypnotiques sur
les fonctions cognitives et la vigilance du volontaire sain jeune, nous avons pu
montrer, en suivant le groupe placebo, que la fatigue subjective apparaissait
corrélée à une chute brutale des fonctions cognitives dès minuit, pour revenir à
des valeurs normales à 7 h du matin (Figure 1).
Ces propos nous poussent à conclure que la fatigue, vu sous l'angle médical, se
situe aux confins d'états particuliers (stress, vieillissement, perturbations
des rythmes...) de pathologies (organiques ou psychiatriques), et de
fonctionnements cognitifs faisant référence à la motivation, l'apprentissage, la
mémorisation et les processus de renforcement (plaisir) (Tableau 1). Ce constat
explique d'emblée qu'il sera difficile de trouver un dénominateur biologique
commun à la fatigue et qu’en conséquence la pharmacologie ne sera pas univoque. 
Des tentatives de clarification du concept sont en cours ayant débouché dans les
années 1980 sur des entités nouvelles tel le burned-out syndrome (épuisement du
cadre dynamique) et plus récemment le syndrome de fatigue chronique (ou SFC ;
pour revue, voir Rouillon et coll [6]).  Ce SFC fait aujourd'hui l'objet de
discussions âpres dans la littérature médicale, opposant les tenants d'une
pathologie nouvelle et ceux contestant la réalité du syndrome [7], en notant, au
passage, que le recensement des observations et des certificats psychiatriques
au XIXe siècle, réalisé par Haustgen [9] ne permet pas d'apercevoir le mot
"fatigue" dans l'ensemble de l'ouvrage.
4 Les formes et les causes
4.1 La fatigue musculaire

Cette fatigue survient après un travail musculaire (local ou général).  Elle est
classiquement mise en rapport avec un épuisement des réserves énergétiques des
cellules musculaires contractiles, siège classique d'une acidose.  La saturation
des mécanismes de transport d'oxygène ainsi que l'insuffisance circulatoire à
ces niveaux aggravent le déséquilibre entre l'offre et la demande.  Cette
fatigue est normale (sportif, travailleur de force) ; l'entrée dans la
pathologie (fatigue pathologique) se traduit par les phénomènes de courbatures,
de crampes (enrichissement du concept par la douleur) et surtout s'intègre à une
physiopathologie telle l'artérite (déficit circulatoire) ou la maladie de
Parkinson (anomalie des mitochondries des cellules musculaires) [10,11].
4.2 La fatigue nerveuse

Cette fatigue survient après une tâche mentale ou psychosensorielle.  Elle se
manifeste par une impossibilité à maintenir le régime initial avec une
augmentation des erreurs et des omissions.  Cette fatigue est objectivée par un
ensemble de batteries de tests psychométriques et d'épreuves sur ordinateur, le
plus simple étant le tapping test qui a servi à évaluer l'effet des
benzodiazépines.  Cette fatigue est liée à une baisse de fonctions telle la
vigilance, l'attention soutenue, la mémoire de travail, la mémoire procédurale
ou à une élévation des seuils de sensibilité des organes sensoriels.  Sur un
plan biochimique, à l’image de la fatigue musculaire, cette fatigue a longtemps
été mise sur le compte d'un déficit métabolique des structures du système
nerveux central que la pharmacologie a tenté de restaurer grâce à l'apport des
substances dites antiasthéniques ou psychostimulantes.  Cette fatigue nerveuse
se traduisant notamment par un déficit des performances cognitives, est à
rapprocher de notions plus communes telles la fatigue auditive (baisse
transitoire d'acuité auditive après exposition au bruit) et la fatigue visuelle
(avec le syndrome écran, propre aux consommateurs excessifs d'écrans de
micro-ordinateurs).  Sur un plan mécanistique cette fatigue est souvent
assimilée à une baisse d'activité métabolique du système nerveux central,
parfois en rapport avec une diminution des apports en oxygène et glucose (ceci
est à rapprocher de la fatigue souvent rapportée par les utilisateurs des
avions, même en dehors de tout décalage horaire et même pour des distances
courtes).
4.3 La fatigue écologique

Cette fatigue correspond à l'état résultant d'interférences entre les rythmes
biologiques et sociaux qui sont imposés tant par la nature que par la société. 
Ce type de fatigue entraîne une hypersensibilité à la fatigue musculaire et
nerveuse ainsi qu'une propension à éviter la vie en société.  On pourrait
inclure ici les sensations de fatigue au niveau d'un groupe ou d'une population
lors de situations d'effort collectif se pérennisant voire, lors de perte
collective de motivation.
4.4 La fatigue organique

Cette fatigue apparaît pour des activités réalisées à très bas régime et
s'explique par une pathologie organique sous-jacente le plus souvent
endocrinienne (insuffisances surrénale, thyroïdienne, Maladie de Cushing),
neuro-musculaire (maladie de Mac-Ardle, myasthénie, myopathie), infectieuse
(grippe, mononucléose infectieuse... la fatigue liée à la sclérose en plaques
est fréquente (87,7% des malades la rapportent) mais toujours mal comprise [12].
4.5 La fatigue subjective

Il s'agit alors essentiellement d'une sensation perçue par les sujets, ressentie
soit au cours de l'activité, soit lorsque celle-ci cesse.  Cette fatigue
subjective peut-être éclipsée par la mise en jeu d'efforts attentionnels, par
une autre sensation (faim, soif, peur...) ou par des médicaments ou substances
psychostimulantes.  Cette plainte peut-être acceptée ou au contraire devenir une
préoccupation constante, source notamment de consultations médicales se heurtant
à toute objectivation simple du phénomène.  L'interprétation usuelle est de
parler de stigmate d'inadaptation générale à une situation ou à une activité
donnée ou d'évoquer, sans preuves, un dysfonctionnement biologique au niveau du
système nerveux central.  Il est vrai que l'exploration fine de la cognition de
ces malades met en évidence, de manière constante, des anomalies au niveau de la
mémoire de travail, de la vitesse de traitement de l'information et de
l'attention [13, 14, 15] ; une diminution de l'influence vagale notamment au
niveau cardiaque a été démontrée [16], de même qu'une diminution de
l'excitabilité corticale post-exercice, appréciée par l'étude des potentiels
évoqués moteurs [17].  Cette fatigue subjective peut, en recourant à une échelle
de qualité de vie, la SF-36 (Short Form General Health Survey), être objectivée
et différenciée de la dépression majeure ou des états induits par la
mononucléose infectieuse [18].  La fatigue subjective pose néanmoins un
problème, non seulement terminologique, mais surtout de sens, la confusion
devenant totale avec des états ou des sensations allant de la lassitude, à
l’ennui voire à la perception sans objet (hallucination).  C'est donc bien à ce
stade qu'une relecture de la sémiologie psychiatrique s'impose avec un retour
nécessaire à des concepts mieux argumentés tels la psychasthénie (Janet),
l'hypochondrie voire l'obsession-compulsion souvent associée à un sentiment
d'épuisement physique et mental.  La frontière avec les états dépressifs
appellerait bien sûr un long débat.
Il apparaît donc prématuré de tenter aujourd'hui d'élaborer une neurobiologie de
ces états de fatigue subjective même si la théorie des principes opposants de
VINCENT [19] nous vient en aide, avec de manière spéculative, la tentation
d'émettre l'hypothèse d'une panne des systèmes neurochimiques du plaisir
(systèmes dopaminergiques et opioïdes).  Ces systèmes, on le sait, interviennent
dans le désir, la motivation, la récompense, les enképhalines étant admises
comme la base biologique du second souffle du marathonien qui voit disparaître
toute sensation de fatigue à un stade de sa course.
5 Médicaments et fatigue
5.1 Les cibles

Tout médicament utilisé rationnellement implique d'en connaître les cibles et
les mécanismes d'action.  Le Tableau II tente de résumer les éléments
biologiques associés à la fatigue ; le constat révèle immédiatement
l'hétérogénéité de ces données et donc la multiplicité potentielle des pistes
thérapeutiques.
5.2 Les médicaments inducteurs de fatigue

Le Tableau III, obtenu à partir des ouvrages classiques de la pharmacovigilance,
révèle que le phénomène fatigue est peu rapporté comme conséquence de
l'utilisation des médicaments, que l'analogie avec la sédation est trop
fréquente (même si pour un pharmacologue les concepts sont proches) et que
surtout l'hétérogénéité des classes pharmacologiques est frappante.  L'attention
récente portée à la fatigue induite par les interférons et les vaccins notamment
contre l'hépatite B se justifie certainement par la théorie immunologique
proposée des états de fatigue chronique [20].
5.3 Les médicaments anti-fatigue
5.3.1 Généralités

Il importe de rappeler qu'aucune autorisation de mise sur le marché ne mentionne
l'indication "anti-fatigue". Ceci s'explique par le flou du concept,
précédemment détaillé, ainsi que, par l'absence d'essais rigoureux sur le plan
méthodologique.  Dans une optique économique enfin, étant donné la fréquence de
la plainte "fatigue", le danger est grand d'indications larges ou d'utilisation
abusive.  Un tel chapitre est donc hautement "à risque".  Un article général sur
l'approche du traitement du syndrome de fatigue chronique a néanmoins été publié
en 1993 [22] illustrant l'empirisme et l'incertitude pharmacologiques
(antidépresseurs, antiviraux, immunomodulateurs, vitamines, sels minéraux...),
et ouvrant bien sûr la voie au charlatanisme et aux médecines parallèles.
5.3.2 Les substances dopantes

Le caractère risqué de l'entreprise se vérifie par la lecture attentive de la
page 6, du dictionnaire Vidal, répertoriant les substances et procédés dopants
interdits par le ministère de la jeunesse et des sports.  Il est clair que cette
liste a été établie à partir de constats sur le terrain, à mettre en rapport
avec la quête éternelle de l'être humain à trouver la substance naturelle ou
pharmaceutique apte à lutter contre la fatigue et à supporter l'effort. 
Rappelons que les listes de ce chapitre sont les suivantes : les amphétamines et
autres excitants ; les antidouleurs ; les corticoïdes ; les anabolisants dont la
testostérone ; les anesthésiques locaux ; les diurétiques ; les bêta-bloquants ;
les hormones peptidiques.  Une tentative d'explication mécanistique serait
spéculative bien que globalement il faille se rendre à l'évidence du mésusage
des produits stimulant le système nerveux central, des antalgiques et des
produits supposés améliorer la performance musculaire.
5.3.3 Les produits à l'étude

Ici encore l'hétérogénéité est de règle, en lien, avec l'approche théorique
adoptée.  La caféine est classiquement reconnue comme améliorant l'endurance à
l'exercice, par action non tant centrale que directement sur le glycogène
musculaire [23,24].  Un consensus semble établi vis à vis de l'apport de
potassium [25] et de vitamine B6.
L'amantadine (antiviral et antiparkinsonien) qui s'est révélée utile sur la
fatigue associée à la sclérose en plaques, apparaît inefficace en cas de SFC
[26], à l'inverse de la L-carnitine (efficace, à partir de la quatrième semaine
de traitement).  Les analogies évidentes avec la dépression ont conduit de
nombreux auteurs à évaluer les antidépresseurs ; Globalement les résultats ne
sont pas favorables, à témoin l'essai de fluoxétine (20 mg/j) chez 52 sujets non
déprimés répondant aux critères de SFC [26].  Ces difficultés pharmacologiques
se voient opposer des résultats positifs obtenus par exemple, avec une thérapie
cognitivo-comportemenale [28].
5.3.4 Les médicaments du Vidal

De nombreuses substances sont répertoriées sous des rubriques diverses et
appelleraient de longs commentaires essentiellement méthodologiques. 
Globalement aucune évaluation rigoureuse n'est disponible, ces produits étant
consommés essentiellement sur la base d'un mécanisme d'action lui-même
hypothétique voire d'une tradition.  Il est licite de citer : les
antiasthéniques (acides aminés, phytothérapie, ginseng, procaïne,
oligo-éléments...) psychostimulants (acides aminés, dérivés du déanol,
Ordinator®, vitamines, Arcalion® …), les vasodilatateurs et anti-ischémiques et
nootropes.  Cette énumération partisane n'est pas sans rappeler quelques lignes
de Freud, issues de son traité sur la coca en 1902 : «J'ai constaté la
protection que la coca offre contre la faim, le sommeil et la fatigue, et
comment elle favorise la vigilance nécessaire au travail intellectuel».
6 Conclusion

Dans l'état actuel des connaissances la pertinence du concept de fatigue petit
toujours être remise  en question, même si cette plainte est courante, notamment
en médecine générale et en gériatrie. La fatigue renvoie à de nombreux états
pathologiques (infectieux, psychiatriques, post-anesthésie…)
et probablement ne se résume pas à un seul dysfonctionnement biologique. La
composante neurobiologique apparaît néanmoins comme une piste sérieuse même si
les marqueurs les plus directs manquent encore cruellement. Les tentatives
pharmacologiques se heurtent à la méthode et surtout à l'évaluation objective du
phénomène.  En ce sens, les travaux d'Antonovsky [27] mériteraient d'être
repris, cet auteur ayant développé la notion (et sa quantification) de "sens de
cohérence" (SOC) permettant en particulier d'analyser les capacités d'un
individu à supporter le poids d'un fardeau ou d'un stressor ; ceci a été mis en
application chez le conjoint du patient atteint de maladie d'Alzheimer [29],
conjoint chez qui la plainte est usuelle et se résume souvent initialement à la
notion de fatigue. Ceci démontre enfin que la fatigue, pour un médecin, n'est
qu'un signe/interface entre l'organisme (et ses composantes) et l'environnement,
cet interface étant l'objet d'une «interprétation» qui siège à coup sûr au sein
du système nerveux central ; à ce stade "tout est permis" même
l'hypersensitivité à l'anosognosie (comme cela existe pour les mouvements
involontaires [30]).
7 Bibliographie

1 - CHRETIEN J.L.
De la fatigue
Les Editions de Minuit (Paris), 1996.

2 - SCHERRER J.
Physiologie du travail
Ergonomie, (Paris), vol 2, 1967.

3 - VERCOULEN JHMM, SWANINK CMA, GALAMA JMD et coll
Dimensional assessment of chronic fatigue syndrome
J. Psychosom. Res. 1994 ; 38 :383-392.

4 - SCHWARTZ J, JANDORF L, KRUPP LB
The measurement of fatigue : a new scale
J. Psychosom Res. 1993 ; 37 : 753-762.

5 - CORNELIUS C., FASTBOM J., CLAESSON CB et coll
Self reported symptoms in the Elderly : prevalence and association with drug use
Clin. drug Invest. 1997 ; 13 : 105-117.

6 - ROUILLON F., DELHOMMEAU L., VINCENEUX Ph.
Le syndrome de fatiue chronique
Press Med. 1996 ; 25 : 2031-20' )6.

7 - SHEPHERD C.
Disagreements still exist over the chronic fatigue syndrome
BMJ 1997; 314 : 146.

8 - SCHEPHERD C.
Chronic fatigue syndrome
Lancet 1997 ; 349 : 57-58.

9 - HAUSTGEN T.
Observations et certificats psychiatriques au XIXe siècle
Thèse de Médecine, Paris, 1985, publié et distribué par le laboratoire
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10 - SCHULMAN LM, LEIFERT R, SINGER C, WEINER WJ
Fatigue in Parkinson's disease
Mov Disord. 1996 ; 11 (suppl 1) : 132.

11 - FRIEDMAN J, FRIEDMAN H
Fatigue in Parkinson's disease
Neurology 1993 ; 43 : 2016-2018.

12 - KRUPP LB, COYLE PK, DOSCHER C et al
Fatigue therapy in multiple sclérosis : results of a double-blind randomized,
parallel trial of amantadine, pemoline and placebo
Neurology 1995 ; 45 : 1956-1961.

13 - MARSHALL PS, FORSTOT M, CALLIES A, PETERSON PK, SCHENCK CH
Cognitive slowing and working memory diffulties in chronic fatigue syndrome
Psychosom.  Med. 1997 ; 59 : 58-66.

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Cognitive deficits in patients with chronic fatigue syndrome
Biol.  Psychiatry 1996 ; 40 : 535-541.

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Decreased vagal power during tread mill walking in patients with chronic fatigue
syndrome
Clin.  Anton.  Res. 1996 ; 6 : 329-333.

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Decreased post-exercise facilitation of motor evoked potentials in patients with
chronic fatigue syndrome or depression
Neurology 1996 ; 47 : 1410-1414.

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Am. J. Med. 1996; 101 :364-370.

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20 - HICKIE I, LLOYD A, WAKE FIELD D, RICCI C
Is there a post-infection fatigue syndrome ?
Aust.  Fam.  Physician 1996 ; 25 : 1847-1852.

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Viral serologies in patients with chronic fatigue and chronic fatigue syndrome
J. Med.  Virol. 1996; 50 : 25-30.

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Can J Appl Physiol 1994 ; 49 : 111-138.

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Psychopharmacology 1993 ; 112 : 359-365.

25 - LINDINGER MI
Potassium regulations during exercise and recovery in humans : implications for
skeletal and cardiac muscle
J Mol Cell Cardiol 1995 ; 27 : 1011-1022.

26 - PLIOPLYS AV, PLIOPLYS S
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Neuropsychobiology 1997 ; 35 : 16-23.

27 - ANTONOVSKY A
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San Francisco, Jossey-Bass 1987.

28 - BARO F
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 In : Neuropsychiatry in old age : an update.  Stephanis C, Hippius H (eds).
Toronto.  Hogrefe and Huber publishers. 1996 145-146.

29 - VERCOULEN JHMM, SWANINK CMA, ZITIMAN FG et coll
Cognitive behaviour therapy for the chronic fatigue syndrome : a randomised
controlled trial
BMJ 1996 ; 312 : 22-26.

30 - ALLAIN H, BELLIARD S, LE VAOU P, REYMANN JM, LIEURY A
Neurotransmission et méconnaissance des mouvements anormaux
Neuro-Psy 1995 ; 10 : 288-294.
  Le plaisir : aspects biologiques et pharmacologiques
Pr. Hervé Allain
Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, av du Pr. Léon Bernard 35043 Rennes cedex
 
mis à jour le 8 février 1999
1 Introduction
2 Définitions
2.1 Le plaisir état / le plaisir acte
2.2 Les processus opposants
2.3 L'échange
2.4 les récompenses
3 Finalité du plaisir
4 Place du cerveau
4.1 Les réflexes
4.2 L'autostimulation
5 Neurochimie     5.1 La dopamine (DA)
5.2 Le GABA
5.3 La sérotonine (5HT)
5.4 Les peptides opiacés
5.5 Les hormones
5.6 Le sevrage
6 Pharmacologie clinique
7 Bibliographie
7.1 Livres clés
7.2 Ouvrages illustratifs
7.3 Références scientifiques
1 Introduction
Il n'est pas inutile pour le médecin de réfléchir à la pharmacologie du plaisir
tant les situations où une plainte voire un dérèglement du plaisir sont
fréquentes, véritable chapitre des traités de pathologie médicale. Ces
situations vont de l'anhédonie (associée à une perte des initiatives et des
motivations), à l'absence d'appétit (alimentaire, sexuel, intellectuel ...), en
passant par la toxicomanie, les paraphilies ou la recherche pathologique de
sensations fortes ("sensations seekers"). La pharmacologie visera à corriger par
le médicament ces situations pathologiques dans la mesure, évidemment, où les
bases biologiques et les corrélats physiologiques du plaisir lui-même seront
connus. En ce sens nous ne pourrons que plagier J.D. Vincent dont la
contribution sur ce thème est immense et renvoyer l'étudiant à quelques-uns de
ses ouvrages clés, tels la biologie des passions (1986) ou la chair et le diable
(1993) ; plus philosophique, le livre de Giulia Sissa (1997) nous éclaircira sur
le distinguo entre désir, plaisir et jouissance.  
2 Définitions
2.1 Le plaisir état / le plaisir acte
Pour reprendre J.D. Vincent, notamment dans son article de La Presse Médicale
(1994), le plaisir entre dans la catégorie des sentiments. C'est un état
hautement subjectif qui possède un sens s'exprimant dans une intention. A la
fois état et acte, le plaisir est la cause proximale de nos comportements et de
nos conduites. Dans le même article, cet auteur reprend en introduction la
définition du philosophe O.Höffe : "le plaisir n'est pas le but de la vie ...
mais l'effet qui résulte de l'obtention de la chose désirée et le sentiment qui
accompagne nécessairement ce succès. On ne recherche pas les objets de
satisfaction du désir ... parce qu'il fait plaisir ; on y trouve du plaisir dans
le mesure où on les recherche et on les réalise avec succès".

Le plaisir "état" est intimement lié aux processus cognitifs (ex : la mémoire)
et à la connaissance qu'en a le sujet ; le plaisir "acte" est intimement lié aux
processus de motivation (tendance impérieuse) et de désir, défini par le but à
atteindre et l'activation ("arousal") qui lui est associé.
2.2 Les processus opposants
En caricaturant, il est possible d'envisager la pharmacologie du plaisir comme
une possibilité d'actions neurochimiques à différentes étapes (cibles) : la
mémoire, la stimulation périphérique, l'activation, le désir et le plaisir.
Parallèlement et selon le principe des processus opposants, le plaisir ne peut
être séparé de son contraire, l'aversion ou la douleur ; chez l'animal, ce
couple peut être analysé, sur le plan comportemental, par le couple approche
(plaisir) - fuite (aversion), et par des systèmes physiologiques de récompense
et de punition.
2.3 L'échange
Le plaisir n'existe que sur la base de l'échange notamment de l'échange de
subjectivité (via le langage chez l'homme, par exemple, ou l'interaction de
mimiques). Cet échange implique soit l'autre (la sexualité) soit notre propre
production idéatoire (le plaisir solitaire) soit le monde virtuel (les
ordinateurs), source d'émotions et de plaisir.
2.4 les récompenses
Les sources du plaisir sont les récompenses (rewards). Les récompenses
naturelles sont doubles : 1) soit motivationnelles et incitatives représentées
par les caractéristiques de l'objet du désir (sensorialité) ; 2) soit
consommatoires réprésentées par les conséquences physiques de la satisfaction du
désir. Ces deux versants du plaisir, appétitif et consommatoire sont les
caractéristiques des récompenses dites naturelles.  
3 Finalité du plaisir
1 - Le plaisir peut être admis comme un but en soi (philosophie, morale et
bioéthique)

2 - Le plaisir est à la base de la sélection naturelle, les comportements, dans
l'évolution, n'étant conservés que s'ils conduisent à l'obtention d'une
récompense ; un stimulus (sensoriel par exemple) n'a de valeur incitative que
s'il est couplé à une situation perceptive inductrice de plaisir.

3 - Le plaisir selon Edelman (1992) et Prochiantz (1995) intervient dans la
construction du corps et des structures cérébrales. Le plaisir confère à un
assemblage neuronal fragile une durabilité des représentations ; de même, selon
les théories neurogénétiques actuelles il est admis que le niveau d'expression
des gènes morphogénétiques, à la base de la création des formes et des
structures (gènes homéotiques) est modulé par l'activité nerveuse qui agirait
sur les homéogènes cérébraux.

4 - Le plaisir est à la base de l'homéostasie, les prises de décision
comportementales étant conditionnées par une maximisation du plaisir attendu.
Grâce à des expériences de psychophysique, il est possible de conclure que la
tonalité affective d'une sensation reflète l'état central du sujet, un même
stimulus (température, aliment ...) pouvant être incitatif (plaisir) ou à
l'inverse, répulsif (aversion). Ce chapître illustre le parallélisme existant
entre plaisir et utilité, situation rompue chez le toxicomane ou le "sensation
seeker". Dans la même lignée, la sexualité et le comportement maternel visent la
survie de l'espèce.  
4 Place du cerveau
4.1 Les réflexes
Le plaisir ne peut être résumé au résultat d'une activité réflexe. Néanmoins, il
est clair que tout stimulus, en particulier sensoriel (odorat, goût, toucher
...) peut être à l'origine d'un plaisir qui suit le trajet habituel du
physiologiste, des terminaisons nerveuses périphériques au cerveau. La lecture
du roman de Süskind, le Parfum, illustre le lien entre un comportement et la
stimulation olfactive, lien qui aujourd'hui peut être analysé à la lumière de la
neurobiologie contemporaine. L'odeur de citron, par exemple, exerce chez le rat
des effets de type "antidépresseur" ; de même chez l'homme une expérience a
consisté à comparer l'effet sur le cerveau de deux parfums la lavande et le
jasmin, confirmant entr'autres l'impact neuronal spécifique sur le cerveau de
ces deux stimuli olfactifs. Cette réflexion sur la stimulation olfactive ouvre
le champ au chapître des phéromones "hormones" actives à distance et pouvant
conditionner les comportements notamment sexuels. Malgré tout, à l'instar, de
Monsieur Palomar, dans le roman de Calvino (1985), héros observant l'amour entre
deux tortues, le plaisir et le désir ne peuvent se résumer à une stimulation de
deux carapaces, l'extérieur n'étant pas le seul à régir l'espace intracorporel.
4.2 L'autostimulation
Le rat, implanté au niveau de l'hypothalamus latéral, s'autostimule à une
fréquence pouvant dépasser 100 appuis par minute. Ce comportement est compulsif,
au détriment de toute autre activité et en l'absence de tout bénéfice apparent.
L'autostimulation n'a d'autre objectif que de produire du plaisir.
L'autostimulation, active en parallèle désir et plaisir et devient ainsi
insatiable.

La structure anatomique impliquée dans l'autostimulation est le mésencéphale et
plus précisément, l'aire tegmentale ventrale site d'origine des neurones et
voies dopaminergiques. Le faisceau médian du télencéphale, dopaminergique,
sous-tend le plaisir (hypothalamus latéral, nucleus accumbens septi, tubercule
olfactif, amygdales, cortex préfrontal).

A l'inverse, les régions médianes du mésencéphale et de l'hypothalamus,
sous-tendent les phénomènes d'aversion (arrêt ; fuite) et de punition. Nous
avons ici, l'illustration anatomique des processus opposants, précédemment
décrits, ainsi que les cibles chimiques potentielles pour les médicaments.

Rappelons pour terminer que l'orgasme chez le rat se traduit par des décharges
de dopamine au niveau du nucleus accumbens, leur épuisement étant corrélé à la
satiété sexuelle. Parallèlement, les noyaux amygdaliens représentent une
véritable plaque tournante, anatomique et neurochimique, colorant affectivement
et sur un plan émotionnel toute afférence (sensorielle, mnésique, cognitive) et
contrôlant de manière indirecte les réponses végétatives liées aux états
d'émotion.
5 Neurochimie
5.1 La dopamine (DA)
Ce neurotransmetteur joue un rôle clé dans l'expérience du plaisir, le
renforcement et l'autostimulation. La longue voie méso-cortico-limbique en est
la base et peut être modulée soit par les agonistes dopaminergiques soit les
antagonistes (ou neuroleptiques). Cette voie est le site d'action de drogues
telle la cocaïne (inhibiteur de la recapture présynaptique de la dopamine), de
divers psychostimulants (voire antidépresseurs) de la nicotine (au niveau des
récepteurs situés dans le nucleus accumbens) mais également des narcotiques
opiacés qui sont capables de moduler ce système de récompense dopaminergique.
5.2 Le GABA
L'acide gamma amino-butyrique (GABA) est un neurotransmetteur inhibiteur
exerçant son action via des sous-types de récepteurs (dont les GABA-A et
GABA-B). Ces récepteurs précisément sont localisés entr'autres sur les neurones
dopaminergiques expliquant le rôle modulateur du GABA (et de sa pharmacologie)
sur la biologie du plaisir.
5.3 La sérotonine (5HT)
L'effet de la 5HT est moins clair, certainement du fait du grand nombre de
sous-types de récepteurs (7 grandes familles de 5HT1 à 5HT7), contrôlant de
multiples systèmes à neurotransmission et impliqués de manière indirecte dans de
nombreuses fonctions ou états apparentés au couple désir/plaisir : anxiété,
humeur, passage à l'acte, comportement alimentaire ...
5.4 Les peptides opiacés
La morphine favorise l'autosimulation, phénomène bloqué par la naloxone
(antagoniste) et nécessitant l'intégrité des systèmes dopaminergiques. Ces
expériences ont conduit à émettre l'hypothèse que notre morphine endogène, les
enképhalines, représentent notre auto-drogue, stimulé lors de chaque
accomplissement du désir. Ceci est à la base de l'utilisation de la naloxone
comme antagoniste de certains comportements excessifs tel l'alcoolisme.
5.5 Les hormones
La plupart des hormones, dont les hormones stéroïdiennes agissent au niveau du
cerveau et ont fait l'objet d'une somme de travaux considérables tant dans le
domaine de la reproduction que des comportements sexuels. Outre leur action
retardée, elles peuvent modifier en quelques minutes l'excitabilité des neurones
et la libération des neurotransmetteurs. Plusieurs hormones sont incriminées
régulièrement dans la sexualité : la prolactine, la lulibérine, ou la
progestérone dont la concentration est maximale à la tombée de la nuit, lorsque
l'activité sexuelle augmente. La puissance des "hormones" peut être illustrée
par ce poisson capable de changer de sexe en fonction des circonstances
sociales, le Trima okinawae ; la transformation affecte les organes génitaux et
le cerveau.
5.6 Le sevrage
Chaque fois que l'on évoque des mécanismes biologiques sous-tendus par des
récepteurs, il importe d'envisager les phénomènes d'hypo et d'hypersensibilité
ainsi que de tolérance ou de dépendance. En ce sens, les produits pris au long
cours, telles les principales drogues, conduisent inévitablement à ces
phénomènes de tolérance (nécessité de quantité plus importante pour obtenir le
même effet) et de sevrage, symétrique négatif du plaisir obtenu lors des
premières administrations. Toujours selon J.D. Vincent : "La drogue interrompue,
reste la douleur, souffrance qui n'a pas de sens parce qu'orpheline".  
6 Pharmacologie clinique
Peu de travaux ont été consacrés à l'évaluation scientifique des médicaments ou
de diverses substances sur le plaisir ou même la sexualité. On comprend alors
que ce thème reste la prédilection du charlatanisme ou de techniques non
"éprouvées". Sur un plan épidémiologique, la perte du plaisir et les chutes de
performances sexuelles ont été étudiées en priorité par les psychiatres et les
gériatres, ces derniers insistant sur les étiologies somatiques les plus
fréquentes : endocrinologie, maladies vasculaires, maladies neurodégénératives.

Sur le plan méthodologique, la réflexion pourra être poursuivie par la lecture
de Souëtre et Achard (1993) sur l'intérêt des mesures de la qualité de vie, de
Thébault (1993) sur la détection chez le volontaire sain des effets indésirables
potentiels des médicaments sur la sexualité ou de Warot (1993) sur les
autoquestionnaires relatifs à la sexualité. Plus que dans tout autre domaine de
l'évaluation, la question de la norme ou de la moyenne constitue un obstacle,
notamment métrologique.  
7 Bibliographie
7.1 Livres clés
Alain Prochiantz. La biologie dans le Boudoir
Odile Jacob (Paris) 1995

Paul Valadier. Eloge de la conscience
Esprit/Seuil (Paris) 1994

Jean Didier Vincent. Biologie des passions
Odile Jacob (Paris) 1986

Jean Didier Vincent. Le chair et le diable
Odile Jacob (Paris) 1993

Pierre Karli. Le cerveau et la liberté
Odile Jacob (Paris) 1995

Jean-Claude Guillebaud. La tyrannie du plaisir
Seuil (Paris) 1998

G. Winger, F.G. Hofmann, J.H. Woods. A handbook on drug and alcohol abuse : the
biomedical aspects.
Oxford University press, New York (USA) 1992

Marc Girard. La passion de Charles Bovary
Imago (Paris) 1995

Gerald M. Edelman. Biologie de la conscience
Odile Jacob (Paris) 1992

John C. Eccles. Evolution du cerveau et création de la conscience
Fayard (Paris) 1992

Pascal Jouhet. Mémoire et conscience
PUF (Paris) 1993

Giulia Sissa. Le plaisir et le mal. Philosophie de la drogue
Odile Jacob (Paris) 1997
7.2 Ouvrages illustratifs
I. Calvino. Palomar
Seuil (Paris) 1985 (pp 25-27)

P. Suskind. Le parfum.
Livre de poche (Paris) 1994 (pp 50-59)

C. Mann. Une passion d'hiver.
Calmann-Levy (Paris) 1994 (p 109-110)

J. Sommet. L'honneur de la liberté
Le centurion 1987 (p31)

Senèque. De la brièveté de la vie
Mille et une nuits 1994 (p43)
 
7.3 Références scientifiques
J.D. Vincent. La biologie du plaisir
Presse Med. (Paris) 1994 1994 ; 23 : 1871-1876

H. Allain. Pharmacologie de l'inconscient
Neuro-Psy (Paris) 1994 ; 9 : 149-152

M. Cabanac. Pleasure : the common currency
J. Theor. Biol. 1992 ; 155 : 173-200

D.B. Gilbert, S.J. Cooper. Central 5HT and reward processes
Adv. Biosci. 1992 ; 85 : 165-178.

M. Suckerman. Sensation seeking : a comparative approach to a human trait.
Behav. Brain Sci. 0984 ; 7 : 413-471

D. Widlocher. Mémoire. Points de vue psychanalytiques.
Neuro-Psy (Paris) 1988 ; 3 : 36-49

D. Crews. La sexualité animale
Pour la science 1994 ; 197 : 60-66

E.J. Nestler. Molecular Neurobiology of drug addiction
Neuropsychopharmacology 1994 ; 11 : 77-87

E. Souetre, F. Achard. Impact des thérapeutiques sur la sphère sexuelle. Intérêt
des mesures de la qualité de vie.
Thérapie 1993 ; 48 : 461-464

J. Thébault. Effets indésirables des médicaments sur la sexualité chez les
volontaires sains.
Thérapie 1993 ; 48 : 445-446

D. Warot. Intérêt des autoquestionnaires dans l'évaluation des troubles sexuels
liés aux médicaments.
Thérapie 1993 ; 48 : 441-443

R.T. Segraves. Psychopharmacological influences on human sexual behavior.
American Psychiatric Press. Review of Psychiatry 1995 ; 14 : 697-717

A. Grégoire. ABC of sexual health. Male sexual problems
BMJ 1999 ; 318 : 245-247

M. Bourin. Bases psychopharmacologiques des conduites sexuelles.
La Lettre du Pharmacologue 1998 ; 12 : 173-175  
LES REGLES DE COMMUNICATION EN PHARMACOLOGIE CLINIQUE
Pr. Hervé Allain
cours mis à jour le 22 mars 1998
 
I - INTRODUCTION
II - REGLES GENERALES
III - JUSTIFICATIONS     CONSEILS
LES FAUTES ORALES
CHRONOLOGIE DE REDACTION D'UN ARTICLE
 

I - INTRODUCTION

      - Une information, un résultat, une découverte non partagés n'ont aucun
sens.
      - Un travail personnel gardé dans un tiroir où une armoire est un gâchis :
éthique, financier, scientifique.
      - Il est logique et moral de communiquer.
      - La question possible aujourd'hui est de savoir communiquer, au moindre
frais, avec le maximum d'efficacité, en perdant le moins de temps pour soi et
pour l'autre.
      - Le véritable problème est de communiquer ou de transmettre de
l'information pertinente, fiable scientifiquement, utile à l'autre.
      - La communication est écrite, verbale et comportementale (manière
d'être).
      - Communiquer est une école de modestie : on s'expose à l'autre ; on rompt
le "mystère de soi-même" qui de toute façon sera découvert un jour ou l'autre ;
c'est une opération vérité sur soi-même (penser au communicant qui a des
problèmes personnels graves).
      - Communiquer nécessite d'avoir quelque chose à dire ou à apporter soit
dans le fond (découverte scientifique, même "mineure") soit dans la forme
(synthèse, explication simple...).
      - Communiquer implique d'avoir un souci de l'autre (égoïsme) mais
également d'être conscient qu'une synergie pourra découler de l'échange (pour
les médecins, une simple lettre de sortie possède une valeur pédagogique ; un
EPU à Bazouges la Pérouse peut être aussi enrichissant pour le "savant" que pour
l'auditoire).
      - Communiquer implique un aller et retour : on ne peut se contenter d'être
simple "auditeur ou écoutant" ou uniquement "orateur".
      - La communication nécessite un "respect" de l'autre, une adaptation à
l'auditoire (niveau, pratique du sujet, objectif de l'acte de communication),
une autocritique et une autoévaluation (les prix Nobel sont toujours simples !),
une connaissance de la "culture locale ou régionale, une connaissance et une
acceptation de la hiérarchie (entité éthologique), ainsi que de la compétition
régionale, nationale et internationale.
      - La communication implique "la politesse" (au téléphone, avec les
collaborateurs, avec l'étranger...), et d'éviter le "pathologique" (notion
d'ordre et de contr'ordre, de "double-bind", de messages paradoxaux...) (cf les
travaux de l'école de Palo Alto : une logique de la communication, de P.
Watzlawick, seuil 1972, et d'éviter "l'assassinat" de la langue française (cf :
dictionnaire des difficultés de la langue française, Larousse 1971).

II - REGLES GENERALES

      1. Il faut, aussi bien en écrit qu'en oral, être :
            - bref et concis
            - simple (phrase à bannir : "c'est compliqué ; c'est complexe...")
            - clair dans son style (sujet, verbe, complément).
            - unique : c'est-à-dire développer et soutenir une ou deux idées pas
plus.
            - nuancé : annoncer thèse et antithèse. Néanmoins se mouiller.
            - original aussi bien dans l'idée émise que dans la forme visant à
présenter des faits connus.
            - décontractant : chasse aux oiseaux de malheur, aux lancinants, aux
tristounets, aux accablés, aux fatigués, aux crispés, aux annonciateurs de
drames, aux "faussement politisés", aux exigeants, aux petits, aux répétitifs...
            - synthétique : chasse à l'enlisement, au détail, au hors-"sujet ou
-propos", au "pseudo-scientifique", aux justifications (je n'ai pas eu le temps
de ... ; les fautes sont dûes à l'ordinateur, à la secrétaire, aux dents de lait
de mon enfant, à mon cancer ...), aux "psychologiques" (il m'en veut !).
            - humoristique : c'est le "recul par rapport au sujet".

      2. Il est impératif aujourd'hui d'être :
            - au moins bilingue.
            - capable de manipuler un traitement de texte (informatique) et
Internet.
            - à l'aise psychologiquement (attention à la Néophobie, entité
psychiatrique aujourd'hui  reconnue).
            - averti des techniques audio-visuelles (et de leurs aléas)
            - motivé (problème philosophique et éthique).
            - soucieux de la compétition qui passe par le faire savoir.
            - conscient des avantages qui découleront d'une bonne communication.
Ces avantages retentiront sur soi-même, sur l'équipe, sur le laboratoire, sur la
ville et la région.
            - illustratif : toute idée générale, toute affirmation surtout
péremptoire doivent être assorties d'exemples soit HISTORIQUE soit de
l'ACTUALITE.
            - prévoyant : un article ou une conférence, un entretien se
préparent si possible longtemps à l'avance car la qualité nécessite des étapes
techniques qui demandent du temps.
            - intéressé par l'autre : valable lors d'un débat (toujours faire
référence à ce qu'a dit un autre intervenant), lors d'un séjour à l'étranger,
lors d'une question d'un jury ou de quelqu'un de l'auditoire, lors d'un écrit
(références bibliographiques)... Ceci nécessite une connaissance de base de
l'autre (ex : rôle, principe, description d'une Industrie ou d'un laboratoire HU
ou Inserm...).
            - ouvert d'esprit, aucun sujet n'étant tabou a priori.
            - conscient que plus on communique, plus on devient communicant,
plus le tissu relationnel s'élargit et donc les bénéfices indirects en
découlent. Il faut par conséquent commencer tôt, même sur des sujets que l'on ne
maîtrise pas totalement (cf le Proverbe Chinois : "pour  apprendre commencer par
enseigner").

III - JUSTIFICATIONS

      1. Ces propos introductifs sont d'une importance capitale en pharmacologie
clinique où le travail isolé n'a pas de sens, où des interlocuteurs multiples
sont en scène (administration, industriels, médecins, pharmaciens, biologistes,
le public, les médias), où des avis sont à exprimer clairement sur l'efficacité
ou la toxicité des médicaments, sur les derniers acquis de la biologie
contemporaine et leurs liens avec la pharmacologie, où enfin des pronostics sont
à énoncer (nous serons capables de traiter le Sida ou la Maladie d'Alzheimer
dans 5 ans !...). Ceci signifie que des communications permanentes doivent avoir
lieu entre pharmacologues et ces différents acteurs ou utilisateurs, internes ou
externes.

      2. L'ouverture franchement Européenne et Internationale du médicament
renforce la confrontation des expériences, donc des échanges (ex : réunions de
consensus).

      3. Sur un plan individuel toute carrière repose sur des publications et
des communications de haute valeur qui seront évaluées et conditionneront les
promotions, les invitations et l'enrichissement du tissu relationnel. Toujours
pour un chercheur, l'obtention de crédits, de bourses, d'un poste (C.V.),
découlent immédiatement des possibilités de communiquer et donc d'un
apprentissage minimum des "principes de communication". Dans un rapport
individuel médical l'effet placebo est hautement dépendant du charisme, de la
qualité de la relation "médecin - malade", des capacités d'explications simples
; il en est de même lors de l'information présentée au moment du consentement
éclairé.

      4. Sur le plan sociologique, le facteur TEMPS devient à la fois
problématique et capital. Il faut travailler vite et avec un maximum de
rentabilité en terme de transfert d'information (passer 2 ans sur une thèse
d'exercice de portée minimale est insensé ; une réunion de 4 heures sur un sujet
misérable est à bannir ; passer son temps à commenter le travail des autres
équipes, leur niveau, leur conflit, leurs ambitions est anti-communicatif...).
      Rappeler ici que le temps c'est de l'argent et que par exemple le coût
horaire d'un professeur de rang A est de 700 F (cf le prix d'une réunion de 4
heures réunissant 20 professeurs !).

      5. Sur un plan interne, il faut rappeler que l'évolution des systèmes de
santé est fondée sur l'EVALUATION et que celle-ci doit donc être largement
diffusée donc communiquée. La perception de cette évaluation découlera de la
qualité de sa communication.


 
CONSEILS
 

      - NE PAS CONFONDRE MANUSCRIT PREPARATOIRE (OU DRAFT) ET TORCHON (rien ne 
doit être écrit à la main).

      - CORRIGER SELON LES NORMES (S'ENTRAINER).

      - DATER VOS DOCUMENTS PREPARATOIRES (VERSION DU ...).

      - CLASSER LES DOCUMENTS "IN PRESS", LES PRE-PRINTS, ET LES PUBLICATIONS

      - RESPECTER LES PLANS DE PRESENTATION
             - demande de bourse
             - demande de poste
             - synopsis
             - résumé

      - PRENDRE UNE HEURE "D'ORGANISATION" DE VOTRE PREPARATION DES QU'UNE  DATE
FATIDIQUE EST FIXEE (Tenir compte des délais et des autres).

      - POUR UN TRAVAIL EN COMMUN, ELIMINER TOUT PARASITE DE VOTRE 
ENVIRONNEMENT (le piège maximum est celui qui "refile le bébé").

      - TOUT VERIFIER AVANT L'EXPOSE FINAL OU L'ENVOI A L'EDITEUR;

      - LES FAUTES "ORDINATEUR" NECESSITENT DES RELECTURES PAR PLUSIEURS 
LECTEURS INDEPENDANTS.

      - UTILISER "PREFERENTIELLEMENT" ET "RATIONNELLEMENT" LA TELECOPIE (FAX) ET
INTERNET.

      - APPRENDRE LES "FAUTES ORALES" LES PLUS CLASSIQUES.

LES FAUTES ORALES

       1 - CA VA-T-ETRE ...

       2 - L'EXPERIENCE QUE J'AI FAIT ...

       3 - L'EQUIPE QUE JE M'OCCUPE ...

       4 - LES DEUX ALTERNATIVES ...

       5 - SI CE SERAIT PASSE ...

       6 - LE MEDICAMENT A ETE PRIS CE MIDI ...

       7 - LE MALADE EST VENU EN VELO ...

       8 - IL EST VENU AU MEDECIN ...

       9 - C'EST L'AFFAIRE A DUPONT ...

       10 - UN PETIT NAIN ...

       11 - C'EST UN PROBLEME DE ...

       12 - CE LABORATOIRE EST BIEN ACHALANDE

  Attention enfin à l'intoxication par le même mot :
  "effectivement", "item", "quescequejveudire", etc
 
CHRONOLOGIE DE REDACTION D'UN ARTICLE

      1 - COLLECTER LA BIBLIOGRAPHIE MINIMUM

      2 -  LA METTRE SUR FICHE PAR ORDRE ALPHABETIQUE ET SELON LES NORMES

      3 - FAIRE TABLEAUX ET GRAPHIQUES DES RESULTATS (1 par page)

      4 - FEUILLE SPECIALE RECAPITULANT LE POINT 3 AVEC LEGENDES

      5 - ECRIRE MATERIEL, METHODES, PATIENTS, ANALYSE DES DONNEES

      6 - ENONCER LES RESULTATS EN TERME SIMPLE ET LITTERAIRE (+ LES 
SIGNIFICATIVITES)

      7 - FAIRE L'INTRODUCTION LEGERE EN TERMINANT PAR L'OBJECTIF DU TRAVAIL  EN
3 LIGNES

      8 - FAIRE LIRE PAR VOS COLLEGUES ; COMMENTER

      9 - REDIGER DISCUSSION  - CONCLUSION

      10 - COMPLETER LA BIBLIOGRAPHIE SANS OUBLIER DE LA REFERENCER DANS LE 
TEXTE

      11 - FAIRE RESUME, ANGLAIS-FRANCAIS, AVEC 5 MOTS-CLES

      12 - FEUILLE DE GARDE : Titre, noms d'auteurs, adresse, tél., fax.

      13 - VERIFIER QUE VOUS ETES CONFORMES AUX RECOMMANDATIONS AUX  AUTEURS

      14 -  FAIRE DES PHOTOCOPIES ; ENVOI A L'EDITEUR ET AUX COAUTEURS ; 
ARCHIVER DANS VOTRE LISTE "SOUMIS A"

LE CERVEAU ET LA PENSEE
Pr. Olivier Sabouraud
cours mis à jour le 14 février 1998

      L'intelligence, un paramètre neuro-physiologique ?

      Et alors, la pensée ?

      Langage et logique

      Technique

      Personne et société

      L'éthique

      Conclusion

      La pensée de l'Homme, on ne sait pas trop comment la définir. Quant au
fonctionnement du cerveau, la part de l'inconnu y est surement encore
considérable. Et pourtant, on est bien obligé d'en parler et d'y réfléchir,
parce qu'on observe des patients atteints de maladies neurologiques, - qui ont
des désordres dans leur pensée liés à des lésions dans leur cerveau -, parce
qu'on manie des médicaments psychotropes dont l'effet apparait dans la pensée
manifeste.

      Pour comprendre en quoi consiste la pensée et en quoi elle résulte du
fonctionnement du cerveau, on peut partir de la notion d'intelligence, plus
directement accessible à une approche physiologique.

L'intelligence, un paramètre neuro-physiologique ?

      On peut suivre le développement de l'intelligence à travers les espèces
animales, en fonction du développement d'un cerveau de plus en plus riche en
neurones, en connexions, en réseaux hiérarchisés et organisés entre eux. On peut
comprendre son perfectionnement à partir de la naissance et son évolution au
cours de la vie.

      On sait qu'à la naissance, le fonctionnement cérébral se situe pour
l'essentiel à l'étage sous-cortical, au niveau de boucles striato-thalamiques,
mais que déjà la première ébauche du cortex limbique (le cerveau reptilien) est
en action. Le nouveau-né traite de façon rudimentaire des signaux sensoriels ;
il dispose d'automatismes et de montages comportementaux pré-câblés ,
génétiquement déterminés, qui vont être déclenchés par la rencontre de stimuli
individualisés : recherche de la mère (ou de qui en fait fonction ; cf. les
études sur "l'imprégnation" et son rôle dans la mise en action de comportements
pré-câblés), manducation, préhension,... Le nouveau-né expérimente et reconnait
en outre plaisir et douleur. À partir de là, le développement peut être conçu
comme l'entrée en jeu de tout le potentiel néo-cortical, comme l'établissement
de boucles corticales qui vont conduire à diversifier le perçu et à complexifier
les réponses.

      Le traitement par le cerveau des signaux sensoriels se perfectionne ; pour
la vue une analyse en direction, couleur, mouvement, entre en jeu, sur des
cartes rétinotopiques. Avec ces paramètres, peuvent s'établir des oppositions
figure-fond, des figures peuvent être retenues en mémoire. Le jeu entre
perception et mémoire, entre des figures retenues et des perceptions actuelles,
permet de construire des objets (pluri-sensoriels) qui demeurent comme une
référence ,unissant ce qui se voit et ce qui est caché (ou ne se manifeste pas),
une permanence quand la forme apparente se transforme radicalement, changement
de point de vue, ou figure qui se déforme comme un animal en diverses postures.

      Parallèlement, les réponses motrices se diversifient. D'autres montages
pré-câblés entrent en fonction : poursuite oculaire, exploration du regard,
saisie par la main des corps ou des objets apparus dans la vision, ambulation,
comportements de fuite ou de poursuite, jeux (et autres comportements d'espèce),
sourire, rire et pleurer, comportements sexuels ou précurseurs, recherche de
plaisir, retrait et défense devant la douleur. Aux automatismes se superpose la
construction de programmes qui vont mettre à la place des réponses globales,
stéréotypées, toutes faites, un choix sans cesse croissant de schémas
disponibles. Ce remplacement se fait par neutralisation (importance de
l'inhibition !), des fonctionnements archaïques : quand les mimiques remplacent
le rire et le pleurer spasmodique par exemple. Il se fait aussi en incluant ou
récupérant tout ou partie des montages primitifs : ainsi les différents stades
de la marche.

      Dans cette évolution il faut souligner le rôle du lobe frontal, comme un
"générateur de diversité " (Changeux). Le traitement perceptif passe d'une
grille avec quelques dizaines d'entrées à la discrimination à travers N entrées;
cette multiplication constante procède du repérage d'une distance entre le perçu
actuel et la référence (ou les références) existantes les plus proches. De même,
concernant l'activité gestuelle, l'improvisation, en utilisant des programmes ou
des morceaux de programmes existants, en diversifiant ce qui était une
performance unique , crée de nouveaux montages ré-utilisables (qu'on songe aux
touchers du pianiste). L'activité perceptive et gestuelle devient une
interaction permanente entre le travail du lobe frontal qui improvise et initie,
et celui des aires rétro-rolandiques qui conservent les traitements et les
programmes déjà expérimentés et pratiqués.

      Ainsi se construisent une perception de plus en plus diversifiée, une
action de plus en plus complexe, à la fois nuancée, détaillée, et capable
d'enchainer des étapes successives en vue d'un but retardé. Disposant d'un
formidable potentiel de boucles perceptivo-gestuelles en expansion constante,
l'animal à système nerveux central développé donne à observer des comportements
qui méritent de plus en plus d'être qualifiés d'intelligents.

      Ce nouveau fonctionnement suppose l'intervention d'un "Superviseur", d'une
agence centrale de régulation ; et le lobe frontal, ici encore, joue un rôle
clé. On est en effet amené à imaginer, dans le cerveau en activité, la rivalité
entre de multiples sollicitations sensorielles, entre de nombreuse hypothèses
perceptives, chacune évoquant plusieurs réponses ou stratégies possibles. Il
faut bien admettre alors un processus de sélection, qui inhibe la grande
majorité des boucles possibles pour permettre la réalisation de quelques-unes.
Ce processus, on sait reconnaitre son déficit chez certains patients
cérébro-lésés, sous forme de distractibilité et de défaut d'attention soutenue,
de coq-à-l'âne, de syndromes d'imitation ou d'utilisation, de répétitions et de
persévérations. Sélectionner, c'est inhiber quantité de possibles et laisser
passer un admissible, c'est initier une activité et la maintenir (au détriment
des autres) jusqu'à son achèvement, c'est pousser une performance perceptive
jusqu'à l'épuisement de ses conséquences, arrêter la réponse gestuelle
droit-au-but qui semble s'imposer, pour effectuer les préparations nécessaires
même quand elles paraissent au départ s'éloigner du stade terminal.

      L'hypothèse du "Superviseur" pose la question du déterminisme qui commande
les choix et leur maintien (en réfreinant d'autres possibles). A l'origine, ce
"gating" (filtrage, priorité) correspond à la pression de signaux bien
hiérarchisés concernant les besoins et les demandes biologiques de l'organisme
(faim et soif, plaisir et douleur, appel sexuel, ...). Dans ce domaine, le
développement correspond à l'entrée en jeu et à la diversification de l'émotion.
Physiologiquement conçue, l'émotion se présente comme une réponse
intra-corporelle à des stimuli, laquelle réponse se diversifie comme les stimuli
et les réponses extra-corporelles se diversifient, la réponse émotionnelle
devenant à la fois immédiate (végétative) et prolongée (hormonale). Pour que la
diversification émotionnelle devienne opérante, il est nécessaire qu'elle soit
perçue par un processus cérébral de traitement qui, lui-même, se diversifie. On
sait le rôle du cortex limbique comme analyseur des signaux du corps.

      Besoins, attraction, répulsion, émotions, s'intègrent dans un "état
central fluctuant" (J.D.Vincent) qui module et oriente les sélections
perceptivo-gestuelles dans le sens de la survie, des avantages vitaux, du
plaisir (opposé à la douleur, mais aussi à la satiété, au dégoût, à l'ennui),
dans le sens de l'intérêt, immédiat et différé, calculé, comparé.

      Le développement de la perception-mémoire, pour répondre à la constitution
d'objets, de corps, de lieux, organise alors son catalogue en catégories (le
chien, l'animal, le vivant ...), avec des prototypes, et en qualités générant
d'autres sous-ensembles. Le développement de l'activité subordonne la recherche
d'un bénéfice immédiat à des projets plus ambitieux qui demandent à être
maintenus dans le temps et adaptés en cours de route. Les orientations de
l'attention perceptive et le maintien des projets n'échappent pas popur autant à
l'obligation de composer avec la pression concurrente des besoins et des désirs.

      C'est cette évolution des performances et de leurs modalités, directement
liée au développement du néo-cortex, de ses réseaux de neurones, de ses
assemblées de réseaux interactifs, qui représente, en termes physiologiques, le
progrès de l'intelligence. Ce processus apparait comme continu, par intégration
et addition, permettant de remplacer le global par le diversifié et le complexe,
tout en gardant une maîtrise sur la multitude des possibles. Il correspond à une
organisation topographique du cerveau, les interventions de l'hémisphère droit
n'étant pas identiques à celles de l'hémisphère gauche, plutôt complémentaires
dans des fonctions communes, ou dominantes/asservies dans des fonctions
concurrentes. Le rôle fonctionnel d'aires cérébrales discrètes, que la
cyto-architectonique individualise, apparait différencié, lui aussi ; nous avons
fait allusion à la coopération entre des aires antérieures, frontales, et des
aires rétro-rolandiques, entre le cortex limbique et l'ensemble du néo-cortex
des deux hémisphères. Ce ne sont là que quelques exemples de spécialisation et
d'interaction. Soulignons, à propos du principe des localisations, qu'on ne peut
prétendre localiser que des fonctions ayant un sens dans la connaissance
physiologique (pas : l'amour de la patrie, ni le don des langues, ni les règles
de la grammaire française ; mais : le traitement de signaux sensoriels, de
perceptions actuelles et de produits mémorisés, la construction de nouveaux
programmes, ou le générateur de diversité...).

Et alors, la pensée ?

      Dans la progression de l'organisation cérébrale et des performances telles
qu'on peut les observer et les décrire, apparait une discontinuité, qu'il est
capital de bien situer, discontinuité entre ce qui peut résulter d'un ensemble
de connexions neuronales et d'une collection de programmes d'une part, et
d'autre part ce qui nécessite la création de systèmes définis en eux-mêmes par
leur structure. Cette discontinuité sépare en même temps parmi les produits de
l'activité cérébrale l'ordre de la nature et le niveau de la culture. L'exemple
de cette discontinuité est fourni par le langage.

Langage et logique

      On entend souvent dire qu'en ajoutant à un fonctionnement
perceptivo-gestuel perfectionné la communication et la symbolisation, on a la
clé du langage. La communication, c'est la possibilité de faire travailler
ensemble plusieurs cerveaux réunis dans une cohabitation animale. La
symbolisation, c'est la possibilité de remplacer une chose par un représentant
de la chose (un élément matériel, visible, audible, un geste) et de partager à
plusieurs la correspondance ainsi établie, le lien symbolique .

      Mais cette présentation n'est qu'un trompe-l'oeil, parce qu'elle ignore ce
qui fonde le langage, c'est-à-dire la logique interne, que l'on peut désigner
comme la grammaticalité. On peut aborder cette logique interne comme la
découverte, - derrière les règles particulières qui, dans chacune des langues
naturelles, permettent de générer toutes les phrases correctes en écartant
toutes les autres, - de quelques principes très abstraits et très généraux (la
grammaire universelle de Chomsky). On peut aussi s'interroger comme Saussure et
les structuralistes sur la nature même de la signification et sur le rôle de la
grammaticalité comme fondatrice de la signification. On est de toute façon
confronté à l'existence d'une logique à l'oeuvre, qui ne peut pas être tirée de
l'expérience de la nature car elle ne s'y trouve pas, une logique qui est
imposée à la nature et qui permet d'en donner une représentation, - création
authentique, produite par l'activité du cerveau humain.

      En poussant plus loin l'interrogation sur la logique, on trouve que ce qui
fait le langage, ce n'est ni la discrimination d'une batterie de sons
sélectionnés, ni la référence à une série d'existants reconnus, mais le
fonctionnement d'un signifiant, d'un signifié et de leurs rapports. Le
signifiant n'est pas le son, mais le produit d'une double analyse, à la fois
différenciation (de traits hétérogènes et opposables : l'un n'est pas l'autre)
et segmentation (en unités ou phonèmes = solidarité de ce qui va nécessairement
ensemble). Le Signifié n'est pas le sens ou le référent dans le réel, mais le
produit d'une double analyse, différenciation (en éléments de signification ou
sèmes qualitativement opposés et négativement définis par leur différence à
l'intérieur d'un ensemble clos, le lexique) et segmentation (en éléments, les
mots, unités non dissociables constituées... et constituantes du texte).

      La réalité de cette double analyse se concrétise à propos des troubles
aphasiques car elle permet de rendre compte de la distinction (autrement
incompréhensible) entre deux grands groupes : d'un côté l'aphasie de Broca, qui
compromet l'analyse en segmentation, celle qui porte sur le son ou celle qui
porte sur le sens, c'est l'atteinte d'une capacité générative ; de l'autre,
l'aphasie de Wernicke, qui compromet l'analyse en différenciation , du son ou du
sens, comme l'atteinte d'une capacité taxinomique. Les deux grands types
d'aphasies correspondent à des lésions de localisation définie et différente
dans l'hémisphère gauche.

      Signifiant et Signifié sont des abstraits qui fonctionnent dans une
relation réciproque : est signifié ce qui est marqué dans le signifiant ; est
signifiante toute différence ou toute addition dans la chaine sonore qui est
porteuse de signifié. Le signe, "objet à logique incorporée", se définit comme,
et seulement comme, un ensemble de rapports. L'existence d'un langage témoigne
de la constitution d'un système de signes, d'une analyse structurale des
messages : le langage n'est pas d'abord un code, la signification n'est pas la
désignation.

      Pour le physiologiste, le problème est de concevoir comment peuvent naître
un tel système, une telle logique, à partir d'un fonctionnement cérébral
intelligent . La notion d'une double analyse, à la fois différenciation et
segmentation (et qui porte tant sur le matériau sonore que sur la connaissance
issue de l'expérience) suggère une solution à ce problème : différencier et
découper en unités sont des opérations que le système nerveux sait faire ; si
chacune de ces opérations traite non pas un donné perceptivo-gestuel mémorisé
mais seulement le produit virtuel de l'autre, alors peuvent apparaitre
signifiant et signifié avec leur rapport. A partir de là fonctionne un système
d'analyse qui va traiter la totalité de l'expérience dont il donne non une
reproduction mais une représentation, avec cette conséquence que la mise en
mots, la logique à l'oeuvre, transforment les savoirs en concepts.

Technique

      L'importance de saisir la discontinuité qui apparait avec l'accession au
langage, est d'autant plus grande que le système logique n'est pas unique, qu'il
en existe d'autres, compréhensibles selon le même modèle, et, en premier lieu,
le système technique.

      La technique ne peut pas être conçue comme la mise en mémoire d'une série
de manipulations réussies, armées ou non d'un instrument de rencontre qui
prolonge le corps ou la main, mais comme une véritable analyse des situations et
des actions, impliquant à la fois le fabriquant (matériau, forme disposition,
combinaison) et le fabriqué (pour...vêtir, loger, parler ; machine à ...laver,
coudre,écrire). Fabriquant et fabriqué résultent chacun d'une double analyse,
différenciation et segmentation ; ils sont en relation réciproque pour
constituer une entité abstraite, l'outil, que l'on peut concevoir sur le modèle
du signe. Toute situation, toute pratique est analysée et recomposée en termes
d'outil : engin, dispositif, machine ...

      Le produit du système logique lui-même est traité techniquement et c'est
l'Écrit, un outil pour parler. La démarche expérimentale se présente également
comme une analyse technique des problèmes, en relation avec une analyse logique,
la connaissance théorisée.

Personne et société

      Logique et Technique ne résument pas la rationalité humaine. Un autre
système doit être individualisé, système de relations qui donne naissance à la
Personne et à la Société.

      Devenir une personne, c'est êre reconnu et traité comme une personne par
l'autre. C'est du même coup se trouver capable de reconnaitre, de donner
existence à des personnes, dans le réel comme dans l'imaginaire. C'est
l'établissement d'un système de relations, et de relations affectives, l'affect
étant de l'émotion personnalisée, un complexe d'émotions constitutif de la
personne, transcrit en termes de personne. Ce système structuré de relations
permet la construction d'identité, faite de présentation, de goûts, de refus,
d'affections et de haines, située dans le temps, avec un avenir : je m'oppose à
ce que les autres font de moi et je fais reconnaître ce que je découvre que je
suis. La personne, c'est aussi l'exercice de l'autonomie : je dispose en dernier
ressort de mon temps; moi seul peux en organiser l'usage.

      Le système des relations affectives entre personnes s'applique à la
totalité de l'expérience : il concerne aussi les choses du monde réel auxquelles
nous conférons une identité, et une qualité affective. Cette relation
personnelle préside à l'intériorisation du savoir que chacun se donne, avec un
appétit très variable selon les objets de savoir ; les pédagogues savent bien
l'importance de l'attrait ou de la répulsion pour tel ou tel champ de la
connaissance, qui commandent la curiosité, la recherche et la possibilité de
transformer ensuite savoirs et croyances en logique et en concepts.

      Cependant la construction que le cerveau opère et qui aboutit à la
personne, - noeud d'un réseau de relations affectives -, ne peut se concevoir
comme seulement duale ou triangulaire. Être une personne, c'est toujours être
aussi le constituant d'un groupe que l'on institue en l'intégrant et en s'y
faisant une place. Devenir une personne c'est sans cesse négocier, entre ce
qu'exige l'appartenance au groupe et ce que revendique l'affirmation de l'
identité. La langue est l'exemple même de cette négociation : elle est
convention (la langue commune n'est-elle pas l'un des éléments majeurs
d'appartenance à un groupe) ; elle est cependant personnelle avec une marge de
liberté qui singularise une génération par rapport aux précédentes, un individu
ou un couple par rapport à leur milieu.

      Le savoir, comme la langue, résulte d'une négociation ; chacun se
constitue un capital selon son rapport personnel au savoir ; le savoir est en
même temps partagé, imposé comme la doxa commune à un groupe et à sa culture. La
société que construisent un ensemble de "je" identifiés est faite d'un partage
du temps, des goûts, des mythes fondateurs, de l'Histoire, des moeurs, des
projets, matérialisés dans des codes, des archives et des personnages phares.

      L'exercice des relations dans les groupes et entre les groupes se
manifeste non plus essentiellement dans le registre de l'affectif, mais dans
celui de la rivalité, de la domination, quand ce n'est pas de la persécution.

      Quand on y réfléchit, la construction de la personne et du monde social
apparaissent une dimension capitale de la rationalité humaine, un constituant
majeur de ces constructions "culturelles" dont notre cerveau est capable.

L'éthique

      La nécessité de reconnaitre un système autonome d'analyse éthique vient de
cette conception que l'éthique n'est pas une composante de l'analyse sociale :
c'est parce que l'homme est éthique que la société peut faire des codes, non
l'inverse. L'éthique n'est donc pas un savoir.

      Elle apparait comme une modalité spécifique d'analyse, portant sur les
pulsions et les passions, le désir et les relations (affectives et
dominatrices), une critique des personnes et des groupes. A la sélection des
foyers d'attention et des projets d'agir opérée en fonction des besoins, des
pulsions et des intérêts, elle substitue un principe de choix radicalement
différent, en fonction de critères ou de références propres. L'éthique, c'est
essentiellement le pouvoir de refuser, la censure, la substitution d'un autre
ordre de régulation, un pouvoir qui introduit la liberté humaine.

      Quand la capacité d'opérer un tel choix, à partir d'un tel refus, s'est
créée, l'éthique se développe dans et à travers la critique des actes et des
acteurs, une critique que nous exerçons en permanence en reprenant notre
histoire et l'Histoire, dans le sens de ce qu'il ne fallait pas faire, qu'il
fallait refuser, et dans le sens de ce qu'il fallait entreprendre et réussir. Ce
jugement critique porte d'abord sur soi, source d'anxiété, de culpabilité, et
jusqu'au désir de mort, comme si la violence des passions interdites ou des
passions militantes donnait la mesure du jugement, du refus et du prix à payer.

      Le conflit et le combat du désir, ou du pouvoir, face à l'analyse et à la
commande éthiques se passent hors du champ conscient (comme la langue organisée
en système parle en nous quand nous parlons à travers elle) et non sur le
théâtre cornélien, est-il besoin de le rappeler?

      La construction d'un système de médiation éthique nous est commune, -
c'est même un des constituants de l'hominisation -, mais l'investissement de
cette instance dans la hiérarchie d'un ensemble particulier de valeurs est
essentiellement individuel (et les morales sont multiples quant à leurs axes
prioritaires), même si nous sommes inégaux dans la capacité créative, si
l'imitation et le modèle jouent à plein dans ce domaine. Il ne s'agit pourtant
pas de savoir négocié entre le collectif et le personnel ; le préalable d'un
fonctionnement éthique est nécessaire pour que l'analyse sociale édicte des
codes et l'analyse logique un Droit.

Conclusion

      Il faut se garder de réduire la pensée à des représentations ou des
modèles explicatifs qui éliminent sa nature même : le langage ne serait que la
communication animale (en plus compliqué) ; la logique, une méthode par essais
et erreurs ; la technique, un relevé de bonnes recettes ; la personne, un
congénère fréquenté ; l'éthique, une sagesse inhérente aux collectivités.

      La vie de l'esprit, la pensée, impliquent le fonctionnement de la
rationalité humaine. Cette rationalité peut être conçue, à la suite de
Gagnepain, comme résultante de plusieurs systèmes, sur plusieurs plans, logique,
technique, personnel-social et éthique.

      Chez l'Homme, la mémoire et le champ attentionnel opèrent non sur des
élaborations perceptivo-gestuelles, mais sur les produits des quatre analyses,
lesquelles doivent être toutes quatre à l'oeuvre et en interaction pour qu'il
existe une conscience et une pensée consciente.

      La pensée n'est pas le langage, ni la technique, ni la personne, ni
l'éthique ; chaque analyse peut être atteinte par une pathologie propre et du
fait de lésions de localisation particulière ; dans ces cas, la pensée est autre
mais il persiste une pensée.

      D'autre part, la mémoire et la focalisation soutenue de l'attention sont
des pré-requis de la pensée, comme l'est un dévelopement suffisant de
l'intelligence ; elles ne sont pas des conditions suffisantes.

      Seules des lésions cérébrales (ou des suspensions fonctionnelles) assez
multiples ou assez étendues pour supprimer le fonctionnement de l'analyse sur
les quatre plans de la rationalité suppriment la pensée. La définition de
celle-ci n'est donc pas simple, mais elle est concevable, ainsi que son rapport
au cerveau.

                  Olivier Sabouraud Janvier 1998


Progrès et perspectives en neuropsychologie
Pr. Roger Gil
Service de neurologie
CHU de la Milétrie, 86021 Poitiers
 
mis à jour le 29 octobre 2000

Il n’est sans doute pas inexact de dire que la neuropsychologie est née le 18
avril 1861.

Certes nulle naissance n’est attestée ex nihilo et la neuropsychologie avait eu
des balbutiements précurseurs.

Dès le Vème siècle avant Jésus-Christ, le cerveau était considéré comme le siège
de l’âme même si le cœur fut aussi revendiqué pour cette même fonction. Et
nombreux furent les travaux qui, au long des siècles, montrèrent les prémices de
propositions localisationnistes qui s’appelèrent déjà mémoire, imagination,
logique et ces approches déferlèrent dans la création par Franz Joseph Gall et
Johann Caspar Spurzheim au tout début du XIXème siècle de la phrénologie.

Certes Gall n’utilisa pas de méthodologie scientifiquement acceptable ; il eut
ses détracteurs mais dans le fatras des localisations qu’il avait érigées, il
déclara que le langage était enfermé dans le lob sus orbitaire du cerveau.

Et pourtant, en contrepoint, pendant près d’un demi siècle, Bouillaud,
Professeur de Clinique Médicale à la Charité, allait, dès 1825, soutenir, comme
Gall, que " les mouvements des organes de la parole sont régis par un centre
cérébral, spécial, distinct, indépendant… et que " ce centre cérébral occupe les
lobules antérieurs " et que " la perte de la parole dépend tantôt de celle de la
mémoire des mots et tantôt des mouvements musculaires dont la parole se compose
".

La preuve attendit 1861. Bouillaud avait alors 65 ans et on disait de lui que "
c’est un personnage considérable par l’âge, le talent, les dignités
universitaires dont il est revêtu ".

Charcot et Vulpian ont l’un et l’autre un service à la Salpétrière. Ils sont à
peu près du même âge que Broca.

Broca a 37 ans, il est secrétaire de la Société d’Anthropologie et a pris au
premier janvier de cette même année, le service de Chirurgie de Bicêtre. Et ce
fut le 18 avril 1861 que Broca présenta le cerveau de Leborgne atteint de ce
qu’il nomma une aphémie avec hémiplégie droite, ne disposant pour toute capacité
expressive que de la stéréotypie " tan " et il montra le ramollissement centré
sur le pied de la troisième circonvolution frontale. C’est là que Broca localisa
" le langage articulé ".

Comment alors s’étonner de l’exaltation localisatrice qui a suivi et que stimula
encore la description de l’aphasie qui porte son nom. On oublia même que c’est
Marc Dax, médecin généraliste à Sommières dans le département du Gard qui en
1836, donc le premier, localisa la parole dans l’hémisphère cérébral gauche en
se fondant sur la coexistence d’une hémiplégie droite, et son Mémoire s’intitula
: " Lésions de la moitié gauche de l’encéphale coïncidant avec l’oubli des
signes de la pensée ". Alors qu’il fallut plusieurs années à Broca pour se
rallier à la " dominance hémisphérique gauche du langage ".

On parla alors de " centres d’images " pour faire de l’aphasie (terme créé par
Trousseau) une perte des images motrices verbales, (aphasie motrice pure) ou des
images auditives (surdité verbale) ou des images visuelles (cécité verbale). Et
Wernicke écrira que " les images de mémoire et des représentations sont
localisées, c’est-à-dire liées selon leur contenu à des endroits circonscrits de
l’écorce cérébrale " et ce sont " les éléments cellulaires qu’il nous faut
représenter comme le substratum corporel des images de mémoire ".

Certes, ces centres ne sont pas des compartiments étanches mais sont unis par
des fibres d’association : ainsi naquit l’associationnisme et les multiples
schémas permettant de fragmenter les centres d’images et d’enrichir leurs
connexions. Il y eut ainsi les schémas de la cloche de Charcot, du polygone de
Grasset et les schémas innominés de Lichtein et de Kussmaül. Ce fut, selon
l’expression de Pierre Marie, la période géométrique de l’aphasie.

Mais pourquoi effleurer cette histoire vieille de plus d’un siècle quand il est
question de progrès et de perspectives.

Certes, et comme Bergson l’avait pressenti, nul n’admet plus que le cerveau est
un magasin d’images sensorielles dont la jonction permet d’élaborer toutes les
représentations des mots.

Certes on sait que les centres du langage ne renferment pas les mots de même que
les centres praxiques ne renferment pas le gestes et comme Jackson entre 1864 et
1893 l’avait déjà pressenti, le langage ne peut pas être emmuré dans les
territoires cérébraux dont les lésions entraînent sa désorganisation. Dire que
certaines zones du cerveau concourent à la compréhension du langage ou à
l’expression du langage ne veut pas dire qu’elles renferment la compréhension ou
qu’elles renferment l’expression : ainsi l’explosion d’un pont enjambant un
fleuve ne permet plus aux véhicules de s’écouler d’une rive à l’autre et nul ne
saurait prétendre pour autant que l’absence de voitures sur une rive pourrait
signifier que le pont était le lieu de production et d’emmagasinement des
véhicules.

Mais par un retour actualisé de l’histoire, l’imagerie fonctionnelle a offert
dans le dernier quart de siècle la même fascination iconique que les pièces
nécropsiques de jadis. Et tout indique que ce mouvement se poursuivra.

Cette imagerie offre la contre preuve d’activer (d’allumer) des zones cérébrales
visualisables chez les sujets sains lors d’une activité mentale et la
multiplication des protocoles neuropsychologiques permettra de mieux cerner les
aires cérébrales mises en jeu dans l’écheveau incommensurable des tâches
cognitives qu’elles concernent le langage, les gestes, la reconnaissance
sensorielle, la mémoire.

Ainsi doit continuer de se bâtir une neurologie comportementale qui approfondira
une séméiologie des comportements en regard de localisations cérébrales.

Mais, outre ce travail de surface, la neuropsychologie continuera de s’enrichir
de l’apport de la psychologie cognitive.

Par ses boites et flèches, elle rappelle les schémas associationnistes alors
qu’elle en est en réalité fort loin car elle n’unit ni des " localisations " ni
des centres d’images mnésiques ". Son projet est d’imaginer des modèles de
traitement de l’information qui par analogie avec l’ordinateur, font transiter
les données reçues vers des traitements centraux aboutissant en sortie à une
réponse. Ainsi en est-il du modèle à deux voies de la lecture montrant que l’on
peut lire de deux manières, à partir de la prononciation (voie phonologique) ou
à partir de l’activation d’un lexique visuel. Des cas uniques bâtissent ces
hypothèses conduisant à évoquer deux voies distinctes quand est respecté le
principe de la double dissociation (altération des processus A avec intégrité du
processus B et inversement).

Ces schémas cognitivistes ont certes une vocation de recherche mais ils
contribuent de plus à mieux asseoir les stratégies de réhabilitation qui
constituent aussi l’une des missions de la neuropsychologie. Pas à pas, ils ont
ainsi permis de créer et d’enrichir des modèles : de production, des gestes, du
système de calcul, du traitement des informations sensorielles, de la
reconnaissance des visages et des multiples modèles de mémoire, modèle de la
mémoire de travail, modèle de relation entre la mémoire à court terme et la
mémoire à long terme et les exemples pourraient être multipliés (Mc Carthy et
Warrington, 1994).

Mais les schémas associationnistes d’hier, les schémas cognitivistes
d’aujourd’hui et de demain ne constitueront qu’une approche partielle de la
manière dont le cerveau traite l’information et permet à l’homme d’agir dans le
monde.

D’une certaine manière, ces schémas ont pour objectif d’expliquer le " comment "
de nos comportements sans rien dire du " pourquoi ".

Comment le cerveau fait pour passer du voir au dire : reconnaître, traitement
sémantique, traitement lexical, agencement phonémique, réalisation phonétique
nous apprennent le chemin qui va de " voir " la rose dans le jardin à " attester
" auprès des autres de sa présence reconnue parce que nommée.

Mais pourquoi avoir aujourd’hui dans ce jardin regardé et nommé les roses ou les
bougainvillées ? Pourquoi parler ou ne rien dire ? Qui orchestre, dirige,
provoque, oriente les traitements effectués par le cerveau ?

On pourrait répondre de manière apparemment réductionniste, " le cerveau lui
même ", qu’importe, à condition qu’en répondant ainsi, on évoque un cerveau
totalement engagé, un cerveau qui signifie l’être humain lui même. Certains
linguistes l’avaient pressenti : " ce ne sont pas les mots, c’est l’homme qui
signifie ".

Dans ce vouloir faire, ou ce vouloir dire, des concepts résonnent : motivation,
anticipation, programmation, stratégie. Et nous savons que ce XXème siècle qui a
vu Luria faire émerger la frontalité du magmas des syndromes psycho-organiques
ne doit pas nous laisser avec le lobe frontal, une localisation de plus dans un
cerveau déjà si balkanisé… A vrai dire, le volume même du lobe frontal ne peut
déjà en faire, si l’on peut dire, une localisation ordinaire. Mais son volume,
au delà de la géométrie, est là pour rappeler que le lobe frontal permet ce
nécessaire rassemblement des informations et des actions qui permettent de
donner à l’être humain sa cohérence tout au long de son histoire.

Il y a là une nouvelle orientation de la neuropsychologie, longtemps confinée
dans l’étude des " capacités " (du " pouvoir ") et qui s’est ouverte à la
connaissance des motivations (du " vouloir ").

Les théories connexionnistes ont eu de multiples facettes, du diaschisis de Von
Monakow à cette quête minutieuse qui lança Geschwind sur les syndrome de
disconnexion inter et intra hémisphérique. Au-delà de sa coloration
associationniste, ce concept eut le mérite de montrer que les " centres " ne
sont rien sans les voies de communication qui les relient, les unissent et les
irriguent. Ils ont permis d’amplifier la notion de spécialisation fonctionnelle
hémisphérique qui exerce encore tant d’attrait sur les protocoles d’imagerie
dynamique.

Les déficits de la dénomination et de la compréhension catégoriellement
spécifiques ont fait un instant évoquer une organisation taxonomique du système
sémantique vivants versus inertes, verbes versus nom mais cette tentation ne fut
que de courte durée. Des concepts plus dynamiques ont surgi au cours des 10
dernières années sous l’impulsion de Damasio et de Mésulam. En énonçant que la
dénomination est la reviviscence des apprentissages a ainsi bâti une théorie
épisodique de l’accès au nom et au sens. La tasse de thé est effectivement
construite en nous au travers de notre propre histoire : la vue, le toucher,
l’olfaction, l’environnement bâtissent des réseaux multisensoriels qui
aboutissent à des nœuds de convergence situés en dehors des aires classiques du
langage dont l’altération peut produire un déficit de la dénomination limité à
une catégorie. Et l’on sait ainsi que les zones de convergence et de médiation
des verbes sont plutôt situées au niveau du pôle frontal, les zones de médiation
ou de dénomination des personnes, des animaux et des outils se répartissent
d’avant en arrière dans le lobe temporal.

Les cognitivistes évoquent aujourd’hui ce qu’ils appellent une sémantique
distribuée tant il est vrai que les concepts ne survivent que grâce aux
apprentissages qui les ont bâtis.

Par ailleurs, par un double mouvement, la psychiatrie et la neurologie font
cohabiter leurs champs d’investigations.

Si la psychiatrie s’est longtemps confinée dans l’émotion et le ressenti, elle
explore maintenant la cognition du schizophrène, de l’autiste.

De la même manière, la neuropsychologie qui s’est longtemps cantonnée dans le
domaine de la cognition a découvert l’importance de l’émotion.

Les émotions ont été classées par les philosophes dans les états affectifs à
côté des passions et des sentiments.

Etymologiquement, l’émotion est un mouvement qui extrait l’individu de son état
antérieur et dont la coloration affective peut s’appeler : peur, colère, joie,
mais aussi peut s’habiller d’autres mots aux multiples nuances.

C’est l’hypothalamus qui est le secteur émotionnel générant les manifestations
somatiques dont certaines mettent en jeu les systèmes sympathique et
parasympathique. L’hypothalamus est rattaché au cerveau paléomammalien dont les
formations incluses dans le système limbique gèrent les manifestations
émotionnelles : il s’agit tout particulièrement de l’amygdale située dans la
portion antérieure du lobe temporal qui est le centre de convergences multiples
venant en particulier du cortex associatif traitant les informations
sensorielles, de l’hippocampe si important dans la conservation et l’activation
des souvenirs. Ces structures en lien avec les noyaux gris centraux et le cortex
frontal permettent la motivation, leur lésion entraînant selon les cas une
placidité, une apathie, une aboulie.

La neuro-anatomie nous a montré que le cerveau émotionnel est entouré par le
néo-cortex et tout particulièrement le cortex frontal qui joue un rôle central
dans la flexibilité mentale, l’anticipation, la programmation des actions.

La neuro-anatomie nous enseigne aussi que ces deux cerveaux ne sont pas
cloisonnés mais unis par de multiples connexions.

Quels rapports de force sous tendent et organisent ces connexions ? Est-ce une
tentative permanente d’inhibition du cerveau émotionnel par le cerveau rationnel
comme si l’acte rationnel ne pouvait pleinement se déployer qu’en l’absence de
la raison, est-ce au contraire une tentative permanente de déstabilisation du
cerveau rationnel par le cerveau émotionnel comme si l’émotion ne pouvait
atteindre son apogée qu’après extinction de la raison.

Ce questionnement, parce qu’il prend acte, conformément aux données de la
neuro-anatomie, des connexions cérébrales entre émotion et raison, est bien loin
du dualisme défendu par Platon quand dans Phédon, il faisait dire à Socrate que
l’âme ne peut atteindre la vérité quand elle entreprend de faire quelques
recherches de concert avec le corps car " l’âme ne raisonne jamais mieux que
quand rien ne la trouble ni l’ouïe, ni la vue, ni la douleur, ni quelques
plaisirs "…

Il s’agissait bien, on le voit de séparer la raison, expression de l’âme et
l’émotion, expression du corps. Descartes dont on a tant stigmatisé le dualisme
prônait pour une union plus proche car écrivait-il : " Je ne suis pas seulement
logé dans mon corps ainsi qu’un pilote dans son navire mais outre cela… je lui
suis conjoint très étroitement et tellement confondu et mêlé que je compose
comme un seul tout avec lui ".

C’est le mérite de Damasio (1995) d’avoir montré sous un jour nouveau
l’importance structurante des émotions dans les prises de décision trop souvent
considérées comme des actes purement rationnels. Le malade qui a suscité la
réflexion de Damasio dénommé EVR ou Elliott était un cadre commercial brillant
âgé d’une trentaine d’années et qui après avoir été opéré d’un méningiome
frontal, alla de désastres professionnels en désastres affectifs.

Il était devenu incapable de planifier ses activités, passant d’une chose à une
autre, s’attardant inutilement sur des textes futiles, incapable de faire des
choix qui lui étaient autrefois familiers, s’empêtrant même au restaurant, dans
un magasin, dans des atermoiements interminables avant de choisir un plat ou un
vêtement. Il prit des options financières désastreuses, quitta son épouse, puis
aussi sa seconde compagne alors que son intelligence, telle qu’elle apparaissait
aux test était normale, Elliott ne semblait être guidé que par le hasard,
incapable même de tenir compte des conséquences de ses actes pour inspirer des
décisions ultérieures. Selon Damasio, Elliott était devenu incapable d’activer
ce qu’il appela " ses marqueurs somatiques ". En effet, tout au long de la vie,
depuis l’enfance, nous associons à nos actes, à nos choix, des représentations
somatiques qui sont en fait des manifestations émotionnelles vécues comme
conséquences de nos actes, de nos choix. Certaines vont être agréables, d’autres
vont être désagréables avec une intensité variable. Nous structurons ainsi peu à
peu nos prises de décisions en fonction des représentations somatiques qui sont
activées de manière inconsciente et qui vont nous permettre avec le temps de
prendre des décisions de plus en plus rapides.

L’émotion, loin d’être le fardeau de la raison, devient la direction assistée,
l’auxiliaire de la raison. C’est le cortex frontal qui permet, en présence de
telle ou telle situation, d’activer les représentations somatiques qui lui sont
associées en connectant cette situation aux souvenirs émotionnels gérés par le
système limbique et en particulier l’amygdale.

L’enjeu de cette hypothèse est de taille : il s’agit en fait de hisser l’émotion
au rang de la raison, il s’agit même de dire que tout raisonnement reste stérile
s’il ne s’appuie pas sur l’émotion et que c’est bien l’émotion qui permet de
mettre la raison en action. L’émotion a ainsi en quelque sorte été restaurée
dans sa dignité et dans sa fonctionnalité. Elle n’est plus cette force qui ne
sait qu’être aveugle et troubler l’âme, elle est devenue la force dont les
vibrations permettent à chacun de dire et d’agir dans le monde. Elle est une
force de création.

Mais la neuropsychologie restera-t-elle le dernier bastion d’une neurologie si
longtemps accusée d’être contemplative ? Que l’on se rassure, la réhabilitation
neuropsychologique s’affirme et s’affine. En matière de rééducation du langage,
les orthophonistes quittent de temps à autre les chemins de l’empirisme pour
tenter des salves rééducatives fondées sur des théorisations. On connaît la
thérapie mélodique et rythmée et l’imagerie fonctionnelle qu’elle a même
suscitée. La neuropsychologie cognitive, en permettant de repérer les boîtes ou
flèches cassées, cherche au cas par cas les moyens de contourner un obstacle
clairement identifié. En matière d’Alzheimer même des travaux importants
cherchent à compenser des déficits mnésiques par le recours à la mémoire
procédurale dont on sait qu’elle est affranchie de la localisation hippocampique
expliquant ainsi la préservation des habiletés perceptivo-motrices comme la
poursuite d’une cible en mouvement ou la lecture en miroir. Il s’agit aussi de
la mémoire implicite sollicitée par des tests d’amorçage perceptif ou
conceptuel. On commence ainsi à comprendre pourquoi certains Alzheimer
continuent de jouer au golf, de jouer du trombone, du piano ou peindre. Par
ailleurs, même la mémoire épisodique pourrait être aidée par une optimisation
des conditions d’encodage qui suscitent un traitement plus riche et plus élaboré
du matériel à mémoriser.

La neuropsychologie a aussi prêté attention à la neurobiologie pour tenter de
discerner une pharmacologie et une pharmacothérapie de la cognition. On sait le
rôle de l’acétylcholine dans l’attention et la mémoire et on en infère les
méfaits des anticholinergiques et l’intérêt des anticholinestérasiques dans la
maladie d’Alzheimer.

D’innombrables travaux tentent de préciser ainsi les fonctions des systèmes de
neurotransmission placés en deux grandes catégories, les acides aminés
excitateurs, glutamate, aspartate, inhibiteurs gaba qui sont à la base des
communications rapides inter cellulaires au sein des réseaux neuronaux et des
systèmes de modulation qui contrôlent des réseaux cortico-sous corticaux et
thalamo-corticaux cholinergique, dopaminergique, noradrénergique,
sérotoninergique, histaminergique. Et même si cette dichotomie ne doit pas être
envisagée de manière trop stricte (un système gabaergique ascendant va de la
zona incerta au néocortex), elle garde encore sa valeur heuristique. De la même
manière peut-on tenter de distinguer deux grandes variétés de fonctions
instrumentales (Cummings, 1990). Les fonctions instrumentales, très
latéralisées, sont essentiellement corticales, reposant sur des circuits
neuronaux organisés en série et leur atteinte entraîne des syndrômes focaux dont
la séméiologie permet d’inférer un site lésionnel (comme une aphasie de Wernicke
par lésion temporale gauche). Elles sont peu accessibles aux thérapeutiques. A
l’opposé les fonctions fondamentales, peu latéralisées, reposent sur des
circuits parallèles transitant par les régions sous-corticales et le système
limbique : les lésions où qu’elles soient sur ces vastes circuits produisent les
mêmes manifestations comme le syndrôme dysexécutif observées lors de lésions du
cortex frontal dorsolatéral comme du thalamus ou encore du noyau caudé. Elles
peuvent être améliorées par les thérapeutiques.

Il reste encore bien du chemin à faire pour sortir des observations anecdotiques
comme l’amélioration par la bromocriptine de la négligence spatiale unilatérale,
du mutisme akinétique ou du syndrôme frontal post-traumatique ou encore
l’amélioration des troubles de l’attention par les psychostimulants ou bien
l’amélioration des troubles vusuo-spatiaux de l’Alzheimer par la physiostigmine
et les exemples pourraient être multipliés.

La neuropsychologie s’est trouvée en fin de siècle une autre vocation, celle
d’une nosologie.

Pendant longtemps, elle a poursuivi et affiné sa mission de dresser une
séméiologie neurologique comportementale reliant une dysfonction à une
localisation.

Mais, l’explosion dans le champ de conscience épidémiologique des démences et
tout particulièrement des démences d’Alzheimer, l’incapacité d’en déceler des
marqueurs biologiques a fait germer et croître des critères diagnostiques fondés
sur la neuropsychologie.

Ainsi, la neuropsychologie s’est trouvée à explorer le champ de la nosologie.

Mais il faut bien saisir combien ces critères sont fragiles. Comment dire ou ne
pas dire qu’un déficit cognitif est d’une intensité suffisante pour altérer
comme le demande le DSM IV R le fonctionnement social ou professionnel ? Il y a
là en fonction du regard de chacun, une large marge d’inflation ou de
restriction des démences légères et ce n’est pas le trop sommaire Mini Mental
State qui permettra à la Neurologie de comprendre quoique ce soit à la maladie
d’Alzheimer.

Si la neuropsychologie est donc aujourd’hui un outil indispensable au
diagnostic, tout permet de penser qu’elle laissera la place à des marqueurs plus
efficaces pour se centrer sur sa vraie mission qui est de mieux comprendre
comment dysfonctionnent les actions et les processus de traitement de
l’information des malades atteints de démence d’Alzheimer et d’autres démences
qu’elles entrent ou non dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler le
vieillissement cérébral pathologique.

Parce qu’elle traite du fonctionnement et du dysfonctionnement du cerveau
humain, la neuropsychologie déborde le cercle des neurologues pour devenir
l’objet d’une nouvelle culture comme la psychanalyse l’a fait bien avant elle.

On sait le succès foudroyant qu’eut le premier livre d’Oliver Sacks : " l’homme
qui prenait sa femme pour un chapeau " et qui est un recueil de nouvelles qui
sont autant d’observations de neuropsychologie.

C’est sans doute cette ouverture de la neuropsychologie vers la culture qui peu
à peu fait sourdre une discipline parallèle qui se nomme neurophilosophie. Elle
étaye ses réflexions par de nombreux travaux ; qui tentent de mieux cerner les
processus sous-tendant la conscience en général et la conscience de soi en
particulier (Edelman, 1992 ; Dennett, 1993 ; Eccles, 1994 ; Damasio, 1999).

La neuropsychologie occupera une place grandissante dans la réflexion mais aussi
dans l’action au service de l’Homme dont nous savons qu’il ne peut ni voir ni
entendre, ni parler, ni agir, ni ressentir s’il était dépourvu de cerveau. La
mission du neurologue doit bien rester de repérer les manifestations d’atteinte
de cet organe, d’apprendre à le soigner, de coordonner l’action de tous ceux qui
s’intéressent à la réhabilitation des malades cérébrolésés. La mission du
neurologue est aussi d’être et de rester l’un des acteurs de la recherche en
neuropsychologie. A condition toutefois de rester humble car l’addition des
localisations par la tomographie à émission de positrons ou l’IRM fonctionnelle
n’est que la superposition de sous-ensembles comportementaux (comme la
génération de verbes) qui nous apprennent encore peu sur l’architecture des
comportements humains de la même manière que la connaissance des notes de
musique ne doit pas être confondue avec la création et l’orchestration
musicales.

La neuropsychologie, même nommée neurologie comportementale est un carrefour où
se rencontrent les compétences de médecins, de psychologues, d’orthophonistes,
de linguistes et cette liste ne prétend pas à l’exhaustivité.

Puissent en tout cas les neurologues ne pas oublier qu’ils ont fait naître cette
discipline et qu’ils ne doivent pas l’abandonner.

 

BIBLIOGRAPHIE

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HABIB M, JOANETTE Y, ROCHE LECOURS A. Le cerveau humain et les origines du
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PRICE BH, ADAMS RD, COYLE JT. Neurology and psychiatry. Closing the great
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1996, 287, 62-77

SERON X. La neuropsychologie cognitive. Un volume, Que sais-je ? PUF, Paris 1993

SMITH CHURCHLAND P. Neurophilosophie. L’esprit cerveau. Un volume, PUF, Paris
1999
Pharmacologie de la cognition
          Hervé Allain1, Stéphane Schuck1, Alain Patat2, Alain Lieury3, Jean
Marc Gandon2
 
1 Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2 Biotrial S.A.
3 Laboratoire de psychologie expérimantale
Attention : les lignes qui suivent ne sont qu'un essai et visent à illustrer le
caractère interactif de l'Internet appliqué à la pédagogie. Dans un premier
temps, tout internaute francophone intéressé par le sujet est invité à compléter
ce texte ou a faire part de ses commentaires (surtout lorsqu'il découvre une
astérisque) et les diffuser soit sur le forum de ce cours de pharmacologie soit
directement à Hervé ALLAIN par courriel (Herve.Allain@univ-rennes1.fr). En vous
remerciant de vos suggestions et de vos critiques, nous espérons faire profiter
la communauté du savoir disséminé de chacun, en la matière.
                                                                        mis à
jour le 30 décembre 1999
1 Introduction  
2  Justification de la pharmacologie de la cognition   
2.1 L'objet d'étude  
2.2  La vie de tous les jours  
2.3 La pathologie  
2.4 Le médico-légal  
2.5 La bioéthique  
2.6 La recherche elle-même  
3 Postulats de la pharmacologie cognitive  
4 Neurobiologie de la cognition  
4.1 Généralités  
4.2 Localisation d'une fonction  
4.3 Electrophysiologie [*]      4.4 Neurochimie  
4.5 La génétique  
5 Méthodes d'étude  
5.1 Généralités  
5.2 Critères psychométriques ; tests  
6 Quelques résultats obtenus  
6.1 Généralités  
6.2 Les médicaments étudiés  
6.3 L'impact cognitif  
6.4 Les médicaments de la pathologie de la cognition  
7 Conclusion  
8 Bibliographie

 
1 Introduction
Parmi les nombreuses fonctions assurées par le cerveau, les fonctions cognitives
restent les plus mystérieuses et les plus tabous. Dans la tradition neurologique
française, les auteurs utilisaient le terme "fonctions intellectuelles ou
supérieures", véritable référence à ce qui différencie l'être humain de l'animal
(exemple des fonctions linguistiques et grammaticales) et simultanément
ouverture des neurosciences à la culture et aux échanges inter-humains de tous
ordres, base de nos sociétés diversifiées. L'élan donné à la recherche sur ces
fonctions largement dominées par le langage, l'apprentissage, la mémoire, la
prise de décision, l'élaboration d'un plan d'action, a été impulsé par des
approches typiquement multidisciplinaires telles la psychologie expérimentale
(la psychologie cognitive), la neuropsychologie (exemples de corrélations entre
lésion anatomique et aphasies), la neuroimagerie (localisation d'une structure
activée lors d'une tâche cognitive donnée), la neurochimie (attribuant un rôle
privilégié à un composé chimique du cerveau lors d'une tâche ou d'une fonction
données), la numérisation des signaux et des données (capacité de détecter et
d'analyser dans le temps les signaux émanant de structures anatomiques
spécifiques), l'informatique (prétendant simuler sur ordinateur ces fonctions
supposées sous-tendues par la mise en jeu d'un réseau ou d'un circuit neuronal)
ou la philosophie (s'interrogeant sur conscience, intelligence et pensée
humaine). L'interrogation fondamentale sur les rapports de la pensée et du
cerveau a eu le mérite d'émettre le postulat que le cortex cérébral et le
système nerveux central (SNC) ne fonctionnaient pas comme un tout, mais qu'ils
étaient constitués de champs physiologiquement et topographiquement distincts
les uns des autres. Parallèlement ont émergées diverses théories telles le
connexionnisme prônant que des phénomènes collectifs (ou une fonction globale)
pouvaient naître de la coordination de petites entités toutes autonomes et
inconscientes de la totalité à laquelle elles appartiennent (automates).
Nouvelle forme de réductionnisme et symétrique de la science analytique (exemple
l'acétylcholine est le carburant de la mémoire), ces approches très actuelles
présentent la pensée humaine comme un surgissement ou une émergence de l'esprit
par une coordination spontanée de mécanismes élémentaires et, de ce fait, nous
invitent avec instance à reprendre l'analyse des fonctions intellectuelles et
leur mécanisme (voire leur dysfonctionnement) par d'autres voies d'entrées : la
cybernétique, l'intelligence artificielle, les réseaux de neurones formels, les
artilects, les algorithmes génétiques … La Pharmacologie de la cognition
s'insère dans cette dynamique et ce pluralisme de méthodes, et n'a d'autre but
que d'étudier l'impact et l'effet des médicaments sur les fonctions cognitives.
Ce nouveau chapitre, en réalité, repose sur les bases élémentaires de la
Pharmacologie (interaction entre une substance exogène et un tissu organique) et
n'apparaît que comme un ensemble de la neuropsychopharmacologie née
véritablement avec la publication de l'essai du médecin berlinois Louis LEWIN en
1924 (Phantastica) et son classement des substances agissant sur le psychisme
(TABLEAU I). Aujourd'hui, la Pharmacologie de la cognition est intégrée à la
cognitique, science-interface réunissant la neuropsychiatrie, la psychologie
expérimentale, l'informatique et les sciences de la communication.
 
2  Justification de la pharmacologie de la cognition
 
2.1 L'objet d'étude
Selon le dictionnaire des Sciences (Flammarion 1997) est cognitif "tout ce qui a
trait à la connaissance (cognoscere), à sa genèse, à sa réminiscence, à son
emploi, à ses supports, à sa transmission. Quant à la cognition [*], elle est le
siège des connaissances et des phénomènes cognitifs de perception, de
reconnaissance, de vigilance, de mémorisation, d'écriture, de lectures, d'action
…". Ces fonctions assurées par le SNC peuvent être modifiées par le médicament
tant sur le plan quantitatif (performance) que qualitatif (distorsion). La
question fondamentale, ici, est d'établir un lien de causalité entre une prise
de médicament (ou de substance au sens large) et un état cognitif, en admettant
d'emblée que par effet cascade (loi du chaos ?) les conséquences
comportementales de cet état risquent d'être impressionnantes.
 
2.2  La vie de tous les jours
Les fonctions cognitives interviennent dans chacun de nos actes et dans chacune
de nos conduites dans la vie de tous les jours. La qualité du fonctionnement de
ces fonctions permet une harmonie entre notre être et le monde extérieur et
conditionne grandement la qualité de vie. La démarche de la psychologie
expérimentale [*] consiste à découper toutes les étapes qui vont par exemple de
la perception au passage à l'acte ou au choix et, par là-même, à définir les
cibles cognitives du médicament. L'illustration de cette démarche est retrouvée
dans l'article de Nichols et Newsome (1999) qui prennent leur source de
réflexion biologique dans le choix d'une pomme sur la table de pique-nique. Ce
choix fait intervenir une succession d'étapes : perception de la taille, de la
couleur ; catégorisation ; association avec l'affectif ; discrimination ;
sélection ; élimination des éléments nuisibles à la prise de décision ;
confrontation à l'expérience acquise (mémoire du goût) ; acte moteur. De telles
étapes se retrouvent ailleurs, dans notre décision de traverser une rue
encombrée de véhicules ou pour le médecin dans l'acte de prescrire un
médicament. Ces quelques exemples démontrent enfin que l'analyse de telles
séquences est complexe car l'ensemble est hautement conditionné par l'émotion,
la vigilance, ou la motivation.
 
2.3 La pathologie
Schématiquement toutes les maladies affectant le SNC possèdent des corrélats
cognitifs qu'il s'agisse de maladies psychiatriques (schizophrénie, anxiété
pathologique, dépression…) ou neurologiques (la maladie d'Alzheimer pouvant être
considérée comme le paradigme de la maladie de la cognition). Les modifications
cognitives constatées sont d'ordre quantitatif (déficit de la mémoire et des
mécanismes attentionnels dans l'Alzheimer) et d'ordre qualitatif (hyperattention
aux stimuli stressants dans l'anxiété ; hypermnésie et focalisation sur les
idées morbides dans la dépression). Ces pathologies de la cognition [*]
constituent certainement la justification primordiale de la pharmacologie de la
cognition qui, alors s'assigne comme but de rétablir un        fonctionnement
normal des étapes et des séquences cognitives perturbées.
 
2.4 Le médico-légal
Partant du principe que la prise de décision, le passage à l'acte et le
comportement résultent d'une succession (rapide dans le temps) de phénomènes
cognitifs, il est tentant d'envisager l'acte final aberrant comme le résultat
d'une anomalie située, dans l'une ou l'autre des séquences en question (boîte
noire). Pour le pharmacologue, il est capital de relier la modification
comportementale ou affective finale à un mécanisme précis ou à un impact
privilégié sur l'une des étapes ou l'un des        processus cognitifs
intervenant dans le traitement de l'information ; à ce titre les psychotropes,
la drogue et les médicaments indiqués dans les démences ont été le plus
travaillés. Parmi les phénomènes anormaux globaux qui interrogent le plus la
pharmacologie de la cognition nous ne citerons que le versant médico-légal soit
les accidents (notamment de la voie publique), les catastrophes, les actes de
violence, le suicide. Mémoire procédurale, attention, incapacité à attendre …
interviennent de manière critique et comme origine de l'acte final.
 
2.5 La bioéthique
Le changement de personnalité constaté chez Phinéas Gage dont le lobe frontal a
été transpercé par une barre à mine vient, selon DAMASIO relier à nouveau un
comportement (ici hors-norme et enfreignant la morale) et une structure
anatomique du système nerveux. Le médicament ou la consommation de substances
illicites interviennent de la même façon (chirurgie chimique ! ) en perturbant
une structure spécifique et localisée qui intervient dans nos capacités de choix
et de comportements (en particulier vis à vis d'autrui). C'est en ce sens que la
pharmacologie de la cognition vient éclairer chimiquement notre réflexion sur la
bioéthique. Ce chapitre est d'actualité tant on passe rapidement aujourd'hui de
la découverte d'un récepteur nouveau dans le SNC (et donc de ses ligands) à
l'administration chez l'homme sain de ces ligands au risque, précisément de
modifier une séquence cognitive sous-tendant l'éthique de nos conduites.
 
2.6 La recherche elle-même
Les processus cognitifs sont à la base même de l'activité intellectuelle du
chercheur, de ses hypothèses et de ses avis. La pharmacologie joue un double
rôle puisque ses ligands lui servent de scalpel dans cette dissection des étapes
et séquences cognitives d'une action ou d'une prise de décision et
qu'inversement le médicament lui-même, en tant que thérapeutique, peut ou bien
améliorer ces fonctions cognitives (la preuve est obtenue lors des essais
cliniques) ou au contraire les détériorer (pharmacovigilance). Enfin le
décryptage de réseaux et de circuits neuronaux sous-tendant telle ou telle
fonction cognitive ouvre la voie de la modélisation et la création de machines
"intelligentes" [*] qui, à la limite, pourront suppléer une défaillance (liée à
la pathologie) dans ces interactions de modules ou de compartiments cognitifs
(concept de pace-maker cognitif, de cyborg). Cette recherche naturellement reste
modeste principalement en raison du caractère personnel et subjectif de notre
compréhension de notre activité mentale et de sa médiation linguistique (lorsque
quelqu'un réagit vivement à un stimulus douloureux, est-ce parce  que le
stimulus nociceptif est intense ou que son seuil de réactivité est abaissée, ou
qu'il exprime plus facilement une perception ?..). De même dans le champ du
langage et des langues, l'identification des structures (donc de circuits et de
processus neurochimiques) assurant ces fonctions [*] permet d'imaginer des
interventions d'ordre pharmacologique à ce niveau         (apprentissage de
langues vivantes ; maintien d'acquisition ; passage du visuel (ex : les
idéogrammes) au conceptuel).
 
3 Postulats de la pharmacologie cognitive
Avant d'envisager les bienfaits ou l'intérêt de la pharmacologie de la
cognition, force est d'admettre (ou de réfuter) des postulats de base, que nous
ne ferons qu'énumérer.
1.Il existe une neurobiologie de la cognition, c'est à dire qu'une fonction
cognitive (ex : la mémoire) ne s'extériorise qu'à travers la mise en activité
d'un réseau spécifique de neurones via la mise en jeu de composés neurochimiques
constituant la cible des substances médicamenteuses.
2.Il existe des outils de mesure, spécifiques de chacune des étapes du phénomène
cognitif. Ces outils, essentiellement psychométriques [*], existent sous forme
de tests, dont le psychologue a pu évaluer, validité, reproductibilité,
sensibilité, spécificité. Ces "thermomètres" cognitifs, malgré leur
informatisation, sont loin d'être parfaits mais ont le mérite, pour la plupart,
d'être sensibles à l'effet des médicaments. Ces tests, enfin ne sont réalisables
qu'en laboratoire spécialisé disposant d'une équipe bien entraînée.
3.Tout médicament du SNC se voit attribuer une cartographie cognitive soit un
descriptif complet de ses impacts sur telle ou telle composante des grandes
fonctions cognitives (exemple : les benzodiazépines diminuent l'empan verbal
autour du pic pharmacocinétique, favorisent le passage à l'acte, respectent
mémoires procédurale et implicite …). Cette cartographie cognitive, obtenue lors
des essais de phase précoce du développement des médicaments permet de guider
les indications thérapeutiques (donc la prescription), d'anticiper les effets
indésirables du champ des comportements et de la cognition    
(pharmacovigilance de la cognition) et surtout, pour des molécules nouvelles, de
pronostiquer des résultats des grands essais de phase III (cette valeur
pronostique découle de la validité écologique des tests employés ; en un mot ce
qui est observé en laboratoire sera retrouvé dans la vie de tous les jours). Une
des difficultés pour le pharmacologue réside dans le fait qu'une cartographie
cognitive est spécifique d'un médicament donné [*] et non globalement d'une
classe pharmacologique particulière.
 
4 Neurobiologie de la cognition
 
4.1 Généralités
Ce bref chapitre n'a d'autres ambitions que de renforcer notre conviction que
des phénomènes biologiques (accessibles au médicament) dans le cerveau sont
associés à des tâches cognitives spécifiques (modulables en qualité et en
quantité par le médicament). Une telle assertion repose sur des travaux
innombrables, réalisés tant chez l'animal que chez l'être humain, et au mieux
résumés dans le manuel de ZIGMOND ET Coll (1999). L'accès à ces données relève
du défi car découlant d'approches très variées possédant toutes leur
vocabulaire, leur technicité, leur méthode et donc leur limite. L'énumération de
quelques acquis doit emprunter des niveaux de grossissement différents.
 
4.2 Localisation d'une fonction
Dans le prolongement des phrénologistes, la neuroimagerie (tomographie
d'émission de positons, [PET-SCAN], la résonance magnétique nucléaire
fonctionnelle [fMRI], la magnétoencéphalographie [MEG]) a permis de mettre en
corrélation une activité localisée du SNC (surtout le cortex) avec l'exécution
d'une tâche cognitive [*]. Les résultats vont au-delà de ce que la
neuropathologie avait apporté (corrélation entre une lésion focalisée et une
pathologie identifiée des fonctions supérieures) démontrant par exemple
l'enrichissement synaptique(?) cortical lors d'un apprentissage, le caractère
disséminé topographiquement de la mise en mémoire chez l'homme, la prise en
charge de deux langues différentes chez un sujet bilingue par des aires
corticales différentes ou encore l'effet d'un médicament sur une structure
anatomique précise (exemple de l'activation métabolique d'un groupe neuronal).
Ces techniques ne renseignent toutefois nullement sur la nature des signaux
encodés ,sur le traitement du signal opéré par la structure visualisée ni encore
sur les interactions fonctionnelles entre structures  anatomiques voisines.
 
4.3 Electrophysiologie [*]
L'électroencéphalographie (EEG) reste un outil privilégié pour le pharmacologue
de la cognition, cet outil pouvant discriminer des profils d'effet sédatifs ou
au contraire stimulants et donc de corréler ces profils à des états (ou des
niveaux) de fonctionnement d'aires cérébrales bien localisées. Les
microélectrodes chez l'animal, les électrodes profondes chez l'homme (utilisées
dans le bilan préchirurgical d'épilepsies résistantes au médicament) ont fait
faire un pas supplémentaire en attribuant à un groupe de neurones localisés un
rôle bien défini (exemple des neurones qui ont en charge l'analyse du mouvement
d'une cible ainsi que sa direction) et surtout en renseignant sur le devenir du
signal (définition de circuits mis en jeu lors d'une activité cognitive ;
notions d'input et d'output). L'électrophysiologie [*] surtout permet de
détecter une activité avant que celle-ci ne soit observable, véritable
observation, par exemple, du travail neuronal dans la prise de décision
(l'activité précède l'acte moteur de quelques secondes).
 
4.4 Neurochimie
Des études couplant électrophysiologie et neurochimie sur des organismes simples
(la mouche) permettent de suivre un événement neurochimique au sein d'un neurone
(le calcium) lors d'une stimulation visuelle. Le neurone ou les groupes de
neurones traitent l'information (dont celle qui sera de l'ordre du cognitif) via
les neurotransmetteurs (donc des récepteurs spécifiques inégalement répartis au
sein du SNC) et des messages intracellulaires qui vont jusqu'au gène (expression
ou répression). C'est sur ces bases qu'il est classique aujourd'hui de
représenter en graphique les étapes conduisant à la mise en     mémoire (Figure
1). Ces étapes neurochimiques on le saisit, représentent des cibles privilégiées
pour le médicament ou des interventions pharmacologiques. Les phénomènes
neurochimiques mis en jeu lors d'une tâche cognitive donnée risquent d'être
encore mieux connus grâce à l'arrivée de techniques optiques, non traumatisantes
(CCD caméras) et applicables in vivo.
 
4.5 La génétique
Bien que pour le moment non accessibles au médicament, certains gènes pourraient
coder soit des traits de personnalité, soit des comportements soit enfin des
performances cognitives. C'est le sens de l'article de PLOMIN (1999) qui
s'interroge sur les gènes qui pourraient contribuer à la capacité cognitive
générale (g) souvent dénommée intelligence générale, qui dans la        
population obéit à une loi normale (du handicap mental modéré à l'extrême
intelligence). Ce paramètre (g) est un score composite obtenu par analyse en
composantes principales qui possède une haute prédictivité des réussites
sociales scolaires et professionnelles et qui semble reposer sur la qualité des
fonctions exécutives et de la vitesse de traitement de l'information par le
cerveau. La question posée est bien celle de la transmissibilité du gène codant
pour (g), objet des études de la génomique fonctionnelle (ou génomique
comportementale). Pour le moment des pistes concernent la démence (et le gène de
l'apolipoprotéine E) ou la dyslexie (et des gènes situés sur le bras court du
chromosome 6). L'intérêt de cette approche est illustré par la phénylcétonurie,
maladie génétique dont le retard mental, à terme, peut être prévenu par un
simple régime alimentaire. La génétique des fonctions supérieures du cerveau [*]
est à l'ordre du jour même si le sous-titre du film de science fiction Gattaca
ne nous y encourage guère : "il n'y a pas de gène de l'esprit humain". Parmi les
fonctions cognitives les plus étudiées sur ces bases, l'apprentissage et la
mémorisation dominent largement et laissent même suggérer l'intervention de ces
gènes lors du développement du SNC (voir l'étude de SANDERSON et Coll. (1999)
comparant les volumes amygdalo- hippocampiques dans des groupes de
schizophrènes, de sujets jeunes ayant un handicap à l'apprentissage intellectuel
ou les deux [comorbidité]).
 
5 Méthodes d'étude
 
5.1 Généralités
Les médicaments susceptibles d'améliorer les fonctions cognitives agiront
principalement de manière symptomatique selon le principe de la supplémentation
(exemple de lévodopa précurseur d'un neurotransmetteur, la dopamine, ou des
cholinestérasiques épargnant l'acétylcholine résiduelle dans la maladie
d'Alzheimer). Une autre approche physiopathologique cette fois, visera à
antagoniser (préventif ou curatif) un processus générateur de mort cellulaire
dans un des circuits neuronaux, impliqués dans les fonctions en question
(concept de neurocytoprotection). Enfin, il est important d'anticiper et de
prévoir les effets déletères des médicaments sur les différentes étapes et
séquences de la cognition ; c'est le chapitre de la pharmacovigilance
prévisionnelle. Les méthodes utilisées relèvent donc de l'évaluation des effets
d'une substance, selon les méthodologies usuelles (phases I et II), la seule
originalité étant ici le critère principal d'évaluation, la cognition.
Parallèlement les outils de mesure choisis doivent être simplifiés et
utilisables de manière répétée? ce qui d'emblée fait comprendre que les
techniques du pharmacologue peuvent apparaître rudimentaires face à celles
employées en physiologie humaine ou en     neuroimagerie. L'étiquette "recherche
clinique" bat son plein surtout lorsque l'on réalise que l'évaluation peut
porter sur des ligands nouveaux [*] spécifiques de récepteurs sous-tendant des
fonctions totalement inconnues (pourquoi pas sur l'intellect) chez l'homme à
l'heure actuelle (exemples : récepteurs aux cytokines, au NPY, aux tackykinines,
aux facteurs neurotrophiques, etc…).
 
5.2 Critères psychométriques ; tests
Sans être exhaustif, le tableau II rassemble quelques tests couramment utilisés
dans l'établissement de la cartographie cognitive des médicaments. Il
conviendrait d'y adjoindre de nombreux tests soit généraux comme le test du
double-codage (dual-coding test) renseignant sur la vitesse de traitement de
l'information par le cerveau et surtout l'ensemble des épreuves explorant
les         performances de mémorisation, dans toutes ses composantes (rappel
différé de mots et d'images ; rappel immédiat ; reconnaissance ; test de Grober
et Buschke ; rappel d'une histoire ; tour de Hanoï visant à explorer la mémoire
implicite …). Le caractère limité de cette énumération s'explique par notre
souci de ne recourir qu'à des épreuves potentiellement informatisables et qui se
sont révélées sensibles (mobilisables) par des substances médicamenteuses
connues (substances dites de référence ou comparateur actif ). Le revers de la
médaille est que cette liste ne permet pas d'explorer l'ensemble des phénomènes
cognitifs et que, pour des raisons historiques (les médicaments à l'époque
étaient classés en sédatifs ou en stimulants) la vigilance,         l'attention
et la vitesse de réaction psychomotrice font l'objet du maximum de tests
disponibles. Ces tests de laboratoire sont des critères intermédiaires
(surrogate endpoints) et sont corrélés aux performances à des tâches plus
complexes (mais plus réelles) telles la conduite automobile (voir PATAT 1998) ou
la simulation de vol.
 
6 Quelques résultats obtenus
 
6.1 Généralités
Plutôt que de reprendre systématiquement l'ensemble des travaux réalisés sur le
sujet, l'optique sera de sélectionner quelques travaux (publiés), en priorité
ceux de notre équipe de recherche, qui semblent représentatifs des avancées dans
ce domaine.
 
6.2 Les médicaments étudiés
Le tableau III démontre qu'à côté des psychotropes (antidépresseurs,
antipsychotiques) diverses médications ont été analysées dans le double objectif
soit d'en vérifier la sécurité cognitive soit d'en détecter des effets
bénéfiques sur certaines composantes de la mémoire. Lors de chaque étude, les
valeurs des scores dans le groupe placebo renseignent sur la "norme" selon les
tranches d'âge de la population incluse et surtout l'évolution dans le temps
d'une composante cognitive. Le recours systématique à l'administration de deux
posologies différentes autorise l'établissement de courbes effet-dose et, lors
d'une pharmacocinétique (PK) associée, la recherche de la relation mathématique
reliant les concentrations plasmatiques à la performance (ou la capacité)
cognitive.
 
6.3 L'impact cognitif
Le tableau IV permet schématiquement, d'emblée, de se faire une idée sur le
retentissement des psychotropes sur les diverses composantes de la mémoire
explicite (déclarative) ou implicite (procédurale). Comme souligné plus haut,
des différences existent selon les produits d'une même classe. Aussi dans le
champ des anxiolytiques, le clobazam, l'hydroxyzine ou la buspirone
n'extériorisent pas les effets délétères reconnus aux benzodiazépines (BZD) ; de
même à faible dose, les BZD pourraient se    comporter comme promnésiantes [*]
en notant, à propos de cette classe, que la susceptibilité des sujets (exemple
de l'existence de traits anxieux) modifie la réponse au médicament (démontré
avec le bromazepam sur la capacité à attendre). Dans le domaine des
antidépresseurs, il est clair qu'un des grands progrès récents de la
pharmacologie a été de développer des produits puissants, ne possédant plus
l'impact délétère sur la cognition des ancêtres tricycliques (exemple de la
venlafaxine, de la     mirtazapine ou de la befloxatone) ; au passage, il est
instructif de relire les travaux comparatifs des nombreux inhibiteurs de la
recapture de la sérotonine (IRS) laissant suggérer de grandes différences en
particulier en terme de vitesse de réaction psychomotrice et de vigilance [*].
Les hypnotiques enfin constituent un champ privilégié de recherche puisque par
définition, au réveil et durant la journée, tout effet pharmacodynamique, devra
être absent ; l'excellente qualité du réveil et l'absence d'interactions avec
les performances cognitives ont pu être démontrées avec les hypnotiques non
benzodiazépiniques [zopiclone, zolpidem].
 
6.4 Les médicaments de la pathologie de la cognition
Beaucoup d'efforts ont été consacrés à la pathologie la plus évidente des
fonctions cognitives, à savoir certaines formes évolutives du vieillissement
cérébral et les démences, dont la Maladie d'Alzheimer. Les
anticholinésteratiques, lancés sur le marché avec la tacrine, avaient quelque
peu brûlé les étapes de la pharmacologie de la cognition ce qui explique la
surprise a posteriori de constater leur impact privilégié non sur la mémoire
stricto-sensu mais plus sur les mécanismes attentionnels, la "présence au monde"
et les troubles comportementaux (jugés en phase III par l'échelle NPI).Sans que
les indications thérapeutiques n'aient pu être clairement délimitées, le
chapitre des facilitateurs cognitifs (cognitive enhancers) reste encore l'une
des approches les plus fascinantes de la pharmacologie de la cognition, puisqu'à
travers des mécanismes variés         (métabolisme neuronal, fluidité
membranaire, oxygénation cérébrale …) ces médicaments améliorent nombre des
étapes des grands processus de la cognition. L'ensemble des médicaments qui
pourrait rentrer dans ce chapitre pose avec acuité la question de l'indication
ou de l'emploi, à réserver bien évidemment à la pathologie et non dans un but de
dopage "intellectuel".
 
7 Conclusion
Le champ d'application de la Pharmacologie de la cognition est vaste, bien
qu'encore à ses balbutiements.

1.Sur un plan pratique, l'obtention de la carte cognitive des médicaments guide
le prescripteur tant dans les indications que dans les choix comparatifs d'un
médicament à l'intérieur d'une même classe pharmacologique. Pour l'industrie du
médicament cette étape du développement est essentielle, véritable garantie des
essais de phase III ultérieurs et soutien du libellé de l'autorisation de mise
sur le marché (AMM). Pour le publicitaire et le journaliste, les résultats
obtenus permettent d'être conforme à la     législation et honnête vis à vis du
consommateur.

2.Pour l'homme de laboratoire ou de la recherche clinique, la démarche
entreprise permet de valider chez l'homme les données obtenues en période
pré-clinique, attribuant par exemple un rôle clé à tel ou tel récepteur dans
l'émergence ou la fonctionnalité d'une fonction cognitive (exemple : récepteur
AMPA au glutamate et mémorisation ; récepteurs dopaminergiques D1 et mémoire de
travail…). La possibilité de mettre en évidence un effet pharmacologique dans la
mécanique de la cognition laisse entrevoir des perspectives d' "utilisation" de
récepteurs et de mécanismes nouveaux, tels ceux empruntés par les drogues et les
hallucinogènes.

3.Enfin sur un plan heuristique, la pharmacologie grâce à la sélectivité de ses
impacts, apparaît comme un outil supplémentaire pour analyser la mécanique
biologique du SNC autorisant l'hypothèse de l'existence d'une biologie de la
conscience ou de notre mémoire autobiographique. Tout ceci peut apparaître
fantaisiste, mais alors DAMASIO l'est aussi : "je serais ainsi prêt à avancer
que presque toute la machinerie présente derrière la conscience-noyau et la
formation du Soi-central est contrôlée en grande partie par les gènes" (1999).
Après tout la neuropharmacologie a déjà su traiter des symptômes et des maladies
sans trop bien savoir comment ! .
 
 
Merci à Mademoiselle Patricia GERARD qui a aimablement dactylographié ce texte
(test cognitif!).Tous nos remerciements s'adressent également à tous les acteurs
de BIOTRIAL SA (www.biotrial.com), de l'équipe de recherche URU 331 de
l'Université de Rennes 1 (www.med.univ-rennes1.fr/) ainsi que des départements
d'informatique médicale (Pr LE BEUX) et de Santé Publique (Pr CHAPERON).
 
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Bioéthique :
la notion de personne dans la recherche biomédicale
H. Allain
Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, av du Pr. Léon Bernard 35043 Rennes cedex
 
mis à jour le 15 juin 1999
1 Introduction
2 Définitions
2.1 La recherche biomédicale
2.2 La personne
3 L'exemple du médicament
3.1 Le retour aux sources
3.2 La pharmacologie clinique : l'actualité     4 L'intervention du juridique
4.1 Les exemples historiques
4.2 Les codes et les loi
5 Conséquences pratiques
5.1 Quelques postulats
5.2 Les points forts éthiques en pharmacologie clinique
6 Conclusion
1 Introduction

L'interface entre l'éthique et la recherche biomédicale est parfaitement
illustrée par la recherche sur le médicament chez l'homme (pharmacologie
clinique). Ceci justifie que cet enseignement soit fait par ceux qui sont
confrontés quotidiennement à la question du respect de la personne, dans le
cadre de leur activité de recherche. Des documents sont indispensables pour
aborder cette réflexion (bibliographie) et tenter de répondre à la double
question : 1) Y-a-t-il incompatibilité entre recherche biomédicale (activité
impliquant l'être humain) et la personne ? 2) Quelle est la place de la personne
dans la dynamique scientifique de la recherche biomédicale?
2 Définitions

Apposer deux termes, Recherche et Personne, dans un souci d'appronfondissement
des idées implique des définitions sur lesquelles notre raisonnement sera fondé
:
2.1 La recherche biomédicale :

Toute activité contribuant in fine  à un progrès dans la connaissance de la
biologie humaine, des malades et de la thérapeutique.
2.2 La personne :

- Individu de l’espèce humaine considéré en tant que sujet conscient et libre.
- Etre individuel, en tant qu’il possède, la conscience, l’unité, la continuité
de la vie mentale, la liberté et sur le plan éthique la capacité de distinguer
le bien du mal et de se déterminer par des motifs dont il puisse justifer la
valeur devant d’autres êtres raisonnables.

La connotation médicale découle par ailleurs du caractère sain ou malade de la
personne considérée ; cette réflexion est capitale car précisément les études de
pharmacologie clinique concernent aussi bien des êtres humains sains (notamment
dans la recherche clinique sans bénéfice direct) que des malades. D'emblée cette
distinction de la santé et de la maladie peut être imprécise (les psychiatres
soviétiques opposants au régime étaient-ils sains d'esprit ou psychiatriquement
malades ?) ; cette remarque soulève d'anciens débats : 1) le normal et le
pathologique (relire Canguilhem) ; 2) la norme (dont la valeur n'est référable
qu'à l'individu et à sa relation particulière au milieu qui l'entoure) ; 3) la
maladie (considérée comme un écart à une moyenne pré-existante et une anormalité
collective conduisant à évincer la question du sens de la maladie) ; 4) la
biologisation (souvent inutile) du psychologique, du social et du politique.
3 L'exemple du médicament
3.1 Le retour aux sources

Rappelons qu'en grec le mot TO PHARMAKON renvoie à trois acceptions : 1) le
remède (c'est en ce sens que le médecin prescrit et que le pharmacologue
cherche) ; 2) le poison (dimension que l'on cherche à éviter où à minimiser
aujourd'hui) ; 3) le principe pour penser l'âme elle-même et plus
particulièrement la relation de la mémoire et de l'oubli.

Ce dernier sens ouvre le débat philosophique de l'interaction
individu/médicament, parfaitement analysé dans la thèse de C. LEFEVE (1996) et
illustré par le mythe de Theuth (dans le Phèdre de Socrate), divinité égyptienne
qui invente la science du nombre et de l'écriture et pourtant reçoit un accueil
des plus critiques de la part du Roi Thamous (l'écriture est le poison de la
mémoire vivante).
3.2 La pharmacologie clinique : l'actualité

 3.2.1 Schématiquement, la pharmacologie clinique (pan important de la recherche
clinique et biomédicale) vise à étudier les propriétés et les effets d'une
molécule chez l'être humain. Une double interrogation éthique découle de la
lecture de cet objectif : d'une part, la molécule n'est autre que le TO
PHARMAKON (et ses trois significations et effets potentiels) ; d'autre part,
l'objet de la recherche étant la connaissance du produit en évaluation, l'être
humain risque d'emblée d'être relégué au second plan avec affaiblissement de la
notion de personne.

 3.2.2 Ce point source d'interrogation morale, est souvent estompé par une
réglementation délibérément encourageante et sans limite ; en effet ces études
de substances sont obligatoires et conduisent à l'autorisation de mise sur le
marché (AMM) qui donne donc, enfin, au produit jusque là à l'étude, le label de
médicament (objet technique aux effets prouvés, disponibles en pharmacie et
soignant ou guérissant les malades). Le but ultime de cette recherche apparaît
donc d'emblée noble et moral, évinçant, en conséquence des interrogations
éthiques pourtant justifiées.

 3.2.3 Ces études de molécules nouvelles à évaluer chez l'homme sain puis
malade, s'appellent les essais cliniques, traduction approximative des termes
Anglais Clinical Trials, trial signifiant jugement, évaluation. Ces essais
cliniques se déroulent chronologiquement en trois phases, les 3 premières
(phases I, II et III) se situant en amont de l'AMM, la phase IV correspondant
aux études suivant la commercialisation du médicament ; les phases I (recherche
de la sécurité du produit ainsi que des posologies optimales) et II (définition
des activités du produit) se déroulent chez le volontaire sain ; la phase III
est comparative, chez le malade, sur de grands échantillons de sujets et tente
de résoudre une hypothèse statistique. Fait important, toute ces étapes sont
réalisées sur des groupes de sujets, moyennés, échantillonnés, l'individu et
donc la personne humaine disparaissant au profit du collectif et des populations
à comparer. Le placebo, ersatz ou simulacre de médicament (substance sans
activité) est souvent utilisé comme comparateur dans les protocoles,
systématiquement en double aveugle (ni le sujet ni le médecin ne savent si c'est
le placebo ou la substance active qui est administrée). Ces conditions
méthodologiques, strictes et imposées par la science dans le cadre de la
méthodologie des essais cliniques) soulèvent à l'évidence et intuitivement
d'importantes questions morales qui, on le devine, font systématiquement l'objet
de débat lors de l'élaboration du protocole de recherche ainsi qu'à chaque étape
de son déroulement.
Ces propos sur la méthodologie (imposée), le sens de cette recherche biomédicale
(a priori de haute valeur morale), la place du chercheur (obéissant à des
principes et à une technicité inébranlables) nous placent au coeur de la
discussion concernant l'interface Recherche Biomédicale/ Personne Humaine.
4 L'intervention du juridique (Tableau II)
4.1 Les exemples historiques

La recherche biomédicale ne date pas des 5 dernières années, encore moins la
"pharmacologie clinique" ou la méthodologie. L'histoire de la recherche clinique
est instructive à plus d'un titre car nous interroge non seulement sur le
manquement à l'éthique de certains médecins ou physiologistes mais encore sur le
pourquoi de ces atrocités menées collectivement. Quelques points forts se
dégagent pour avancer à partir des exemples du Tableau II : la notion de
personne juridique (esclave ; origines géographiques) ; l'altérité
("connaissance" et "conscience" de l'autre, de son histoire personnelle) ; les
minorités (saines ou malades) ; la norme (notamment idéologique ou politique) ;
la liberté (les prisonniers, les handicapés). C'est à partir de ces quelques
exemples que nous pouvons redonner un sens aux définitions et aux questions
posées plus haut (ce chapitre fait l'objet d'une série de cas pratiques).
4.2 Les codes et les lois

Véritable prise de conscience, le juridique intervient au décours immédiat de la
seconde guerre Mondiale. En France, le 20 décembre 1988 est promulguée la loi
Huriet-Sérusclat dont l'optique essentielle est de protéger la personne qui se
prête à la recherche biomédicale ; son application a fait naître les Comités
Consultatifs de Protection des Personnes se prêtant à la Recherche Biomédicale
(CCPPRB), a introduit les notions de recherche avec ou au contraire sans
bénéfice direct (pour l'individu) ainsi que de consentement éclairé (écrit,
signé, obligatoire). Les lieux où cette recherche est dorénavant possible sont
limités (agrément). Les sanctions sont prévues. Le politique, au niveau européen
et Mondial intervient aujourd'hui régulièrement sur la question que nous
aborderons aujourd'hui, voir tableau III, l'intervention du Président Bill
Clinton à propos des patients syphilitiques non traités ... juste pour suivre
l'évolution naturelle de la maladie). (Ce chapître fait l'objet d'une série de
cas pratiques).
5 Conséquences pratiques
5.1 Quelques postulats

Que l'on soit acteur de la recherche biomédicale ou consommateur des résultats
ou médecin prescripteur, les 7 postulats résumés dans le tableau IV doivent
rester un permanence à l'esprit. Malgré leur simplicité voire leur évidence, ils
sont le fruit de réflexions éthiques sur, précisément, la recherche
thérapeutique.
5.2 Les points forts éthiques en pharmacologie clinique

L'ensemble des lignes précédentes ne doit être conçu que comme une amorçe à un
désir de participer activement à la réflexion sur les conséquences pratiques de
la bioéthique sur la recherche biomédicale et vice-versa (Tableau V). A titre
d'exemple le site EACH (http : //www.each.be/) doit être interrogé en cliquant
sur le chapître ETHICS (réalisé de manière pédagogique par l'Institut de
Philosophie de Maastricht) ; parallèlement, le débat par CAPLAN et VENTER sur
les clones humains sans tête, destinés à servir de source d'organes à
transplanter est intéressant à discuter (1997).
6 Conclusion  

- Réponse aux questions initiales : 1) Il n'y a pas incompatibilité entre
recherche biomédicale et la notion de personne. 2) La place de l'individu et de
la personne doit être discutée au cas par cas, par des groupes de personnes
neutres "en éveil" et sensibilisées à la notion d'innovation et de respect de
l'individu.

- Citons Valadier : "En morale, personne ne peut se prévaloir d'être adulte,
c'est à dire dans la pleine possession d'une conscience morale avertie, décidant
par soi seule et dans la certitude tranquille de son bon droit. L'adulte en
morale est au contraire celui qui sait qu'il a besoin d'être éveillé, secoué,
interpellé, contesté pour que surgisse en lui une exigence morale véritable".

- Une question : que dira-t-on dans 50 ans de nos pratiques de recherche
biomédicale ?
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La santé face aux droits de l'homme à l'éthique et aux morales. 120 cas
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DICTIONNAIRE PERMANENT BIOETHIQUE ET BIOTECHNOLOGIES
Editions Législatives

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Repères et situations éthiques en médecine
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Ethics : sending out the message
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Les particularités du consentement dans les situations de recherche
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C. LEFEVE
Individu et médicament
Synthèse de DEA d'histoire et de philosophie
La Sorbonne/Panthéon
Bioéthique II
Ethique et recherche médicale
H. Allain et al.
Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, av du Pr. Léon Bernard 35043 Rennes cedex
 
mis à jour le 15 juin 1999
1 Introduction génerale
1.1 Le séminaire
1.2 L'objectif
1.3 La méthode
1.4 Les prérequis
1.5 La technique
1.6 Références
1.7 Exemples de réflexion
2 L'éthique du chercheur
2.1 Bases de réflexion
2.2 Exemples de réflexion
2.3 Interactions
2.4 Commentaires
2.5 Références
3 L'éthique dans les essais cliniques
3.1 Bases de réflexion
3.2 Exemples de réflexion
3.3 Interrogations
3.4 Commentaires
3.5 Références
4 La neuropsychopharmacologie et l'éthique
4.1 Bases de réflexion
4.2 Exemples de réflexion
4.3 Interrogations
4.4 Commentaires
4.5 Références
5 La recherche clinique et la fraude
5.1 Bases de réflexion     5.2 Exemples de réflexion
5.3 Interrogations
5.4 Commentaires
5.5 Références
6 Ethique et Internet
6.1 Bases de réflexion
6.2 Applications
6.3 Interrogations
6.4 Commentaires
6.5 Bibliographie
7 L'ethique et la sécurité
7.1 Bases de réflexion
7.2 Exemples de réflexion
7.3 Interrogations
7.4 Commentaires
7.5 Références
8 Ethique, recherche médicale et religion
8.1 Bases de la réflexion
8.2 Exemples de réflexion
9 Un exemple de l'entorse à l'éthique : la médecine nazie
10 Figures libres
11 Ethique et pathologie tropicale
11.1 Bases de réflexion
11.2 Exemples de réflexion
11.3 Interrogations
12 Ethique et recherche en chirurgie
12.1 Base de réflexion
12.2 Interrogations
CHAPITRES EVOQUES DANS LE SEMINAIRE :
ETHIQUE ET RECHERCHE MEDICALE

1 - Introduction générale
2 - L'Ethique du chercheur
3 - L'Ethique dans les essais cliniques
4 - L'Ethique et la sécurité
5 - La Fraude
6 - Le Cerveau Ethique
7 - Ethique et Médecine Virtuelle
8 - Ethique et Recherche Epidémiologique
9 - Ethique et Statistiques
10 - La Recherche médicale et les pays émergents
11 - L'Euthanasie
12 - Recherche clinique et Maladie d'Alzheimer
13 - L'Ethique médicale sur l'Internet
14 - La Neuropsychopharmacologie et l'Ethique
15 - Ethique médicale et religion
16 - Ethique, loi et maladie mentale
17 - Exemple de l'entorse à l'Ethique : la médecine Nazie
18 - Recherche médicale, financement, argent
19 - Ethique et Recherche en Chirurgie
20 - Figures Libres (cas à discuter)
    

H. ALLAIN
H. ALLAIN
H. ALLAIN
H. ALLAIN
S. SCHUCK
O. SABOURAUD
P. LE BEUX
J. CHAPERON
M. KERBAOL
C. GUIGUEN
O. MICHEL
O. MICHEL
P-Y. ALLAIN
H. ALLAIN
VERSPIEREN
LACHAUX
H. ALLAIN

B. LAUNOIS

 
 
1 Introduction générale

H. ALLAIN Pharmacologie Université de Rennes I
1.1 Le séminaire
Le séminaire intitulé Recherche Clinique et Ethique Biomédicale s'adresse, dans
le cadre du cursus des études médicales, à tous les étudiants des 4ème, 5ème et
6ème année de médecine de la Faculté de Médecine.
1.2 L'objectif
L'objectif est de formaliser quelques pistes de réflexion éthique à propos des
activités de Recherche Clinique en Médecine ; charge à l'étudiant, ensuite, lors
de ses stages pratiques, ou lors de sa participation à des travaux de recherche
de situer les interrogations générales qui vont suivre, d'entamer une discussion
structurée sur le bien et le mal lors des décisions concernant recherche et
innovation, de vivre avec enthousiasme le progrès médical en dehors de toute
naïveté, inconscience, ou sectarisme ("Par définition la recherche biomédicale
est orientée vers le bien").
1.3 La méthode
La méthode repose sur la réflexion, cas par cas, par compagnonage, en sachant se
poser et poser à autrui la juste question. Les chapitres qui suivent ne doivent
être considérés que comme un canevas face soit à la routine de la Recherche
Clinique (ex : les essais cliniques) soit à l'avant-garde (ex : la recherche
virtuelle). Le respect de l'Autre et de la Personne Humaine doit rester en
première ligne dans la réflexion éthique, en particulier pour le futur médecin.
1.4 Les prérequis
Les prérequis sont, outre les cours de bioéthique dispensés en première année de
Médecine, les enseignements dits de "sciences fondamentales" ainsi que sa propre
histoire et ses rapports avec sa morale individuelle.
1.5 La technique

La technique employée dans ce séminaire repose sur l'exposé des thématiques, un
échange interindividuel puis un rapport écrit d'expériences et de confrontations
dans le champ de l'éthique, lors de ces dernières années d'apprentissage
théorique de la médecine. Ces bases seront insérées sur Internet dans le cadre
de l'enseignement télématique de la Pharmacologie :
http://www.med.univ-rennes1.fr/etud/pharmaco

Quelques livres, documents ou adresses électroniques pourront être consultées
(Tableau I). Les chapitres "modulables" actuels ou à paraître apparaissent dans
le Tableau II.
1.6 Références
BELET D.
Vers un marketing de la recherche universitaire.
Revue Française de Gestion 1996 ; 103 : 45-56.

BUTLER D., FLEAUX R.
Les journaux scientifiques sont menacés par la concurrence d'Internet.
Le Monde 1999 (22 Janvier) : p 21.

DUBOIS J.
L'entreprise apprenante.
Projet 1995 ; 244 : 71-80.

LEBRUN Ch.
Le sujet créateur du Futur. De l'insensé au sens ou la naissance du sujet.
Futuribles 1998 (Octobre) : 5-26.

SALOMON J.J.
La science et se malaises.
Futuribles 1998 (Novembre) : 25-38.

AUDI P.
Supériorité de l'éthique. De Schopenhauer à Wittgenstein. PUF, "Perspectives
Critiques" (Paris) 1999 ; pp 248.

ILLICH I.
Un facteur pathogène prédominant. L'obsession de la santé parfaite.
Le Monde Diplômatique 1999, (mars) : 28.
1.7 Exemples de réflexion
Des manuels et les livres

1 - REPERES ET SITUATIONS ETHIQUES EN MEDECINE. Coordination : Francis GOLD,
Patrick CHOUTET, Emmanuelle BURFIN, Ellipses (Paris) 1996 ; pp 239

2 - La BIOETHIQUE - Guy DURAND - CERF-FIDES (Québec) 1997 ; pp 128

3 - ETHIQUE MEDICALE OU BIOETHIQUE. Christian HERVE. L'Harmattan (Paris) 1997 ;
pp 159

4 - PHILOSOPHIE, ETHIQUE ET DROIT DE LA MEDECINE. Dominique FOLSCHELD ; Brigitte
FEUILLET - LE MINTIER ; Jean-François MATTEI. Presses Universitaires de France
(Paris) 1997 ; pp 665

5 - ANNUAIRE DES MALADIES RARES. ORPHANET. Editions INSERM (Paris) 1998 ; pp 752

6 - LES NORMES INTERNATIONALES DE LA BIOETHIQUE. Noëlle LENOIR, Bertrand
MATHIEU. Que sais-je ? Presses Universitaires de France (Paris) 1998 ; pp 127

7 - TETRALOGIQUES N°9. QUESTIONS D'ETHIQUE. ANTHROPOLOGIE CLINIQUE. Jean
GAGNEPAIN. Presses Universitaires de Rennes (Rennes) 1994 ; pp 206

8 - LA SANTE FACE AUX DROITS DE L'HOMME A L'ETHIQUE ET AUX MORALES. 120 CAS
PRATIQUES. Réseau Europeen "Médecine et droits de l'homme". Editions du Conseil
de l'Europe (Strasbourg) 1996 ; pp 500

9 - LA RELIGION, LES MAUX, LES VICES. Alain HOUZIAUX. Presses de la Renaissance
(Paris) 1998 ; pp 234

10 - SCIENCES ET POUVOIRS. La démocratie face à la technoscience. Isabelle
STENGERS. Editions La Découverte (Paris) 1997 ; pp 120

Les sites internet/éthique

    * Loi Huriet dans son intégralité  :
http://www.infobiogen.fr/sdv/ethique.html
    * Site général sur l'éthique médicale :
http://mistral.erc.vmontreal.ca/~goldsted/hist.html
    * Déontologie et serments médicaux :
http://www.cybercable.tm.fr/~biblioa/serments_medicaux.html
    * Conseil de l'Europe. Bioéthique : http://www.coc.fr/oviedo/prot-f.htm
    * Bioéthique et Maladie d'Alzheimer : http://www.each.be  

2 L'éthique du chercheur

H. ALLAIN Pharmacologie Université de Rennes I
2.1 Bases de réflexion
Le chercheur reste personnellement responsable de ses travaux jusqu'à leur
diffusion. Cette responsabilité est avalisée par des comités d'éthique
indépendants qui examinent a priori toute recherche sur l'homme ou sur les
tissus humains. Etre chercheur implique obligatoirement une équipe d'êtres
humains, différents par leur sexe, leur âge, leur degré de savoir, leur
complémentarité, ce qui signifie la nécessité d'une harmonie morale et une
qualité de relation humaine. Les fondements moraux de cette relation sont
individuels. Les décisions politiques dépendent de plus en plus souvent des
résultats de la recherche d'où le risque qu'un petit nombre de chercheurs
devienne des figures médiatiques, des penseurs professionnels, ou des leviers
incontournables au sein des institutions. Les liens obligatoires entre la
recherche publique et ses applications, donc le monde industriel et l'économie,
impliquent une transparence des liens financiers et des conflits d'intérêt. Le
public et les décideurs doivent s'appuyer avec confiance sur les résultats de la
recherche.
2.2 Exemples de réflexion
L'histoire de la Recherche Médicale abonde d'exemples où le chercheur ne
respecte pas l'éthique. Ces exemples sont rarement mis sur la place publique,
les affaires étant le plus souvent réglées par des Commissions ad hoc ou encore
non analysées, notamment par les victimes (cf : le harcèlement). Les cas
fréquents d'entorse à l'éthique, semblent plus éthérés : 1) appropriation des
travaux d'autrui ; 2) absence de citation ou de mention de l'auteur princeps ou
du découvreur original (voir le conflit sur le "découvreur" du virus HIV) ; 3)
médiatisation d'une théorie ou d'une technique dans son propre intérêt (pouvoir,
gloire, argent) ; 4) pathologie psychiatrique ou trait de personnalité (non
incompatible avec un haut degré d'intelligence ou de technicité) conditionnant
les conduites du chercheur.
2.3 Interactions
. Profil psychologique du chercheur.
. Conséquences sur l'équipe de la conduite du chercheur.
. Souffrance de l'Autre.
. Rapport à terme entre la performance scientifique et l'éthique du chercheur.
. Mécanismes et systèmes régulant l'éthique d'un chercheur ou d'une équipe.
. Ethique et performance / notoriété d'une équipe de recherche.
2.4 Commentaires
- La spécificité de ce chapitre tient en grande partie à l'objet même de la
recherche (ici biomédicale).
- Le climat de compétition extrême régnant en recherche médicale peut expliquer
la fréquence des déviances et des prises de risque.
- Le pouvoir d'attraction (notamment pour les plus jeunes) des "gagneurs sans
morale" est à souligner.
- En prévention, il peut être proposé d'éviter les 7 péchés capitaux du
chercheur (Tableau III).
2.5 Références
M.F. HIRIGOYEN
Le Harcèlement moral. La violence perverse au quotidien. Syros (Paris) 1998, pp
213.

H. ALLAIN
Biologie et pharmacologie des comportements violents. Neuro-Psy 1997 : 12 :
441-447.

P. BEAUCHAMP
La violence dans la Bible. Etudes (Avril n° 3904) 1999 ; 483-496.

E. ARON
Le docteur François Rabelais. Editions CLD (Chambray-lès-Tours) 1993 ; pp 213.

 

LES 7 PECHES CAPITAUX DU CHERCHEUR

1 - Omission  : Jamais dans tes références bibliographiques tu ne citeras ton
collègue  ou les équipes françaises

2 - Jalousie  : Toujours tu jalouseras ton équivalent

3 - Délation  : Par tous les moyens tu abaisseras ton concurrent scientifique

4 - Génération  : Le plus possible tu écraseras et exploiteras le plus jeune

5 - Argent  : Jamais tu ne partageras les bénéfices directs ou indirects de la
recherche

6 - Temps  : Jamais tu ne réfléchiras à la fugacité de ta personne, de ton
oeuvre et de ta recherche

7 - L'Autre  : Toujours tu considéreras l'autre comme ta chose au service de ta
gloire éphémère
3 L'éthique dans les essais cliniques

H. ALLAIN Pharmacologie Université de Rennes I
3.1 Bases de réflexion
Les essais cliniques sont imposés par la loi et la réglementation (Loi
Huriet-Serusclat de 1988). Ils représentent la section Humaine du développement
d'un médicament. De la phase I à la phase III, les recherches entreprises chez
l'homme conduiront à l'autorisation de mise sur le marché (AMM) permettant la
commercialisation, dans tous les états membres de l'Union Européenne, grâce
aujourd'hui à l'AMM européenne (EMEA). Ces expérimentations humaines sont
soumises aux règles du Guide des Bonnes Pratiques cliniques et avalisées, a
priori, par les CCPPPRB. Par définition l'essai clinique soulève d'importantes
questions d'ordre moral tant globales (il est immoral de se servir de l'être
humain comme support d'une recherche) que ponctuelles (chaque étape de l'essai
et de sa réalisation doit être confrontée à sa dimension éthique).
3.2 Exemples de réflexion
3.2.1 L'objectif de l'essai
La classification des expérimentations en deux catégories avec ou sans bénéfice
direct pour l'être humain, a le mérite de lever toute ambigüité vis à vis de la
participation du sujet dans l'étude. Savoir dans quelle type de catégories se
situe le travail projeté n'est pas toujours simple (ex : le bénéfice direct
est-il immédiat ou potentiellement probable ? Dès la phase IIb, certains sujets
pourront-ils être améliorés ?...).
3.2.2 L'obtention du consentement éclairé
Cette étape est obligatoire mais nécessiterait une réflexion sur les conditions
de l'obtention de ce consentement éclairé à signer (supplice des brodequins ;
arguments fallacieux ou détournés ; qualité des explications sur le devenir d'un
tissu d'un embryon ou d'un organe prélevé ...). De même, certains sujets du fait
de leur condition de santé (démence, psychiatrie ...), de statut (les
prisonniers, les sans-papiers, les minorités, les institutionalisés ...) ou
d'âge (le nourrisson, le sujet très âgé ...) peuvent faire l'objet d'un biais
d'obtention du consentement.
3.2.3 Le placebo
S'il est clair que le placebo ne doit pas être utilisé lorsque le devenir du
sujet peut être compromis ou lorsqu'existe un traitement alternatif efficace
(thérapeutique de référence), il importe de s'arrêter sur deux questions :

1) A-t-on clairement expliqué au sujet qu'il avait un(e) "risque/chance" d'être
exposé au placebo ?

2) A-t-on vérifié techniquement que le placebo est strictement identique au
Verum (moyennant quoi le double-aveugle devient un leurre, les résultats
tronqués, l'expérimentation insensée...). Rappelons enfin qu'être inclus dans le
groupe placebo peut parfois être "préférable" (exemple de l'étude CAST dans les
arythmies ou la mortalité s'est révélée plus élevée dans le groupe Verum).
3.2.4 L'arrêt prématuré de l'essai
L'objectif moral vise à exposer le moins possible de sujets ou le moins
longtemps possible des sujets à un produit dès que la démonstration (soit
d'efficacité, soit de toxicité) est plausible. Casse-tête statistique, cette
situation est courante dans l'histoire des grands essais (AZT et SIDA, étude
CAST et arythmies ; Betaferon et forme progressive de la sclérose en plaques...)
et cette éventualité doit être stipulée dans le protocole.
3.2.5 La durée de l'essai
Pour beaucoup de maladies chroniques, nécessitant un traitement au long cours ou
à vie, il apparaît que la durée de l'essai clinique (dans ses conditions
méthodologiques les plus strictes) est dérisoirement brève par rapport à la
durée de traitement potentiel (exemple : un an d'essai pour la maladie
d'Alzheimer qui peut évoluer sur 30 ans ; 1 à 5 ans d'essai pour les interférons
dans la sclérose en plaques (SEP) qui peut évoluer par "poussées" sur 40 ans ; 1
an de double aveugle dans l'hypertension artérielle essentielle à traiter à vie,
etc...). Le débat moral ici est de s'assurer de la prédictibilité des résultats
obtenus dans ces essais "relativement de courte durée", des alternatives
méthodologiques potentielles à l'essai randomisé en double aveugle ainsi que la
pertinence scientifique (et morale) des critères intermédiaires (surrogate
markers) utilisés comme index d'activité d'un médicament (Néoptérine et IL-10
dans la SEP ; agrégation plaquettaire et accident vasculaire cérébral ; EEG
quantifié et psychotropes...).
3.3 Interrogations
- Degré de compétence personnelle dans l'évaluation de la qualité d'un essai
clinique.
- Capacité d'analyse et de critique de l'information thérapeutique issue des
essais cliniques.
- Qualité, comparabilité, évolution des groupes placebo dans les essais
(supposés refléter l'évolution "naturelle" d'une maladie).
- Analyse éthique des médecines alternatives ou parallèles (en règle non
évaluées par les essais cliniques).
- Attitude face à l'enseignement de la thérapeutique, la législation,
l'information et la publicité sur les médicaments.
3.4 Commentaires
L'essai clinique est au coeur de la pratique médicale, de l'enseignement de la
thérapeutique (la fameuse Evidence-Based-Medecine) et de la régulation de la
publicité sur les médicaments.

Etre promoteur d'un essai clinique, technicien de l'essai clinique (c'est l'une
des missions de la pharmacologie clinique), lecteur d'un rapport d'étude,
prescripteur ou conférencier, implique à chaque étape une pause de réflexion
éthique (Tableau IV).

Le respect de l'éthique conditionne la véracité des faits scientifiques à
l'épreuve dans l'essai clinique.
3.5 Références
H. ALLAIN, D. BENTUE-FERRER, S. SCHUCK, O. ZEKRI,
Méthodologie de l'évaluation des médicaments : principes et généralités.
Angéiologie. 1997 ; 49 : 64-78.

H. ALLAIN
La notion de personne dans la recherche biomédicale : application à la
pharmacologie
Neuro-Psy. 1996 ; 11 : 164-171.

H. ALLAIN
Le consentement éclairé : abord psychologique
Neuro-Psy. 1996 ; 11 : 172-173.

H. ALLAIN
Des Neurosciences à la prescription.
Confrontations psychatriques. Paris 1999 (in press).

P. RUDGE
Are clinical trials of therapeutic agents for MS long enough ?
Lancet 1999 ; 353 ; 1033-1034.
 
  LES 7 PAUSES ETHIQUES DANS L'ESSAI CLINIQUE

1 - Le sujet inclus

2 - Les conditions de l'obtention du consentement

3 - le placebo

4 - L'ALTERNATIVE A L'ESSAI RANDOMISE EN DOUBLE AVEUGLE

5 - L'INTERET THERAPEUTIQUE POTENTIEL DU RESULTAT ATTENDU

6 - l'INTERPRETATION DES RESULTATS

7 - la dissemination de l'INFORMATION
4 La neuropsychopharmacologie et l'éthique

H. ALLAIN Pharmacologie Université de Rennes I
4.1 Bases de réflexion
La décision du Président américain BUSH, en 1990, de dédier la période 1990-2000
à la recherche sur le cerveau ("la décennie du cerveau"), décision rapidement
suivie par l'Europe, explique la véritable explosion des Neurosciences et en
particulier de la Neuropsychopharmacologie c'est-à-dire l'étude de l'effet des
médicaments sur le cerveau et les malades du Système Nerveux Central (SNC). Les
résultats peuvent être d'emblée jugés par l'apparition sur le marché (AMM) de 3
médicaments dans la Maladie d'Alzheimer, 3 interférons-bêta dans la sclérose en
plaques, 3 triptans dans le traitement de la crise migraineuse, l'expansion des
inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) dans la dépression, etc... .
Plus interrogateurs sont les produits susceptibles de modifier les
comportements, les conduites, les fonctions cognitives avec l'émergence toute
récente de la pharmacologie de la cognition, application chez l'être humain des
données les plus fondamentales acquises en Neurosciences et Neuroimagerie. Le
cerveau, substrat anatomique des comportements, de la pensée voire de l'éthique
peut ainsi être modifié artificiellement. Le débat doit donc être ouvert sur les
questions cruciales qui se posent en recherche médicale sur cet organe
signifiant de l'être Humain. L'actualité, sous l'angle de l'effet délétère des
substances, est dominée, par l'usage de la drogue voire le mésusage des
psychotropes, substances modifiant le comportement et la pensée.
4.2 Exemples de réflexion
- L'accélération de la vitesse de passage à l'homme de nouvelles molécules est à
confronter au "non savoir total" relatif au rôle de certains récepteurs du SNC.
Certains ligands (des récepteurs de type NMDA, des récepteurs sigma ...) ou des
substances peptide-like se sont révélés inducteurs d'hallucinations voire de
troubles du comportement chez le volontaire sain.

- D'autres produits principalement des psychotropes peuvent favoriser le passage
à l'acte ou désinhiber, en libérant ainsi des comportements ou des idées
"enfouis" (phénomène non totalement prévisible a priori).

- L'indication dans le "futur" des substances améliorant les performances
intellectuelles ou cognitives (la mémoire) reste un problème avec à chaque fois
dans nos sociétés (dites de performance) le risque d'abus et de mésusage
(Tableau V).
4.3 Interrogations
- Pour beaucoup de substances en cours de développement dans le chapitre de la
cognition (application aux démences et au sujet âgé) des études de phase précoce
doivent être réalisées en institution chez des personnes intellectuellement
dégradées.

- Quelles sont les précautions techniques envisagées pour détecter très
finement, si possible à un stade infra-clinique, des effets pharmacologiques sur
le comportement, les conduites, les freins dits "psychologiques" ?

- Presque tous les psychostimulants ou substances agissant sur les récepteurs du
SNC exposent potentiellement au risque de pharmacodépendance.

- Attitude devant un volontaire sain chez qui l'on a déclenché un épisode
hallucinatoire.
4.4 Commentaires
- La neuropsychopharmacologie peut modifier l'éthique (?)

- Les règles morales et la législation ne doivent pas être un frein à la
recherche sur les médicaments du cerveau.

- Les conséquences sur la société d'une innovation dans ce champ doivent être
envisagées très tôt : conduite automobile, métiers à risque, implications
médico-légales ou judiciaires.
4.5 Références
PATAT A.
Driving, drug research and the pharmaceutical industry.
Human Psychopharmacology Clinic and Experimental 1998 ; 13 : 124-132.

ALLAIN H. et coll
Emotion, anxiété et performance cognitive.
Solal Editions (Marseille) 1998 ; 311-320.

ALLAIN H. et al
Experimental and clinical methods in the development of anti-Alzheimer drugs.
Fund Clin Pharmacol 1998 ; 12 : 13-29.

ALLAIN H., BENTUE-FERRER D., NIEOULLON A.
Du récepteur au médicament. In : Thérapeutique psychiatrique. J-L. Senon et al
éditeurs. Chapitre I : 21-58. Herman Edition (Paris) 1995.

CORNWELL J.
Consciousness and human identity
Oxford University Press (Oxford, UKà 1998 : pp 256.

MILOT C.
Probing the biology of emotion.
Science 1998 ; 280 : 1005-1007.

BILDER R.M.
Neuroscience of the mind on the centennial of Freud's
Annals of the New-York Academy of Sciences 1998 ; 843 : pp 184
 

LES 7 POINTS-CLES EN NEUROPSYCHOPHARMACOLOGIE
1 - Le RISQUE D'HALLUNICATIONS

2 - CONDUITES ET COMPORTEMENTS CHIMIQUEMENT MODIFIES

3 - LA DEPENDANCE

4 - UTILITE DE LA STIMULATION DES PERFORMANCES INTELLECTUELLES ET COGNITIVES

5 - INTERFACE MEDICAMENT / CERVEAU ETHIQUE

6 - IDENTIFICATION DE NOUVEAUX RECEPTEURS ET EFFETS CHEZ L'HOMME

7 - INDICATIONS DES MEDICAMENTS DE LA COGNITION

5 La Recherche clinique et la fraude

S. SCHÜCK Pharmacologie Université de Rennes I
5.1 Bases de réflexion
5.1.1 La recherche clinique
L'évolution de la pratique médicale a abouti à un changement de paradigme dans
les modalités courantes de l'exercice médical. Les bases de ce nouveau paradigme
reposent essentiellement sur les développements de la Recherche Clinique et
surtout, sur l'intégration de ses résultats dans les pratiques quotidiennes du
médecin, qu'il soit généraliste ou spécialiste. Cette médecine établie sur des
bases objectives (L'evidence based medecine des anglo-saxons) implique de fait
des études de recherche clinique de qualité optimale et éthiquement
irréprochable. La recherche clinique peut se définir comme une investigation
chez l'homme, dans le but de répondre à une question d'ordre thérapeutique,
pronostique ou diagnostique. Le projet de recherche clinique se doit donc d'être
pertinent (répercussions sur la future démarche clinique), innovant (il est hors
de question et non éthique de répéter une étude déjà réalisée) faisable
(contraintes d'ordre matériel, méthodologique) et éthique (principes de
l'intérêt et du bénéfice de la recherche, principe de justice).
5.1.2 La recherche clinique et l'étudiant en médecine
Le premier contact de l'étudiant en médecine avec la recherche clinique
s'établit généralement au moment de sa thèse d'exercice. La figure 1 illustre le
parcours (un des parcours possible) pour accéder à la recherche clinique. Devant
la complexité des méthodes, mener une recherche clinique nécessite une formation
adéquate faisant appel à l'épidémiologie et aux statistiques. Cette formation
s'acquiert le plus souvent pendant l'Internat (de spécialité ou de médecine
générale).
5.1.3 La publication
La publication constitue pour le chercheur une véritable vitrine, nationale et
internationale. Les résultats d'une recherche clinique doivent être portés à la
connaissance de la communauté médicale et scientifique (dissémination de
l'information). C'est le rôle des journaux scientifiques (dont la notoriété
s'exprime par l'impact factor) qui, via un comité de lecture, vont s'assurer de
la pertinence et de la qualité globale de la publication soumise. Les enjeux des
publications, pour un chercheur, sont énormes. Celles-ci peuvent lui amener la
reconnaissance (institutionnelle via la carrière, par ses pairs et par ses
collègues) des finances (publiques et privées) et attirer l'attention sur son
laboratoire, son hôpital, son université, sa région... . L'importance des
publications est telle qu'elle est souvent caricaturée : c'est le fameux
"publish or perish" (publier ou mourir). La formule est provocante mais très
réelle pour le chercheur. D'autre part, l'explosion des nouvelles technologies
de l'information permet à quiconque, via la base de données internationale
MEDLINE qui recense une partie des publications (avec un large biais de
sélection!), de connaître en temps réel les publications d'un chercheur, donc
d'évaluer son travail et son activité.
5.2 Exemples de réflexion
5.2.1 Les contraintes de la publication
Pour tenter de comprendre le caractère frauduleux de certaines recherches, il
importe d'appréhender les "contraintes" à la publication dont nous avons vu
l'importance capitale pour le chercheur. Afin d'être retenu par le comité de
lecture d'une revue scientifique, les résultats d'une recherche clinique se
doivent d'être innovants et doivent apporter des améliorations à la pratique
médicale ou à la compréhension d'un phénomène de santé. En ce sens, les
résultats se doivent d'être positifs et concluants. Les résultats négatifs ou
amenant des conclusions incertaines ne sont que rarement publiés. Cette
littérature, nommée littérature "grise" n'est pourtant pas dénuée d'intérêt
scientifique, car permettant à d'autres chercheurs de ne pas s'engager dans des
voies déjà testées et de connaître ce qui "ne marche pas" !
5.2.2 Les différents types de fraude
La fraude par omission

Un chercheur peut frauder sans intentions réelles de le faire, du fait d'une
méthodologie inadaptée à la question posée, source de biais majeurs dans
l'interprétation des résultats. D'un point de vue éthique, le chercheur doit
donc connaître la méthodologie de la recherche clinique, et en connaître ses
limites. La communication et la collaboration entre chercheurs, méthodologistes,
statisticiens, informaticiens et sociologues de la santé apparaît donc comme une
condition sine qua non à tout projet de recherche clinique.

La fraude volontaire

Afin d'être publié, un chercheur peut être tenté de faire pencher "la balance
statistique" en faveur de son hypothèse de recherche. Cette balance statistique
s'exprime par le degré de significativité statistique, le fameux "petit p" qui
doit être inférieur à 5 % pour prouver l'existence d'une association non
gratuite entre les variables étudiées. Manipuler les données (exemple : on
enlève un sujet "aberrant", une valeur gênante ...) pour arriver à un petit p
inférieur à 0,05 est éthiquement et humainement innacceptable. Une autre
pratique relevant de la fraude scientifique consiste à chercher à publier la
même étude dans différentes revues, en modifiant certains intitulés ou certains
aspects de la recherche.

Cette pratique est condamnable ; il faut savoir enfin que l'acte de publier dans
une revue implique l'engagement moral du chercheur à ne pas soumettre à nouveau
son étude à une autre revue.

L'illusion

Dans le monde de la publication, un chercheur peut faire illusion en cosignant
des travaux dans lesquels sa participation intellectuelle et réflexive a été
modeste, voire inexistante. Cette pratique, fréquente, puisqu'on lui a donné un
nom ("l'author gift") est dénoncée par les comités éditoriaux qui d'ailleurs
attirent l'attention des chercheurs sur ce point via les "instructions aux
auteurs". L'illusion enfin peut se retrouver sur le "terrain de la recherche",
un chercheur à la contribution des plus modestes se laissant porter par
l'équipe, en en tirant tous les avantages. Donner, enfin, l'illusion d'être
éthique est un sujet délicat ! ...

Le conflit d'intérêt

Un chercheur peut également manquer volontairement d'objectivité scientifique si
la molécule, le dispositif ou la pratique qu'il teste appartiennent à des
sociétés ou des institutions avec lesquelles le chercheur possède des liens
privilégiés ou des intérêts de nature diverse. Là encore, cette attitude est
nuisible à l'esprit et à l'éthique scientifique ; au moment de la publication,
les auteurs doivent s'engager sur le fait qu'ils sont libres de tous conflits
d'intérêts potentiels. Ce problème est à rapprocher de la publicité sur les
médicaments (voir l'éditorial de A. Ferriman et l'important problème de la
cyberfraude) ou du rôle de la finance dans les orientations de la recherche
clinique.
5.2.3 Les parades

    * L'enseignement. L'enseignement aux étudiants en médecine sur les grandes
thématiques de la recherche clinique et de sa dimension éthique est une
obligation éthique pour la communauté médicale.

    * Les bonnes pratiques cliniques. Editées régulièrement, ce sont des
recommandations sur les pratiques que tout acteur impliqué dans la recherche
doit connaître.

    * Les revues scientifiques. Le rôle des comités de lecture est de s'assurer
que les travaux présentés aient été menés selon ses bonnes pratiques et dans le
respect de l'éthique, avant de juger de son contenu scientifique et de la
pertinence de sa publication.

    * Les organismes. Les comités consultatifs de la protection des personnes
impliquées dans la recherche biomédicale (CCPPPRB) garantissent le caractère
éthique d'un projet mais n'interviennent pas dans la validation des résultats.
Certains organismes contre la fraude scientifique dans la diffusion des
résultats d'étude de recherche clinique ont vu le jour aux Etats-Unis et au
Japon.

5.2.4 Quelques éléments chiffres
Quantifier la fraude apparaît par définition comme une tâche difficile ! Il faut
la définir, l'identifier et la mesurer... Nous ne disposons que de très peu de
données sur ce thème, mais à titre indicatif, signalons que l'Office of Research
Integrity (Etats-Unis) a reçu entre 1993 et 1997 plus de 1000 suspicions de
recherches frauduleuses. Cet organisme a investigué 150 de ces recherches et a
conclu à des fraudes réelles dans plus de la moitié de ces cas.
5.3 Interrogations
- Différence entre fraude, biais, erreur ?
- Comment détecter une fraude ?
- Attitude personnelle, institutionnelle ou des éditeurs lors d'une suspicion.
- Analyse des techniques de prévention et de contrôle des expérimentations
- Objectifs financiers et marketing d'une recherche clinique.
5.4 Commentaires
- Il n'y a pas de recherche clinique sans que le sens du projet n'ait été
débattu.
- La place de l'éthique est ici à l'étroit entre le droit, la justice, et
l'information.
- Une réflexion sur ce thème vise à bien se situer entre deux extrêmes, la
naïveté et la paranoïa.
5.5 Références
SKRABANEK P, Mc CORMICK J.
Idées folles, idées fausses en médecine.
Editions Odile Jacob (Paris) 1989 ; pp 207.

BROAD W, WADE N.
La souris truquée. Enquête sur la fraude scientifique.
Editions du Seuil (Paris) 1987 ; pp282.

ABOTT A. Science comes to terms with the lessons of fraud.
Nature 1999 ; 398 : 13-17

NINIO J. La science des illusions.
Editions Odile Jacob (Paris) 1998 ; pp 204.

BONNAURE P. Un serpent de mer : la politique de recherche.
Futuribles (Mars) 1995 ; 41-62.

FERRIMAN A. Drug companies critisized for exageration.
BMJ 1999 ; 318 : 962.

DE SALINS A. Pour une éthique de la Finance.
Projet 1999 ; 257 : 111-120.  
6 Ethique et Internet

P.Y. ALLAIN Université de Paris I. Panthéon Sorbonne
6.1 Bases de réflexion
Il est courant de qualifier les sociétés développées contemporaines de "sociétés
de l'information". Ces sociétés se caractérisent en effet par un recours
généralisé aux nouvelles technologies, et par un accroissement des flux
d'informations. L'apparition et la démocratisation d'Internet illustrent
parfaitement cette évolution.

De fait, Internet est :

    * Réseau de postes interconnectés
    * Ouvert au public
    * Reposant sur des standards technologiques (permettant à toute personne
connectée l'accès à l'information et son utilisation)

Internet offre notamment la possibilité de diffuser et de collecter
l’information.

D'une manière générale, on constate que la science et le nouvelles technologies
ont considérablement amélioré les conditions de vie des hommes. Mais
parallèlement, elles ont engendré des situations nouvelles, pouvant menacer les
intérêts et la vie privée des individus.

Ce constat explique en partie la remise en cause régulière de l'idée de progrès
des sciences, et la volonté de contrôler les progrès technologiques.
6.2 Applications
Internet présente ces deux facettes (positive et négative) du progrès en matière
scientifique.
Ainsi, ce type de réseau peut entraîner une simplification et une amélioration
des échanges d’informations (travail en groupe, recherche, télémédecine, etc …).
Il permet également une rationalisation de la gestion de l'information, par
l'intermédiaire par exemple de base de données.

Mais ces avantages doivent être tempérés, du fait des dérives qui peuvent être
associées aux réseaux ouverts, notamment en ce qui concerne les informations
personnelles.

A titre d'exemple, on peut citer le Réseau Santé Social (Intranet) qui à terme
mettra en relation plus de 80 000 professionnels du monde médical (médecins,
caisses d’assurances maladies et de sécurité sociales …) et leur permettra
d'accéder rapidement au dossier médical d'une personne. Ce réseau, conçu pour
faciliter et accélérer la gestion du système de santé français, ainsi que pour
en réduire les coûts présente de graves dangers pour les individus. En effet, ce
réseau repose sur une gigantesque base de données recensant l'ensemble ou
presque de la population française.

Le danger n'est pas tant la constitution de la base de données mais
l'utilisation qui en est faite, et le couplage des données avec celles d'autres
fichiers.
Ex. : Aux Etats-Unis, des fichiers de malades du cancer ont pu être vendus à une
compagnie d'assurances

Le fichier du code génétique de la population islandaise a été vendu pour une
poignée de dollars à une société américaine.
En France, on a connu le cas d'un réseau informatique qui amenait des
pharmaciens à transmettre des données à une société informatique, chargé de
fournir de leur fournir des analyses statistiques. Mais cette société
informatique utilisait également (à l'insu des pharmaciens) ces données à des
fins commerciales auprès de l'industrie pharmaceutique, sans que soit respecté
l'anonymat des prescripteurs.
Le risque consiste donc en une utilisation anarchique et non contrôlée de
fichiers contenant des données sensibles.
6.3 Interrogations
Deux questions peuvent se poser :
Est-il possible d'exercer un contrôle sur ces flux d'informations, et dans
l'affirmative, sur quelles fondements juridiques et éthiques ?
A qui confier ce contrôle des flux d'informations, de plus en plus
transnationaux ? A des comités d'éthique, à des organisations internationales,
aux citoyens … ?
6.4 Commentaires
Notre société évolue vers une société de fichage. D’où l’importance de garanties
dans le traitement des données (notamment médicales) du droit de contrôle des
informations par l’individu, et le droit d’opposition permettant de s’opposer à
une utilisation abusive des données personnelles.

Ainsi en France, la gestion des fichiers informatiques recensant les malades
atteints du SIDA a fait l'objet de recommandations strictes tenant au contenu
des informations, à l'accès à ces informations sensibles …
Les questions qui se posent sur Internet ne diffèrent pas fondamentalement de
celles qui se posaient avant l’apparition de ces technologies : respect de la
personne humaine, de sa vie privée …
En revanche, les risques associés à ces nouvelles technologies ne doivent pas
aboutir à une non utilisation des technologies. Doit-on condamner le support de
diffusion sous prétexte que l’information est fausse ou diffamatoire ? Non, car
cela s’apparente à de la censure de tout le reste.
6.5 Bibliographie
Allain PY, Schück S, Beaufils C, Zekri O, Ganilsy M, Allain H.
Médicaments et Internet : un enjeu de santé publique.
La Presse Médicale 1998 ;27 : 117-21

Le droit du multimédia, de la télématique à Internet (sous la direction de
Pierre HUET), Etude de l'AFTEL, ED. du Téléphone, p. 181-200

Michel TERESTCHENKO,
Philosophie politique, t. 2 (Ethique, science et droit), Hachette, coll. Les
Fondamentaux, chap. 6 (La civilisation technologique et les nouvelles exigences
éthiques), p. 107 à 123

http://www.univ-paris1.fr/DEA-DAE
7 L'ethique et la sécurité
E. POLARD Pharmacovigilance - Université de Rennes I
7.1 Bases de réflexion
Il est intuitif de postuler que la recherche doit éviter d'exposer le sujet à
tout risque et de lui infliger des conséquences délétères, corporelles ou
psychologiques, au nom de la Science. Ce postulat est à la base du Respect de la
Personne et de la dignité humaine.

Or la Recherche Clinique ne peut, toujours par définition, éliminer le risque
puisqu'elle vise en théorie à répondre à une question non résolue jusqu'alors.
Il est nécessaire d'envisager la question de la sécurité dans le cadre d'une
recherche en terme de procédures ou techniques envisagées, lieu et conditions de
réalisation de l'étude, qualification de l'équipe de recherche, éléments de
surveillance et de détection de la sécurité, degré de connaissances théoriques
(le background). La science du risque est la cyndinique ; en pharmacologie on
pourra parler de pharmacovigilance prévisionnelle.
7.2 Exemples de réflexion
La démarche éthique vis à vis de la sécurité doit être anticipatoire et
préventive. Elle se heurte systématiquement au principe d'incertitude (d'où les
modèles statistiques inhérents à cette approche).

A l'inverse, sur un plan psychologique, l'enthousiasme, la croyance, la "fureur
de guérir ou de comprendre", l'utopie constituent autant de risques à minimiser
l'évaluation de la sécurité en Recherche Clinique ou même à ignorer les
stratégies et les techniques déjà existantes (ex : la Pharmacovigilance).

De manière automatique le questionnement éthique concerna la douleur, le
traumatisme physique et moral, les fonctions vitales (coeur, poumon,
coagulation).

Plus difficile sera d'envisager le risque à long terme d'une procédure se
révelant efficace et sans danger durant le temps de l'évaluation (ex :
neurostimulation sous-thalamique et maladie de Parkinson ; implant de neurones
foetaux et maladie de Parkinson ; médicaments et cancérogénèse ...).

Même en recherche clinique, le réflexion iatrogénique doit être constante.
7.3 Interrogations
Conditions de réalisation des études de Phase I dont l'objet est principalement
d'analyser le profil de sécurité d'un produit.
Attitude devant la découverte d'anomalies ou d'une maladie chez le volontaire
sain (ex : IRM systématique et suspicion d'une SEP ; virus HIV ...)
Attitude devant un administratif qui freine le développement des biovigilances.
Ethique du médecin praticien qui ne déclare pas à la pharmacovigilance
(véritable acte de Recherche Clinique, sur le terrain) les accidents
médicamenteux qu'il observe (principe de la notification spontanée).
Publicité comparative (en fonction des effets indésirables) de thérapeutiques
concurrentes.
Conséquences Psychiatriques et Sexuelles d'une Recherche Clinique.
7.4 Commentaires

Le manque à la sécurité et à son énonciation (en particulier lors de l'obtention
du consentement libre et éclairé) est une atteinte à l'éthique.
Ce débat est à la base de nombre de procès.
La principale cause de non réalisation d'une recherche chez l'homme est
l'entorse à l'éthique de la Sécurité.
Ce chapitre illustre mieux que tout autre l'intrication :
Ethique/Loi/Déontologie/Réglementation, Information (TABLEAU VI).
De nombreux guides dont le plus récent émanant du Council for Internationale
Organizations of Medical Sciences (CIOMS) viennent épauler tout chercheur.
7.5 Références

O. DACUNHA-CASTELLE.
Les chemins de l'aléatoire : le hasard et le risque dans la société moderne.
Flammarion (Paris) 1997 pp

ETCHEGOYEN A.
La vraie morale se moque de la morale. Etre responsable.
Editions du Seuil (Paris) 1999 pp 226.

ALLAIN H., SCHUCK S., ZEKRI O.
Les effets indésirables des médicaments.
Angéiologie 1997 ; 49 : 54-64.

ALLAIN H., SCHUCK S., ZEKRI O.
La pharmacovigilance et la pharmacoépidémiologie.
Angéiologie 1997 ; 49 : 71-85.

PELOUZE G.A.
L'érection pharmacologique.
Angéiologie 1997 ; 49 : 34-44.

QUENEAU P., MANTZ J.M., GRANDMOTTET P., SCHRUB J.C.
Ethique et Iatrogénie : comment diminuer la iatrogénie évitable.
In : Ethique et thérapeutique. J.M. Mantz, P. Grandmottet, P. Queneau.
Presses Universitaires de Strasbourg 1998 : 65-80.

ANDORNO R.
La bioéthique et la dignité de la personne.
Presses Universitaires de France. Médecine et Société. 1997 : pp 127.

WEEKES L.M., DAY R.D.
The application of adverse drug reaction data to drug choice decisions made by
pharmacy and therapeutics committees.
Drug Safety 1998 ; 18 : 153-159.

SCHUCK S., ALLAIN H.
La douleur. Moyens et stratégies thérapeutiques.
La Revue du Praticien 1997 ; 47 : 555-569.

C.I.O.M.S.
Guidelines for preparing core clinical safety information on drugs. Second
Edition.
C.I.O.M.S. Genève (Suisse) 1999 : pp 98.
 
LES 7 POINTS FORTS ETHIQUES FACE A LA SECURITE
1. ANALYSE DES STRUCTURES DE REALISATION DE L'ETUDE

2. LES PROCEDURES DE SECURITE (SOP)

3. RISQUE SOMATIQUE/RISQUE PSYCHOLOGIQUE

4. DOULEUR

5. CONSEQUENCES A LONG-TERME

6. PARTICIPATION A LA PHARMACOVIGILANCE

7. INFORMATION (Recueil ; Dissémination)  
8 Ethique, recherche médicale et religion
H. ALLAIN Pharmacologie Université de Rennes I
8.1 Bases de la réflexion
Procéder à des études et des expérimentations chez l'être humain, donc sur
l'Autre (alterego) interroge notre propre histoire, notre éducation, notre
milieu et notre lien (religion) à l'Autre. La Recherche Clinique, en symétrique,
ne peut faire abstraction de l'histoire, de la foi, de la religion du sujet
volontaire sain ou malade. Les objectifs, immédiats ou lointains, de la
recherche entreprise ne sont pas nécessairement partagés par les deux
protagonistes (l'expérimentateur/ le sujet à l'étude). Le Respect de la Personne
et l'Absence d'atteinte à la dignité de l'Autre impliquent une connaissance et
un respect mutuels des valeurs, des croyances, de la foi d'autrui. Ces mêmes
entités, souvent de manière implicite (inconsciente) guident le chercheur
lui-même et dirigent sa quête de recherche, sa pratique médicale et ses
conduites dans le champ de la santé publique.

Parallèlement, la mondialisation de la recherche clinique, le poids des
communautés éthniques différenciées dans les villes, le métissage (voir : S.
Gruzinski, "La pensée métisse", Fayard 1999 pp 345), la diversité des religions
à l'échelon planétaire, la forte proportion d'acculturation religieuse dans les
pays occidentalisés conduisent à des incompréhensions, à des rejets de
recherches, à des difficultés de relation qui dépassent le culturel, le social
ou le folklorique (Thomasset A., La tradition catholique face au pluralisme
éthique. Projet 1998 ; 255 : 77-88). " Le débat religion/éthique/santé publique
peut sembler théorique. Imaginons que l'on ait à réfléchir sur le financement
par la Sécurité Sociale de rites religieux réalisés à l'hôpital [circoncision
pour la judaïcité ; excision selon certaines conceptions culturelles ou
religieuses (?)] ou à l'inverse sur l'intérêt économique (pour les hôpitaux) de
l'interdit de l'avortement ? Réponses ?

La complexité du sujet (voir l'Histoire des Religions dans la collection "la
Pléïade") conduit l'universitaire à une dissection des questions posées par
l'Interface Ethique/ Recherche Clinique, en morale agnostique et morales
religieuses, approche adoptée dans l'ouvrage maintes fois mentionné dans ce
cours (Référence 8, du Conseil de l'Europe). Vouloir imposer une vision
monoidéïque à la question soulevée ou niveler la planète à une conception
monovalente des relations éthique/recherche médicale relève du mythe, du puérile
ou de l'ignorance (en anthropologie, en théologie, en sociologie, en
linguistique et en psychologie différentielle).
8.2 Exemples de réflexion
1. Nous prendrons dans un premier temps de discussion la position de l'Eglise
Catholique face précisément à l'innovation et la recherche médicale. Le texte
ci-joint (hypertexte) correspond à une communication de P. VERSPIEREN S.J. faite
au colloque du Centre Sèvres (Paris). L'étudiant saisira en quoi la Dignité
possède un fondement religieux et dans la même perspective en quoi la Personne
ne peut être sacrifiée à la Collectivité. La référence (DC, 1952, 1131, col
1225) vient démontrer sur un plan quasiment historique comment la réflexion
catholique sur l'expérimentation médicale a pu anticiper l'ensemble des débats
actuels.

2. Des textes supplémentaires viendront illustrer les points communs voire les
divergences selon différentes autres religions.
9 Un exemple de l'entorse à l'éthique : la médecine nazie
H. ALLAIN Pharmacologie - Université de Rennes I

(en cours de rédaction)

Références

KLEE E. La médecine nazie et ses victimes.
SOLIN - Actes Sud (ARLES) 1999 pp 482.

MULLER-HILL B. Science Nazie, Science de Mort, l'extermination des Juifs, des
Tziganes et des malades mentaux de 1933 à 1945.
Editions Odile Jacob (Paris) 1989 pp  
10 Figures libres
H. ALLAIN Pharmacologie - Université de Rennes I

Une controverse persiste sur les "techniques" d'enseignement, de formation ou
d'initiation à l'éthique. La discussion de cas, sur le terrain, semble l'idéal.
C'est l'option de la référence 8 (réseau européen "Médecine et droits de
l'homme", éditions du Conseil de l'Europe), à laquelle nous emprunterons
clairement le plan de discussion à respecter, pour chaque cas :

1. Plan juridique international.

2. Plan éthique.

3. Plan des morales religieuses (catholique, protestante, juive, musulmane,
bouddhiste).

4. Plan de la morale agnostique.
11 Ethique et pathologie tropicale
J.C. BEAUCOURNU - C. GUIGUEN  Parasitologie  Université de Rennes I
11.1 Bases de réflexion
La pathologie tropicale est un domaine où l’éthique médicale est en première
ligne oscillant entre le principe de bienfaisance (par définition le médecin
souhaite, par tous les moyens, l’éradiquer) et les erreurs (tenant à l’ignorance
où nous restons des pays et des populations où elle sévit en priorité). Quelques
chiffres permettent de justifier une intensification de la recherche médicale
(prophylaxie, pharmacologie, santé publique, information et responsabilisation
du " voyageur "...) : en 1997, par exemple, environ 5700 cas de Paludisme ont
été importés en France et ont impliqué des traitements, des arrêts de travail,
des hospitalisations, des décès (sachant qu’une prophylaxie existe même si elle
n’est pas efficace à 100 %). Des chiffres encore plus parlants concernent le
SIDA, en évoquant, en premier chef, le continent Africain. L’ampleur du
questionnement moral lié à la pathologie tropicale est aisément perçu non
seulement à travers les fréquentes migrations ou l’installation de communautés
ethniques importantes dans les cités européennes mais encore par le triste
constat des efforts entretenus pour ne pas lutter contre ces pathologies
(augmentation du déséquilibre avec les pays dits de rêve). Parmi ces entorses à
l’éthique ou l’absence totale d’éthique, citons :

1) Le " déversement " de surplus tels le lait en poudre dans les pays où l’eau
est polluée (avec effet parallèle de l’abandon de la lactation maternelle), la
vente, via de multiples circuits, de viande suspecte d’encéphalite spongiforme
ou encore la promotion en Europe de thérapeutiques exotiques (naturelles) non
évaluées et souvent toxiques.

2) Le tourisme s’exerçant aux dépens de pays émergents : 1) miroir aux alouettes
pour les démunis visités ; 2) prostitution morale (mendicité, pseudo-folklore
pour touristes ...) ; 3) exploitation de main-d’oeuvre (notamment d’enfants)
pour satisfaire le touriste ; 4) tourisme sexuel (aujourd’hui condamné au niveau
international) ; 5) désinformation ou complicité de certaines agences de voyage
des pays du Nord.
11.2 Exemples de réflexion
Face aux endêmies tropicales plusieurs chapitres extrêmement diversifiés doivent
inciter à la réflexion.
11.2.1 L’industrie pharmaceutique
Le marché des pays émergents est souvent peu solvable, ce qui n’incite guère à
développer des produits visant en priorité ces pays et ces pathologies.
L’exemple du DFMO est à retenir, médicament découvert par hasard (serendipity)
très efficace contre la Trypanosomiase Africaine et qui malgré ce bénéfice
thérapeutique a été à deux doigts d’être retiré du marché en raison de
l’environnement pharmaco-commercial " décrit par LAPEYSSONNIE (HYPERTEXTE). Un
autre exemple concerne les vaccinations (évaluation de leur efficacité ou de
leur sécurité ; conditions d’administration ; éducation sanitaire ...). Enfin la
recherche médicamenteuse vis à vis du paludisme résistant est peu intense.
11.2.2 Les organisations non gouvernementales (ONG)
Par définition les ONG sont animées par la bonne volonté et l’altruisme.
Souvent, à l’inverse, les volontaires (au coup par coup) n’ont qu’une faible
formation psychologique voire anthropologique et souvent imposent diagnostic,
traitement, mesures sanitaires, sans tenir compte des coutumes, des tabous, des
religions et sans tenter de pénétrer la conscience de ces patients en apprenant
ne serait-ce que quelques mots de leur langue (les vieux médecins coloniaux
commençaient à apprendre la langue indigène ; en Europe, ce son souvent les
médecins de même ethnie qui " s’occupent " d’une communauté).
11.2.3 Le médecin métropolitain
Par définition encore et selon les précepts du serment d’Hippocrate, le médecin
est dévoué ; mais est-il informé des conséquences de la pathologie exotique
qu’elle soit le fait d’un émigré ou d’un voyageur ?
11.2.4 Le voyageur
Aujourd’hui c’est un devoir moral pour le voyageur que de s’informer sur les
maladies transmissibles et les risques de pathologie tropicale. Il arrive que
son médecin déconseille formellement un déplacement (cas fréquent pour l’enfant
en bas âge) : " impossible, mes billets sont déjà achetés! ".
11.3 Interrogations
- Information du médecin sur la pathologie tropicale.

- Nécessité d’une ouverture à l’Autre, à l’Etranger.

- Mesures prises par le médecin pour améliorer la compliance du voyageur (futur
malade et agent de contamination ?) aux moyens prophylactiques ?

- Chaîne complexe des " acteurs " de santé impliqués dans la pathologie
tropicale.
 

PRINCIPES D’ETHIQUE
BIENFAISANCE

COMPASSION

RECIPROCITE / JUSTICE

MODESTIE

RESPONSABILITE

VERITE
 

" ... La découverte de nouvelles molécules actives ne peut être le fait que des
grandes sociétés pharmaceutiques. Or, celles-ci ne consentiront les efforts
techniques et financiers nécessaires à cette recherche, que si elles sont
assurées d’un marché vaste et productif, ce qui n’est pas toujours le cas des
pays du Tiers-monde. Par ailleurs les conditions de plus en plus draconiennes
imposées à l’expérimentation humaine entravent le développement de la recherche
dans ses stades terminaux. Aux Etats-Unis, avant 1962, les nouvelles molécules
induites sur le marché étaient de 41,5 par an en moyenne ; dans les huit années
suivantes ce nombre est tombé à 16,1, et bien peu d’entr’elles concernaient ces
maladies transmissibles qui ont cessées d’être le souci de nations avancées d’où
émane précisément l’effort de recherche ".
12 Ethique et recherche en chirurgie
B. Launois  Chirurgie Digestive Transplantation  Université de Rennes I
12.1 Base de réflexion
12.1.1 La recherche expérimentale ou fondamentale
La recherche en chirurgie évolue dans quatre domaines : La recherche
expérimentale ou fondamentale ; La recherche technologique et pharmacologique ;
La recherche clinique
La recherche expérimentale ou fondamentale

Elle a pour but d’expérimenter chez l’animal des domaines qui pourront être
appliqués chez l’homme, notamment sur le plan physiologique ou immunologique. A
ce stade, l’éthique du chercheur chirurgien doit faire en sorte qu’aucun
reproche ne puisse être fait sur le plan de l’expérimentation vis-à-vis de
l’animal (qualité de l’anesthésie par exemple). Cette éthique doit empêcher la
reproduction d’expérience sans application pratique, et sans conclusion
scientifique c’est-à-dire sans publication.
12.1.2 La recherche technologique ou pharmacologique
Elle est sous la dépendance des lois du marché. L’éthique doit veiller à ce que
le marché ne transgresse pas les règles d’une utilisation abusive des produits
de cette recherche. Indirectement la chirurgie des greffes et transplantations a
initié la recherche pharmacologique sur les substances "anti-rejet"
(ciclosporine, tacrolimus …).
12.1.3 La recherche clinique
Elle s ulevé à chaque étape un questionnement’organes sans autorisation du "de
cujus pour obtenir un don d’organe "volontaireoi Caillavet rappelant que le
"donneurpape a été une reconnaissance "de factole des essais randomisés

La randomisation en chirurgie peut surprendre. Elle a surtout permis de tester
les thérapeutiques et d’éliminer les thérapeutiques inutiles. Ainsi
l’utilisation systématique de la radiochimiothérapie préopératoire dans le
cancer de l’œsophage s’est avéré inutile après une étude randomisée supprimant
une action iatrogène et un coût économique considérable.
12.2 Interrogations
Le consensus doit-il être obtenu pour la mise en route d’une nouvelle technique
chirurgicale (transplantation de donneur vivant, de xénogreffe) ?
Est-il licite de débuter une nouveauté technologique chez l’homme en absence
d’expérimentation possible (cœlioscopie) ?
CONCLUSION GENERALE
 
 
    Cette promenade en Pharmacologie a tenté de montrer que le médicament, dans
les sens du mot grec TO PHARMAKON, intervient à toutes les étapes de cette
longue chaîne de la vie, du gène à la vie sociale [Figure 1]. A chacune de ces
étapes, une technicité et une méthode appropriées permettront des
enrichissements et des progrès mutuels, a priori dans une ultime direction non
seulement le progrès de la connaissance [Tableau I] mais surtout la lutte contre
la maladie, le handicap et la mort.L'étudiant en médecine, très vite impliqué
dans ce tourbillon du savoir et la stupide accumulation de nouvelles données se
doit de bénéficier des nouvelles techniques d'information et d'enseignement (tel
ce cours sur Internet) pour réinstaurer des liens, scientifiques et humains, que
la technique lui a ôtés.
 
 

                        Hervé Allain, le 30 décembre 1997


 

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