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Édition du 14 octobre 2022


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Édition du 14 octobre 2022


ANTHONY SMITH, INSPECTEUR DU TRAVAIL : « JE N’AI FAIT QUE MON TRAVAIL »

14 octobre 2022
Anthony Smith, à la sortie du tribunal. La pétition pour le soutenir a recueilli
165000 signatures. DR
Au tribunal administratif de Nancy, la rapporteure public a demandé l’annulation
de la sanction prise, au cœur de la crise sanitaire, à l’encontre de
l’inspecteur. Jugement le 19 octobre.

C’est un jour de combat et de soulagement. Le mercredi 28 septembre 2022 se
tenait l’audience au tribunal administratif de Nancy d’Anthony Smith. Depuis
2020, cet inspecteur du travail, responsable Cgt, faisait l’objet d’une sanction
disciplinaire qu’il jugeait injuste et qu’il contestait. À raison, si l’on en
croit le compte rendu de la rapporteure public : Clémence Sousa Pereira a en
effet estimé que les griefs pouvant être retenus contre Anthony Smith ne
justifiaient pas les sanctions de mutation d’office de l’inspecteur. Elle a
invité le tribunal administratif à annuler cette sanction au caractère
disproportionné, avec le versement de 2 000 € pour les dommages et intérêts.

Cette audience que beaucoup attendaient impatiemment, a permis d’entrer dans le
fond du dossier. En 2020, en pleine crise du Covid, l’inspecteur du travail est
suspendu, puis muté d’office. Sollicité par les représentants du personnel
d’Aradopa, une association d’aide à domicile, Anthony Smith avait réclamé
l’instauration de mesures de protection pour le personnel. Et préconisé
notamment l’usage des masques chirurgicaux. À cette époque, la France en manque
et le gouvernement les réserve au personnel soignants dans les hôpitaux
principalement.


SANCTIONNÉ POUR AVOIR VOULU PROTÉGER LES SALARIÉS

C’est parce qu’il insiste face à la non réaction de la direction de
l’association et saisit en référé le tribunal de Reims pour imposer le port du
masque qu’il est sanctionné par le ministère du travail. Anthony Smith est alors
en avance sur son temps. Plus tard, le masque deviendra la norme, mais à ce
moment, le gouvernement s’obstine à répéter que les masques ne sont pas
nécessaires. Une version sur laquelle ils reviendront vite, sans pour autant
annuler les sanctions visant l’inspecteur trop précautionneux…

Il lui est reproché plusieurs faits, égrenés lors de l’audience du tribunal
administratif de Nancy. Le grief le plus important est d’avoir insisté et
réclamé la protection des salariés au moyen de masques. C’est en soit sa
responsabilité en temps qu’inspecteur du travail qui a été remise en cause par
sa hiérarchie. Le droit est du côté d’Anthony Smith sur ce point, puisque cette
décision d’alerter sur la nécessité de protéger les salariés est la mission même
d’un inspecteur du travail. Ce giref a d’emblée était écarté par la rapporteure.

Cette dernière écarte aussi la suppression de mails dans sa boite
professionnelle, arguant qu’il n’est pas démontré qu’il a délibérément supprimé
des informations. Il a d’ailleurs expliqué avoir supprimé ces courriels car sa
boite mail était saturée. Concernant sa non présentation à son rendez-vous
professionnel, la rapporteure a expliqué qu’elle ne pouvait pas conserver cette
faute, au motif qu’il fallait prévenir que ce rendez-vous était obligatoire et
susceptible d’entrainer une sanction en cas d’absence.


UNE SANCTION DISPROPORTIONNÉE FACE À LA FAUTE COMMISE

Il lui était enfin reproché d’avoir transmis à des collègues un courrier type
pour effectuer un droit de retrait. Or c’est sur décision judiciaire et non pas
administrative que peut s’effectuer un droit de retrait. Si Anthony Smith a de
lui-même rectifié le tir dès le lendemain en demandant à ses collègues de ne pas
utiliser ce courrier, il est constitutif d’une faute pour la rapporteure. De
tous les faits qui lui étaient reprochés, seul ce dernier point est retenu
contre lui. C’est pour cette raison qu’elle considère ainsi la sanction
disproportionnée.

Dans cette affaire, Muriel Pénicaud puis Élisabeth Borne, ministres du travail,
font face à une opposition virulente. La pétition pour soutenir l’inspecteur du
travail, à l’initiative du comité de soutien a récolté 165.000 signatures.
L’ensemble des syndicats le soutient activement, comme en témoigne le communiqué
intersyndical de la fonction publique qui appelait au rassemblement devant le
tribunal, où une centaine de militants, de collègues et d’amis se sont réunis.

A la sortie du tribunal, Anthony Smith est conforté dans sa certitude d’avoir
agi dans son bon droit. C’est à ses collègues qu’il pense alors, en rappelant
qu’ils ne font qu’appliquer le code du travail pour défendre les plus faibles..

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Depuis le début, l’Ugict-Cgt s’est mobilisée pour que les inspecteurs et
inspectrices du travail bénéficient de moyens pour remplir leurs missions et
qu’il soit mis fin à la limitation du libre exercice de leur responsabilité
professionnelle. Le cas d’Anthony Smith est symptomatique de cette situation et
a fait l’objet d’une motion de soutien, adoptée en Ce en septembre dernier.
C’est sa capacité à prendre des décisions, parmi ses prérogatives, qui a en
effet été remise en question. Il témoigne de la situation d’un fonctionnaire de
l’Etat abandonné par sa hiérarchie. «Il y a une forme de remise en cause de
l’inspection du travail sur des motifs économiques et politiques », estime Jésus
De Carlos, co-secrétaire général de l’Ufict de la fédération Cgt des services
publics, pour qui le cas d’Anthony Smith est à rapprocher de celui des lanceurs
d’alertes.

La responsabilité professionnelle est définie comme la capacité d’agir
indépendamment de la hiérarchie lorsque un intérêt public est en jeu. « Il a
obligation de désobéissance et doit agir parfois en contradiction avec les
ordres donnés », précise Jésus De Carlos. Les inspecteurs contrôlent la norme et
conservent leur indépendance vis à vis du pouvoir politique. C’est cette
indépendance qui a été attaquée dans cette affaire. « Le fonctionnaire a le
droit d’alerter sa hiérarchie lorsque les ordres donnés sont illégaux ou ne
protègent pas les citoyens » rappelle-t-il encore.

Ce dossier « monté de toutes pièces » d’après l’avocat d’Anthony Smith a été
méthodiquement démantelé par la rapporteure. Le verdict du tribunal sera connu
aux alentours du 19 octobre, trois semaines après l’audience. Sauf surprise, le
ministère public ne devrait pas faire appel. Le représentant du ministère l’a
brièvement chuchoté devant la cour lors de sa prise de parole. Anthony Smith
pourra alors légitiment retrouver son poste, non sans difficultés comme s’en
inquiète Jésus De Carlos : «Comment sa réintégration va-t-elle se passer ? »…

Arthur Brondy

Social



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