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UN BALCON EN FORÊT

Just another Time
 

 


FIN

•août 7, 2009 • 3 commentaires

Fermeture du blog. (Ou hiatus à durée indéfinie, on verra).

Au revoir !

Publié dans monologue


UN POINT

•juin 30, 2009 • Un commentaire

Fin de l’année. Le temps de mettre un point.
On range les cours, on range les feuilles, les idées, les livres dans des cases.
C’est les vacances (vide).
Des choses finissent, il y a des gens qu’on ne reverra plus, des liens qui se
dénouent, d’autres qui se nouent. Des creux comme des coupures dans les pensées,
des creux qui s’effacent.
On pense à « ceux qui sont à Paris », on forme des projets pour le futur, de
nouvelles tresses (où se prendre les pieds !).
Et ça recommencera l’an prochain. Khûber.




Publié dans khagne


VU

•juin 16, 2009 • Laissez un commentaire

Tu as vu, les fleurs partout, le soleil, la mer?
Tu as vu les petites rues les odeurs les épices
C’est presque les vacances et dans le parc là bas il y a des iguanes sur les
poutres métalliques (et la peau d’une mue dans ma collection).
Il y a des galets et la mer bleue, très bleue (je ne me rappelais pas de la mer
aussi bleue), les éclats de verre (trésor)
Les mouettes, le soleil qui brûle la peau (ça brille partout, comme des flammes
dans les yeux).
Tu as vu les geckos dans les fissures, et le livre abandonné près du phare?
(Et le corps d’une souris blanche sur le sol, fourmis dessus)
le vieux magasin de jouets en bois, le marché, les fleurs (violet, comme le bleu
d’Yves Klein), les bateaux amarrés (départ, ailleurs? ) et les tongs près de la
corde
tu as vu ?

Publié dans écriture, bonheur


UN POINT ?

•Mai 5, 2009 • 3 commentaires

Il y a eu ce temps passé, ce temps d’avant:
J-1: coucher de soleil rouge, un crépuscule de fin du monde.
J 1: brouillons verts, 4 feuilles, attente, émarger, l’autorité en France de
1848 à 1958, les surveillants qui font des mots croisés, l’odeur de la cantine à
midi, les feuilles. Première cartouche.
J 2: anglais, brouillons roses, les sacs changent de place et nous quittent, le
proviseur, 20 min de promenade entre nos rangs
J 3: philo, brouillons bleus, deuxième cartouche, les surveillants sautent par
dessus nos sacs pour atteindre la porte, disparition des trousses.
J 4: nouvelle salle, nouveau décor: Poincaré et Newton nous saluent du haut de
leurs affiches, troisième cartouche.
J 5: déjà l’habitude, tout s’installe, se banalise, la discussion avant
d’entrer, les bavardages dans la salles en attendant les sujets… le mot concours
moins net, on remplit les en-têtes automatiquement.
J 6: la tentation de partir et de dire que c’est fini, quatrième cartouche, il
manque des bouts de mots sur le brouillon, le discours du proviseur adjoint pour
nous dire bonne chance. La fin.

La fin, la fin, la fin, la fin, la fin.

Ne rien faire, ne rien lire, ne rien penser ? A peine se sentir coupable et
essayer de retenir le temps. Voir la fin du printemps.

Repenser à CA, les sujets, écrits tout petits, l’hésitation et si c’était
« l’usage de la calculatrice est interdit », est-ce que le prof de philo est
vraiment si bronzé à nous voir à la fin de l’épreuve ?

Oublier.

Voir les chats, voir les fleurs, voir les canetons, voir… et manger des Kinders,
lire pour le plaisir, s’amuser ? Pourquoi punir, on pourrait croire à
l’innocence ?

Publié dans khagne


LES GENS, CES ÊTRES FASCINANTS

•avril 15, 2009 • 6 commentaires

La SNCF et moi, c’est une grande histoire d’amour, je ne prends le train que
deux fois par semaine, mais c’est pourtant une aventure toujours nouvelle… Dans
le train tout est bon! En effet, cela reste le lieu idéal pour l’observation et
l’échantillonnage de mes congénères:
Etape 1: Gare Part-Dieu:Traverser l’esplanade, où inévitablement se pressent
divers individus plus ou moins gênants:
– Les associations pour: la sauvegarde de la planète, la protection des bébés
tigres, la libération des femmes, l’élevage de tortues ninja, l’éducation des
jeunes de banlieues… qui disséminent leurs agents (en général reconnaissables à
leur K-Way criards), prêts à vous attraper, armer de terribles formulaires que
vous devrez signer, pour le salut de votre âme. Mais pourquoi diable visent-ils
les gens qui vont VERS la gare et ont donc, selon toute logique, un train à
prendre?
-les mendiants, et vous découvrirez ici les replis tortueux de mon âme de démon,
si tant est que les démons aient une âme, mendiants qui ont la bonne idée
d’écrire le traditionnel « j’ai faim, j’ai froid, 25 enfants et une girafe à
charge » dans leur langue d’origine. Indéchiffrable pour moi. Donc je peux en
toute bonne conscience (ou presque) ignorer ces appels (qui demandent peut-être
d’ailleurs en fait de l’argent pour financer un calendrier glamour ! ) qui ne
s’adressent pas à moi.
– la foule en général et en particulier, surtout pour rentrer dans un train/tram
qui a assez de retard pour rassembler les voyageurs censés prendre 3 trains…
Etape 2: le train: échantillon humain en conserve:
– le jeune rappeur: fort connu, il se remarque aisément à son usage immodéré des
hauts-parleurs, afin de diffuser la bonne parole…
– la mère de Mathilda (mais si, vous savez, le livre de Roald Dahl !) : fausse
blonde, un foulard rose barbie sur la tête, surmonté de lunettes de soleil, un
châle rose, un sac rose, d’où elle peut sortir le porte-feuilles assorti et un
paquet de chewing-gum parfum fraise (boîte rose). A un faux diamant sur le
front, un autre cloué au nez. Arsenal de breloques dorées, de suspensions de
médaillons et de fanfreluches. Ne pas oublier le rouge à lèvres glamour (du
pourpre au rose intense, laissant des taches sur les dents) et le mâchage de
chewing-gum cité précédemment, avec ouverture de bouche bruyante. et dans la
version avec accessoires, ajouter la fille de 8 à 10 ans (veste de cuir de
future motarde et bandeau rose) équipée du dernier téléphone pour que tout le
wagon profite du tube de Leslie que l’enfant pourra, en cas de besoin, suppléer
en chantant, tapant des pieds, claquant des mains ou hurlant « mec! » en rythme.
– sa voisine, l’étudiante en médecine, qui relit ses fiches en lui jetant à
intervalles réguliers un regard agacé.
– la dame « classe », qui sort d’une conférence, en costume, ensemble Chanel,
foulard de soie et parure complète. On ignore ce qu’elle fait en seconde classe.
– l’inévitable couple d’Hollandais, qui commentent des cartes puis harcèlent le
contrôleur pendant 45 minutes pour connaître tous les trains entre Toulouse et
Paris de 8h à 16h37 (« après c’est trop tard ») mais ne passant pas par
Framboisy-les-Ouailles.
– le boulet (et vous le croiserez obligatoirement un jour où il n’y aura que
vous et lui dans le wagon) qui passera deux heures à vous parler de l’otite
qu’il a eu le mois passé sans discontinuer.
– le bébé, inutile de détailler, ils sont insupportables.
– les anciens camarades de classe, dont on aimerait bien avoir des nouvelles
mais à qui on n’ose pas adresser la parole et que l’on écoute donc discrètement.
– la psychologue qui s’y croit et commence à analyser l’agoraphobie de votre
voisin qui confie sans hésiter les traumatismes de son enfance à cette inconnue
qui lui affirme « je comprends ».

Heureusement, il y a les fenêtres.

Publié dans wandering


AJOUTER À L’ÉPARPILLEMENT

•avril 4, 2009 • 5 commentaires

On ne sait plus tellement comment s’y prendre, à force de silence et de nuits
lyonnaises où l’on s’est enfoncé (mais nous n’irons pas au bout de la nuit). Il
y a trop de morceaux de réalité, et trop peu de relation (le sens est une
relation, a dit le sage). Je n’ai pas le temps ou pas le courage d’ouvrir un
article, un début, une fin.
Des bouts de bois arrachés par l’hiver ressemblent au corp d’un écureuil sans
vie.
Les canetons sont nés. Il fait jour si tard que l’on a du mal à se retirer, avec
ce flottement étrange avant de décider qu’il est l’heure.
Il n’y a plus rien pour se protéger de l’idée du concours, juste un vaste vide,
et quelques avalanches de polycops.
Je me perds entre mes blogs, combien, encore de nouveaux qui naissent pour
mourir.
Des projets pour le futur.
Par la fenêtre du concours blanc, on a vu les fleurs s’ouvrir, un peu plus
chaque jour, à chaque épreuve un peu plus de lumière au dehors. (Et pourtant sur
le bâtiment il y a écrit « clinique », nous sommes trop près d’un basculement.)
Un mail de quelqu’un que l’on avait oublié, pas de mail de ceux dont on se
souvient.
Je relis l’Ecume des jours.

Encore une fois les coutures sont trop fragiles.

Publié dans monologue


BRÈVE

•avril 2, 2009 • Laissez un commentaire

De toutes manières je suis fatiguée de ce tissage des instants, de cet effort
pour que les minutes soient un récit, comme une vie.

De toutes manières je suis fatiguée.

Publié dans monologue

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DES MOTS

Je ne pense jamais, je suis bien trop intelligent pour ça.

- Camus, Caligula -

Lovers dallied upon divans spread with sables. Frozen roses fell in showers when
the Queen and her ladies walked abroad. Coloured balloons hovered motionless in
the air. Here and there burnt vast bonfires of cedar and oak wood, lavishly
salted, so that the flames were of green, orange, and purple fire. But however
fiercely they burnt, the heat was not enough to melt the ice which, though of
singular transparency, was yet of the hardness of steel. So clear indeed was it
that there could be seen, congealed at a depth of several feet, here a porpoise,
there a flounder.

- V. Woolf, Orlando -

In short, nothing could exceed the brilliancy and gaiety of the scene by day.
But it was at night that the carnival was at its merriest. For the frost
continued unbroken; the nights were of perfect stillness; the moon and stars
blazed with the hard fixity of diamonds, and to the fine music of flute and
trumpet the courtiers danced.

- V. Woolf, Orlando -

ANTIGONE. - Vous me dégoûtez tous, avec votre bonheur ! Avec votre vie qu'il
faut aimer coûte que coûte. On dirait des chiens qui lèchent tout ce qu'ils
trouvent. Et cette petite chance pour tous les jours, si on n est pas trop
exigeant. Moi, je veux tout, tout de suite, et que ce soit entier ou alors je
refuse ! Je ne veux pas être modeste, moi, et me contenter d'un petit morceau si
j'ai été bien sage. Je veux être sûre de tout aujourd hui et que cela soit aussi
beau que quand j'étais petite ou mourir.

- Anouilh, Antigone -

Ibant obscuri sola sub nocte per umbram, perque domos Ditis vacuas et inania
regna : quale per incertam lunam sub luce maligna est iter in silvis, ubi caelum
condidit umbra Iuppiter, et rebus nox abstulit atra colorem. Vestibulum ante
ipsum, primisque in faucibus Orci Luctus et ultrices posuere cubilia Curae ;
pallentesque habitant Morbi, tristisque Senectus, et Metus, et malesuada Fames,
ac turpis Egestas, terribiles visu formae: Letumque, Labosque ; tum
consanguineus Leti Sopor, et mala mentis Gaudia, mortiferumque adverso in limine
Bellum, ferreique Eumenidum thalami, et Discordia demens, vipereum crinem vittis
innexa cruentis

- Virgile, Eneide -

Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris; j'unis un coeur de neige à la
blancheur des cygnes; Je hais le mouvement qui déplace les lignes, Et jamais je
ne pleure et jamais je ne ris.

- Baudelaire, La beauté -

mycontent[7]=

Selfishness is not living as one wishes to live, it is asking others to live as
one wishes to live.

- Oscar Wilde

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant d'une femme inconnue, et que
j'aime, et qui m'aime, Et qui n est, chaque fois, ni tout à fait la même Ni tout
à fait une autre, et m'aime et me comprend.

- Verlaine -

Et depuis, ma Pensée - immobile - contemple Sa Splendeur évoquée, en adoration,
Et dans son Souvenir, ainsi que dans un temple, Mon Amour entre, plein de
superstition. Et je crois que voici venir la Passion.

- Verlaine, Initium -

Un jour qu'il faisait nuit Il s'envola au fond de la rivière. Les pierres en
bois d'ébène les fils de fer en or et la croix sans branche. Tout rien je la
hais d'amour comme tout un chacun. Le mort respirait de grandes bouffées de
vide. Le compas traçait des carrés et des triangles à cinq côtés. Après cela il
descendit au grenier. Les étoiles de midi resplendissaient. Le chasseur revenait
carnassière pleine de poissons sur la rive au milieu de la Seine. Un ver de
terre marque le centre du cercle sur la circonférence. En silence mes yeux
prononcèrent un bruyant discours. Alors nous avancions dans une allée déserte où
se pressait la foule. Quand la marche nous eut bien reposés nous eûmes le
courage de nous asseoir puis au réveil nos yeux se fermèrent et l'aube versa sur
nous les réservoirs de la nuit. La pluie nous sécha.

- Desnos -

Une odeur nocturne, indéfinissable et qui m'apporte un douté obscur, exquis et
tendre, entre par la fenêtre ouverte dans la chambre où je travaille. Mon chat
guette la nuit, tout droit, comme une cruche... Un trésor au regard subtil me
surveille par ses yeux verts... La lampe fait son chant léger, doux comme on
l'entend dans les coquillages. Elle étend ses mains qui apaisent. j'entends les
litanies, les choeurs et les répons des mouches dans son aréole. Elle éclaire
les fleurs au bord de la terrasse. Les plus proches s'avancent timidement pour
me voir, comme une troupe de nains qui découvre un ogre... Le petit violon d'un
moustique s'obstine. On croirait qu'un soliste joue dans une maison très
lointaine... Des insectes tombent dune chute oblique et vibrent doucement, sur
la table. Un papillon blond comme un fétu de paille se traîne dans la petite
vallée de mon livre.

- Leon Paul Fargue -

Tout cela ne vaut pas le poison qui découle De tes yeux, de tes yeux verts Lacs
où mon âme tremble et se voit à l'envers... Mes songes viennent en foule Se
désalterer à ces gouffres amers.

- Baudelaire Le poison -

Mon bel amour mon cher amour ma déchirure Je te porte dans moi comme un oiseau
blessé Et ceux-là sans savoir nous regardent passer Répétant après moi les mots
que j'ai tressés Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent Il n y a
pas d'amour heureux.

- Aragon -

Ah ! cruel, tu m'as trop entendue ! Je t'en ai dit assez pour te tirer d'erreur.
Eh bien ! connais donc Phèdre et toute sa fureur. j'aime. Ne pense pas qu'au
moment que je t'aime, Innocente à mes yeux, je m'approuve moi-même, Ni que du
fol amour qui trouble ma raison, Ma lâche complaisance ait nourri le poison.
Objet infortuné des vengeances célestes, Je m'abhorre encor plus que tu ne me
détestes. Les dieux m'en sont témoins, ces dieux qui dans mon flanc. Ont allumé
le feu fatal à tout mon sang ; Ces dieux qui se sont fait une gloire cruelle De
séduire le cœur d'une faible mortelle. Toi-même en ton esprit rappelle le passé.
c'est peu de t'avoir fui, cruel, je t'ai chassé : j'ai voulu te paraître
odieuse, inhumaine, Pour mieux te résister, j'ai recherché ta haine. De quoi
m'ont profité mes inutiles soins ? Tu me haïssais plus, je ne t'aimais pas
moins. Tes malheurs te prêtaient encor de nouveaux charmes. j'ai langui, j'ai
séché, dans les feux, dans les larmes. Il suffit de tes yeux pour t'en
persuader, Si tes yeux un moment pouvaient me regarder. Que dis-je ? Cet aveu
que je te viens de faire, Cet aveu si honteux, le crois-tu volontaire ?

- j'Racine, Phèdre -

Eh bien ! Régnez cruel ; contentez votre gloire : Je ne dispute plus.
j'attendais, pour vous croire, Que cette même bouche, après mille serments d'un
amour qui devait tous nos moments, Cette bouche à mes yeux s'avouant infidèle,
m'ordonnât elle-même une absence éternelle. Moi-même j'ai voulu vous attendre en
ce lieu. Je n écoute plus rien : et pour jamais, adieu. Pour jamais ! Ah !
Seigneur, songez-vous en vous-même Combien ce mot cruel est affreux quand on
aime ? Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous, Seigneur, que tant de
mers me séparent de vous ? que le jour recommence et que le jour finisse, sans
que jamais Titus puisse voir Bérénice, Sans que de tout le jour je puisse voir
Titus ? Mais quelle est mon erreur, et que de soins perdus ! l'ingrat, de mon
départ consolé par avance, Daignera-t-il compter les jours de mon absence ? Ces
jours si longs pour moi lui sembleront trop courts.

- J. Racine, Bérénice -

L hiver au pays Rebeillard était toujours une saison étincelante. Chaque nuit la
neige descendait serrée et lourde. Dans le halo des réverbères, Antonio l'avait
vue tomber parfois droite comme une pluie d'orage. Les villes, les villages, les
fermes du Rebeillard dormaient ensevelis dans ces épaisses nuits silencieuses.
De temps en temps toutes les poutres d'un village craquaient, on s'éveillait,
les épais nuages battaient des ailes au ras de terre en froissant les forêts.
Mais tous les matins arrivaient dans un grand ciel sans nuages, lavé par une
petite bise tranchante

- J. Giono, Le Chant du monde -

A peine sorti de l'horizon, le soleil écrasé par un azur terrible ruisselait de
tous côtés sur la neige gelée; le plus maigre buisson éclatait en cœur de
flamme. Dans les forêts métalliques et solides le vent ne pouvait pas remuer un
seul rameau; il faisait seulement jaillir sur l'embrasement blanc des embruns
d'étincelles. Des poussières pleines de lumières couraient sur le pays. Parfois,
au large des chemins plats, elles enveloppaient un homme qui marchait sur des
raquettes ou bien, surprenant les renards malades à la lisière des|bois, elles
les forçaient à se lever et à courir vers d'autres abris. Les bêtes s'arrêtaient
en plein soleil avec leurs poils tout salés de neige gelée, dure comme une
poussière de granit; elles se léchaient dans les endroits sensibles pour se
redonner du chaud et elles repartaient en boitant vers l'ondulation lointaine
d'un talus. Le jour ne venait plus du soleil seul, d'un coin du ciel, avec
chaque chose portant son ombre, mais la lumière bondissait de tous les éclats de
la neige et de la glace dans toutes les directions et les ombres étaient maigres
et malades, toutes piquetées de points d'or. On aurait dit que la terre avait
englouti le soleil et que c'était elle, maintenant, la faiseuse de lumière.

- J. Giono, Jle Chant du monde -

Qui veut venir avec moi voir apparaître, dans sa triste oasis, au milieu de ses
champs de pavots blancs et de ses jardins de roses rosés, la vieille ville de
ruines et de mystère, avec tous ses dômes bleus, tous ses minarets bleus d'un
inaltérable émail ; qui veut venir avec moi voir Ispahan sous le beau soleil de
mai, se prépare à de longues marches, au brûlant soleil, dans le vent âpre et
froid des altitudes extrêmes, à travers ces plateaux de l'Asie, les plus élevés
et les plus vastes du monde, qui furent les berceaux des humanités, mais qui
sont devenus aujourd hui des déserts.

- P. Loti Aziyadé -

=

Ce pourrait être un immense apaisement, se dit-elle ; une telle libération : de
simplement partir. De dire à tous : Je n’y arriverais pas, vous n’en aviez pas
idée ; je ne voulais plus continuer. Il y aurait là une beauté effrayante, comme
une banquise ou un désert au petit matin. Elle pourrait, ainsi, pénétrer cet
autre paysage ; elle pourrait les laisser tous derrière – son enfants, son mari
et Kitty, ses parents, tout le monde -, dans cet univers ravagé (il ne
retrouvera jamais son unité, il ne sera jamais tout à fait pur), à se dire l’un
à l’autre, à dire à ceux qui poseraient la question : Nous pensions qu’elle
allait bien, nous pensions que ses chagrins étaient des peines ordinaires. Nous
n’avions pas compris.

- M. Cunningham Les Heures -

Dans l'odeur perverse des parfums, dans l'atmosphère surchauffée de cette
église, Salomé, le bras gauche étendu, en un geste de commandement, le bras
droit replié, tenant à la hauteur du visage un grand lotus, s'avance lentement
sur les pointes, aux accords d'une guitare dont une femme accroupie pince les
cordes.

- J.K. Huysmans, A Rebours -

Elle ferma ses petits yeux noirs et replaça sa tête en position. Le chat laissa
reposer avec précaution ses canines acérées sur le cou doux et gris. Les
moustaches noires de la souris se mêlaient aux siennes. Il déroula sa queue
touffue et la laissa traîner sur le trottoir. Il venait, en chantant, onze
petites filles aveugles de l'orphelinat de Jules l'Apostolique.

- B. Vian, L'écume des jours -

La boule neigeuse posée sur le bureau paternel contenait un pingouin avec une
écharpe à raies blanche et rouge. Quand j'étais petite, mon père me faisait
monter sur ses genoux et tendait la main vers la boule. Il la mettait à
l'envers, et de la neige s'amassait au sommet, puis il la retournait d'un coup
sec. On regardait alors, côte à côte, la neige tomber doucement autour du
pingouin. Je m'étais fait la réfléxion qu'il était là, tout seul, et ça
m'inquiétait. Quand j'en ai fait part à mon père, il m'a répondu :" Ne
t'inquiète pas, enfermé dans son monde parfait, il a la belle vie .

- A. Sebold, La nostalgie de l'ange -

Mais il arriva du fond de la salle un bourdonnement de surprise et d'admiration.
Une jeune fille venait d'entrer. Sous un voile bleuâtre lui cachant la poitrine
et la tête, on distinguait les arcs de ses yeux, les calcédoines de ses
oreilles, la blancheur de sa peau. Un carré de soie gorge-de-pigeon, en couvrant
les épaules, tenait aux reins par une ceinture d'orfèvrerie. Ses caleçons noirs
étaient semés de mandragores, et d'une manière indolente elle faisait claquer de
petites pantoufles en duvet de colibri. Sur le haut de l'estrade, elle retira
son voile. c'était Hérodias, comme autrefois dans sa jeunesse. Puis elle se mit
à danser.

- G. Flaubert, Hérodias -

Le jour tomba ; des nuages s'amoncelèrent au-dessus du Baal. Le bûcher, sans
flammes à présent, faisait une pyramide de charbons jusqu à ses genoux ;
complètement rouge comme un géant tout couvert de sang, il semblait, avec sa
tête qui se renversait, chanceler sous le poids de son ivresse.

- G. Flaubert, Salammbô -

Avec son flambeau, il alluma une lampe de mineur fixée au bonnet de l'idole ;
des feux verts, jaunes, bleus, violets, couleur de vin, couleur de sang, tout à
coup, illuminèrent la salle. Elle était pleine de pierreries qui se trouvaient
dans des calebasses d'or accrochées comme des lampadaires aux lames d'airain, ou
dans leurs blocs natifs rangés au bas du mur. C'étaient des callaïs arrachées
des montagnes à coups de fronde, des escarboucles formées par l'urine des lynx,
des glossopètres tombés de la lune, des tyanos, des diamants, des sandastrum,
des béryls, avec les trois espèces de rubis, les quatre espèces de saphir et les
douze espèces d'émeraudes. Elles fulguraient, pareilles à des éclaboussures de
lait, à des glaçons bleus, à de la poussière d'argent, et jetaient leurs
lumières en nappes, en rayons, en étoiles. Les céraunies engendrées par le
tonnerre étincelaient près des calcédoines qui guérissent les poisons. Il y
avait des topazes du mont Zabarca pour prévenir les terreurs, des opales de la
Bactriane qui empêchent les avortements, et des cornes d'Ammon que l'on place
sous les lits afin d'avoir des songes.

- G. Flaubert, Salammbô -

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