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C'EST QUOI L'AMOUR ?


UN LIVRE DE BIRGITTA BISCHOFF

Soixante-neuf ans de recherche dans un monde en mutation

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Vous pouvez acheter les livres dans les commerces suivants en Suisse : 

Martigny (VS) : Librairie Baobab

Salvan (VS) : Au p’tit local

Vevey  (VD) : Librairie la Fontaine

DE QUOI IL S'AGIT

 * Roman autobiographique : jeunesse germanophone, puis francophone. Changement
   radical des conditions de vie depuis la période d’après-guerre jusqu’à la vie
   actuelle à l’époque d’internet.
 * Témoignages accompagnés de commentaires évoluant avec l’âge et la situation
   de vie du personnage qui raconte.
 * Composé de 7 parties divisées en chapitres et sous-chapitres.



RÉSUMÉ

Première partie :  Enfance d’une jeune fille, Kathrina, née après-guerre (1952)
en Allemagne du Nord, au bord de la mer. Les conditions de vie correspondent à
celles du 19ème siècle, à part l’ampoule électrique au plafond. L’éducation des
filles les prépare depuis leur prime enfance à leur rôle de future épouse et
mère. Kathrina vit dans un cadre familial qui se compose exclusivement
d’adultes, il lui est interdit de jouer avec d’autres enfants. Il lui est
également interdit de parler et même de comprendre la langue régionale parlée
par tout le monde. Son grand-père, instituteur et « commandant » de la famille,
décrète que cette langue n’est pas bonne pour elle. L’entourage obéit et
s’adresse à Kathrina exclusivement en bon allemand : Kathrina doit évoluer dans
cette langue que personne n’utilise par ailleurs.

Kathrina réalise que ce qu’on lui dit en allemand standard ne correspond pas à
ce que les adultes discutent entre eux dans leur langue interdite. Elle est
confrontée à la double difficulté de devoir dire la vérité dans la langue du
mensonge et de cacher le fait qu’elle comprend évidemment tout ce que les
adultes se racontent. Elle a constamment mauvaise conscience, parce qu’elle
n’arrive pas à s’empêcher de comprendre la langue régionale. Pour échapper à ce
stress permanent, elle s’est construit un espace de réflexion ou les idées se
débarrassent de tout formatage linguistique ou autre en y entrant. Elle peut y
réfléchir tranquillement et en toute liberté. Kathrina aimerait réfléchir à ce
qu’est l’amour, mais son espace de réflexion ne laisse pas entrer cette notion.

Kathrina décrit son environnement, comme elle le perçoit en tant que petite
enfant, à travers des anecdotes enrichies de ses réflexions personnelles. Cette
enfant doit dormir dans une chambre où le fourneau en fonte noire se transforme
en méchant loup dès que la nuit tombe. Le loup la menace de la manger si elle le
trahit. Mais le loup ne lui a jamais promis non plus de ne pas la manger, si
elle ne le trahit pas. Cette angoisse constante l’entraîne à devenir plus forte
que la peur.

Deuxième partie :  déménagement – le méchant loup ne déménage pas avec la
famille, il reste dans l’ancienne maison. Kathrina a bien fait de tenir bon. A
l’âge de 5 ans, Kathrina apprend les travaux d’aiguille, mais s’ennuie beaucoup
dans sa tête. Elle s’amuse à faire de nombreuses crasses à sa mère qui est la
plupart du temps sa seule compagnie. A 6 ½ ans, Kathrina commence enfin l’école.
D’un jour à l’autre, sa vie change complètement. A l’école, tout le monde parle
le bon allemand, elle n’est plus seule. Elle a le droit de jouer avec d’autres
enfants, mais elle ne sait pas comment s’y prendre. Kathrina préfère l’école à
la maison et est épouvantée à l’idée d’avoir des vacances. Kathrina est ce qu’on
appelle aujourd’hui « surdouée ». Elle a la chance d’avoir des enseignants très
compréhensifs, notamment une maîtresse très religieuse dans le bon sens qui lui
enseigne ce qu’est l’amour du prochain.

Kathrina est confrontée à la mort d’une vieille voisine qu’elle aimait beaucoup.
Elle a grandi, elle lit tous les livres qu’elle trouve, ainsi ses descriptions
et réflexions s’étoffent. Elle essaie toujours de savoir ce qu’est l’amour et
refuse violemment l’amour des adultes qui ne consiste à son avis qu’en mensonges
racontés aux enfants. Elle découvre l’omniprésence de l’alcoolisme des hommes et
la situation souvent très précaire des femmes. Elle a envie de partir.

Les années 60 sont changeront le monde. Les premières nouveautés techniques
apparaissent, dont la TV qui fait entrer l’information dans les maisons.
Kathrina a encore l’occasion de faire l’expérience de la boucherie à la maison
qui tombera bientôt aux oubliettes.

Troisième partie : Kathrina commence le gymnase à l’âge de 11 ans (système
allemand, gymnase au bout de 4 ans d’école primaire). Son monde prend de
l’ampleur. La majorité des élèves vivent en internat, ce sont des enfants de
parents fortunés, ils viennent des quatre coins du monde. Kathrina aime l’école,
malgré le cadre très strict et violent. Les enseignants ont tous vécu la guerre
et portant les marques dans leur chair et leur psychisme.  Elle aime apprendre,
ne s’ennuie plus, mais elle n’aime pas étudier selon un schéma donné. Elle ne
voit aucun intérêt à apprendre le français, ne travaille pas du tout ses cours,
mais fait finalement, grâce à sa propre méthode inédite, une très bonne note aux
examens du bac. Elle apprend l’anglais au moment où les Beatles commencent à
être connus, c’est évidemment motivant. A l’âge de 11 ans, elle avertit ses
parents qu’elle les quittera après son bac pour ne plus revenir, elle sait que
la police ne la ramènera plus dès l’âge de 18 ans. Elle tombe amoureuse en est
très déçue, à son avis, l’amour est dangereux et devrait être interdit. Elle
prépare son départ définitif.

Quatrième partie : Kathrina part en Suisse romande. Elle se marie trois fois.
Elle découvre le monde professionnel, travaille surtout dans la vente, domaine
qui lui plaît beaucoup, ouvre sa propre boutique qu’elle revend après quelques
années. Le suicide de son père la pousse à réfléchir. Divorcée trois fois, elle
se retrouve avec quatre enfants devant une montagne d’échecs, son état de santé
est déplorable. Elle décide d’y remédier.  Elle découvre les erreurs
fondamentales gravées dans son cerveau. Ces erreurs l’ont menée à vivre une vie
qui n’est pas la sienne. Elle fera mieux désormais. Elle se rend compte de son
manque de formation professionnelle et demande conseil. Elle suit le conseil et
s’inscrit à la faculté de droit de l’UNIL. Elle a 40 ans.

Cinquième partie : Les études de droit et l’ambiance universitaire conviennent à
merveille à Kathrina. Sa situation financière est très précaire, mais Kathrina
arrive à gérer la situation. Elle passera sa licence (équivaut au master actuel)
quatre ans plus tard. Elle trouve un amant qu’elle ne quittera que 27 ans plus
tard. Ils ne vivront jamais ensemble. Kathrina développe sa propre théorie sur
l’amour, la théorie des cumulus. Licence en poche, elle peine à trouver un
emploi, découvrant qu’à 44 ans, elle est trop vieille pour le marché du travail.
Elle accumule donc les jobs intermédiaires qui alternent avec des périodes de
chômage. Elle utilise ces périodes sans travail pour prendre sous ses ailes une
jeune femme orientale ayant subi de graves tortures et elle s’occupe de la
constitution d’un nouveau groupement politique au sein du Conseil Communal de sa
ville.

Peu de temps après la fin de ses études, l’informatique fait son entrée dans la
vie quotidienne. Contrairement à la majorité de ses contemporains, Kathrina en
est émerveillée. Enfin elle peut trouver facilement des renseignements sur tout
ce qui l’intéresse ! Elle se découvre « zèbre », notion nouvelle réunissant les
gens comme elle qui ne rentrent dans aucun cadre.

Elle fonde son entreprise de traductions qu’elle exploite jusqu’à l’âge de sa
retraite qui coïncide avec l’écroulement de la branche, car les logiciels de
traduction sont devenus très performants. Kathrina a bien gagné sa vie et a pu
s’acheter une maison à la montagne où elle vit toujours.

La mère de Kathrina qui a été un gros poids pour elle durant toute sa vie
décède. Kathrina est libéré d’un immense souci.

La relation avec son amant a commencé à se détériorer lentement au bout de 10
ans, Kathrina a gardé l’espoir longtemps, jusqu’à ce que son amant l’agresse
violemment. Elle rompt la relation au bout de 27 ans.

Sixième partie : Kathrina se retrouve seule, ses enfants sont grands. Elle est à
la retraite et prend soin d’elle-même, découvre la région qu’elle habite. Elle
apprend le dessin sur IPad et vend des t-shirts imprimés de ses dessins sur
internet. Quand en 2020 Covid arrive, elle fait partie du groupe à risque à
cause de son âge et pense qu’elle doit mourir. Elle range alors sa maison en vue
de son décès. Elle ne meurt pas. Durant la période de confinement très stricte
en hiver 2020/2021 où il est interdit de se réunir à plus de 5 personnes, elle
organise avec beaucoup de succès des mini-concerts dans son salon. Elle se fait
ainsi de nombreux amis et connaissances. Des circonstances particulières la
mènent à vivre une brève histoire d’amour qui produit des effets très
réjouissants sur sa santé.

Septième partie : Changement de perspective. L’histoire de Kathrina est
terminée, mais l’autrice Birgitta est vivante et prend à présent la parole.

Elle fait référence à son espace de réflexion protégé, décrit au premier
chapitre et propose aux lectrices et lecteurs intéressés de leur présenter
quelques exemples de ce qui s’y passe actuellement. Elle choisit des sujets dont
elle a beaucoup parlé dans ce livre et qui continuent à la passionner, soit
l’âge, l’état amoureux et l’amour.

L’autrice ouvre la porte vers l’avenir sous un angle positif et conclut que
l’avenir appartient aux courageux.

PRÉFACE D'ALBAN BOURDY

Vous avez entre les mains – ou au sein de votre appareil informatique – une
œuvre rare, aussi singulière qu’universelle, dont c’est pour moi un honneur de
rédiger la préface. Ce livre est une bouffée d’air frais qui ne ressemble à rien
de ce que j’ai pu expérimenter d’autre. C’est formidablement vrai et entier,
avec un petit je-ne-sais-quoi de sacré, car préservé d’influences dénaturantes.
C’est comme si l’on entrait en communication directe avec l’être de
Birgitta-Kathrina, avant que cet être ne devienne la personne humaine
Birgitta-Kathrina, et que l’on suivait son parcours avec toujours cet accès
par-delà la condition terrestre en termes de conscience. Un parcours sacrément
contrasté entre la richesse de ses considérations et ressentis et
l’environnement glaçant d’austérité, d’hostilité, de minimalisme et de précarité
dans lequel évolue cet être en ses jeunes années. Lorsque l’on lit cela en 2022
en Suisse, on frémit que si proche de nous, dans le temps comme
géographiquement, on ait pu vivre dans un cadre si réduit et dans des conditions
si rudes.

C’est quoi l’amour ?, par son écriture non rattachée à une sensibilité d’époque,
ancrée dans la fibre propre de son auteure semblant intemporelle, nous extirpe
de ce que l’on admet, ou que l’on se résigne à admettre, pour aller interroger
les fondamentaux et prendre beaucoup de recul et de perspectives, tout en,
paradoxalement, branchant les capteurs sur la source vive sans filtre.

Depuis plus d’un an que je connais Birgitta, converser avec elle est toujours
très dense, déstabilisant, intéressant au-delà de tout. Échanger avec elle est
une fenêtre bien à part qui n’a pas son pareil. C’est toujours développé,
circulaire, sans implicite.

Préfacer un livre s’intitulant C’est quoi l’amour ? a quelque chose d’incongru
pour moi qui ai toujours été étranger à cette question, et ce tandis que je me
suis interrogé à n’en plus finir sur la nature de tout le reste. Je ne sais pas
expliquer ce qu’est l’amour, je le ressens de tout mon être, cela me semble
évident, c’est le gouvernail et la valeur de la vie. Là où il y a de l’amour, le
reste suit, ce n’est que de la logistique. Que l’on puisse se poser cette
question est un défi qui me pousse à envisager des ponts là où je présumais à
tort qu’ils étaient déjà construits et bien visibles. L’amour peut être éloigné
de soi si effectivement on nous l’a présenté sous un jour biaisé lorsque nous
étions enfants. Birgitta est un personnage ô combien atypique qui m’a bousculé
et fasciné lors de nos premiers contacts. Son regard est implacable, d’une
liberté totale, c’est assez déroutant mais totalement rafraîchissant. La
liberté, cela a toujours été mon aspiration, ma quête, et en cela mon admiration
pour Birgitta est sans borne.

Je suis touché par elle, autant dans nos différences que dans nos points de
convergence… (Outre le haut potentiel,) ce qui nous lie est de nous être
construits seuls, en absence d’une véritable présence adulte guidante. Ceci est,
il me semble, porteur d’une construction plus robuste, plus pérenne, et d’une
meilleure connaissance de soi. Notre enfance est assez comparable, avec beaucoup
de symptômes allergiques qui vont disparaître lorsque l’on comprendra ce qui
nous convient et ne nous convient pas. Je suis totalement en phase aussi avec
son patchwork culturel, ne s’ancrant dans aucune autre culture que la sienne
propre, ce qui est une particularité souvent incomprise mais libératrice que je
partage avec ma partenaire Christine Leclerc-Sherling. Au-delà de l’aspect
culturel, cet ouvrage s’inscrit au-dessus des aspects temporels, on prend
conscience de toutes sortes de décalages qui requestionnent tout. On a comme une
vision d’aigle par-delà les décors de pays, de langages, de cultures et
d’époques, une vision ancrée dans les sens et dans un espace personnel sacré.
L’hypersensible Birgitta ne fait aucune concession, ne part sur aucun préconçu,
cela peut être un peu déstabilisant mais c’est tellement vivifiant. Il y a dans
son œuvre comme une tranchante entreprise de déformatage pour nous faire ouvrir
les yeux sur la vraie essence de notre existence, à l’état brut. Un état brut
qui me fait prendre conscience que même si je pars sans cette intention, je
normalise tout de même parfois mon propos de façon inconsciente, alors que
Birgitta s’affranchit de ce cadre restrictif.

Ce livre n’est pas à lire en dilettante, il faut complètement s’y plonger sans
idée préconçue pour le goûter comme il se doit. C’est quoi l’amour ? réclame
l’engagement qui est celui de son auteure, il nous invite à laisser de côté
beaucoup de choses pour reconsidérer la vie avec un regard neuf, un regard qui
se place au-delà des mots, dans cet espace protégé de pensée non formatée d’où
Birgitta façonne sa réflexion, en couleurs. Là aussi c’est un challenge pour moi
d’entrer dans cet espace omnilingue où l’on prend une grande distance avec les
mots qui ont pour moi tant d’importance, qui ont tellement d’importance que je
ne peux pour ma santé mentale réellement conscientiser que des personnes
puissent parler autrement qu’en anglais et en français.
Penser au-delà de notre formatage culturel et des codes que nous avons adoptés,
toucher à l’essentiel, questionner la substance, c’est ce que nous permet cet
ouvrage. Cette singularité de s’affranchir des mots est chez Birgitta conjuguée
à sa capacité à ériger des discours fédérateurs qui prennent aux tripes, comme
elle a pu en montrer un échantillon dans son intervention spontanée lors de
l’édition 2022 de la Journée Mondiale de la Sensibilité, à Lausanne.

Birgitta-Kathrina a traversé les périodes les plus rapidement métamorphosées
(les années 60-70 gonflées de progrès techniques et de croissance économique
ainsi que les années 1990-2000 empreintes de l’universalisation de
l’informatique et d’internet) en en étant une témoin éclairée au regard affûté.
Il demeure toujours en elle cette incorruptibilité que je remarque aussi en
ayant l’impression qu’elle n’a été comme moi ni véritablement enfant ni
véritablement adulte.

Les versions allemande et française, écrites simultanément, avec des
spécificités propres à l’un et l’autre des langages, montrent la dextérité de
Birgitta à utiliser au mieux les différents outils pour les faire siens, en les
mettant au service d’une vérité non circonstancielle.

Dans un monde qui a tendance à se disperser, à s’impersonnaliser, à
s’uniformiser et à se virtualiser, cet ouvrage est un vecteur d’ancrage, de
recentrage, de reconnexion à soi-même, de reconnexion à la vérité, d’absolu,
d’appel à la reconnaissance de sa singularité comme base de l’expérience
humaine.
Le dernier paragraphe sur l’avenir est prodigieusement lumineux et dynamique, il
anime ce livre dans un formidable appel à l’audace et au courage, dans cette
démarche qui rend tout possible, dans cet optimisme qu’il faut maintenir coûte
que coûte pour se cocréer un bel avenir. Birgitta nous transmet beaucoup de
force et de courage par son expérience. Et son formidable positionnement
vis-à-vis du futur, plein de cette disposition positive, ouvert sur le champ des
possibles constructif, est une grande source d’inspiration à semer aux quatre
coins des mondes.

Oubliez tout ce que vous croyez savoir. Lâchez-tout, poussez la porte de ces
pages à tourner, et laissez-vous entraîner dans l’expérience de vie de
Birgitta-Kathrina…

Le maître-mot qui émane de cette œuvre et de son auteure est, je dirais :
Confiance.

Alban Bourdy

 

COMMENT ÉCRIRE DES LIVRES JUMEAUX EN DEUX LANGUES

Bonjour tout le monde !

Je vais vous raconter une histoire. C’est l’histoire d’une histoire, de mon
histoire :

J’ai souvent raconté des histoires vécues à mes amies et amis, et si souvent,
ils me disaient : « Tu devrais écrire un livre, c’est passionnant ce que tu
racontes là ! »

Je riais : « Tu veux que je fasse ça quand ? »

Il est vrai que pendant bien des années, je n’avais pas le temps d’écrire un
livre, je n’arrivais même pas à en lire. Mais le moment est arrivé où j’avais
plus de temps. Trois amies m’ont dit au cours de la même semaine que je devrais
vraiment écrire un livre, une parmi elles a tellement insisté que j’ai dit «
D’accord, tu as gagné, je m’y mets ».

Et me voilà déjà confrontée à la première question :

J’écris dans quelle langue ?

Je suis bilingue français-allemand. Comment choisir une langue au détriment de
l’autre ? C’est impossible, quoi que je décide, j’aurai des regrets. Que faire ?
Écrire dans les deux langues.

Dans quelle langue commencer ?

J’ai réfléchi dans quelle langue je me sens plus chez moi, plus libre. C’est
clairement le français pour moi. J’ai passé toute ma jeunesse en Allemagne, la
langue allemande m’a été imposée. Ma jeunesse était chargée de nombreux tabous.
J’ai adopté la langue française volontairement, personne ne m’y a obligé,
personne ne m’a jamais interdit d’utiliser cette langue. J’ai fait ma vie dans
un environnement francophone et je m’y sens bien. Alors je commencerai mes
écritures en français. – Mais il paraît que la langue maternelle a toujours la
priorité et qu’elle est même logée dans le cerveau à un endroit séparé des
autres langues. – Il est bien possible que cela soit ainsi chez des gens
normaux. Mais je pars du principe que je n’ai pas de langue maternelle et on
pourrait discuter longtemps de la question, comment des gens normaux doivent
fonctionner. Mais cette question ne m’intéresse pas.

Et voilà, on y va, un – deux – trois : départ !

Comme j’allais écrire des histoires tirées de ma vie, il me paraissait logique
de commencer avec mes premiers souvenirs.

Assez vite, je me rendais compte que le contenu se prêtait à structurer mes
récits en parties, les parties correspondaient chaque fois à un contenu dont les
différents chapitres étaient liés. J’ai appelé la première partie « La petite
enfance ».

A l’intérieur de la partie, j’ai remarqué que je pouvais facilement attribuer un
titre à chaque épisode que je racontais. Chaque partie comprenait donc un
certain nombre de chapitres. Parfois, un chapitre était un peu plus long, je
pouvais parfaitement encore utiliser des sous-titres pour mieux le structurer.

Arrivée à la fin de la première partie « La petite enfance », j’ai constaté que
j’avais écrit 25 pages A4, le texte était séparé en 24 chapitres.  Un des
chapitres était structuré par 3 sous-titres. La structure imaginée convenait au
projet. Cette première partie, avec tous ses chapitres et sous-titres était
écrite en français.

Comment continuer maintenant ?

Est-ce que j’allais continuer à écrire directement la deuxième partie ?
L’écriture demande une grande concentration. Dans un certain sens, j’avais
revécu tous ces épisodes lorsque je les rédigeais. Le contenu de la première
partie était encore bien présent dans mon cerveau, en tant que souvenir vivant,
je voyais encore les images, je sentais mes sentiments. J’allais en profiter
pour écrire directement la même histoire en allemand. Cela me paraissait plus
économique en énergie.  Tant que les événements sont vivants, il est facile de
les raconter dans n’importe quelle langue (pourvu qu’on la maîtrise,
évidemment). Il suffit de se déplacer mentalement dans le contexte linguistique
et culturel de la langue respective. Cela peut paraître incompréhensible pour
quelqu’un qui ne possède qu’une seule langue, mais celles et ceux qui en
utilisent plusieurs avec aisance comprennent parfaitement de quoi je parle.
Notre cerveau est un outil extraordinairement malléable, parfaitement capable de
s’adapter aux exigences diverses de la vie que nous menons.

J’ai fait l’expérience que mes souvenirs ne sont liés que rarement à des mots
précis, sinon il ne serait pas possible de sauter d’une langue à l’autre  si
facilement. Néanmoins il peut arriver qu’un mot particulier, de par sa musique,
soit porteur d’un souvenir. Ainsi, un souvenir d’enfance profondément enfoui ne
m’a réapparu que lors que je travaillais sur la version allemande et j’écrivais
le mot « woanders ». Le son de ce mot provoquait une espèce d’écho dans ma tête.
Je l’ai prononcé plusieurs fois de suite, avec des intonations différentes. Une
atmosphère, un sentiment s’y sont joints, puis des images et je me trouvais
soudain dans une situation que j’avais complètement oubliée. J’étais alors âgée
de 3½ ans. Il m’avait fallu la consonance du mot pour ranimer le souvenir. Ce
mot se traduit « ailleurs » en français. La consonance du mot « ailleurs » ne
rappelle effectivement pas du tout la consonance du mot « woanders ».

J’ai donc commencé à rédiger la première partie en allemand.

J’ai survolé ma table des matières, les noms des chapitres et sous-titres me
guidaient suffisamment. Parfois je me surprenais à écrire quelque chose que je
n’avais pas écrit en français, d’autres fois je jugeais inutile une remarque que
j’avais fait dans l’autre langue. Je réfléchissais alors, s’il y avait lieu
d’adapter l’un ou l’autre texte. S’il s’agissait effectivement d’un oubli,
j’adaptais le texte français, mais si je ressentais juste l’envie de m’exprimer
différemment, en citant d’autres exemples, d’autres images, je me laissais
guider par mon sentiment.

Lorsque j’avais terminé la première partie dans les deux langues, j’ai demandé à
quelques ami-e-s intéressés à mon projet d’écriture, s’ils avaient envie de lire
ce que j’avais écrit. Au bout de peu de temps, j’avais trouvé 2 lectrices et 3
lecteurs en français ainsi que 3 lectrices en allemand. C’était une très bonne
idée. Je leur ai systématiquement demandé leur avis après lecture. Tous sont des
gens formidables, je ne les connaissais pas forcément très bien, mais à travers
nos échanges je les connais un peu mieux maintenant. Cette relecture spontanée
dans les deux langues me rendait attentive à d’éventuelles incompréhensions et
me permettaient alors d’apporter encore quelques modifications à mes manuscrits.

J’ai commencé la rédaction de la partie suivante en français. J’ai tout de suite
senti que les souvenirs de la première partie laissaient la place aux nouvelles
aventures et je me suis félicité de ma décision d’écrire l’allemand tout de
suite. Mon cerveau était ainsi libre pour se concentrer entièrement à la suite.

Au total, j’ai écrit une centaine de pages A4 divisées en six parties. J’ai
toujours appliqué la même façon de procéder en ce qui concerne les langues.

Ensuite j’ai effectué un contrôle, si tous les chapitres étaient bien présents
dans les deux langues. J’ai bien fait de faire ce contrôle parce que j’ai
constaté que ce n’était pas le cas. Un chapitre n’existait qu’en français, un
autre uniquement en allemand. Je m’étais laissée emporter dans l’écriture à
écrire un événement qui me paraissait indispensable dans la langue donnée.
Réflexion faite, j’ai repris les deux chapitres orphelins dans l’autre langue
respective. Même si je n’y avais pas pensé lors de la première rédaction, ces
chapitres avaient chacun leur importance dans l’ensemble.

J’ai entretenu un contact suivi avec mes lectrices et lecteurs d’essai, nous
nous sommes échangés à de nombreux sujets, que ce soit au sujet de la grammaire
et de l’orthographe, du choix des mots, de précisions ou doublons, et bien
entendu très largement au sujet du contenu. Ils et elles m’ont beaucoup aidée
avec leurs observations, questions, remarques et en plus ils et elles ont eu du
plaisir à collaborer.

Tout à la fin, après plusieurs relectures pour affiner mes textes et suite aux
discussions avec deux de mes lectrices d’essai dont les avis paraissaient
inconciliables, j’ai encore divisé la sixième partie en deux. Le livre final
(dans les deux langues) comporte donc sept parties, le contenu de la septième
étant entièrement théorique. Les lectrices et lecteurs qui aiment bien lire les
témoignages mais pas les réflexions théoriques peuvent ainsi arrêter la lecture
à la fin de la sixième partie. Ainsi, les deux parties protagonistes sont
satisfaites du résultat.

Voici ce que mes lectrices et lecteurs d’essai dans les deux langues m’ont dit :

« Merci d’avoir partagé ton projet avec moi, c’était passionnant, j’ai beaucoup
appris. »

« J’adore ton style, c’est exactement comme quand tu racontes tes histoires. Tu
dois faire un livre audio. »

« J’ai apprécié ta structure claire et compréhensible. On s’y retrouve, si on a
envie de relire un passage. »

« Tu as l’art de parler d’une manière simple et légère de choses graves et
compliquées. »

« Tu dis juste ce qu’il faut pour comprendre. Pas besoin d’un dictionnaire. »

« En lisant ton histoire, j’ai eu l’impression d’avoir fait un voyage dans un
pays dont je ne soupçonnais pas l’existence. »

« Je me suis retrouvée à beaucoup d’endroits. »

« J’ai adoré nos discussions à propos de tes textes. »

« C’est dommage que ce soit déjà fini. Tu vas en écrire d’autres ? »

« Tu m’as donné envie d’écrire aussi. »

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