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Les femmes vivent en moyenne six ans de plus que les hommes mais passent moins d'années en bonne santé. Mieux suivies, elles sont pourtant moins bien soignées. C'est le constat de Catherine Vidal, chercheuse en neurosciences, dans un rapport remis au Haut Conseil à l'égalité. Mais ce n'est pas une fatalité! Le point sur les connaissances en matière de santé au féminin. SOMMAIRE 1. Infarctus et AVC: avant tout prévenir 2. Le tour de France du Bus du Coeur 3. Cancers: les vraies mesures pour s'en prémunir 4. Intimité, sexualité: la fin des tabous 5. Rendez-vous chez la sage-femme 6. Pour aller plus loin • INFARCTUS ET AVC: AVANT TOUT PRÉVENIR Les maladies cardio-vasculaires sont la première cause de décès chez les femmes après 55 ans, devant le cancer. En cause: une multiplication des facteurs de risque après la ménopause, mais pas seulement. Ces pathologies restent sous-diagnostiquées parce que méconnues des médecins et des femmes elles-mêmes. Pour la Pre Claire Mounier-Véhier, cardiologue au CHU de Lille et cofondatrice d’Agir pour le cœur des femmes, sauver 10 000 vies d’ici à cinq ans est possible, en misant sur la prévention et l’information. • Je prends conscience du risque Les femmes sont plus vulnérables aux maladies cardio-vasculaires que les hommes pour des raisons physiologiques: - Leurs artères sont plus fines et davantage sujettes aux spasmes. Elles se bouchent donc plus facilement. - L’arrêt de la production des œstrogènes naturels à la ménopause augmente nettement les facteurs de risques. Les artères deviennent plus rigides, la pression artérielle augmente. "À partir de 50 ans, près d’une femme sur deux est hypertendue, six sur dix à 60 ans", précise Claire Mounier-Véhier. - Le taux du "mauvais cholestérol" (LDL) augmente, alors que le "bon cholestérol" (HDL) a tendance à baisser, avec, à la clé, un risque d’athérosclérose. La glycémie progresse aussi, exposant au diabète. - Ces désordres métaboliques sont souvent liés à une prise de poids à la ménopause et au développement du tissu adipeux à l’intérieur du ventre, à l’origine d’une résistance à l’insuline et d’un état inflammatoire chronique. L’obésité abdominale concerne plus de la moitié des femmes après la ménopause. Elle est caractérisée par un tour de taille supérieur ou égal à 88cm, quelle que soit la taille de la personne. Lire aussi: J'ai du ventre, oui mais quel ventre? - La prise de poids expose également aux apnées du sommeil, ces interruptions répétées de la respiration quand on dort, qui entraînent des micro-éveils incessants souvent invisibles. Ce facteur de risque cardio-vasculaire majeur reste sous-dépisté chez elles. "Les symptômes des apnées du sommeil chez la femme sont atypiques. Souvent, ils ne sont pas accompagnés de ronflements", poursuit la Pre Mounier-Véhier. - Lorsque l’accident survient, les femmes sont moins bien prises en charge: les infarctus du myocarde sont traités en moyenne une à trois heures après ceux des hommes car, trop souvent, ni elles ni leur entourage ne prennent vite au sérieux les symptômes de la crise cardiaque, les attribuant à la fatigue ou à l’anxiété. Même les médecins ne font pas toujours le bon diagnostic. Car les signes de la crise cardiaque féminine sont atypiques: étourdissement soudain, épuisement inhabituel qui dure, brûlures d’estomac, nausées ou vomissements, sueurs froides, douleur entre les omoplates… • Mon cœur sous surveillance - Je consulte sans attendre. Si j’ai des symptômes inhabituels, palpitations lors d’un effort, essoufflement d’apparition brutale, maux de tête matinaux, douleur dans la poitrine ou la mâchoire, je consulte vite. - Je contrôle ma tension. Le bon rythme: la prendre au bras au moins deux fois par an, avec trois mesures matin et soir, en position assise, au calme, trois jours de suite et dans l’idéal deux semaines de suite. Au-delà de 135/85 à la maison, il faut consulter. La tension doit être contrôlée par un professionnel de santé au moins une fois par an. - Je programme un bilan cardio-vasculaire. Ce bilan consiste en une mesure de la pression artérielle, un bilan lipidique complet (triglycéride et cholestérol total, HDL et LDL) et une glycémie à jeun. Il est à renouveler tous les deux ans, ou tous les ans après un accident cardio-vasculaire ou en cas de diabète. Il peut être réalisé par le médecin généraliste, un gynécologue ou une sage-femme. - J’arrête de fumer. Le premier facteur de risque de l’infarctus du myocarde, c’est toujours le tabac. Bonne nouvelle: cinq ans après l’arrêt, ce risque redevient équivalent à celui d’un non-fumeur. Lire aussi: Tabac, alcool: 5 réflexes pour réduire les risques - Je bouge davantage. Pratiquer 30 minutes d’activité physique par jour, c’est bien. Mais cela n’empêche pas pour autant d’être sédentaire. Pour compenser le temps passé immobile, à lire, travailler ou regarder la télévision, il est indispensable de multiplier les coupures toutes les heures: se lever régulièrement, téléphoner en marchant, faire quelques mouvements de gymnastique… Lire aussi: AVC: bouger plus pour limiter le risque - Je me nourris sainement. Objectif: manger cinq portions de fruits et légumes et une poignée d’oléagineux (amandes, noix) chaque jour, du poisson deux, trois fois par semaine, et diminuer les apports en sel (en dessous de 5g/j), limiter la viande rouge, la charcuterie, les aliments sucrés, les pâtisseries, les sodas et l’alcool. Lire aussi: AVC: les femmes en première ligne LE TOUR DE FRANCE DU BUS DU COEUR Le Bus du cœur propose des conseils de prévention sur la santé cardiaque des femmes. Il offre, en plus, un dépistage des maladies cardio-vasculaires et un repérage gynécologique à celles qui sont en situation de précarité. Initiée à Lille en septembre 2021, il continue en 2022 de sillonner la France avec 20 nouvelles étapes: Toulouse, Bordeaux… • CANCERS: LES VRAIES MESURES POUR S'EN PRÉMUNIR 40% des cancers sont liés à des facteurs de risque contre lesquels il est possible de se protéger en ajustant son mode de vie. Certaines mesures sont simples à adopter, d’autres demandent une vraie motivation, mais l’enjeu est de taille. - J’identifie les facteurs de risque Plus de la moitié des Françaises n’identifient pas le surpoids et la consommation d’alcool comme des facteurs de risque de cancer du sein, par exemple (sondage Harris Interactive 2018), alors que ce sont les deux plus importants. Pour s’informer auprès d’une source fiable, on peut consulter l’Institut national du cancer, l’Inca (www.e-cancer.fr). - J’évalue mes risques personnels Suis-je exposée à un risque spécifique dans mon environnement? Quel programme de prévention personnalisé adopter? Dois-je perdre du poids, bouger davantage, changer mes menus? On connaît aujourd’hui les chiffres qui aident à se repérer: une consommation de viande rouge inférieure à 500g par semaine et 150g pour la charcuterie est ainsi conseillée. "La consommation d’alcool est aussi à interroger", encourage la Pre Béatrice Fervers, coordinatrice du département Cancer et environnement au centre Léon Bérard à Lyon, qui rappelle qu’à quantité équivalente l’alcool est plus toxique pour une femme que pour un homme. Santé publique France a fixé des repères en dessous desquels le risque pour la santé est faible, mais pas nul: pas plus de deux verres par jour et pas tous les jours. 14,7% des femmes dépassaient ces quantités en 2020. Pour le tabac, le bilan est simple: on est exposée dès la première cigarette. - Je fais de l’exercice Un rapport de l’Inca rappelle que si les bénéfices de l’activité physique sont aujourd’hui reconnus en prévention primaire (pour la population générale), de plus en plus d’études montrent aussi son intérêt pour éviter une récidive, être moins fatigué et mieux supporter les traitements, retrouver une vie active après la maladie, et gagner en espérance de vie. Des bienfaits obtenus en associant une activité d’endurance (marche active, par exemple) et des exercices de renforcement musculaire. Le bon rythme: 30 minutes par jour, au moins cinq jours par semaine. Être actif aide aussi à garder un poids stable et à avoir un bon moral: coup triple en quelque sorte! - Je prends le cancer de vitesse Trois programmes nationaux de dépistage gratuit sont proposés en France: contre le cancer du côlon-rectum (entre 50 et 74 ans), du col de l’utérus (entre 25 et 65 ans) et cancer du sein (entre 50 et 74 ans). Les femmes sont tout particulièrement concernées après la ménopause: l’âge moyen de découverte d’un cancer du sein est de 63 ans, 68 ans pour l’utérus et 71 ans pour le côlon-rectum. Le but du dépistage est de repérer les tumeurs à un stade précoce. C’est décisif pour guérir, alléger les traitements et limiter les séquelles. Détecté tôt, le cancer colorectal , par exemple, se guérit 9 fois sur 10. "Les taux de participation à ces programmes sont incroyablement faibles, regrette le Pr Jean-Yves Blay, médecin oncologue et président de la Fédération des centres de lutte contre le cancer. Pourtant les examens, gratuits, sauvent des vies!" Le recours au dépistage du cancer du sein est en baisse depuis dix ans, en raison de polémiques récurrentes. "On lui reproche d’être une source de surtraitement, voire d’opérations chirurgicales de tumeurs qui n’auraient jamais évolué, ou d’interventions sur des lésions non cancéreuses. Le problème est qu’on ne sait pas toujours identifier lesquelles n’ont pas besoin d’être traitées", expose la Dre Anne de Kervasdoué, gynécologue. Pour l’Inca, l’intérêt du dépistage ne fait pas de doute: 25 pays européens mènent un programme de dépistage du cancer du sein similaire à celui de la France qui, selon les études internationales, évite 15 à 21% de décès par cancer. Lire aussi: Pour être en forme toute l'année, je profite des dépistages et bilans de santé - Je consulte en cas de signes anormaux Les femmes ne prennent souvent pas au sérieux les alertes envoyées par leur corps. "Or, en matière de cancer, tout retard est préjudiciable", insiste le Pr Blay. Au moindre symptôme inhabituel, boule dans le sein, fatigue, perte d’appétit ou de poids, problèmes pour déglutir, sang dans les urines ou les selles, toux prolongée, il faut consulter. - J’ajuste mes menus Les aliments industriels ultra-transformés comme les plats préparés sont pratiques mais de lourds soupçons pèsent sur leur impact sur la santé. Augmenter de 10% leur part dans l’alimentation élève d’autant le risque de cancer, en particulier de cancer du sein, conclut une étude de l’Inserm publiée en 2018. La parade: cuisiner soi-même des produits frais, locaux, de saison, et autant que possible bio. Le lien entre le contenu de notre assiette et le risque de cancer a été démontré par différentes études. Éviter une exposition aux pesticides alimentaires réduirait ainsi le risque de cancer du sein après la ménopause de 43%, selon une étude de l’Inserm publiée en juillet2021. Miser sur la diversité et combiner céréales complètes, légumes secs et fruits et légumes verts réduit le temps d’exposition de la muqueuse digestive aux substances cancérigènes, ce qui protège du cancer colorectal. • INTIMITÉ, SEXUALITÉ: LA FIN DES TABOUS Avec l’arrêt de la production des œstrogènes, les muqueuses sont progressivement privées d’acide hyaluronique, d’élastine et de collagène. En perdant de leur épaisseur, de leur souplesse et de leur hydratation, elles peuvent rendre douloureux les rapports sexuels, émoussant plaisir et désir. "Les muqueuses urinaires sont également touchées, ce qui favorise les irritations, le besoin fréquent d’uriner et l’incontinence urinaire", indique la Dre Anne de Kervasdoué. Ces symptômes constituent le syndrome génito-urinaire de la ménopause. - Je prends au sérieux mes difficultés sexuelles et urinaires Seules 20% des femmes osent parler de leurs difficultés sexuelles et urinaires. La Dre Brigitte Letombe, gynécologue dans le service de Médecine du couple à l’hôpital Jeanne de Flandre, CHU de Lille, constate que le tabou est encore très présent chez nombre d’entre elles: "Beaucoup se disent que c’est une question privée qui ne relève pas du médical. D’autre part, les médecins les interrogent rarement sur le sujet." Résultat: les femmes sont le plus souvent pas ou mal traitées. - Des traitements locaux à disposition "Des remèdes simples, efficaces et pas forcément hormonaux sont à notre disposition pour permettre la poursuite d’une vie sexuelle après la ménopause", explique Anne de Kervasdoué. Parmi la large gamme de produits en vente libre en pharmacie et sans hormones (mais non remboursés par l’Assurance maladie), elle cite des lubrifiants à appliquer avant les rapports, qui suffisent lorsque les symptômes sont légers. "D’autant qu’une sexualité active entretient les muqueuses", ajoute la spécialiste. Il est possible de les associer à un hydratant à base d’acide hyaluronique, en gel ou en ovule, deux à sept fois par semaine. Des probiotiques, locaux ou par voie orale, peuvent aider à restaurer le pH du vagin et régénérer la flore vaginale. Autre option, lorsque les symptômes sont plus sévères: utiliser un produit à base d’œstrogènes (crème ou ovules à appliquer dans le vagin) deux à trois fois par semaine, ou un anneau à placer dans le vagin pendant trois mois. "Les ovules à la DHEA (non remboursés) ont non seulement un effet sur l’élasticité et l’humidité vaginales mais aussi, semble-t-il, sur la libido", ajoute Anne de Kervasdoué. Les premiers effets s’observent après quelques semaines. "Une étude épidémiologique conduite sur plus de 108000 femmes et publiée dans 'The Lancet' en 2019 confirme que ces traitements hormonaux locaux n’augmentent pas le risque de cancer", rassure Brigitte Letombe. Ils restent toutefois contre-indiqués après un cancer du sein. Ces produits sont intéressants, y compris pour les femmes n’ayant pas de relations sexuelles, car ils préviennent les troubles urinaires en améliorant l’hydratation des muqueuses de l’urètre et de la vessie. - Le recours à un traitement médical Si l’incontinence urinaire à l’effort persiste, la pose de bandelettes sous-urétrales est très efficace. "La grande majorité des 300000 femmes opérées, suivies depuis vingt ans par une base de données de l’Académie de médecine se disent satisfaites", confirme la Dre de Kervasdoué. En cas d’échec ou de contre-indication au traitement local, de nouvelles techniques peuvent améliorer l’état des muqueuses vaginales. C’est le cas des infiltrations d’acide hyaluronique, comme pour combler les rides, et d’un traitement par laser C02 agissant comme un "peeling" des cellules vaginales. • Je prends soin de mon périnée Après la ménopause, le risque de relâchement des muscles du périnée et des organes qu’il soutient, vessie, utérus et rectum, source de fuites urinaires, augmente. On parle de prolapsus ou descente d’organes. La Haute Autorité de santé (HAS) a publié en mai 2021 de nouvelles recommandations pour sa prise en charge. La priorité est de renforcer le périnée par des exercices avec une sage-femme, un kinésithérapeute ou un médecin spécialisé. Un traitement hormonal local peut améliorer la tonicité des muscles, ou la mise en place d’un pessaire, le plus souvent un anneau en silicone placé au fond du vagin, pour soutenir l’utérus. Enfin, une opération peut repositionner et fixer les organes dans le bassin, lorsque le prolapsus est extériorisé et gênant. L’HAS recommande de sélectionner la technique opératoire après concertation de plusieurs professionnels de santé, urologue et/ou gynécologue-obstétricien, pour comprendre les avantages et inconvénients de chacune. Lire aussi: Marche arrière dans la prise en charge du prolapsus et Cystite: 8 solutions naturelles pour s'en débarrasser RENDEZ-VOUS CHEZ LA SAGE-FEMME "Le rôle des sages-femmes après la ménopause reste méconnu, à tort, explique Isabelle Derringer, secrétaire générale du conseil de l’ordre des sages-femmes. 30% des femmes renoncent à un suivi gynécologique parce qu’il y a de moins en moins de gynécologues, que les délais pour obtenir un rendez-vous s’allongent, ou pour des raisons financières, nombre de médecins pratiquant des dépassements d’honoraires. Or, les sages-femmes sont compétentes pour assurer ce suivi, de la puberté jusqu’après la ménopause. Elles réalisent le dépistage des cancers gynécologiques, les frottis et la palpation des seins, la vaccination, notamment contre la grippe à partir de 65 ans. Si elles ne sont pas habilitées à prescrire le traitement hormonal substitutif de la ménopause, elles délivrent des conseils hygiéno-diététiques contre les bouffées de chaleur, la sécheresse vaginale et le risque d’ostéoporose." • POUR ALLER PLUS LOIN - "Mon combat pour le cœur des femmes", Pre Claire Mounier-Véhier, éd. marabout. - "La Vie intime des femmes", Dre Anne de Kervasdoué, éd. Odile Jacob. - "Cancer, quels risques?", Pre Béatrice Fervers, avec la Dre Martine Perez, éd. Quae. - Un test en ligne pour évaluer le risque de cancer: e-cancer.fr/prevention-cancers-le-test - Des fiches pratiques: www.agirpourlecoeurdesfemmes.com/fiches-pratiques.php Isabelle Verbaere Journaliste santé * Coeur: Bien dépister un trouble du rythme cardiaque * Quiz. Que savez-vous vraiment de votre coeur? * Santé des femmes: les douleurs chroniques mieux prises en compte * Poumons: Connaissez-vous les nouvelles maladies des femmes? * AVC: Les femmes en première ligne J'écris un commentaire LES + LUS 1. Voici les 6 aliments les plus mauvais pour votre coeur 2. Retraite complémentaire: attention au montant de votre pension versée en mars! 3. Quiz: 10 questions pour tester votre culture générale sur la France 4. 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