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ELSA ZYLBERSTEIN: "SIMONE VEIL M'A DONNÉ UNE FORCE INCROYABLE"

 * Activité culturelle

Publié le 28/03/2022 à 15h00 - Mise à jour le 28/09/2022 à 14h59 par Stéphanie
Janicot - Lecture en 8 min

© Pascal Le Segretain/Getty Images/AFP

Prévu pour mars 2022, le biopic sur Simone Veil sortira finalement dans les
salles obscures mercredi 12 octobre. Dans Simone, le voyage du siècle, Elsa
Zylberstein campe cette grande dame. Elle a répondu aux questions de Notre
Temps.


SOMMAIRE
 1.  Notre Temps: Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce "Bigbug" de Jean-Pierre
     Jeunet qu’on peut voir actuellement sur Netflix?
 2.  Pour des raisons sanitaires, Simone, le voyage du siècle ne sortira qu’à
     l’automne. Ce film vous tient à cœur puisque vous l’avez coproduit. Que
     représente Simone Veil pour vous?
 3.  L’incarner au cinéma ne vous a pas effrayée?
 4.  Vous avez aussi interprété au théâtre l’intellectuelle juive Hannah Arendt,
     quel est votre rapport au judaïsme?
 5.  La question de la déportation est souvent présente dans vos films…
 6.  La lecture est importante pour vous qui avez tourné dans de nombreuses
     adaptations littéraires?
 7.  Qu’est-ce qui vous a inspiré Mytho, votre personnage Instagram, au début du
     premier confinement?
 8.  Cela vous donne envie d’écrire votre propre film?
 9.  Pendant ce confinement, vous avez correspondu avec des personnes âgées.
     Sous quelle impulsion?
 10. Vous étiez proche de vos grands-parents?
 11. Vous semblez de plus en plus épanouie, que vous apportent les années qui
     passent?
 12. Elsa Zylberstein, repères
 13. Deux rôles engagés


NOTRE TEMPS: QU’EST-CE QUI VOUS A ATTIRÉ DANS CE "BIGBUG" DE JEAN-PIERRE JEUNET
QU’ON PEUT VOIR ACTUELLEMENT SUR NETFLIX?

Elsa Zylberstein: Ça faisait des années que Jean-Pierre Jeunet et moi avions
envie de travailler ensemble. C’est un grand metteur en scène avec un monde bien
à lui. Quand j’ai lu le scénario de "Bigbug", j’ai trouvé ça génial et fou. Le
film est très visionnaire, dans cette course folle du monde virtuel: les robots
sont prêts à remplacer les hommes, mais ils n’en ont ni les émotions ni
l’humour. J’ai trouvé que c’était judicieux, intelligent et très drôle. Le film
est un ovni merveilleux.





POUR DES RAISONS SANITAIRES, SIMONE, LE VOYAGE DU SIÈCLE NE SORTIRA QU’À
L’AUTOMNE. CE FILM VOUS TIENT À CŒUR PUISQUE VOUS L’AVEZ COPRODUIT. QUE
REPRÉSENTE SIMONE VEIL POUR VOUS?

E.Z.: Un monument historique, comme disait Antoine Veil, son mari. Une femme
charismatique, puissante, émouvante, sans concession, un modèle d’exigence et de
droiture. La première fois que je l’ai rencontrée, c’était pour lui remettre un
prix en 2007. J’ai dû faire un discours face à elle et sa famille. C’était très
impressionnant. Puis j’ai dîné à sa table. C’est à ce moment-là, peut-être, que
l’idée a commencé à germer. Nous nous sommes revues plusieurs fois. C’était
difficile de faire ce film de son vivant, j’ai attendu pour mettre le projet en
place. J’ai eu la chance qu’un producteur me suive et que le réalisateur,
Olivier Dahan, accepte tout de suite l’idée.




L’INCARNER AU CINÉMA NE VOUS A PAS EFFRAYÉE?

E.Z.: Si, bien sûr, c’est une grande responsabilité et, en même temps, je me
sentais prête. J’ai découvert la tâche à accomplir jour à après jour pendant ma
préparation, qui a duré un an. Je savais que ça me demanderait un énorme
travail. Pour me mouvoir comme elle, j’ai marché des journées entières avec ses
chaussures, j’ai pris huit kilos et demi avec l’aide d’une diététicienne et j’ai
appris à parler le "Simone" avec la méthode Tomatis, destinée à apprendre les
langues étrangères. J’ai écouté en boucle des cassettes de discours, en
accéléré, au ralenti, pour respirer comme elle, vibrer comme elle. Elle est
encore avec moi. Simone m’a donné une force incroyable.


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VOUS AVEZ AUSSI INTERPRÉTÉ AU THÉÂTRE L’INTELLECTUELLE JUIVE HANNAH ARENDT, QUEL
EST VOTRE RAPPORT AU JUDAÏSME?

E.Z.: Un peu le même que celui de Simone Veil, j’ai été troublée de comprendre
cela: c’est l’histoire qui la rend juive. Son éducation, comme la mienne, est
laïque. Ma mère était catholique, mon père est juif. Je fais un arbre de Noël et
je fête Kippour. Je ne pratique pas, j’ai juste l’esprit des traditions. Mais
j’adore les blagues juives que raconte mon père, cet esprit, cette tradition du
livre. Et surtout, je porte ce nom. Ma mère m’avait conseillé de le changer
lorsque j’ai commencé au cinéma, c’est Maurice Pialat qui a forcé le destin en
inscrivant Elsa Zylberstein au générique.


LA QUESTION DE LA DÉPORTATION EST SOUVENT PRÉSENTE DANS VOS FILMS…

E.Z.: C’est un sujet qui me touche. Les parents de ma grand-mère paternelle sont
morts au cours de leur déportation. Ceux de mon grand-père ont succombé au
typhus dans le ghetto de Varsovie. Il faut visiter Auschwitz, prendre conscience
que c’est monstrueux, diabolique, indicible. Oui, c’est important de le dire.
Faire un film est un acte politique. Un film doit troubler, bousculer. Ça me
fait plaisir de voir que les gens sont bouleversés à la sortie des premières
projections privées de "Simone, le voyage du siècle".


LA LECTURE EST IMPORTANTE POUR VOUS QUI AVEZ TOURNÉ DANS DE NOMBREUSES
ADAPTATIONS LITTÉRAIRES?

E.Z.: De plus en plus. Lorsque j’ouvre un livre, désormais, c’est en quête de
matière, dans l’idée que l’histoire pourrait me donner envie de faire un film.
Il m’arrive d’acheter les droits de certains romans. Interpréter une grande
héroïne littéraire est une expérience enrichissante. Les écrivains expriment la
complexité, l’ambiguïté de la nature humaine. Je pense notamment aux héroïnes de
Stefan Zweig. Il n’y a rien de mieux pour s’inspirer.


QU’EST-CE QUI VOUS A INSPIRÉ MYTHO, VOTRE PERSONNAGE INSTAGRAM, AU DÉBUT DU
PREMIER CONFINEMENT?

E.Z.: C’est une conversation téléphonique avec Gad Elmaleh. Il m’a dit: "Ah,
vous les filles, vous n’allez plus pouvoir sortir, vous habiller, vous
maquiller!" Je déteste les interdits, j’ai tout de suite enfilé une robe et
décidé de faire comme si j’allais en soirée. Mon compagnon m’a filmée. J’ai
posté la vidéo sur Instagram, la première Mytho est née. Chaque matin, je me
levais avec cinquante idées. Je suis Jodie Foster, je vais dans les Pyrénées, au
Festival de Cannes, je suis chanteuse d’opéra… Très vite, on a constaté que
c’était devenu un rendez-vous pour les gens, c’était très joyeux et motivant de
partager ça avec eux tous les jours. Ce que les gens aiment, c’est cette idée
que nous avons tous la possibilité de nous échapper du quotidien.


CELA VOUS DONNE ENVIE D’ÉCRIRE VOTRE PROPRE FILM?

E.Z.: Je suis en train de le faire! Le film, "Mytho", sera réalisé par Michaël
Pierrard, assistant entre autres de Leos Carax, Claude Lelouch et Sofia Coppola.
J’ai demandé à Alex Lutz d’écrire avec nous, c’est un bonheur. Mytho me
ressemble par certains aspects. Moi aussi j’aime parfois transcender le réel,
rendre la vie plus légère, un peu plus folle et un peu plus magique. Ça ne
m’empêche pas de suivre l’actualité et d’être très concernée par ce qu’il se
passe autour de moi.


PENDANT CE CONFINEMENT, VOUS AVEZ CORRESPONDU AVEC DES PERSONNES ÂGÉES. SOUS
QUELLE IMPULSION?

E.Z.: J’ai lu un article sur les Ehpad qui m’a bouleversée. Avec mon amie Yamina
Benguigui, nous avons appelé la maire de Paris, Anne Hidalgo, qui nous a
orientées vers une association: Paris en compagnie, qui prend soin de gens seuls
chez eux ou en Ehpad. J’ai contacté des amis comédiens qui auraient envie de
participer et, pendant tout le confinement, nous avions chacun deux personnes
que nous appelions tous les jours. Moi, je parlais avec Jean et Monique. Je leur
lisais des poèmes au téléphone. Eux, ils étaient capables de les réciter par
cœur. Cela a été très enrichissant pour moi d’échanger avec eux pendant deux
mois et de combler peut-être un peu leur solitude.


VOUS ÉTIEZ PROCHE DE VOS GRANDS-PARENTS?

E.Z.: J’ai adoré ma grand-mère paternelle, Sonia, fourreur rue du
Faubourg-Poissonnière, une vraie Sarah Bernhardt, avec un sacré sens du
spectacle et du dramatique. J’habitais dans un studio collé à son appartement
lorsque j’étais au cours Florent. Elle était plus comédienne que nous tous.


VOUS SEMBLEZ DE PLUS EN PLUS ÉPANOUIE, QUE VOUS APPORTENT LES ANNÉES QUI
PASSENT?

E.Z.: Je crois que tout ce qu’on a à l’intérieur ressurgit à l’extérieur. La
lumière intime est la plus importante. Je suis très férue de psychanalyse. Elle
permet de trouver sa justesse, d’être là où l’on doit être, d’apprendre à
devenir soi. J’ai des hauts et des bas comme tout le monde, mais j’ai une grande
force de vie, j’ai une foi absolue dans ce que je fais. Je ne vois pas les
années passer, je ne suis pas quelqu’un qui se retourne, j’ai l’impression d’en
être encore au début. Je n’ai pas accompli la moitié de ce que je voulais faire!
Je me sens plus forte, plus entière qu’avant, j’ose davantage être moi-même. De
toute façon, les actrices n’ont pas d’âge. Regardez Audrey Hepburn, et Jeanne
Moreau, elles étaient intemporelles. Peut-être que les actrices sont animées par
quelque chose de différent, une force de vie, un mystère assez impalpable, un
peu hors du temps.


ELSA ZYLBERSTEIN, REPÈRES

Née à Boulogne-Billancourt, d’un père physicien et d’une mère qui travaille chez
Dior.

- 1992: Nominée aux Césars (meilleur espoir féminin) pour son rôle dans "Van
Gogh", de Maurice Pialat.

- 1994: "Mina Tannenbaum", de Martine Dugowson, film pour lequel elle obtient le
prix Romy-Schneider, est un très grand succès.

- 2009: César de la meilleure actrice dans un second rôle pour "Il y a longtemps
que je t’aime", de Philippe Claudel.

- 2020: Prix d’interprétation féminine au Festival de l’Alpe d’Huez pour "Tout
nous sourit".

- 2022: Elle est Simone Veil dans le film d’Olivier Dahan et joue dans "Bigbug",
de Jean-Pierre Jeunet.


DEUX RÔLES ENGAGÉS

Dans "Bigbug", une révolte d’androïdes éclate en 2050 et les robots domestiques
décident d’enfermer leurs maîtres pour les protéger. Ambiance surréaliste pour
cette comédie futuriste sur l’intelligence artificielle.

Plus classique, "Simone, le voyage du siècle" revisite notre passé avec la
biographie de Simone Veil, figure inspirante de l’histoire récente. Deux rôles
forts et engagés qui montrent l’immense talent d’Elsa Zylberstein.

- "Bigbug", de Jean-Pierre Jeunet, en exclusivité sur Netflix.

- "Simone, le voyage du siècle", d’Olivier Dahan, avec aussi Rebecca Marder,
Élodie Bouchez… En salles le 12 octobre 2022.


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