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MICHEL HAZANAVICIUS: "JE SUIS HEUREUX DE PORTER UNE VOIX APAISÉE"

Le réalisateur de "The Artist" et "OSS 117" vient d'adapter au cinéma "La Plus
Précieuse des marchandises" de Jean-Claude Grumberg. Avec ce conte bouleversant
sur les Justes et la Shoah, le réalisateur oscarisé fait une entrée remarquée
dans l’animation.


Par  Sarah Petitbon
Date publication
Publié 19 décembre 2024 à 05h58
Temps de lecture
Lecture en 7 min
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© Doreen Kennedy/Alamy Stock Photo via Hemis
Au sommaire
 * La Plus Précieuse des marchandises est votre premier film d’animation.
   Comment vous êtes-vous lancé dans cette aventure ?
 * Vous avez d’ailleurs esquissé vous-même les personnages et les paysages du
   film…
 * Quelles ont été vos sources d’inspiration visuelles?
 * Le sujet, ce récit sur fond de Shoah, vous a-t-il poussé à accepter le
   projet ?
 * Le film sort dans le contexte troublé du conflit au Proche-Orient et de ses
   répercussions en France. Quel est votre regard sur la situation ?
 * Jean-Louis Trintignant a prêté sa voix au narrateur, peu de temps avant sa
   disparition. Comment s’est passée votre collaboration ?
 * N’est-ce pas difficile de passer à un registre grave alors que vous êtes
   connu pour exceller dans des comédies comme "OSS 117 "?
 * The Artist parle du cinéma muet, Le Redoutable de Godard, La Classe
   américaine détourne des extraits de grands films américains… Beaucoup de vos
   œuvres rendent hommage au septième art. D’où vient votre cinéphilie ?
 * Êtes-vous nostalgique du temps qui passe ?
 * Quel est votre prochain projet ?
 * Que souhaitez-vous à nos lecteurs pour 2025 ?
 * Ses grandes dates
 * La Plus Précieuse des marchandises

Cet article est paru dans le magazine Notre Temps , N°661

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LA PLUS PRÉCIEUSE DES MARCHANDISES EST VOTRE PREMIER FILM D’ANIMATION. COMMENT
VOUS ÊTES-VOUS LANCÉ DANS CETTE AVENTURE ?

Michel Hazanavicius: Grâce au livre de Jean-Claude Grumberg qui porte le même
titre (2019, NDLR). J'ai été bouleversé à la lecture de ce faux conte qui
commence comme Le Petit Poucet et qui plonge ensuite dans la réalité historique
de la Shoah. Il m'a semblé que l'animation était la seule voie possible pour
retranscrire cette histoire. Je n'aurais pas pu faire un film en prise de vues
réelle sur ce sujet. Il m'aurait semblé incongru de faire jouer des acteurs et
des figurants, puis de passer à autre chose lorsque la caméra ne tourne plus. Le
dessin permet de suggérer l'horreur plus que de la montrer. C'est une manière
apparemment simple et naïve, élégante aussi, de raconter cette histoire. Et
puis, le dessin rejoint quelque chose d'intime pour moi puisque je le pratique
depuis que j'ai dix ans.


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VOUS AVEZ D’AILLEURS ESQUISSÉ VOUS-MÊME LES PERSONNAGES ET LES PAYSAGES DU FILM…

Michel Hazanavicius: Oui et ça n'a pas été facile! Je dessine depuis toujours
mais seuls mes proches connaissaient mes travaux. Et puis il y a une grande
différence entre griffonner au crayon à papier des portraits dans un carnet et
rendre ses personnages "animables". Une fois les dessins préparatoires prêts, il
a fallu beaucoup d'allers-retours avec les équipes d'animation pour tomber
d'accord sur les personnages.



Dézoomer
© Doreen Kennedy/Alamy Stock Photo via Hemis



QUELLES ONT ÉTÉ VOS SOURCES D’INSPIRATION VISUELLES?

Michel Hazanavicius: Pour l'univers graphique, je suis allé du côté de la
peinture française du XIXe siècle, vers les tableaux de Courbet notamment. Je me
suis aussi inspiré de la peinture russe pour les personnages. Mais c'est en
voyant des estampes japonaises qu'avec Julien Grande, le directeur artistique,
on a eu l'idée de partir sur un style de dessin proche de la gravure. On
illustre les beaux livres avec des gravures, c'était donc cohérent avec l'esprit
du conte.



LE SUJET, CE RÉCIT SUR FOND DE SHOAH, VOUS A-T-IL POUSSÉ À ACCEPTER LE PROJET ?

Michel Hazanavicius: Pour tout vous dire, j'ai toujours été réticent à faire un
film sur ce sujet. Cette histoire, la Shoah, n'est pas la mienne mais plutôt
celle de mes parents et de mes grands-parents. Je n'ai jamais ressenti le besoin
ni la légitimité de m'aventurer sur ce terrain. Mais le contexte a changé. Les
rescapés disparaissent, et les gamins d'aujourd'hui ont un rapport de plus en
plus lointain à ces événements. Je dois dire que Bérénice (Béjo, sa compagne,
NDLR) m'a beaucoup incité à accepter le projet, pour nos enfants. Quand j'ai
commencé à faire le film, il y a cinq ans, ils avaient 7 et 11 ans. C'était une
façon de leur faire approcher cette histoire. Pour autant, le film ne traite pas
directement de la Shoah, mais plutôt des Justes, ces citoyens français,
allemands ou polonais qui ont sauvé des Juifs. Il traite surtout des belles
choses qui peuvent advenir, même dans les pires situations.



LE FILM SORT DANS LE CONTEXTE TROUBLÉ DU CONFLIT AU PROCHE-ORIENT ET DE SES
RÉPERCUSSIONS EN FRANCE. QUEL EST VOTRE REGARD SUR LA SITUATION ?

Michel Hazanavicius: L'importation du conflit en France et la manière dont
certains jouent avec le feu me préoccupent. La fabrica - tion du film a démarré
il y a cinq ans et ne donne aucune réponse à la situation actuelle. Ce que je
peux dire, c'est que dans ce contexte, je suis heureux de porter une voix
apaisée. Le film ne hurle pas, il est extrêmement tranquille. Il n'est pas fait
pour revendiquer ou jeter de l'huile sur le feu. J'aimerais que tout le monde
ait la même retenue.



JEAN-LOUIS TRINTIGNANT A PRÊTÉ SA VOIX AU NARRATEUR, PEU DE TEMPS AVANT SA
DISPARITION. COMMENT S’EST PASSÉE VOTRE COLLABORATION ?

Michel Hazanavicius: Très bien. Nous avons beaucoup parlé et nous nous sommes
très bien entendus. Je trouve ça fort, un vieux monsieur qui s'adresse à des
enfants. On est vraiment dans l'idée du legs, de la transmission. Et quand il
s'agit de la plus belle voix du cinéma français… Il était déjà aveugle quand il
a commencé à travailler sur le projet et il m'a demandé d'enregistrer le texte
pour pouvoir l'apprendre. Sa femme, Marianne, l'a beaucoup aidé également.
Pendant la fabrication, je me passais régulièrement l'enregistrement de sa voix
prononçant les derniers mots du film. Ça me donnait un cap.



N’EST-CE PAS DIFFICILE DE PASSER À UN REGISTRE GRAVE ALORS QUE VOUS ÊTES CONNU
POUR EXCELLER DANS DES COMÉDIES COMME "OSS 117 "?

Michel Hazanavicius: Il y a longtemps déjà, j'ai coécrit et coproduit un
documentaire sur le génocide rwandais*. J'ai également fait The Search, un film
qui se passe pendant la deuxième guerre de Tchétchénie. Donc non, ça n'a pas été
compliqué. Je suis comme tout le monde, j'ai des indignations, des colères, je
pleure, je ris. Ce n'est pas le cirque Medrano à la maison! En revanche, ce qui
est vrai, c'est que le film a connu une interruption avec le Covid et que dans
l'intervalle, j'ai fait un film qui s'appelle Coupez!. Ça m'a fait un bien fou
de tourner cette comédie. C'est un genre que j'aime profondément. Il est
extrêmement noble. Je trouve ça beau d'arriver avec un objet qui fait du bien
aux gens et les fait rire.



THE ARTIST PARLE DU CINÉMA MUET, LE REDOUTABLE DE GODARD, LA CLASSE AMÉRICAINE
DÉTOURNE DES EXTRAITS DE GRANDS FILMS AMÉRICAINS… BEAUCOUP DE VOS ŒUVRES RENDENT
HOMMAGE AU SEPTIÈME ART. D’OÙ VIENT VOTRE CINÉPHILIE ?

Michel Hazanavicius: De mon enfance, je pense. Je suis né en 1967 et dans les
années 1970, il n'était pas aussi facile qu'aujourd'hui de voir des films. On a
du mal à s'imaginer un monde sans internet ni plateforme. La télévision ne
passait qu'un film par semaine. La rareté de ces histoires racontées en images
leur a donné une aura précieuse, presque sacrée. Près de chez moi, à Paris, se
trouvait une salle qui diffusait des nouveautés comme des classiques. Nos
parents aimaient le cinéma et avec mon frère (l'acteur Serge Hazanavicius,
NDLR), très tôt, nous avons pu voir les Marx Brothers, les films de Fred
Astaire, ceux d'Howard Hawks ou de John Ford. Ça a marché sur moi, j'y croyais



ÊTES-VOUS NOSTALGIQUE DU TEMPS QUI PASSE ?

Michel Hazanavicius: Pas du tout. Je le vis très bien et je suis même plutôt
content de vieillir. D'abord, parce que je n'ai pas le choix, mais aussi je n'ai
pas du tout le sentiment que je serais mieux à un autre moment ou à un autre
endroit. Regretter le temps de sa jeunesse est vraiment le meilleur moyen de
foutre en l'air son présent. Je ne suis pas sûr non plus que c'est mieux d'être
jeune. J'ai conscience de dire cela parce que je n'ai aucun problème physique.



QUEL EST VOTRE PROCHAIN PROJET ?

Michel Hazanavicius: Je viens de terminer l'écriture d'un livre sur les
combattants ukrainiens. Ces derniers mois, je suis allé à la rencontre de ces
hommes qui se battent dans un conflit qui me semble être un point de bascule de
notre histoire. Le livre prend la forme de portraits écrits et dessinés. Les
bénéfices du livre seront reversés à l'Ukraine.



QUE SOUHAITEZ-VOUS À NOS LECTEURS POUR 2025 ?

Michel Hazanavicius: Je ne veux pas faire de discours "à la Miss France", mais
après être allé en Ukraine, je nous souhaite à tous de prendre conscience que
nous sommes quand même super bien en France. Je sais que je fais partie des gens
qui sont le moins à plaindre et qu'il y aurait pas mal de choses à améliorer.
Mais je ne suis pas sûr que nous serions mieux ailleurs.

* Tuez-les tous! Rwanda: Histoire d'un génocide "sans importance", réalisé par
Raphaël Glucksmann, David Hazan et Pierre Mezerette en 2004.



SES GRANDES DATES

 29 mars 1967 Naissance à Paris.

1992 Commence à réaliser des sketchs des Nuls pour Canal+.

1999 Premier long métrage, Mes amis, où il dirige son frère aîné, Serge.

2006 Immense succès de OSS 117 Le Caire, nid d'espions, puis de sa suite Rio ne
répond plus, en 2009, avec Jean Dujardin.

2011 Consécration avec The Artist qui décroche 162 récompenses dont cinq Oscars
et six Césars, partagés avec ses acteurs, Jean Dujardin et Bérénice Béjo.


Dézoomer


LA PLUS PRÉCIEUSE DES MARCHANDISES

  "Il était une fois…" Le film débute tel un conte porté par la voix grave et
enveloppante de Jean-Louis Trintignant. Au fin fond d'une forêt polonaise, une
pauvre bûcheronne et son mari recueillent un bébé jeté par la fenêtre d'un train
de marchandises. À quelques kilomètres de leur masure, les camps d'extermination
opèrent leur œuvre de mort, mais le film se concentre sur le parcours de cet
enfant, sauvé du pire par la solidarité et la générosité de sa famille
d'accueil. Superbes, les images inspirées de l'estampe et de la gravure donnent
à ce film la profondeur d'un classique. À ne pas manquer.

La Plus Précieuse des marchandises, en salle depuis le 20 novembre. À partir de
12 ans.




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J'aimerais mais aucun marché de noël n'est organisé près de chez moi

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