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INNOVATION MÉDICALE SANS PRÉCÉDENT : DES VAISSEAUX SANGUINS CRÉÉS À PARTIR DE
CELLULES HUMAINES !

Cécile Coumau 07/12/2024, 16:00 Santé
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Innovation médicale sans précédent : des vaisseaux sanguins créés à partir de
cellules humaines ! © ustas/Adobe Stock

DES VEINES ET ARTÈRES FABRIQUÉES AVEC DU COLLAGÈNE : C’EST LA TECHNIQUE UNIQUE
AU MONDE DÉVELOPPÉE AU LABORATOIRE BIOTIS. CES TISSUS POURRAIENT RÉVOLUTIONNER
LA PRISE EN CHARGE DE MALADIES CARDIOVASCULAIRES ET GYNÉCOLOGIQUES.



Au cinquième étage d’un bâtiment de l’université de Bordeaux (Gironde), dans la
salle de biofabrication du laboratoire BioTis, un objet détonne : une sorte de
métier à tisser circulaire. Marie Hourques, assistante ingénieure, fait
s’entrecroiser les fils qui s’enroulent autour d’une tige métallique et
finissent pas former un petit tuyau. Il lui faut quatre jours pour en fabriquer
un de quatre ou cinq centimètres de long. Ce travail artisanal est unique au
monde ! Le laboratoire de bio-ingénierie tissulaire BioTis (Inserm-université de
Bordeaux) est en effet le seul à mener des recherches sur la production de
textiles biologiques humains. Son principal objectif : mettre au point des
vaisseaux sanguins.




Concrètement, l’équipe dirigée par Nicolas L’Heureux récupère des cellules de
peau dans des déchets chirurgicaux issus, par exemple, de réduction mammaire.
"Ensuite, on les cultive, on les fait proliférer et on leur demande de faire
tout le travail, c’est-à-dire de produire de la matrice extracellulaire" (un
échafaudage de molécules entourant les cellules), explique-t-il. Ce matériau va
peu à peu se déposer dans des flasques sous forme de feuillets. Ces derniers,
cultivés pendant cinq à vingt-quatre semaines, sont débarrassés de leurs
cellules et essentiellement constitués de collagène. Or cette protéine, souvent
définie comme "l’échafaudage de notre peau", a un gros avantage : elle ne varie
pas d’une personne à l’autre. "L’organisme ne la considère pas comme un corps
étranger", ajoute Nicolas L’Heureux. Alors que les prothèses d’artères
actuelles, en plastique ou d’origine animale, peuvent provoquer un rejet, "c’est
un biomatériau que l’on peut utiliser à toutes les sauces !"




DES VAISSEAUX SOLIDES ET RÉSISTANTS AUX INFECTIONS

À toutes les sauces et sous toutes les formes. Stockés à -80 °C dans de grands
congélateurs, les feuillets sont découpés en fil, puis tissés et tricotés ou
tressés selon les besoins. Les fils biologiques servent à fabriquer des
vaisseaux robustes et souples à la fois, étanches, résistants aux infections.
Les personnes atteintes d’insuffisance rénale, dont les veines et artères sont
abîmées par de multiples dialyses, pourraient bien être les premières à en
bénéficier. Ces travaux devraient aussi profiter aux victimes d’infarctus : les
vaisseaux biologiques semblent beaucoup moins s’encrasser que les artères
greffées aujourd’hui lors d’un pontage.




Dans le domaine cardiovasculaire, les chercheurs bordelais utilisent aussi les
feuillets de collagène pour reconstruire une valve pulmonaire chez des enfants
atteints de la tétralogie de Fallot. Dans cette malformation congénitale, la
voie de sortie du sang depuis le ventricule droit du cœur vers l’artère
pulmonaire est rétrécie, ce qui empêche un écoulement normal vers les poumons et
diminue le taux d’oxygène sanguin. Les reconstructions actuelles, à base de
téflon ou de tissu animal, ont deux inconvénients majeurs : le risque de rejet,
mais aussi le fait que "les valves ne grandissent pas avec l’enfant, qui doit
donc être réopéré", explique Fabien Kawecki, chercheur Inserm. Les tissus
humains auraient, eux, la possibilité de croître avec le jeune patient. Une
étude parue en juillet dernier dans Science Translational Medicine a montré que
le feuillet de collagène implanté sur un modèle de cœur organo-synthétique, une
réplique fonctionnelle de l’organe humain, avait permis de "rétablir la
circulation du sang sans générer de fuite valvulaire. De plus, après sept jours
d’implantation dans une brebis, nous avons constaté sur notre valve la présence
de cellules musculaires lisses, qui joueront un rôle important dans son
remodelage et sa croissance", précise Fabien Kawecki.




DES FILETS BIOLOGIQUES POUR TRAITER LE PROLAPSUS

Au sein du laboratoire BioTis, une autre équipe tricote les fils. Le projet des
chercheurs Diane Potart et Yoann Torres consiste à mettre au point des filets
biologiques afin de remonter les organes pelviens des femmes souffrant d’un
prolapsus. Cette "descente d’organes" touche une femme sur trois, et une sur dix
aura besoin d'une opération. Mais les filets synthétiques disponibles sur le
marché ont été interdits en France en 2019 car "ils provoquaient des douleurs
voire des perforations d’organes", relate Diane Potart. Quant aux bandelettes de
renfort pelvien, elles pourraient suivre le même chemin. Une enquête pour
tromperie aggravée et blessures involontaires a été ouverte. "Les chirurgiens
sont démunis, témoigne la post-doctorante. Ils rapprochent les tissus afin de
retendre l’ensemble mais cela ne tient pas bien." Une alternative 100 %
biologique à ces filets synthétiques serait donc la bienvenue pour traiter le
prolapsus ainsi que les fuites urinaires.





DES TESTS ENCOURAGEANTS SUR L’ANIMAL ET EN LABORATOIRE

Certes, il reste encore du chemin à parcourir. Les essais chez l’humain ne sont
pas prévus avant cinq à dix ans, mais de nombreux signaux sont au vert. Par
exemple, on teste la résistance des vaisseaux dans la salle de biomécanique.
Disposé sur le banc d’éclatement, le tuyau constitué de fils de collagène tissés
finit par exploser, mais sous une pression de 3 000 millimètres de mercure, soit
20 fois la pression artérielle d’une personne souffrant d’hypertension !


LE DÉFI : PRODUIRE EN QUANTITÉ INDUSTRIELLE

Autre signe encourageant : "Huit jours après l’opération chez le mouton, on ne
parvient plus à distinguer la valve biologique des autres valves en
échographie", témoigne Fabien Kawecki. "Les pontages chez des rats ont aussi
très bien fonctionné", renchérit Nicolas L’Heureux. Robustes, adaptables à tous
les individus, ces feuillets de collagène "ne sont pas compliqués à manipuler",
assure François Roubertie, chirurgien spécialiste des maladies cardiovasculaires
congénitales qui participe aux essais chez l’animal. Une carotide de mouton a
déjà été recousue avec succès. "Le fil est encore un peu épais mais c’est très
prometteur", affirme-t-il.



Un autre enjeu majeur reste à relever : automatiser le processus pour répondre à
la demande. La collaboration avec une entreprise de tissage devrait aider à
franchir cette étape. Car fabriquer en quantité industrielle ces tissus humains
pourrait améliorer le quotidien, voire sauver la vie, de millions de patients

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