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Sélection d'œuvres
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LA COLLECTION

Lorsque Jean-Louis Micheli amène à la maison, pour Noël 1946, un Bois de Jussy
par le peintre Alexandre Calame, son jeune fils Yves (dix ans à peine) ne
s’imagine pas encore l’impact qu’aura cette œuvre qui le fascine. Au fil du
temps, cette toile lui insuffle l’envie de constituer une collection d’œuvres
d’artistes genevois. Sa passion pour l’art l’amène, quelque soixante ans plus
tard, à créer un espace destiné à montrer plus d’une centaine de peintures et de
sculptures : la Collection du Crest. De la main de maîtres aussi renommés que
Jean-Etienne Liotard, Jacques-Laurent Agasse, James Pradier ou Ferdinand Hodler,
certaines œuvres voient aussi le jour dans des ateliers d’artistes moins réputés
mais tout aussi méritants. Le dénominateur commun à cette grande diversité
d’artistes est leur contribution à l’essor de l’art genevois et suisse, voire
international pour certains. Chacun entretient par ailleurs une relation
privilégiée avec la Cité de Calvin, qu’il y soit né, qu’il y ait étudié ou passé
une partie importante de sa carrière. Il existe par ailleurs de nombreux liens
entre tous ces artistes, qu’ils soient professionnels ou familiaux. Barthélemy
Menn, professeur aux Beaux-Arts pendant plus d’un demi-siècle, a ainsi eu pour
élèves quantité d’entre eux dont Auguste Baud-Bovy et Ferdinand Hodler.

Présentée chronologiquement, la collection retrace l’histoire de l’art à Genève
depuis le XVIIIe siècle jusqu’au milieu du XXe siècle et s’articule
essentiellement autour du lac et des montagnes environnantes. Des vues du Léman
– les plus nombreuses – côtoient des scènes du Valais. La collection réunit
aussi un ensemble de figures et de nus, des natures mortes ainsi que quelques
sujets historiques.

La Collection du Crest offre l’opportunité unique de parcourir le seul ensemble
présenté au public d’œuvres retraçant l’évolution de l’école genevoise sur trois
siècles et se donne pour mission de les faire (re)découvrir. Située sur le
domaine du château du Crest, fief de la famille Micheli depuis le XVIIe siècle,
elle s’inscrit dans une tradition de transmission patrimoniale. Jacques Micheli,
petit-fils de Francesco arrivé de Lucques en Toscane en 1555, acquiert le
Château du Crest en 1637 dont la propriété va passer de génération en génération
jusqu’à Yves Micheli qui crée la Fondation Micheli-du-Crest en 1995 dans le but
de pérenniser cet héritage familial inscrit à l’inventaire des monuments
historiques.


INFORMATIONS PRATIQUES


LOCALISATION

Collection du Crest
Route du Château du Crest 40
CH-1254 Jussy/Suisse


HORAIRES

Le musée est ouvert les mercredis et samedis 

de 10h à 17h (sauf jours fériés)


TARIFS

 * Plein tarif
   
   10 .– CHF
   
   

 * Tarif réduit
   
   6 .– CHF
   
   AI, étudiants, enfants de 12 à 17 ans, demandeurs d’emploi, 
apprentis, plus
   de 65 ans.

 * Gratuit
   
   Enfants de moins de 12 ans, écoles et centres de loisirs.

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Domaine du Crest
Chambres d’hôte
Presse
Politique de confidentialité
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 * [ 4 ]
 * Robert Gardelle (1692-1766)
 * Portrait de Jacques-Barthélemy Micheli du Crest (1690-1766) 1721
 * Huile sur toile

 * Annoté au revers : J.B.M. Cap Suisse âgé de 31 ans peint par R. Gardelle en
   1721

 * 65 × 80 cm

Le peintre Robert Gardelle termine sa formation à Paris dans l'atelier de
Nicolas de Largillière et revient à Genève en 1712 pour se spécialiser dans
l’art du portrait, peignant de nombreuses personnalités connues de l'époque,
telles que l'homme politique Pierre Fatio ou le scientifique Jean-Louis
Calandrini. La figure ici portraiturée, Jacques-Barthélemy Micheli du Crest,
ancêtre direct de la famille Micheli du Château du Crest, est un "homme des
lumières" aux multiples talents. Il commence sa carrière militaire comme
capitaine et ingénieur militaire dans l'armée française, puis entre en politique
et devient membre du Conseil des Deux Cents à Genève. Physicien, architecte,
spécialiste des fortifications et de l'urbanisation, il publie de nombreuses
recherches, notamment sur la mesure de la température. Mais sa critique ouverte
des défenses de la ville de Genève et du régime aristocratique et son refus de
s'excuser publiquement lui valent la confiscation de tous ses biens ; il termine
sa vie en captivité au château d'Aarbourg, d'où il dessine, en 1755, le premier
panorama scientifique des Alpes.

 * [ 5 ]
 * Wolfgang Adam Toepffer (1766-1847)
 * La Promenade de la Treille à Genève vers 1820
 * Huile sur toile
 * 112 × 92 cm

Toepffer commence sa carrière artistique en tant qu'illustrateur et la
caricature restera un élément important de sa production. Après trois ans
d'études de gravure et d'aquarelle à Paris, il revient à Genève et accompagne
Pierre-Louis De la Rive en parcourant le lac Léman pour réaliser des études en
plein air d'après nature. Inspiré par des peintres hollandais du XVIIe siècle
comme David Teniers et des contemporains français comme Nicolas-Antoine Taunay,
Toepffer se spécialise dans l’exécution de petites scènes de genre illustrant
les coutumes locales genevoises, ainsi que dans des compositions plus
ambitieuses comme cette œuvre qui montre la Promenade de la Treille au-dessus du
Parc des Bastions, densément peuplée de membres variés de la société, du cireur
de chaussures aux jeunes soldats en uniforme et aux citoyens élégamment vêtus
qui profitent d'une promenade dans la lumière de l'après-midi. La Promenade de
la Treille doit son nom aux treillis qui bordaient les murs des jardins privés
de la rue de l'Hôtel de Ville, situés à proximité.

 * [ 9 ]
 * Jacques-Laurent Agasse (1767-1849)
 * Sortie à cheval, possiblement Mademoiselle Cazenove
 * Huile sur toile

 * Signé des initiales en bas à gauche : J.L.A.

 * 71 × 92 cm

Agasse commence sa carrière dans sa ville natale de Genève, collaborant parfois
avec des artistes locaux, également représentés dans la collection, tels que
Wolfgang Adam Tœpffer et Firmin Massot, mais il passe pourtant la plus grande
partie de sa vie en Angleterre et c'est à la période anglaise que l'œuvre
actuelle appartient. C’est à Genève qu’Agasse rencontre celui qui va devenir son
principal mécène, l'enthousiaste éleveur de chevaux George Pitt, futur Lord
Rivers, et en 1800, sous ses encouragements, il part pour l'Angleterre où
l'artiste passe le reste de sa carrière en tant que peintre à la mode et à
succès de chevaux et de chiens pour la noblesse. L'identité de l’élégante qui
figure sur ce tableau reste un mystère. Elle a été identifiée comme Emma Powles,
une compatriote suisse vivant en Angleterre, et comme Mademoiselle Cazenove,
peut-être une cousine de l'artiste, mais étant donné que dans les entrées de
1835 et 1842 du catalogue manuscrit de ses œuvres, le peintre ne fait référence
à la personne assise que comme ‘la dame à cheval’, la question reste ouverte. Il
s'agit d'une composition appréciée d'Agasse puisqu'on en connaît au moins trois
versions, la plus ancienne datant de 1808 étant dans un format plus grand, en
demi-longueur.

 * [ 10 ]
 * Jacques-Laurent Agasse (1767-1849)
 * Chiens de chasse
 * Huile sur toile
 * 168.3 × 132.7 cm

La réputation d'Agasse repose en grande partie sur sa capacité à représenter les
animaux non seulement avec une grande précision anatomique, mais aussi à saisir
leur caractère dans ce qui peut être considéré comme de véritables portraits.
Alors qu'il poursuit sa formation de dessinateur à Paris dans l'atelier de
Jacques-Louis David, l’artiste suit également des cours d'anatomie et de
dissection au Musée d'histoire naturelle. Les chiens de chasse (foxhounds)
représentés ici appartenaient à George Lane Fox (1793-1848), neveu de Lord
Rivers, le plus important mécène de l'artiste. Agasse s'est rendu au domaine de
Lane Fox, Bramham Park dans le Yorkshire, pour visiter les chenils et ce tableau
date de 1837 alors qu'un autre, représentant seulement quatre chiens du même
chenil, a été peint un an plus tôt. L'échelle de la composition et l'expression
sérieuse du chien central donnent à cette œuvre une impression de monumentalité
et de grandeur. Les différentes attitudes des chiens sont brillamment saisies :
moment de tension entre deux rivaux, fatigue, curiosité, noblesse et élégance.

 * [ 12 ]
 * Firmin Massot (1766-1849)
 * Portrait présumé de la marquise de Chamillard 1810
 * Huile sur toile

 * Signé, daté et situé en bas à gauche : F. Massot Genève / 1810

 * 69 × 87.5 cm

Firmin Massot n'a que onze ans lorsqu'il entre à l'École des beaux-arts de
Genève ; il fréquente ensuite les cours de dessin d'après nature de Jean-Étienne
Liotard à la Société des arts. Dès ses débuts, Massot se spécialise dans le
portrait et collabore avec ses contemporains, également présents dans la
Collection du Crest, le paysagiste Wolfgang-Adam Toepffer et le peintre
animalier Jacques-Laurent Agasse. Massot est alors bien accueilli par la
noblesse et la bourgeoisie genevoises qui lui commandent des portraits de petite
et moyenne taille. Il reçoit également des commandes de prestigieux mécènes
étrangers tels que Madame Récamier et l'impératrice Joséphine. Notre œuvre est
similaire, par sa taille et sa composition, au Portrait d'Ariane de la Rive,
future Madame Philippe Revilliod du Musée d'art et d'histoire de Genève, peint
par Massot un an plus tôt, en 1809. Les deux montrent une femme élégamment vêtue
d'une robe de style Empire, assise au pied d'un arbre soigneusement dessiné dans
un paysage. Le style naturel du portrait anglais est alors très en vogue dans
toute l'Europe et son influence est visible ici. La nature est libre ; de
petites branches et des pierres sont éparpillées sur le chemin, sur la gauche
une branche de buisson s’avance au premier plan devant la harpe alors qu’une
grande plante aux fleurs rouges et des baies expressives, sur la droite, fait
écho au cramoisi du châle en cachemire. L'identité de la figure ici représentée
n’a, à ce jour, pas encore été confirmée.

 * [ 15 ]
 * Jean-Etienne Liotard (1702-1789)
 * Portrait de Joseph, Archiduc d’Autriche 1762
 * Pastel rehaussé de gouache sur parchemin

 * Signé et daté en bas à gauche : J.E. Liotard / 1762

 * 72.5 × 56.5 cm

Joseph, archiduc d'Autriche (1741-1790) est le quatrième enfant et le premier
fils de l'empereur François-Étienne et de l'impératrice Marie-Thérèse. Il
succède à son père en tant qu'empereur Joseph II en 1765. Avec ses parents, il
est l'un des rares à avoir été représenté trois fois par Liotard : en 1744 à
l'âge de quatre ans, dans l'œuvre actuelle de 1762 à l'âge de vingt et un ans et
en 1778 lors de la troisième visite de Liotard à Vienne. Le fait que Joseph II
soit venu rendre visite à Liotard lors de son passage à Genève le 14 juillet
1777 témoigne des liens étroits entre l'artiste et la famille impériale.
L'archiduc, au visage frais, est représenté dans une brillante veste bleu pâle
aux broderies chatoyantes arborant les insignes de l'ordre de la Toison d'or. Le
ruban cramoisi et le nœud noir forment un contraste saisissant avec les couleurs
plus pâles du reste du costume. Dans sa main droite, il tient un plan de
fortification, volontairement sommaire, qui fait référence à la formation
militaire du jeune prince. Liotard a réalisé simultanément deux pastels de cette
composition. L'autre version, avec de minimes différences, se trouve dans la
collection du prince Karl zu Schwarzenberg, à Vienne. La feuille viennoise ne
comporte pas la fenêtre légèrement esquissée à l'arrière-plan gauche, que
Liotard semble avoir ajoutée pour combler l'espace.

 * [ 16 ]
 * Jean-Michel Liotard (1702-1796)
 * La Géométrie
 * Pastel sur parchemin

 * Signé en bas à droite : J.Ml Liotard

 * 39 × 47.7 cm

Frère jumeau de Jean-Étienne Liotard, on sait peu de choses sur sa carrière,
mais il était surtout actif en tant que graveur et dessinateur et son style
ressemble à celui de son frère plus célèbre. L'œuvre actuelle, le seul pastel
connu de Jean-Michel, est une copie d'un tableau de l'artiste français
Jean-Baptiste Santerre (1651-1717) dont il existe de nombreuses versions, ainsi
qu'une gravure de Claude Bricart. Jean-Michel Liotard a également exécuté un
dessin de cette composition, signé et daté de 1762 (localisation inconnu).

 * [ 17 ]
 * Pierre-Louis De la Rive (1753-1817)
 * Le Retour du Marché 1808
 * Huile sur toile

 * Signé et daté en bas à gauche : de la Rive F. / 1808 C

 * 169.5 × 128 cm

De la Rive abandonne ses études de droit pour se consacrer à la peinture. En
1786, il se rend en Italie pendant un an et demi pour réaliser des copies et des
esquisses en plein air avec ses confrères suisses Jean-Pierre Saint Ours et
Abraham-Louis-Rodolphe Ducros. Dans cette œuvre, la représentation des animaux
et la façon dont ils sont placés dans le paysage montrent l'influence des
peintres hollandais antérieurs qu'il a copiés, tels que Philips Wouwermans et
Nicolas Berchem. La composition est typique des ‘paysages composés’ de De la
Rive qui combinent des éléments réalistes de croquis réalisés dans la région du
lac Léman avec des éléments idéalisés baignés dans une lumière méridionale
italianisante qu'il avait observée dans les œuvres de Claude Lorrain.

 * [ 19 ]
 * Alexandre Calame (1810-1864)
 * Orage 1843
 * Huile sur toile

 * Signé et daté en bas à droite : A. Calame 1843

 * 215.5 × 155 cm

Calame se rend en Hollande en 1838 pour étudier les œuvres des paysagistes
hollandais du XVIIe siècle, notamment Meindert Hobbema et Jacob van Ruisdael.
L'influence de ces artistes est particulièrement évidente dans cette œuvre et
dans Sous l'orage, de plus petite taille mais au rendu exquis, accrochée en
face. Calame réinterprète les représentations détaillées et majestueuses de la
nature des maîtres hollandais, ainsi que la façon dont ils utilisent les
contrastes dramatiques de la lumière et de l'obscurité pour créer un effet
atmosphérique.

 * [ 21 ]
 * Alexandre Calame (1810-1864)
 * Torrent de montagne par temps d’orage 1850
 * Huile sur toile

 * Signé et daté en bas au centre : A. Calame f./ 1850

 * 137.8 × 98.5 cm

Alexandre Calame étudie avec François Diday pendant trois ans, mais il devient
rapidement un artiste indépendant demandé dans toute l'Europe. C'est Orage à la
Handeck (Musée d'art et d'histoire, Genève), une œuvre plus grande mais dont la
composition est très similaire à celle du présent tableau, qui vaut à l'artiste
une médaille d'or au Salon de Paris en 1839 et qui établit le nom de Calame
comme héros d'une école nationale suisse de peinture spécialisée dans les vues
saisissantes et romantiques des Alpes. Avec le ciel dramatiquement éclairé, les
eaux impétueuses du torrent de montagne et les pins courbés par la force de la
tempête, Calame présente une nature toute-puissante et inhospitalière dans
laquelle l'homme est absent.

 * [ 24 ]
 * François Diday (1802-1877)
 * Le Temps orageux 1871
 * Huile sur toile

 * Daté en bas à gauche : 1871

 * 133 × 105 cm

Diday étudie d'abord avec Wolfgang-Adam Tœpffer à Genève, puis avec Antoine-Jean
Gros à Paris. Après un bref voyage en Italie, il rentre à Genève et se
spécialise dans les vues de montagnes et de lacs. Ce paysage montre l'influence
de son élève le plus célèbre, Alexandre Calame, qui n’est que de huit ans son
cadet. Cependant, alors que Calame, dans une veine romantique, a souvent fait du
paysage le sujet central de ses compositions, l'œuvre de Diday est ancré dans
une approche plus traditionnelle où l'homme est toujours présent ; dans le
tableau actuel, sous la forme des personnages centraux balayés par le vent et
des chiens. Diday utilise des accents obliques répétés dans la composition : la
croix penchée, la pluie battante et le tronc de chêne abattu, afin d'évoquer la
puissance écrasante de la nature.

 * [ 29 ]
 * Albert Lugardon (1827-1909)
 * Paysage de montagne avec des vaches 1883
 * Huile sur toile

 * Signé et daté en bas à gauche : Albert Lugardon 1883

 * 146 × 100 cm

Formé d’abord auprès de son père Jean-Léonard puis d'Alexandre Calame, Lugardon
effectue plusieurs séjours d'étude à Paris et à Lyon, dont il fréquente l’école
vétérinaire en 1849. Cette formation le pousse à étudier les différents
mouvements des animaux par le biais de la photographie qu’il pratique
assidument. Il s’en sert ensuite pour la préparation de ses toiles afin de
rendre avec fidélité les postures des bovins qu’il fait figurer dans ses
paysages. Lugardon finit par laisser de côté la peinture animalière pour
concentrer son travail sur les vues alpestres qui remportent un franc succès aux
différentes expositions genevoises et universelles auxquelles il participe.
Membre de la Commission des beaux-arts de Genève et du Club alpin suisse, il
séjourne régulièrement en Valais, dans l’Oberland bernois et les Grisons où il
aime explorer les lieux encore vierges de toute construction.

 * [ 34 ]
 * Barthélemy Menn (1815-1893)
 * Scène galante
 * Huile sur toile

 * Signé en bas à droite : B. MENN

 * 119 × 88.5 cm

Grand pédagogue, proche d’Ingres et de Corot, Menn est aussi le maître de toute
une jeune génération d’artistes auquel il dispense des cours à l’École des
beaux-arts de Genève dont il est le directeur. Il forme notamment Auguste
Baud-Bovy, Albert Trachsel et Édouard Vallet, mais surtout Ferdinand Hodler, le
plus célèbre de tous. Corot dit d’ailleurs de lui qu’il est « notre maître à
tous ». On lui doit aussi, à Genève, l’organisation d’importantes expositions
consacrées à Corot, Delacroix, Courbet et Daubigny. Une idylle semble naître
entre les deux jeunes gens que le peintre inscrit dans un grand paysage situé au
pied du Petit Salève que l’on reconnaît sur la droite de la composition. À
l’arrière-plan, Menn intègre un combat de taureaux qui semble attirer leur
attention. Les personnages sont traités dans le genre de la peinture troubadour
propre à Ingres et qui connaît son apogée sous Jean-Léon Gérôme et Ernest
Meissonier, principaux représentants de l’art académicien français. Cette
peinture date vraisemblablement de la première moitié du siècle, alors que Menn
est encore pleinement imprégné de ce qu’il a appris à Paris.

 * [ 35 ]
 * Léon Gaud (1844-1908)
 * Vue du Léman depuis un jardin potager 1885
 * Huile sur toile

 * Signé et daté en bas à droite : Leon GAUD - 1885.

 * 92.5 × 58 cm

Pratiquant essentiellement le genre du paysage intime, Gaud s'attache à peindre
les environs de Genève et les rives du Léman. Il produit des œuvres à caractère
bucolique mettant en scène de jeunes gens dans l’esprit rousseauiste du XVIIIe
siècle. Le potager, que deux personnages sont affairés à cultiver, s’ouvre
largement sur le lac et le Jura et semble se situer du côté d’Hermance et fait
écho à l’autre vue du même village, également dans la Collection du Crest. Elève
de Barthélemy Menn à l’École des beaux-arts, Gaud participe notamment, sous la
direction de ce dernier, à la décoration de la salle des chevaliers du château
de Gruyères, où il fait la connaissance de Corot et côtoie tant les époux Leleux
qu’Auguste Beaud-Bovy et François Furet. En 1902, il succède à Menn à la tête de
l'École des beaux-arts de Genève. On doit aussi à Gaud des panneaux décoratifs
pour l'escalier du Grand Théâtre de Genève de même que pour la mairie de
Plainpalais.

 * [ 39 ]
 * Édouard-John Ravel (1847-1920)
 * Jeune femme faisant face au Val d’Anniviers
 * Huile sur carton

 * Signé en bas à droite : E RAVEL

 * 48.5 × 58.5 cm

Ravel suit un apprentissage de décorateur pour l'horlogerie et crée son propre
atelier d'émailleur. Inscrit ensuite l'École des beaux-arts de Genève, il y est
élève de Menn et Jacques Alfred van Muyden. Paysagiste assidu, il pratique la
peinture en plein air, voyage en Suisse comme en France, avant de connaître la
révélation du Valais en 1884. Dès lors, il sillonne le canton, comme peintre
mais aussi comme alpiniste. Il y marque un grand intérêt pour la nature,
étudiant aussi les costumes et les traditions locales à l’instar de nombreux
autres artistes comme Édouard Vallet ou Ernest Biéler. Son style diffère
cependant largement de celui des peintres du phénomène que l’on connaîtra plus
tard sous le nom d’École de Savièse, avec lesquels il ne semble avoir eu que peu
de contacts. Il se rend à Évolène et parcourt le val d'Anniviers tout comme
celui d’Hérens en quête de vues pittoresques. Le modèle représenté ici est sans
doute Marie Lancet, l’une de ses élèves, qu’il a épousée et qu’il fait souvent
figurer dans ses compositions, notamment en Valais. L’artiste est également
connu pour être l’oncle de Maurice Ravel, compositeur du fameux Boléro.

 * [ 40 ]
 * Auguste Baud-Bovy (1848-1899)
 * La Source du Torrent 1893
 * Huile sur toile

 * Signé et situé en bas à droite : Baud-Bovy / Hochkien

 * 110 × 155 cm

Auguste Baud-Bovy est l'élève de Barthélemy Menn et enseigne aux côtés de son
ancien maître pendant dix ans à l'école des beaux-arts de Genève. Portraitiste
de talent, c'est pourtant le paysage suisse et en particulier la montagne qui le
préoccupe vraiment à partir de 1885, ce qui fait dire à son ami Puvis de
Chavannes qu'il est ‘le chantre de la montagne’. En 1888, il décide de quitter
Paris, où il est bien établi et fait partie des cercles artistiques symbolistes
contemporains, afin d'échapper à la vie urbaine et s'installe avec sa famille
dans un chalet à Aeschi, dans l'Oberland bernois. Ce paysage fait partie d'une
paire avec La montagne dans les nuées (Fondation Gottfried Keller), commandée
par Georges et Blanche Blum pour leur appartement à Genève. Tout en restant
fidèle à la nature, Baud-Bovy parvient à donner à l'œuvre une dimension
mystique. La surface de la peinture est extrêmement fine et pourtant, avec des
couches de couleur presque transparentes, le peintre réussit à rendre la lumière
de la montagne, la surface de la roche et les volutes des nuages qui s'élèvent.

 * [ 44 ]
 * Francis Furet (1842-1919)
 * Vue de l’église de Gruyères au clair de lune
 * Huile sur toile
 * 37.5 × 50 cm

Dans les années 1860, François Furet séjourne à plusieurs reprises au château de
Gruyères. Ce dernier appartient alors à la famille Bovy qui, à la belle saison,
y invite toute une communauté d’artistes. Avec le peintre Henri Baron, Furet y
travaille à la décoration du salon, entreprise par Jean-Baptiste Camille Corot
et Barthélemy Menn, et profite de quelques places restées vides pour y peindre
des animaux ou divers ornements floraux. La petite communauté d’artistes a aussi
pour habitude de s’en aller peindre dans la campagne environnante puis
d’organiser de petites expositions au château afin d’y présenter les travaux
réalisés sur le motif. Cette vue nocturne de l’église de la petite cité comtale
en fait vraisemblablement partie.

 * [ 47 ]
 * James Pradier (1790-1852)
 * Odalisque vers 1840
 * Bronze à patine brune

 * Signé en bas : Pradier
   
   Hauteur : 34 cm (avec la base)

James Pradier naît à Genève dans une famille huguenote française et quitte sa
ville natale à l'âge de dix-huit ans pour poursuivre ses études à Paris. Il
remporte le prix de Rome qui lui permet d'étudier à la Villa Médicis de 1814 à
1818 avec d'autres sculpteurs prometteurs comme David d'Angers. De retour à
Paris, il commence à exposer au Salon et devient rapidement un artiste reconnu,
avec de nombreuses commandes publiques et privées. Son œuvre allie un
néoclassicisme élégant à une sensualité observée avec acuité. Parmi ses œuvres
les plus célèbres sont les quatre bas-reliefs de la Renommée sur l'Arc de
Triomphe (1829-34) et le Monument à Rousseau en bronze à Genève (1835). Il
retourne à Rome à trois reprises au cours de sa carrière dans l'espoir d'y
établir un second atelier et y travaille pour des mécènes prestigieux tels que
le prince Demidov. La version originale de l'Odalisque, grandeur nature, a été
sculptée par Pradier dans le marbre et exposée au Salon de Paris en 1841 ; elle
a été achetée par l'État français et se trouve aujourd'hui au musée des
Beaux-Arts de Lyon. Comme de nombreux autres artistes et écrivains du XIXe
siècle, Pradier s'intéresse aux sujets orientaux à une époque où la mode est aux
voyages exotiques. Il a édité l'Odalisque en bronze en deux tailles au cours de
sa vie, l'exemple actuel étant le plus grand format. Les détails des roses dans
ses cheveux et de l'éventail de plumes à ses pieds sont soigneusement rendus et
l'artiste a brillamment capturé le moment où la jeune femme lève les yeux alors
que quelqu'un/le spectateur fait intrusion dans son espace.

 * [ 49 ]
 * Jean-Leonard Lugardon (1801-1884)
 * Arnold de Melchtal 1845
 * Huile sur toile

 * Signé et daté en bas à gauche : JL Lugardon / pinx 1845

 * 109.5 × 81.5 cm

Lugardon fonde sa notoriété sur les représentations de l’histoire suisse dont
cette toile fait partie. Venu confisquer les bœufs du fermier Henri de Melchtal
qui refuse de se soumettre au bailli d’Unterwald, le soldat envoyé ce dernier
occupe le centre de la composition, faisant barrage entre les bêtes de trait et
la famille du paysan. Le fils de ce dernier, Arnold de Melchtal, élève sa masse
au-dessus de sa tête, fermement décidé à en découdre avec le soldat. Figure
valeureuse de la mythologie helvétique, Arnold de Melchtal figure au nombre des
fondateurs légendaires de la Confédération aux côtés de l’Uranais Walter Fürst
et du Schwytzois Werner Stauffacher. Une version de plus grande taille de trouve
dans les collections du Musée d’art et d’histoire de Genève. Appartenant aux
figures majeures de l’École romantique genevoise aux côtés de Calame et Diday,
Lugardon fait carrière entre Genève et Paris, où le roi Louis-Philippe lui passe
plusieurs commandes destinées à Versailles. Membre de la Société des Arts et de
l'Institut national genevois, il est aussi directeur de l'École de la Figure,
auprès des Écoles de dessin, où il y notamment Barthélemy Menn pour élève.

 * [ 50 ]
 * Édouard Castres (1838-1902)
 * Soldats de la Croix-Rouge suisse attendant les troupes du Général Bourbaki
   aux Verrières (NE) avant 1881
 * Gouache sur papier

 * Signé en bas à droite : E. Castres

 * 84 × 36 cm

Cette étude est destinée à la création d’un grand panorama figurant un épisode
de la guerre franco-prussienne de 1870-1871 : la débâcle de l'armée Bourbaki en
janvier 1871 et son internement en Suisse où elle avait cherché refuge. Elle met
également en avant l'une des premières actions humanitaires d’envergure
entreprise par la Croix-Rouge, fondée huit ans plus tôt. Il s’agit ici de l’un
des nombreux travaux préparatoires d’Édouard Castres réalisés après plusieurs
années de préparatifs et de documentation en vue de l’exécution du panorama.
Douze jeunes peintres l’assistent dans la création de cette toile monumentale de
quatorze mètres de hauteur durant cinq mois. L’œuvre est aujourd’hui conservée à
Lucerne.

 * [ 54 ]
 * Robert Hainard (1906-1999)
 * Hibou grand-duc
 * Bronze

 * Signé et justifié sur la terrasse : Robert Hainard 6/15
   
   Hauteur : 44 cm

Entre 1921 et 1926, Hainard fréquente l’École des beaux-arts de Genève et
l’École des arts industriels. Il étudie la sculpture, puis s’adonne également à
la gravure en s’inspirant de la technique des estampes japonaises. Il se fait
une place en tant qu’artiste animalier et étudie avec minutie la faune des
forêts et des montagnes qui l’entourent pour en rendre fidèlement les traits,
les attitudes, les couleurs. Passant des heures à observer renards, lièvres ou
chamois dans leur cadre naturel, il étudie leur mode de fonctionnement et fait
tout son possible pour ne pas les déranger. L’artiste parvient à retranscrire
avec une grande fidélité leur mouvements et, que ce soit en gravure ou en
sculpture, il retrouve, en créant, les sensations éprouvées sur le terrain face
à l’animal.

 * [ 55 ]
 * Ferdinand Hodler (1853-1918)
 * Étude pour le portrait de James Vibert 1915
 * Crayon gras et aquarelle brun sur papier

 * Signé en bas à droite : Ferd. Hodler.
   
   inscription au revers : Portrait du Sculpteur / James Vibert 1915

 * 30 × 46 cm

La présente feuille est l'un des nombreux dessins préparatoires que Hodler a
réalisés pour un portrait peint de son ami intime, le sculpteur James Vibert
(1872-1942), que Hodler appelait avec humour "James, l'invincible Carougeois".
La version peinte se trouve au Musée d'art et d'histoire de Genève. Après un
séjour à Paris où il se forme auprès de Rodin, Vibert retourne à Genève, sa
ville natale, où il exerce son métier de sculpteur et d'enseignant jusqu'à la
fin de sa carrière. Hodler, qui souffre d'asthme, décide d'accompagner James
Vibert, et son frère Félix, à Néris-les-Bains en Auvergne durant l'été 1915 afin
de prendre les eaux et ce dessin date de ce séjour. Hodler montre son ami dans
une pose de trois-quarts, se concentrant sur son impressionnante barbe et ses
sourcils broussailleux. Hodler saisit également avec brio la puissante
personnalité de Vibert dans le regard frontal pénétrant du modèle. L'œuvre de
James Vibert est représentée dans la collection par le bronze l'Ève Nouvelle de
1926.

 * [ 59 ]
 * Charles Giron (1850-1914)
 * Paysanne vaudoise
 * Huile sur toile

 * Signé en bas à gauche : C. GIRON

 * 60.5 × 81 cm

Cette figure est un projet réalisé pour la grande composition de Giron
représentant une fête de lutte dans les Hautes-Alpes, peinte en 1905 et exposée
aujourd’hui au Grandhotel Giessbach sur les bords du lac de Brienz. Axée sur le
sentiment d’une harmonie profonde entre l’homme et la nature, la scène
s’inscrit, comme on le retrouve chez les peintres de l’École de Savièse, dans le
cadre du retour à la nature et des nostalgies arcadiennes caractéristiques du
tournant du siècle. La représentation de tels sujets alpestres vise tant à
mettre en avant l’image d’une Suisse idéale qu’à promouvoir un fort sentiment
national et patriotique. Si l’on doit notamment à Giron un grand paysage peint
dans la salle du Conseil National au palais du gouvernement à Berne, il établit
sa réputation grâce surtout aux portraits d’hommes et de femmes, genre dans
lequel il excelle. Rien donc d’étonnant à ce qu’il détaille avec précision le
visage de la jeune femme et le costume traditionnel dont elle est vêtue.

 * [ 62 ]
 * Ferdinand Hodler (1853-1918)
 * Prairie de printemps au pied du Salève
 * Huile sur toile

 * Signé : F Hodler
   
   Annoté au revers par l’artiste : « à Mademoiselle Louise Ja(c)ques par
   sentiments de reconnaissance F. Hodler ».

 * 100.5 × 80.5 cm

Hodler a réalisé plusieurs paysages de la campagne au pied du Salève en 1888. La
composition est audacieuse dans la mesure où elle combine un gros plan des
fleurs de prairie délicatement colorées au premier plan avec les affleurements
calcaires du Salève au-delà. Le spectateur découvre les fleurs comme s'il était
lui-même au niveau du sol, allongé dans l'herbe. La façon dont Hodler encadre la
composition, en coupant le bas des tiges des fleurs, donne une impression
d'immédiateté. Les scabieuses rose pâle et bleu-violet sont entrecoupées
d'herbes et la façon dont elles sont peintes est impressionniste. Plutôt que de
se limiter à une représentation fidèle de la nature, Hodler voulait que ses
paysages suscitent des émotions chez le spectateur. Il a ainsi déclaré : "La
peinture ne peut représenter que des sensations, et il faut que celles-ci soient
fortes, pures, non estompées, pour se transmettre directement de la surface au
spectateur par la forme et la couleur." Comme l'atteste une dédicace de sa main
au verso de la toile, Hodler a offert ce tableau à sa belle-sœur Jeanne-Louise
Jacques.

 * [ 65 ]
 * Alexandre Perrier (1862-1936)
 * Mont Blanc, ciel orange
 * Huile sur toile

 * Tampon de la succession au revers de la toile.

 * 65 × 46 cm

Perrier étudie d'abord la mode et le costume, mais grâce à son camarade le
critique Mathias Morhardt, il rencontre le cercle des artistes suisses de
Paris formé de Ferdinand Hodler, Cuno Amiet, Carlos Schwabe et Félix Vallotton,
et décide de suivre sa véritable passion pour la peinture. Portraitiste doué,
c'est le paysage qui l'occupera la majeure partie de sa vie et il retournera
sans cesse sur ses sites favoris, le Salève, le Mont Blanc depuis Praz de Lys en
Haute-Savoie, le lac Léman et le Grammont. Plutôt que de peindre d'après nature
comme ses prédécesseurs genevois, Perrier préfère prendre des notes sur la
couleur et l'atmosphère pendant ses promenades et, une fois de retour à
l'atelier, il transpose ses impressions dans des compositions oniriques et
fluides dans lesquelles il cherchait à créer une vision sublime et cosmique du
paysage. Il peint avec des coups de pinceau courts, d'abord influencé par le
style pointilliste de George Seurat, mais se rapprochant du divisionnisme de
Giovanni Segantini. À partir de 1910, son style devient de plus en plus abstrait
et apparié, et la couche de peinture de plus en plus fine. La présente œuvre
nous montre une vision du Mont Blanc qui s'élève majestueusement au-dessus de
l'atmosphère rosée. Les zones de couleurs brillantes et contrastées sont
recouvertes d'un réseau de lignes blanches qui délimitent le relief de la
montagne. Tout le superflu a été extrait et le paysage est condensé dans son
essence.

 * [ 71 ]
 * Jean-Daniel Ihly (1854-1910)
 * Carriers au travail au bord de la Rade de Genève 1896
 * Huile sur toile

 * Signé et daté en bas à droite : D. Ihly. 96

 * 325 × 190 cm

Né dans une famille modeste d'artisans originaire du Grand-duché de Bade, Ihly
étudie la peinture à Genève puis à Paris. Vivant un temps à Florence, il rentre
à Genève où il donne des cours de dessin de 1887 à 1901. Il se démarque en
décorant les piliers du Palais des beaux-arts de l'Exposition nationale suisse
de 1896, et peint plusieurs panneaux décoratifs pour l'hôtel Beau-Rivage à
Genève. Très engagée socialement, la peinture d’Ihly détaille l'exode rural, la
pauvreté et l'essor industriel au tournant du siècle. Il peint ici les
transporteurs des pierres en provenance des carrières de Meillerie (France).
Appelés « bacounis », d’un mot patois franco-provençal, ces bateliers –
d’origine tant suisse que française – déchargent, à l’aide de brouettes
construite en bois, les pierres extraites des carrières situées en Haute-Savoie.
Les lourdes cargaisons sont charriées vers Genève à bord de barques à voile
construites spécialement à cet effet et peuvent aussi être tirées le long des
chemins de halage. On compte près d’une centaine d’hommes actifs à Meillerie et
deux mille autres dans les carrières. Les carrières sont aujourd’hui toujours en
fonction ; on n’en extrait cependant plus de pierre, mais du gravier destiné aux
chantiers.

 * [ 72 ]
 * Eric Hermès (1881-1971)
 * Barque au bord du Rhône à la Jonction
 * Huile sur toile

 * Signé en bas à droite : E. Hermès

 * 43 × 50 cm

D’origine allemande, Hermès vient très tôt s’installer en Suisse et se laisse
fasciner par les paysages de son pays d’adoption. Installé à Genève, il fait de
la ville et ses environs l’un des thèmes de prédilection de son travail,
peignant aussi bien sur le motif qu’en atelier. Dans un premier temps, il est
proche de Ferdinand Hodler, dont l’œuvre marque profondément ses jeunes années.
Les bords du Rhône à la Jonction offrent un point de vue privilégié sur les
falaises du quartier de Saint-Jean que l’artiste décline en de nombreuses
variantes. Outre des peintures de chevalet, on lui doit également de nombreux
décors de bâtiments, des céramiques et des sculptures, témoignage de son
apprentissage de décorateur effectué dans les premières années de son arrivée en
Suisse. Il se fait aussi connaître comme affichiste, travaillant fréquemment
pour la société veveysanne Säuberlin & Pfeiffer. Outre la Suisse où il vit (on
le retrouve tant à Genève qu’en Valais ou encore dans le canton d’Uri), Hermès
séjourne fréquemment à Paris et en Espagne, destinations qui marquent largement
son œuvre.

 * [ 76 ]
 * Édouard Vallet (1876-1929)
 * Au marché 1898
 * Huile sur toile

 * Signé et daté en bas au milieu : EDOUARD VALLET 98

 * 60 × 49.5 cm

Vallet se forme à l'Ecole des arts industriels et celle des beaux-arts de
Genève. Sans grand goût pour les études, il abandonne sa formation une année
avant de passer son diplôme, préférant voyager. Il commence par se rendre en
Allemagne, visite Paris et le Louvre, se rend aussi en Italie. En 1908, il
découvre le Valais dont les paysages bouleversent sa perception de la peinture.
Après un séjour à Hérémence, il vit temporairement à Ayent. En 1911, il quitte
le village pour Savièse, en compagnie de son épouse, Marguerite Gilliard, fille
du peintre Eugène Gilliard et artiste comme lui. Finalement le couple élit
domicile à Vercorin, où Vallet installe son atelier. Entièrement inspiré par le
Valais, le corpus de ses œuvres s’attache à rendre avec délicatesse et poésie
ses paysages et ses habitants, leurs us et coutumes et leurs activités. Titrée
aussi parfois « Marchands de beurre », cette toile reprend une scène de la vie
quotidienne se passant sur un marché à genève. La dame figurant sur la gauche de
la composition est la grand-mère maternelle de l’artiste, Rosalie Bouvier. Ce
tableau a fait l’objet d’une caricature parue dans la revue satirique genevoise
Guguss’ à l’hiver 1897-98.

 * [ 78 ]
 * Alexandre Blanchet (1882-1961)
 * La toilette 1916
 * Huile sur toile

 * Signé et daté en bas à droite : A. Blanchet 1916

 * 130 × 130 cm

Marqué à ses débuts par l’esprit de Hodler, Blanchet découvre la peinture de
Cézanne en 1907, lors d’un séjour à Paris. Son modelé par la couleur est pour
lui une révélation et il le met ici en pratique : il fait vibrer la lumière,
balance les tonalités chaudes du corps par le vert du ruban et colore les
ombres. Savant mélange de courbes et de lignes droites marquant le mouvement,
cette toile apparaît comme un arrêt sur image rappelant une séquence de film qui
aurait un avant et un après. L’action du modèle permet de mettre en avant les
différentes lignes de son corps et les nuances de différents couleurs de la
chair. La gestuelle de la femme et le long ruban posé devant elle permettent de
saisir le sens du mouvement alors qu’elle s’apprête à attacher ses cheveux. De
taille imposante, ce nu a participé à de nombreuses expositions, notamment à
l’occasion de la Biennale de Venise en 1940.

 * [ 79 ]
 * Emile Chambon (1905-1993)
 * Les Trois Grâces : Josiane, Liliane & Nelly à Carouge 1951
 * Huile sur toile

 * Signé et daté en bas à gauche : E. CHAMBON 51

 * 80 × 100 cm

S'il a traversé le XXe siècle et côtoyé un grand nombre d'artistes, Émile
Chambon a su rester indépendant face aux importants courants artistiques de son
époque. Grand amateur de Courbet ou encore de Vallotton, il n'a eu de cesse de
leur rendre hommage et de s'attacher à défendre la peinture figurative. Exposé
régulièrement en Suisse et en France, il a bénéficié de l'appui de personnalités
comme Louise de Vilmorin ou le prince Sadruddin Aga Khan dont il a été proche.
La mythologie constitue l’un des thèmes préférés de Chambon qui se plaît à
peindre les dieux et déesses de l’Antiquité dans nombre de ses compositions.
Selon lui les mythes offrent une infinité d’adaptations possibles sans que leur
essence n’en soit changée du fait qu’ils sont éternels et que les mêmes
problèmes se sont posés dans tous les temps à tous les hommes. L’artiste est
séduit par les divinités grecques parce qu’elles sont à l’image de l’homme et en
partagent les défauts, tant la jalousie, que le mensonge ou la traîtrise. Comme
les humains elles sont à la fois idéales et machiavéliques. Trois de ses modèles
fétiches apparaissent ici sous les trais des filles de Bacchus et de Vénus, les
Grâces, sujet d’élection de quantité d’artistes.

 * [ 81 ]
 * Otto Vautier (1863-1919)
 * Dame au chapeau 1918
 * Huile sur toile

 * Signé et daté en bas à gauche : O. Vautier 1918

 * 65 × 93 cm

Devenu peintre comme son père Benjamin, professeur à Düsseldorf, Vautier étudie
à l'Académie des Beaux-Arts de Munich avant de partir séjourner à Paris. Il y
fait la connaissance d’Ernest Biéler qu’il accompagne en Valais à Evolène et à
Savièse. Il y fréquente les Genevois Alfred Rehfous et John Pierre Simonet, qui
l’encouragent à venir s’installer à Genève, ce qu’il fait en 1906. Il fonde le
groupe du Falot en 1915-1917, en compagnie de Maurice Barraud et Eugène Martin,
en réaction au phénomène hodlérien. Visant à une pratique plus moderniste de la
peinture, ils sont à rapprocher du courant postimpressionniste. La femme et
l’amour sensuel occupent l’essentiel de l’œuvre de Vautier. Peintre avant tout
de l'intime, il compose ses scènes dans l'espace secret d'une chambre et met en
avant la beauté et le charme de ses modèles. Leurs vêtements sont peints avec de
légères touches qui permettent un rendu frémissant tant aux tissus qu’aux
fourrures. Usant principalement du rose et du bleu, son accord chromatique de
prédilection, l’artiste atteste ici de son intérêt marqué pour la peinture
française du XVIIIe siècle.

 * [ 82 ]
 * Albert Gos (1852-1942)
 * Léman, vue de Glion
 * Huile sur toile

 * Signé en bas à droite : Albert Gos

 * 116 × 89 cm

Révélé à l’art pictural grâce aux œuvres de Calame, Albert Gos suit les cours de
Barthélemy Menn, dont il figure au nombre des « émules ». Féru de montagne, il
parcourt assidûment les Alpes suisses, suivant les préceptes de Menn. Il
proclamait. L’artiste se plaît à travailler en plein air, à analyser le paysage
et à pouvoir s’exprimer en toute liberté. Reconnu comme chantre de la peinture
alpestre, il assied sa réputation en exécutant de nombreuses vues du Cervin. Il
aime cependant aussi poser son chevalet sur les bords du Léman ou dans les
vergers de Lavaux. Cette vue plongeante sur les eaux turquoise du Léman, prise
depuis les hauteurs de Montreux, marque une transition entre les deux thèmes de
prédilection de Gos, la montagne et le lac. À l’arrière-plan, paraissant surgi
des brumes qui émanent de ce dernier, le Grammont s’élève majestueusement. Dans
cette vue automnale, le peintre joue également sur le contraste chaud-froid des
couleurs, mettant en opposition les feuillages orangés du premier plan avec les
bleu-vert du second plan.

 * [ 87 ]
 * Jacques-Elie-Abraham Hermanjat (1862-1932)
 * Nature morte aux pommes 1922
 * Tempera sur toile

 * Signé et daté en bas à droite : A. Hermanjat 22 
   
   signé et daté au revers : A. Hermanjat / Août 1922

 * 45 × 60 cm

D’inspiration cézanienne, cette nature morte savamment construite met en scène
un pot en grès, des pommes et un torchon qui, posé sur la table, apporte une
touche plus claire à la composition, soulignant le vert et le rouge des fruits.
Hermanjat entretient en effet d’étroits liens avec les avant-gardes françaises
et figure parmi les premiers artistes suisses à s’inspirer de de Paul Cézanne et
des peintres fauves. Formé à Genève auprès de Barthélemy Menn et d’Auguste
Baud-Bovy, Hermanjat se fait connaître principalement pour ses scènes
orientalistes. En 1886, il se rend pour la première fois à Alger avant
d’effectuer plusieurs autres séjours dans les pays du Maghreb. Il y peint des
paysages désertiques, des scènes de la vie quotidienne ainsi que des portraits
de locaux. En 1896, il revient toutefois s’établir définitivement en Suisse,
renonçant aux sujets orientaux qui ne trouvent pas grâce aux yeux du public qui
leur préfèrent les vues alpines. Comme nombre de ses contemporains, il se
consacre alors à l’exécution de paysages suisses.

 * [ 89 ]
 * Alice Bailly (1872-1938)
 * Bouquet (Vase de Fleurs) 1913
 * Huile sur toile

 * Signé en bas à gauche : Alice Bailly 
   
   Inscrit au revers : Au Concours .C.R./galerie Pisko/Vienn…

 * 53 × 64 cm

Issue d’un milieu modeste, Alice Bailly suit les cours de dessins de l'École des
demoiselles attenante à l'École des Beaux-Arts de Genève qui est alors interdite
aux femmes. Elle expose pour la première fois en 1900. Après plusieurs séjours
en Valais entre 1902 et 1904, elle quitte la Suisse deux ans plus tard pour
s'installer à Paris. En 1911, elle rencontre André Lhote et Raoul Dufy et
élargit son cercle d’amis à d’autres artistes comme Juan Gris et Albert Gleizes,
tous liés étroitement au cubisme. Sa peinture évolue donc tout naturellement
vers cette tendance, ce qui lui vaut d’être classée parmi les orphistes par
Guillaume Apollinaire. Proche des mouvements d'avant-garde du début du XXe
siècle, elle contribue à leur rayonnement en Suisse romande. L’artiste exécute
cette toile l’année précédant son retour en Suisse. Ce bouquet, dont les fleurs
apparaissent déstructurées, est teinté d’orphisme, rappelant les œuvres de
Robert Delaunay et Sonia Delaunay. Peinture éminemment colorée, elle est
constituée florilège de formes argentées et de couleurs harmonieusement agencées
que l’on voit à peine apparaître sur le fond architecturé. S’il est peu aisé de
distinguer les différentes sortes de fleurs représentées, l’ensemble de formes
colorées crée une harmonie, ce à quoi semble essentiellement viser l’artiste.

 * [ 91 ]
 * Jean-Louis Gampert (1884-1942)
 * Nature Morte avec coquillage 1928
 * Huile sur toile

 * Signé en haut à droite : JL Gampert
   
   Daté au revers : 1928
   
   Signé et titré sur le châssis : Nature Morte J.L. Gampert

 * 46 × 38 cm

La composition de cette nature morte démontre clairement le grand intérêt de
Gampert pour les arts décoratifs. Savamment juxtaposés, les différents objets
choisis sont mis en résonnance en fonction de leur impact visuel. L’artiste, qui
réalise aussi de nombreux cartons de tapisseries et des papiers-peints pour la
maison Grandchamp, aime intégrer à ses ensembles des étoffes aux riches motifs
qui lui permettent de s’exercer aux arts décoratifs. Après avoir connu une
courte période cubiste, poussé par son ami le français Roger de La Fresnaye,
Gampert revient rapidement à un style plus classique. Peintre, dessinateur,
graveur et illustrateur, il réalise aussi bien des costumes et des décors de
théâtre sous l’impulsion de Maurice Denis que des fresques, comme celles de
l’abside de l’église de Corsier (GE), entre 1923 et 1924.

 * [ 94 ]
 * Marguerite Vallet-Gillard (1888-1918)
 * Concert valaisan vers 1915
 * Huile sur toile

 * Signé et daté en bas à droite : Marg. Gilliard

 * 130 × 180 cm

Liée à l’imagerie paysanne valaisanne, l’œuvre ne s’attache pas à la
représentation d’une scène de labeur ni de prière comme c’est souvent le cas,
mais offre un moment récréatif choral qui prend place dans un chalet au coin du
feu, seule source lumineuse de la composition. Pour cette raison, la palette est
volontairement sombre, à l’exception des visages orangés que viennent éclairer
les flammes du foyer. L’intimité de la scène est évoquée par les quelques
figures peintes de dos au premier plan, de même que l’ensemble de femmes assises
sur la gauche, qui forment un cercle avec les trois chanteurs et referment le
groupe. Née à Genève en 1888 à Genève, Marguerite est la fille du peintre Eugène
Gilliard, professeur à l’École des beaux-arts. Toute jeune déjà, elle évolue
donc dans les milieux artistiques. Formée auprès de son père et d’Édouard Ravel,
puis à Paris chez le portraitiste Jacques-Émile Blanche, elle expose au Salon
d’Automne à seize ans déjà et en devient sociétaire. À Savièse, elle fait la
connaissance, en 1909, d’Édouard Vallet qu’elle épouse deux ans plus tard. Sa
disparition prématurée à l’âge de 30 ans met hélas un terme à une carrière
pourtant prometteuse.